❌

Vue lecture

DĂ©rive sociale : un point de non-retour?

Traverser le Rubicon, c’est une expression qu’on hĂ©rite de la chute de la Rome antique; c’est franchir le point de non-retour. En foulant la berge sud, CĂ©sar provoque une guerre civile qui sonne la mort de la RĂ©publique. Au QuĂ©bec, ça fait un moment que la montĂ©e du nationalisme identitaire empeste l’air. DĂ©jĂ  avant l’élection de la CAQ, la Meute paradait avec protection policiĂšre, et une priĂšre tournait Ă  la tragĂ©die dans la grande mosquĂ©e de QuĂ©bec. On a dĂ©jĂ  les pieds dans l’eau. Comme pour tourner le fer dans la plaie, une maison d’édition (financĂ©e par la SODEC et le Gouvernement du Canada) publie un livre Ă©crit par le pĂšre du tireur visant essentiellement Ă  peindre son fils comme une victime poussĂ©e Ă  l’acte par l’intimidation1. Heureusement, ça n’arrivera plus; la Meute s’est dissoute, satisfaite de la victoire caquiste. D’ailleurs, la Cour supĂ©rieure a tranchĂ© : le terroriste pourra sortir de prison plus tĂŽt que prĂ©vu2.

Quand nous traversons la riviĂšre, chaque pas nous rapproche de la berge sud. Pour un temps, on a l’eau aux chevilles, mais on peut reculer. Quand est-ce qu’il devient trop tard? À quel moment dĂ©clarons-nous que nos dirigeants sont autoritaires et que le fascisme n’est plus un risque Ă  Ă©viter, mais une rĂ©alitĂ© Ă  combattre?

Intégrer la violence à petites doses

C’est peut-ĂȘtre la distance historique ou les films de guerre sensationnalistes, mais plusieurs semblent avoir une idĂ©e caricaturale de cette dĂ©rive sociale. Il n’y a pas de grand soir. C’est graduellement que les politiques racistes deviennent courantes et que la violence Ă©tatique se normalise. Est-ce que soutenir inconditionnellement des rĂ©gimes gĂ©nocidaires, dont les dirigeants sont recherchĂ©s par la Cour internationale, c’est traverser le Rubicon? Est-ce que la rĂ©pression des personnes qui dĂ©noncent la complicitĂ© de nos gouvernements, c’est le pas de trop? Qu’en est-il des centres de dĂ©tention pour les personnes migrantes ou de l’impunitĂ© des employeurs qui confisquent les papiers de leurs employĂ©es? On a l’eau Ă  la taille, mais d’oĂč on est, la berge nord est encore bien visible, derriĂšre nous.

Les derniĂšres annĂ©es ne sont pas celles qui nous rendent le plus fiers du Canada, ni du QuĂ©bec de qui j’aurais espĂ©rĂ© mieux. Il semble que le plus qu’on puisse espĂ©rer des Ă©lites politiques, c’est de valoriser les personnes selon leur rendement Ă©conomique. Les Anges Gardiens d’hier sont devenus les boucs Ă©missaires pour l’avarice des propriĂ©taires. Il y a quelques annĂ©es, on les fĂ©licitait d’assumer les emplois les plus dangereux, aujourd’hui on leur dit de se contenter des permis de travail fermĂ©s. Dans les deux cas, le message est clair : au Canada, les travailleuses et travailleurs migrants sont jetables. Une prĂ©posĂ©e aux bĂ©nĂ©ficiaires qui a des sĂ©quelles de la COVID, c’est du dommage collatĂ©ral; un agriculteur obligĂ© par un permis de travail fermĂ© Ă  travailler pour un employeur abusif, c’est de la main-d’Ɠuvre saisonniĂšre. Lorsque Tomoya Obokata, rapporteur spĂ©cial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, dit que le Programme des travailleurs Ă©trangers normalise les abus de pouvoir et alimente l’esclavage contemporain3, nos gouvernements ne lĂšvent pas le petit doigt. N’est-ce pas cautionner une violence que de la laisser arriver quand on a le pouvoir de l’arrĂȘter?  Quand est-ce que l’inaction devient complicitĂ©?

