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Assassinat de Charlie Kirk : des hommages sous haute surveillance

En Arizona, les conservateurs se rassemblent pour rendre hommage à Charlie Kirk, devenu martyr selon les mots du président américain. Un dispositif de sécurité intense est prévu pour l'évènement qui s'annonce à la fois comme un moment d’hommage et de communion religieuse et politique.

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Alain Passard : "On ne peut plus faire de la cuisine sans y intégrer la notion de respect de la nature"

Depuis des années déjà, nombre de chefs privilégient les produits de saison, les circuits courts et les fournisseurs adeptes d'une agriculture raisonnée pour limiter leur impact sur la nature, qui leur fournit les matières premières au fondement même de leur activité. Certains bannissent la viande rouge jugée trop polluante, et certains vont encore beaucoup plus loin comme le chef Alain Passard, triplement étoilé depuis plus de trois décennies pour son restaurant l'Arpège de la rue de Varenne à Paris, où la carte est désormais à 99% végétale. Il nous explique sa démarche dans "Au cœur de l’info".

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PURL weapons program is showing success, expanding in October – Zelenskyy

Ukrainian President Volodymyr Zelenskyy

The new NATO-backed Prioritized Ukraine Requirements List (PURL) program is already delivering results, Ukrainian President Volodymyr Zelenskyy said in his evening address. 

The program allows Ukraine to acquire American weapons and equipment, with costs collectively covered by NATO allies. This approach speeds up deliveries and shares the financial burden among partner countries.

PURL currently covers missiles for Patriot and HIMARS systems, as well as other advanced arms. Zelenskyy said the program will be further expanded in October.

Media reported on Thursday that the first shipment of weapons acquired through PURL had already arrived in Ukraine.

Ukrainian arms exports: first steps

Zelenskyy also outlined initial proposals for controlled exports of Ukrainian weapons, including naval drones. The goal is to provide allies with technology Ukraine has successfully used to defend its own waters.

He said the exports would help strengthen maritime security in the Black Sea and create opportunities for long-term defense contracts.

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Nepal to Investigate Killings and Arson in Student Protests

It is a first effort by the country’s new government to understand the sequence of violent events that led to the abrupt downfall of the old one.

© Atul Loke for The New York Times

Workers cleaning government buildings in Kathmandu, Nepal, that were burned this month.
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‘We Are All Charlie’: Thousands Stood in Line for Hours in Hopes of Paying Tribute

Many endured stifling heat outside the stadium in Glendale, Ariz. Some who were turned away headed to a nearby arena, while others went home.

© Ash Ponders for The New York Times

Would-be attendees arrived at State Farm Stadium in Glendale, Ariz., early on Sunday morning for the memorial service to honor Charlie Kirk.
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Reconnaissance d'un État palestinien : dix pays passent le cap

Après le Canada, le Royaume-Uni et l'Australie dimanche, la France, la Belgique, le Luxembourg, le Portugal, Malte, Saint-Marin et Andorre vont reconnaître l'État palestinien. Une reconnaissance unilatérale selon Benyamin Nétanyahou, qui promet des mesures de rétorsion contre l'État français.

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Zelensky announces meeting with Trump next week

As part of the UN General Assembly high-level week, Ukraine's delegation has scheduled nearly 20 meetings with leaders from around the world, including a meeting with U.S. President Donald Trump.

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Reconnaissance de l’État palestinien : "C’est le pire cauchemar du Hamas", affirme Alain Finkielkraut

Dimanche 21 septembre, Alain Finkielkraut, philosophe et membre de l’Académie française, était l’invité d’"Autrement dit" sur franceinfo. Alors qu’Emmanuel Macron reconnaîtra l’État palestinien lundi, il s’est dit favorable à cette décision, en reprenant les mots d’Ami Ayalon, ancien chef du service de renseignement intérieur israélien, qui a déclaré que le Hamas redoutait cette reconnaissance plus que tout.

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Un illustre oublié de l’histoire régionale

Il arrive parfois qu’un nom gravé sur une plaque de rue cache une histoire extraordinaire. C’est le cas de Séraphin Morissette, dont une voie de Rimouski perpétue la mémoire, sans que la plupart des citoyens connaissent véritablement l’homme derrière ce patronyme.

Né à Saint-Donat-de-Rimouski en 1893, Séraphin Morissette incarne l’esprit d’entreprise et l’engagement social de sa génération. Diplômé de l’Académie commerciale de Mont-Joli en 1911, il n’a que 20 ans lorsqu’il s’installe à Rimouski en 1914 pour travailler dans le domaine des assurances. Il ne se doutait pas qu’il deviendrait, quelques semaines plus tard, le témoin privilégié de la plus grande tragédie maritime de l’histoire canadienne.

