Jean-François Fortin baigne dans la politique depuis fort longtemps. Ex-dĂ©putĂ© fĂ©dĂ©ral et enseignant dans ce domaine au CĂ©gep de Rimouski, le maire de Sainte-Flavie sait tout ce quâimplique de se lancer en politique active.
«âIl y a une rĂ©alitĂ© qui existe Ă lâeffet que les candidats potentiels doivent considĂ©rer sĂ©rieusement sâils sont prĂȘts Ă se lancer dans une aventure qui implique une trĂšs grosse charge de travail. Ăa peut paraĂźtre attrayant de vouloir changer les choses dans sa ville, mais il y a une complexitĂ© accrue et beaucoup plus de tĂąches qui incombent au milieu municipal. On pense autant Ă la rĂšglementation quâaux finances », explique monsieur Fortin.
Il mentionne aussi les attentes des citoyens.
«âLes gens croient parfois que les municipalitĂ©s ont tous les leviers pour faire bouger les choses alors que ce nâest pas le cas. Les villes ont des obligations Ă remplir et certaines choses ne sont tout simplement pas de notre ressort. Le meilleur exemple qui me vient en tĂȘte est la gestion des routes. Si les petites rues sont sous notre responsabilitĂ©, les grandes artĂšres comme la route 132 sont dans la cour du gouvernement provincial. »
Rémunération à revoir
Pour Jean-François Fortin, lâampleur de la tĂąche dâun Ă©lu municipal nâest souvent pas Ă la hauteur du salaire qui lâaccompagne.
«âPour les petites et moyennes villes, la compensation financiĂšre nâĂ©quivaut pas du tout la charge de travail qui augmente sans cesse. Ce nâest donc pas trĂšs attrayant pour un futur candidat, surtout pour quelquâun qui occupe dĂ©jĂ un emploi. La politique municipale implique que lâĂ©lu devra souvent faire des heures pratiquement bĂ©nĂ©voles Ă la municipalitĂ© et ainsi sacrifier des heures rĂ©munĂ©rĂ©es Ă son autre emploi. »
La politique municipale implique ainsi une grande disponibilitĂ© qui nâest pas facilement conciliable avec la vie de famille.
«âEt lâexposition des Ă©lus Ă la critique, parfois virulente, nâest pas Ă nĂ©gliger non plus. Il y a des gens qui ne sont pas Ă lâaise avec les critiques parce que celles-ci deviennent parfois des attaques. Et souvent, des personnes vont sâen prendre Ă un Ă©lu sans avoir toute lâinformation pertinente sur un dossier ou un enjeu prĂ©cisâ», poursuit le maire de Sainte-Flavie.
Changer les choses
Sur une note plus positive, monsieur Fortin croit que le milieu municipal offre beaucoup plus de leviers pour changer des choses qui touchent les citoyens dans leur quotidien et qui sont visibles sur le terrain. Contrairement aux niveaux plus élevés.
« On aimerait voir plus de jeunes, plus de femmes, mais il faut mieux les renseigner sur ce qui les attend. Ăa peut ĂȘtre trĂšs valorisant dâapporter quelque chose de positif Ă sa municipalitĂ©, mais il faut ĂȘtre capable dâaller chercher cette valorisation ailleurs que sur les rĂ©seaux sociaux. »
Ălus exceptionnels ou manque de relĂšveâ?
Le peu dâintĂ©rĂȘt pour les postes dâĂ©lus municipaux est-il une tendance gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă lâaube des Ă©lections du 2 novembre prochainâ? Le Soir a posĂ© la question Ă quelques spĂ©cialistes en la matiĂšre.
Alors quâon ne se rue pas aux portes Ă un mois de lâouverture des mises en candidature, il y a lieu de se demander dans combien de grandes municipalitĂ©s de lâEst-du-QuĂ©bec que les citoyens assisteront Ă des couronnements sans opposition.
«âĂa peut ĂȘtre un message clair que les maires ou mairesses en place sont apprĂ©ciĂ©s et quâon ne souhaite pas de grand changement. Câest quelque chose quâon voit souvent aprĂšs quelques mandatsâ», indique le prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration quĂ©bĂ©coise des municipalitĂ©s, Jacques Demers.
Des freins Ă se lancer
Dâun autre cĂŽtĂ©, monsieur Demers observe que les gens sont de plus en plus revendicateurs.
« Lorsquâon regarde les mĂ©dias sociaux, on va souvent avoir des opinions bien arrĂȘtĂ©es avec un seul cĂŽtĂ© de la mĂ©daille. Câest la rĂ©sultante du manque de journalistes en rĂ©gion, qui mettraient les choses davantage en perspective.â»
Les salaires anémiques sont aussi un frein, selon lui.
Jacques Demers en est à son deuxiÚme mandat en tant que président de la Fédération québécoise des municipalités.
(Photo Facebook)
«âIl faut quâils soient Ă la hauteur des tĂąches qui sont rattachĂ©es au rĂŽle des Ă©lus. Ăa donnerait une chance Ă tout le monde, autant en augmentant les salaires des Ă©lus actuels et de motiver dâautres personnes Ă se lancer.â»
Dâailleurs, plusieurs Ă©lus sont des gens Ă la retraite qui nâont pas nĂ©cessairement un autre emploi Ă temps plein pour mettre du pain et du beurre sur la table.
«âTout passe par le dialogue. Souvent les gens ignorent la quantitĂ© de travail qui a Ă©tĂ© investie avant dâen venir Ă une dĂ©cision. Il y a aussi beaucoup dâimpĂ©ratifs Ă respecter.â»