J’imagine que la ligne est poreuse. Selon nos affinitĂ©s politiques et nos milieux, nous sommes plus ou moins sensibles aux politiques rĂ©gressives qui cultivent la division entre travailleuses et travailleurs. Il doit quand mĂȘme y avoir des limites, quelle est la vĂŽtre? Quand on restreint le droit de grĂšve?  Quand le ministĂšre des Femmes et de l’ÉgalitĂ© des genres sera aboli du jour au lendemain? Avant de continuer votre journĂ©e, prenez un temps pour y penser et l’écrire quelque part, un post-it devrait faire l’affaire. Mettez-le quelque part, Ă  un endroit que vous verrez souvent, sur un miroir ou un frigo. Quand ce point arrivera, s’il n’est pas dĂ©jĂ  passĂ©, souvenez-vous qu’à un moment, il n’y a pas si longtemps, c’était ça, votre limite personnelle. Atteindre la rive sud devient la seule option, l’autre est trop loin. D’ici lĂ , je vous invite Ă  porter une attention particuliĂšre aux personnes les plus vulnĂ©rables autour de vous. J’espĂšre surtout que le post-it ne se fondra pas dans le dĂ©cor, Ă  force de faire partie de votre quotidien.

1. Raymond Bissonnette, Quand il n’y a pas de mots, Éditions JCL, 2025, 216 p.

2. Cour suprĂȘme du Canada, « La cause en bref Â», 2022, https://www.scc-csc.ca/fr/judgments-jugements/cb/2022/39544/

3. Tomoya Obokata, Rapport du Rapporteur spĂ©cial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs consĂ©quences, Nations Unies, 2024, 26 p., https://documents.un.org/doc/undoc/gen/g24/120/98/pdf/g2412098.pdf

  •  

Combattre l’austĂ©ritĂ© un village Ă  la fois  

Ces derniĂšres semaines, nous avons Ă©tĂ© les tĂ©moins privilĂ©giĂ©s des consĂ©quences dramatiques des coupes actuelles sur les soins et services en santĂ© et services sociaux. AprĂšs avoir passĂ© des mois Ă  nous faire rĂ©pĂ©ter machinalement par nos Ă©lus de la CAQ que « les coupes n’auront aucun impact sur les services Ă  la population Â», le chat sort du sac.

Si nous savons que nous vivrons une nouvelle vague de compressions budgĂ©taires, nous ne savons encore que bien peu de choses au sujet des coupes Ă  venir dans notre rĂ©gion. Le plan de retour Ă  l’équilibre budgĂ©taire (PEB), prĂ©sentĂ© Ă  SantĂ© QuĂ©bec par le CISSS du Bas-Saint-Laurent, a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© en silo, loin des regards des partenaires de la rĂ©gion (comitĂ©s des usagers, travailleuses et travailleurs, Ă©lus, municipalitĂ©s, organismes communautaires). En fĂ©vrier dernier, Radio-Canada nous informait d’ailleurs que les administrateurs du CISSSBSL ne savaient rien de ce plan alors qu’il Ă©tait dĂ©jĂ  dĂ©posĂ©1. Qualifier ces travaux d’opaques serait un euphĂ©misme.

Un déficit économique et démocratique

Le dĂ©ficit budgĂ©taire Ă  combler pour l’annĂ©e financiĂšre 2024-2025 serait de 34 millions de dollars. Selon les informations dont nous disposons, mais qui demeurent toutefois Ă  confirmer, le PEB comprendrait toutefois plus de 45 millions de dollars de coupes. La dĂ©marche viserait Ă  identifier les secteurs ou Ă©lĂ©ments qui pourraient ĂȘtre coupĂ©s au niveau rĂ©gional, puis Ă  laisser SantĂ© QuĂ©bec le loisir de prendre les dĂ©cisions finales au sujet des compressions Ă  effectuer.