Le théâtre de la désolation

Le 29 mai 1914, l’Empress of Ireland sombre au large de Sainte-Luce, emportant avec lui plus de 1000 vies. Fraîchement arrivé à Rimouski, Séraphin observe les conséquences du drame sur sa ville d’adoption.

Selon le jeune homme, la paisible municipalité, qui comptait à l’époque quelque 3200 habitants, s’est transformée en un théâtre de désolation. Ses écrits nous livrent un témoignage saisissant. « La ville était remplie de rescapés. Il y en avait dans toutes les maisons ou presque et les hôtels en regorgeaient. »

L’Empress of Ireland a été heurté par le charbonnier norvégien Storstad au large de Sainte-Luce. Le navire a coulé en seulement 14 minutes. (Photo courtoisie Musée national suisse)

Mais, c’est au quai de Rimouski que Séraphin voit l’horreur dans sa forme la plus pure. Sa description du hangar où s’entassaient les corps des victimes est poignante. Devant lui gisent une soixantaine de cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants, plus ou moins recouverts de laizes de coton jaune. « Ces images se sont photographiées dans mon esprit pour ne plus jamais le quitter », écrit-il.

Homme aux multiples talents

Au-delà de ce témoignage historique exceptionnel, Séraphin Morissette était un homme aux multiples talents.

Agent d’assurance devenu gérant de la Compagnie de transport du Bas-Saint-Laurent, propriété de l’homme d’affaires Jules-A. Brillant, il était aussi journaliste sous le pseudonyme d’Oncle Pierre, auteur de sketches radiophoniques à la station CJBR de Rimouski et acteur. 

Autodidacte passionné, il s’investissait dans de nombreuses causes sociales, présidant tour à tour le Club Richelieu-Rimouski, la Société Saint-Jean-Baptiste et le Comité de Rimouski de l’Institut national canadien pour les aveugles.

Les souvenirs de sa petite-fille

Rencontrée par Le Soir, sa petite-fille, Michèle Gagnon, garde de son grand-père maternel le souvenir d’un intellectuel curieux, sarcastique et ironique, qui tenait même une liste des personnes qu’il avait rencontrées dans sa vie. Un détail qui en dit long sur l’illustre personnage, « avantageusement connu à Rimouski », notamment pour son érudition et pour son succès en carrière.

Décédé en 1954 à l’âge de 59 ans, Séraphin Morissette a eu droit à des funérailles dignes de son statut : cinq voitures de fleurs accompagnaient sa dépouille.

Aujourd’hui, seule une rue de Rimouski perpétue son souvenir. Mais, ses écrits et son témoignage sur la tragédie de l’Empress of Ireland, que sa petite-fille Michèle conserve jalousement, demeurent des documents historiques d’une valeur inestimable.

Ainsi, la mémoire de Séraphin Morissette nous rappelle que derrière chaque époque se cachent des témoins dont les mots traversent les générations pour exprimer l’indicible.

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Russian forces trying to infiltrate Kupiansk disguised as civilians – military officials

Russia levels strategic Ukrainian rail hub near Kharkiv as Putin pushes "buffer zone" plan

Ukrainian military officials say Russian forces are attempting to infiltrate Kupiansk while disguised as civilians.

Kupiansk in Kharkiv Oblast has become one of the war’s most contested frontline cities in recent months.

Small sabotage and reconnaissance teams, usually two to five soldiers, move through the city trying to avoid detection, according to Viktor Trehubov, spokesperson for the operational-strategic formation “Dnipro,” RFE/RL reports.

“They attempt to use their numbers to slip through Ukrainian positions and later occupy buildings,” Trehubov said.

Ukrainian forces reportedly destroy Russian units before they can reach residential areas, to prevent them from establishing a foothold in the city.

Trehubov added that Russian troops continue to strike Kupiansk with artillery, drones, and other weapons.

Kupiansk has seen repeated attacks in recent months. Russian forces regularly target the city’s infrastructure and military positions. Ukrainian authorities say civilians remain under constant threat from shelling and infiltration attempts.

Russian forces have been conducting a year-long assault to capture the city, which serves as a critical logistics center and potential launching point for further attacks toward Kharkiv. 

The city now lies 90% destroyed with fewer than 1,700 civilians remaining from its original population, as Russian forces strike it daily with glide bombs, artillery, and drones.

The ISW warns that Russian advances near Kupiansk may soon threaten the city’s main supply route, as Moscow pursues a strategy of gradual encirclement rather than frontal assault.