Ce processus confirme les risques de centralisation extrĂȘme posĂ©s par SantĂ© QuĂ©bec. Comment justifier que ce soient des bureaucrates et des fonctionnaires de QuĂ©bec ou de MontrĂ©al qui dĂ©cident ce qui est le plus urgent Ă  couper dans notre rĂ©gion?

La maniĂšre dont on s’y prend pour redresser le budget de notre rĂ©seau de santĂ© et de services sociaux Ă  l’échelle de la rĂ©gion rĂ©vĂšle Ă©galement un grave manque de transparence. Comment expliquer le manque de consultation des partenaires des milieux concernĂ©s? Comment se fait-il que nous n’ayons toujours pas plus d’information au sujet des mesures comprises dans ce plan alors que l’inquiĂ©tude grandit dans les villes et villages d’un bout Ă  l’autre du Bas-Saint-Laurent? Il est grand temps de remettre les gens de notre rĂ©gion au cƓur de l’élaboration des stratĂ©gies de dĂ©veloppement de notre rĂ©seau public de santĂ© et de services sociaux, pas l’inverse.

Pour l’instant, nous savons que 183 postes sont abolis chez des personnes salariĂ©es. Les informations entrent au compte-gouttes tandis que de nombreux services Ă  la population sont en jeu. Nous avons par exemple rĂ©cemment appris que certains services de l’unitĂ© mobile de dĂ©pistage du cancer du sein, la roulotte SARA (Service Ambulatoire Radiologique Accessible), seraient en pĂ©ril. Mise sur pied en 2007 pour favoriser l’accĂšs Ă  des services de prĂ©vention de proximitĂ© dans les MRC rurales du territoire, l’unitĂ© mobile devrait voir ses services diminuer au TĂ©miscouata et dans La MatapĂ©dia Ă  compter de ce printemps. Une situation aussi absurde qu’inacceptable pour la santĂ© des femmes de notre rĂ©gion.

Une riposte populaire en marche

À la suite de fuites informelles, nous avons appris cet hiver que les urgences de Trois-Pistoles et de PohĂ©nĂ©gamook Ă©taient identifiĂ©es comme potentiels « services Ă  couper Â» dans le PEB prĂ©sentĂ© Ă  SantĂ© QuĂ©bec. Pour l’instant, il demeure impossible de confirmer ces informations comme le CISSS du Bas Saint-Laurent refuse de se prononcer Ă  ce sujet avant d’avoir eu le verdict final de SantĂ© QuĂ©bec.

En attendant que le couperet tombe, les communautĂ©s des Basques et du TĂ©miscouata prennent les choses en main pour Ă©viter le pire. Se sont ainsi enclenchĂ©es des mobilisations populaires massives, qui ont permis de rĂ©unir des centaines de citoyens et de citoyennes dans ces deux communautĂ©s autour d’un discours commun : « Sauvons nos soins et services de proximitĂ© Â». En plein hiver, des mobilisations massives ont eu lieu Ă  Trois-Pistoles comme Ă  PohĂ©nĂ©gamook. Des pĂ©titions circulent, l’heure est Ă  l’action.

Ces mobilisations tĂ©moignent de l’attachement de nos communautĂ©s pour un modĂšle local de dispensation de soins et de services et doivent en inspirer d’autres. Elles appellent Ă  nous unir sur une base rĂ©gionale pour refuser le dessein mortifĂšre auquel SantĂ© QuĂ©bec cherche Ă  nous condamner. Pour bien vivre, travailler, grandir et se faire soigner au Bas-Saint-Laurent, organisons-nous ensemble dĂšs aujourd’hui.

1. Sophie Martin, « Le CA du CISSS ne sait rien du plan de retour Ă  l’équilibre budgĂ©taire Â», Radio-Canada, 25 fĂ©vrier 2025, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2143413/sante-bas-saint-laurent-coupes-deficit

  •  

EN CES TEMPS TROUBLES POUR l’ENVIRONNEMENT

En ces temps troubles qui se profilent, les craintes citoyennes sont palpables. Lesimpacts environnementaux et les rĂ©chauffements climatiques sont toujours les mĂȘmes. Malheureusement les dĂ©nis et les aveuglements le sont aussi, et le dĂ©sengagement du ministĂšre de l’Environnement n’annonce rien de bon, sinon plus de dĂ©gradations des Ă©cosystĂšmes et de la biodiversitĂ©, par plus d’autorisations ou de dĂ©rogations Ă  des pollueurs, plus de permis de dĂ©truire des milieux humides et hydriques vitaux et de dĂ©naturaliser les berges, les battures et les paysages.

On carbure encore au dĂ©veloppement tous azimuts tout le long du fleuve Saint-Laurent, voire de riviĂšres patrimoniales, de MontrĂ©al au lac Saint-Pierre, rĂ©serve mondiale de la biodiversitĂ© que l’on contamine et ensevelit dĂ©finitivement. Pourtant on s’étonne de la disparition des perchaudes, des poulamons, des crevettes, et on accuse les cormorans, les sĂ©bastes, les bars, les phoques. On absout cependant  la folie des hommes et de leur course au dĂ©veloppement dĂ©sormais confondu avec le progrĂšs, une course vers l’anĂ©antissement de la nature, du Fleuve aux grandes eaux et des riviĂšres, tout cela menant, par impacts cumulatifs, au dĂ©clin des ressources aquatiques, de la pĂȘche fluviale jadis nourriciĂšre.

Ce qui s’établit maintenant conditionne ce qui pourrait advenir demain vers l’estuaire. Ces spoliations dĂ©truisent peu Ă  peu les ressources et contaminent les eaux, et feront Ă  terme la dĂ©tresse des pĂȘcheurs. De plus, des terres agricoles fertiles sont plantĂ©es d’éoliennes, de structures de bĂ©ton armĂ©. Il y a eu et y aura encore plus de quais industriels et de zones industrialo-portuaires en bordure du fleuve, voire d’usines au profil environnemental incertain qui n’annoncent rien de bon pour la santĂ© environnementale et la santĂ© des Ă©cosystĂšmes, ni pour une vĂ©ritable Ă©conomie Ă©cologique durable. Cependant, des Ă©lus de MRC ferment les yeux, se droguent d’illusions de dĂ©veloppement Ă©conomique, jouent le jeu des dĂ©veloppeurs, prĂ©tendent que la surveillance des impacts environnementaux relĂšve du ministĂšre de l’Environnement, qu’ils peuvent taire, voire cacher l’ampleur des impacts cumulatifs d’un ensemble de projets entĂ©rinĂ©s Ă  la piĂšce mais qui contribuent Ă  terme Ă  des dĂ©sastres Ă©cologiques et Ă©cosystĂ©miques et Ă  une dĂ©tĂ©rioration de la santĂ© de l’environnement et Ă©ventuellement de la santĂ© de la population. Pourtant, il n’y a pas d’économie prospĂšre sans Ă©cologie en santĂ©  ni population en santĂ©!

Cela Ă©tant, la conscience citoyenne est indĂ©niablement muselĂ©e, manipulĂ©e, voire Ă©vacuĂ©e. Cependant, un dĂ©fi dĂ©mocratique Ă©merge et se dĂ©ploie contre ce qui hypothĂšque la qualitĂ© de vie et la prospĂ©ritĂ© d’une sociĂ©tĂ© distincte
 Si la course au dĂ©veloppement est bien utile pour soigner l’ego de quelques-uns, elle Ă©vacue le devoir de mener des Ă©valuations environnementales et mĂąte la conscience citoyenne. Ces Ă©valuations environnementales seraient pourtant aussi indispensables que contributrices Ă  la dĂ©finition et Ă  la rĂ©alisation de projets Ă  succĂšs bĂ©nĂ©fiques pour la sociĂ©tĂ©.  Ainsi, on obvie les critĂšres de la beautĂ© de l’amĂ©nagement territorial, qui ne peut ĂȘtre sans harmonie et cohĂ©rence, pour plonger dans un brutalisme dĂ©solant.