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La Banque Nationale a financé plus d’énergies renouvelables que de combustibles fossiles

La Banque Nationale est la seule grande banque canadienne à avoir consacré en 2024 plus de financement aux énergies renouvelables qu’aux combustibles fossiles, selon un rapport du cabinet BloombergNEF.

  • Les cinq autres grandes banques canadiennes ont toutes investi davantage dans le pétrole, le gaz et le charbon que dans l’éolien ou le solaire.

Globalement, les six grandes banques ont cependant accru la part de leurs investissements dans les projets à faible émission.

[L'article La Banque Nationale a financé plus d’énergies renouvelables que de combustibles fossiles a d'abord été publié dans InfoBref.]

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UN Security Council to discuss Russia’s violation of Estonian airspace on Monday

The flag of the United Nations.

The UN Security Council will meet on 22 September in response to a Russian airspace violation over Estonia, the Estonian Foreign Ministry said.

Tallinn said three Russian MiG-31 fighter jets entered Estonian airspace on 19 September and remained there for around 12 minutes. NATO said Italian F-35 jets scrambled to respond to the incursion.

It is the first time Estonia has requested an emergency meeting of the Security Council since joining the UN 34 years ago.

“By openly violating Estonian airspace, Russia undermines principles vital to the security of all UN member states,” Estonian Foreign Minister Margus Tsahkna said on X. “When such actions are committed by a permanent member of the Security Council, they must be addressed by that very body.”

Tsahkna called the incursion “a breach of the UN Charter” and “part of a broader pattern of escalation,” noting that 19 Russian drones recently entered Polish airspace while another remained in Romanian airspace for an hour.

Ukraine’s Foreign Minister Andrii Sybiha said that Ukraine has requested a platform to speak at the meeting. 

“We support friendly Estonia in calling for a strong and united response to Russia’s continued destabilization of international peace and security,” Sybiha added.

Estonia has also requested consultations under Article 4 of the NATO Treaty. NATO spokesperson Allison Hart said the North Atlantic Council will meet early next week to discuss the incident.

In response to Russia’s blatant, reckless, and flagrant violation of @NATO airspace over Estonia on Friday—when armed MiG-31 fighter jets intruded into our territory for 12 minutes—the @UN Security Council will convene tomorrow, September 22, to address this breach of territorial… pic.twitter.com/ZOQpO9W7sR

— Estonian MFA 🇪🇪 | 🌻 #StandWithUkraine (@MFAestonia) September 21, 2025
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La bataille de l’IA, et nos effondrements.

A l’invitation de la chaire Unesco RELIA de l’université de Nantes et dans le cadre de la Nantes Digital Week, j’étais ce vendredi 19 Septembre 2025 en bonne compagnie pour une « Scientific Battle » sur le thème suivant : « L’intelligence artificielle va-t-elle nous rendre (encore) plus idiots ? »

 

Voici ce que j’y ai dit, sachant que le format était celui de la contrainte : 3 minutes et basta. Je vous livre donc ces trois minutes mais aussi (et peut-être surtout) des réflexions complémentaires.

Ce que j’ai dit à la Scientific Battle en 3 minutes
(douche comprise)

366 avant JC, Platon dans le Phèdre se demande si l’écriture ne va pas nous rendre idiots et nous faire « perdre la mémoire ». Vingt-trois siècles plus tard, en 2008 Nicolas Carr se demande : « Google va-t-il nous rendre stupides ? » Et aujourd’hui donc on se demande :  « l’IA va-t-elle nous rendre encore plus idiots. » Vous noterez le « encore » qui est bien de circonstance 🙂

Plutôt que de parler d’IA je vais me concentrer sur ce que j’appelle (dans ce magnifique livre) les artefacts génératifs (les outils comme ChatGPT, Midjourney, Le Chat, Claude, Gemini, etc.). Vont-ils nous rendre encore plus idiots ?

D’abord ils nous font faire moins d’effort. Ces technologies allègent à la fois notre coût cognitif (« l’attribution de ressources attentionnelles à une tâche »)  et notre bagage cognitif (ce que cela mobilise comme connaissances).

From « ChatGPT » to « CouchGPT »

Ensuite ils démobilisent notre attention. On devient plus crédule. Ces technologies abaissent notre seuil de vigilance. L’idée (comme les notifications) c’est d’installer des arcs-réflexe, des routines, qui, à force, nous évitent non pas « de penser » ou « de réfléchir » mais de se souvenir qu’il faut penser ou qu’il faut réfléchir, par exemple à ce que ces artefacts génératifs nous disent, à pourquoi ils nous le disent et à comment ils nous le disent. D’autant qu’on a documenté ce que des chercheurs (Jacob, Kerrigan, Bastos 2025) appellent le « chat-chamber effect », le fait que nous « fassions confiance aux hallucinations de l’IA » dès lors que les informations / hallucinations vont dans le sens de nos croyances ou de notre questionnement, même si ces informations sont  incorrectes, non contrôlées et non vérifiées. Le titre complet de leur article c’est : « L’effet ‘Chat-Chamber’ : faire confiance aux hallucinations de l’IA« .