On est mal barrĂ©, littĂ©ralement. Bien des malheurs sont Ă  craindre Ă  moins que la conscience citoyenne ne donne un coup de barre et oriente les projets industriels et les dĂ©veloppements vers la voie d’une Ă©conomie Ă©cologique, et que cessent la pollution de l’air, de l’eau, des sols, la destruction des Ă©cosystĂšmes et de la biodiversitĂ©, que cesse l’étalement tant urbain qu’industriel sans respect pour la cohĂ©rence de l’amĂ©nagement territorial. Prions pour que le sens de la beautĂ© guide les citoyens d’une sociĂ©tĂ© qui se voudrait remarquable, et que le temps des dĂ©vastations soit rĂ©volu!

  •  

Caribous montagnards« On aime ce qu’on connaĂźt et on protĂšge ce qu’on aime. Â»

La trentaine de caribous montagnards de la GaspĂ©sie est le vestige de l’immense harde qui peuplait tout le nord-est de l’AmĂ©rique avant l’arrivĂ©e des Blancs. Dernier troupeau au sud du Saint-Laurent, il a subi une baisse de 80 % de ses effectifs en 15 ans et porte le triste titre d’espĂšce en voie de disparition. Comme Nature QuĂ©bec l’énonce sur son site Internet, les causes de ce problĂšme sont bien connues : dĂ©gradation de l’habitat causĂ©e principalement par les coupes forestiĂšres et augmentation de la prĂ©dation qui en dĂ©coule1. Entrevue avec Alice-Anne Simard, directrice gĂ©nĂ©rale de l’organisme.

Philippe Garon â€“ Ça fait longtemps qu’on est au courant de la situation. Comment expliquer qu’on a tant pelletĂ© par en avant?

Alice-Anne Simard â€“ Dans de telles situations, on oppose souvent Ă©conomie et protection de l’environnement. Pour le caribou, cet Ă©quilibre-lĂ  n’a jamais Ă©tĂ© atteint ni mĂȘme recherchĂ©. On reste vraiment dans une Ă©conomie d’industrie primaire, donc d’exploitation des ressources, alors qu’il existe un potentiel de dĂ©veloppement dans la rĂ©gion basĂ© plus sur les secteurs secondaire et tertiaire. Comme pour la crise climatique, on connaĂźt les causes de la perte de biodiversitĂ© depuis longtemps. C’est bien documentĂ©, Ă©tudiĂ©, les scientifiques sont unanimes, mais ça prend de la volontĂ© politique pour qu’on ne considĂšre plus le territoire juste comme quelque chose Ă  exploiter et Ă  gruger.

P. G. â€“ Si les solutions sont connues, pourquoi ne sont-elles pas mises en application?

A. A. S. â€“ Il y a une grosse rĂ©sistance de la part de certains Ă©lus et d’acteurs Ă©conomiques dans la MRC. J’insiste sur le mot « certains Â» parce que ce n’est pas tout le monde. Sauf que ceux qui s’opposent Ă  toute forme de protection veulent continuer Ă  faire du dĂ©veloppement basĂ© uniquement sur l’extraction des ressources. LĂ , c’est le caribou qui en subit les consĂ©quences, mais si on croit qu’on peut continuer comme ça Ă  l’infini, non seulement la situation Ă©conomique de la Haute-GaspĂ©sie va empirer, mais d’autres espĂšces vont dĂ©cliner. Les Ă©cosystĂšmes vont s’affaiblir, puis ils seront moins efficaces pour nous rendre des services comme la production de l’eau potable, de l’air qu’on respire, etc. Le gouvernement doit donc Ă©couter l’autre point de vue. Il faut changer de vision et non juste s’opposer au changement.

P. G. â€“ Avez-vous le sentiment que les Ă©lus et les reprĂ©sentants Ă©conomiques sont prĂȘts Ă  faire des concessions?

A. A. S. â€“ Quand tu nĂ©gocies, tu pars avec un extrĂȘme pour essayer d’arriver Ă  un terrain d’entente. C’est une technique que l’on comprend bien. Certains s’opposent Ă  toute forme de protection, voulant mĂȘme qu’on enlĂšve les mesures intĂ©rimaires. Mais il faut qu’ils acceptent de mettre de l’eau dans leur vin. Le gouvernement ne peut pas dire : « On ne protĂšge plus le caribou de la GaspĂ©sie. Â» C’est une obligation lĂ©gale. De toute façon, il doit aussi Ă©couter les citoyens et les nombreuses organisations qui demandent qu’on protĂšge le caribou2. Nous, on ne laissera pas le caribou disparaĂźtre. C’est au gouvernement de faire de l’arbitrage et d’arriver Ă  un compromis. Tous les Ă©lus doivent reconnaĂźtre qu’il faut sortir de l’exploitation primaire, qui n’est pas une voie d’avenir. On ne peut plus refuser d’entrer dans le XXIe siĂšcle. Oui, il va y avoir des impacts, mais des mesures de compensation peuvent ĂȘtre adoptĂ©es dans un esprit de justice sociale.

P. G. â€“ Quelles sont les consĂ©quences de l’extinction de cette espĂšce?

A. A. S. â€“ Le caribou est un animal gĂ©nĂ©tiquement distinct. Il fait partie de notre patrimoine naturel, tel que reconnu par le gouvernement. Dans l’identitĂ© quĂ©bĂ©coise, mais aussi dans celle des communautĂ©s autochtones, il revĂȘt une grande importance. Il est aussi le canari dans la mine, c’est-Ă -dire qu’il agit comme un tĂ©moin de l’état de la forĂȘt. Il a besoin d’une forĂȘt en bonne santĂ©, alors quand il ne va pas bien, ça nous dĂ©montre que la forĂȘt aussi ne va pas bien. On observe d’ailleurs un appauvrissement gĂ©nĂ©ralisĂ© de la forĂȘt. Ça a des impacts fauniques, oui, mais aussi Ă©conomiques. Le caribou est Ă©galement une espĂšce parapluie. Si on en prend soin, d’autres espĂšces vont aller mieux. Dernier point, plus Ă©motif : c’est impossible de mettre un prix sur le fait de sauver une espĂšce, de lui permettre de continuer Ă  vivre dans son habitat naturel. Comme maman, j’aimerais que mes enfants puissent les observer. Je trouverais ça terrible comme biologiste qu’on n’arrive pas Ă  assurer la survie du troupeau. Ce serait une perte inestimable, un immense Ă©chec de l’espĂšce humaine.

P. G. â€“ Qu’est-ce que vous aimeriez dire aux personnes qui s’opposent Ă  la protection du caribou?

A. A. S. â€“ Je les invite Ă  Ă©couter ce que disent la science et toute la population qui se mobilise pour protĂ©ger les caribous. En continuant Ă  tout miser sur le dĂ©veloppement Ă©conomique primaire, on va arriver aux mĂȘmes rĂ©sultats dans quelques annĂ©es; non seulement on va avoir perdu le caribou, mais la rĂ©gion va continuer Ă  se dĂ©vitaliser. Il faut miser sur une transition vers une Ă©conomie d’avenir, innovante, durable.

1. Nature QuĂ©bec, « Une population unique en train de disparaĂźtre Â», 2025 https://naturequebec.org/projets/caribou_gaspesie/?fbclid=IwY2xjawJjdedleHRuA2FlbQIxMAABHq9ET3hVnry6oLssw5UMCo2M459LENUv1TxsvG8mFiWJGuK5jXvmd1kHjJ5R_aem_cF2y_JiTOWNsvZkgiU-ILw

2. Lire la lettre ouverte du 11 avril 2025 : « Une mobilisation rĂ©gionale Ă  la dĂ©fense du caribou et du territoire de la GaspĂ©sie Â», https://www.hautrement.org/une-mobilisation-regionale-a-la-defense-du-caribou/?fbclid=IwY2xjawJqRfdleHRuA2FlbQIxMQABHtS7GPzX32xdwrp3FsOTAkk9KYR1KfYCJHsMe3SDw0HoQNoGtSWarrCLLd4a_aem_yFBBMTAEOPhELyejzJtf7A