Et puis ces artefacts génératifs nous rendent moins exigeant. Ces technologies abaissent aussi notre seuil d’exigence parce qu’elles jouent sur un biais de disponibilité exacerbé qui se double d’une dimension de biais d’opacité (l’information est disponible, certes, mais difficile de savoir d’où elle a été tirée). Le biais de disponibilité c’est « se baser uniquement ou principalement sur les informations immédiatement disponibles en mémoire. » Et là on doit se demander : mais dans la mémoire de qui ? ChatGPT c’est la mémoire de … qui ? Des auteurs, photographes et des créateurs dont les oeuvres sont pillées (Anthropic a récemment promis un chèque d’1,5 milliards de dollars à un collectif d’auteurs pour éviter un procès) ? D’artefacts génératifs précédents dont les productions sont à leur tour mises en mémoire ? Avec déjà des formes de consanguinité « générative » qui sont accablantes comme ces images jaunies à force d’être copiées sur style Ghibli ou de manière générale des mécanismes d’effondrement de modèles autophages ?

Alors en effet quand on fait moins d’efforts (intellectuels), quand on fait moins attention, et quand on est moins exigeant intellectuellement, il est possible que l »on soit un peu plus idiot qu’avant.

Il y a une citation de Philippe Meirieu qui me semble très bien résumer tout cela : « l’IA comble le désir de savoir mais tue le désir d’apprendre. »

Pourtant au commencement, les idiots c’était pas nous ; les idiots c’étaient clairement ces IA et ces artefacts génératifs. Et vas-y que ça te proposait des recettes d’omelettes avec des oeufs de mouton, et vas-y que ça t’expliquait pourquoi « Jean-Paul Sartre avait écrit Le Petit Bonhomme en mousse », et vas-y que, de manière bien plus préoccupante, ça t’indiquait que « oui on a des doutes sur l’existence de la Shoah ».

Et puis on s’est mis à leur parler beaucoup et on a oublié ce que disait Audiard : « J’parle pas aux cons ça les instruit. » Maintenant on a une question à se poser : on fait quoi collectivement de ces artefacts génératifs très très cons que nous avons contribué à instruire (mais très incomplètement et très imparfaitement) ? On en fait quoi alors même qu’ils n’ont jamais eu et qu’ils n’auront jamais … aucun désir d’apprendre ? Pour le savoir on peut bien sûr poser la question à ChatGPT ; ou alors on peut aussi commencer par relire le Phèdre de Platon.

Moralité ? Je ne suis pas certain que ça nous rende tous encore plus idiots, mais je suis presque totalement convaincu que ça ne pas nous rendre collectivement plus intelligents.

Ce que je n’ai pas dit à la Scientific Battle.
(parce que ça ne tenait pas en 3 minutes)

L’IA c’est vaste, ça permet en médecine de sauver des vies et de détecter des cancers précocement, de concevoir de nouvelles molécules et de faire du design de protéines, mais ça permet aussi de faire du ciblage marketing émotionnel pour vous afficher des pubs juste au moment où vous êtes le plus « disponible », et puis ça fait vos devoirs à votre place et puis dès que vous avez une idée totalement crétine ou criminelle (genre transformer Gaza en Riviera), bah ça l’illustre et lui donne vie directement, ça imprègne, ça imprime, ça impressionne.

Je ne crois pas que les technologies (quelles qu’elles soient) nous rendent idiots. Par contre elles changent, modifient, transforment notre rapport au monde. La voiture, le train, l’avion ont moins modifié notre rapport à la vitesse et au déplacement individuel que notre rapport collectif à la géographie du monde. L’imprimerie a moins modifié notre rapport individuel à la lecture que notre rapport collectif aux structures sociales du pouvoir et de la contestation du pouvoir ; elle a transformé les anciens régimes de vérité et en a inauguré de nouveaux. Les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et maintenant l’IA ont moins modifié notre rapport individuel à la question de l’accès à l’information et aux connaissances que notre rapport collectif à celles et ceux qui étaient jusque-là garants de la production d’informations vérifiées et de connaissances procédant par accumulation et respect de procédures scientifiques.

La question n’est donc pas tant de savoir ce que ces technologies nous font mais ce qu’elles font au monde et, surtout, ce que nous ferons et serons encore capables de faire dans le monde qu’elles façonnent.

Le grand paradoxe de ces technologies d’intelligence artificielle, via leurs artefacts génératifs, c’est qu’elles ne nous fatiguent pas (cf leur coût cognitif quasi nul) mais qu’elles produisent des formes d’épuisement de la langue et du réel. Ces générations artificielles n’ajoutent pas à nos imaginaires, à nos possibles, elles leur enlèvent, elles leurs ôtent quelque chose par les instanciations systématiques et à coût nul de chaque réponse, de chaque possible, de chaque probable. Pour paraphraser le titre de l’ouvrage d’un philosophe célèbre, elles nous placent dans un monde qui n’est vu que comme représentations et plus comme volonté. Ce sont des technologies du retrait, de la mise en retrait. Alors bien sûr il y a des exceptions : le domaine médical et celui de la recherche fondamentale dans le domaine de la biologie, de la physique, et quelques autres encore. Mais dans ces domaines ces technologies sont exactement à leur place, c’est à dire que nous leur commandons de faire à notre place sur la base d’instructions et de méthodologies claires : leur capacité de calcul est mobilisée dans les lignes et contraintes que nous définissons, elles sont assignées. Alors que dans la sphère médiatique informationnelle de leur propagation, elles définissent un agenda d’assujettissement qui répond aux commandes des infrastructures de pouvoir qui les hébergent et les commandent.

Ce qu’il nous faut craindre, ce sont les alignements de tous nos effondrements. Effondrements de la parole journalistique, de l’espace médiatique, du lien social, de l’exercice politique du pouvoir. Mais aussi leurs pourrissements volontaires par les affrontements culturels autour de cette internationale capitaliste réactionnaire et néo-fasciste. Et au milieu donc les effondrements des IA et des artefacts génératifs. Or nous entrons dans une époque où tous ces pourrissements volontaires et où tous ces effondrements documentés s’alignent et font cadre. Ils deviennent un déterminisme qui nous conduit vers un abîme ; un abîme que nous regardons avec la lucidité que nous apportent celles et ceux qui le documentent sur le plan politique, historique, journalistique (les derniers numéros Fascisme 2.0 et Guerres de la revue AOC en sont une remarquable synthèse) mais pour lequel il semble que l’inertie soit désormais trop grande pour pouvoir l’éviter.

Comme l’écrivait Beckett, « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Les grains s’ajoutent aux grains, un à un et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas. » L’impossible est en train d’advenir.

Et au milieu de cet impossible il y a ces chiffres et cette frénésie comptable qui est la nouvelle phrénologie de l’essentialisation capitaliste de nos pulsions et de nos désirs (Stiegler parlait d’une économie libidinale). Ces chiffres en voici quelques-uns qui concernent ChatGPT : « 700 millions d’usagers, qui lui adressent chaque jour 2,6 milliards de requêtes. » (Google c’est plus de 13 à 16 milliards par jour).

Et cette question supplémentaire : que sont devenus les gens à qui nous ne posons plus ces questions parce que nous les posons à Google ou à ChatGPT ? Et quelles auraient été leurs réponses ? Que serions-nous devenus dans ces échanges, ces réponses ou ces absences de réponses immédiates ? Que seraient devenues nos singulières errances d’ignorance, vers quel destin ou quels ailleurs nous auraient-elles conduites ? Et quelles réponses collectives leurs auraient alors été apportées ? De cela nous n’en saurons jamais rien. Il ne nous reste alors que le frémissement d’une inquiétude, clinique, la même que celle qui traversait Apostolos Gerasoulis (le papa du moteur de recherche Ask Jeeves) lorsqu’il s’interrogeait en regardant défiler les dix millions de requêtes quotidiennes d’Ask Jeeves : « Je me dis parfois que je peux sentir les sentiments du monde, ce qui peut aussi être un fardeau. Qu’arrivera-t-il si nous répondons mal à des requêtes comme ‘amour’ ou ‘ouragan’ ? »

Il n’est qu’une seule manière d’apaiser cette inquiétude, c’est d’avoir la certitude que Sam Altman (dirigeant d’OpenAI), Daniela Amodei et Dario Amodei (fondateurs et dirigeants d’Anthropic), Arthur Mensch, Guillaume Lample et Timothée Lacroix (fondateurs et dirigeants de Mistral AI) et quelques autres se posent et se poseront tous les jours cette même question et qu’elle guide et guidera chacune de leurs décisions. Et comme c’est une certitude que nous n’aurons jamais, notre seul impératif est de la leur poser sans cesse, sans trêve et sans relâche.

 

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