  •  

Dossier « Le tsunami numĂ©rique »

Jean-François Vallée, enseignant, cégep de La PocatiÚre

Qu’on le veuille ou non, le numĂ©rique a envahi presque toutes les sphĂšres de nos vies. Le systĂšme d’éducation n’y fait pas exception. C’est pourquoi j’ai pensĂ© que, dans le cadre du cours collĂ©gial Genres et pratiques journalistiques, il serait intĂ©ressant de tĂąter le pouls de nos Ă©tudiants sur la question, eux qui se trouvent au cƓur de ce vĂ©ritable tsunami technologique. Pour les aider Ă  mieux cerner les enjeux de ce dĂ©bat, j’ai d’abord invitĂ© l’ancien journaliste et ex-directeur de Radio-Canada Alain Saulnier Ă  nous prĂ©senter son dernier essai, Tenir tĂȘte aux gĂ©ants du web. Puis, je leur ai demandĂ© de rĂ©agir. Les textes qui en rĂ©sultent Ă©tonnent : nos jeunes se rĂ©vĂšlent plus nuancĂ©s et critiques qu’on pourrait le croire. Qu’on se le tienne pour dit : il reste de l’espoir, puisque notre jeunesse ne se laisse pas embrigader si aveuglĂ©ment qu’on pourrait le craindre.

C’est donc avec fiertĂ© que je partage avec Le Mouton Noir, pour ses 30 ans bien sonnĂ©s, quatre textes des Ă©tudiants du programme Arts, lettres et communication, options MĂ©dias du cĂ©gep de La PocatiĂšre.

Bonne lecture !

Merci Ă  la Fondation du CĂ©gep, Ă  l’Association Ă©tudiante, Ă  la coopĂ©rative scolaire (Coopsco), au DĂ©partement de lettres et communication et Ă  la Formation continue d’avoir rendu possible la publication de ce dossier.

Les rĂ©seaux sociaux : d’option Ă  obligation

Nelly Leblanc

Instagram, Tiktok et Facebook sont des « plateformes de divertissement », selon la dĂ©finition. Leur popularitĂ© auprĂšs des jeunes a pris de l’ampleur au cours des derniĂšres annĂ©es et sont de plus en plus incontournables. Sur le marchĂ© du travail, elles deviennent nĂ©cessaires pour plusieurs entreprises qui n’ont aucun autre moyen de se faire connaĂźtre. Ce phĂ©nomĂšne de nĂ©cessitĂ© numĂ©rique s’observe-t-il dans d’autres milieux? Absolument. La connexion aux rĂ©seaux sociaux est passĂ©e Ă©galement d’optionnelle Ă  primordiale pour
 les Ă©tudiants que nous sommes.

Du point de vue des entreprises, la visibilitĂ© en ligne a commencĂ© comme un simple atout, pour rapidement devenir une maniĂšre indispensable de faire des ventes, de gĂ©nĂ©rer des profits. Parlons simplement des entreprises qui existent uniquement sur le Web, comme la compagnie quĂ©bĂ©coise Hoaka Swimwear. La publicitĂ© de l’entreprise se fait uniquement par l’entremise des rĂ©seaux sociaux Ă  partir de la page de la compagnie, et par les influenceurs avec qui elle fait affaire. Instagram et Facebook ne servent plus seulement Ă  divertir, mais sont devenus le nouveau centre commercial du moment. C’est une bonne option, puisqu’elle ne nĂ©cessite pas la location de locaux de boutiques et Ă©vite bien Ă©videmment les risques de vol Ă  l’étalage. En revanche, dĂ©pendre d’Internet illustre parfaitement l’évolution de sa place dans nos vies de consommateurs. Dans le cas hypothĂ©tique oĂč les plateformes populaires disparaissaient, Hoaka ne pourrait plus se faire connaĂźtre et les profits descendraient prĂšs de zĂ©ro.

Si vous avez Ă©tudiĂ© au cĂ©gep il y a vingt ans, vous seriez complĂštement dĂ©paysĂ©s de voir l’importance qu’ont prise les mĂ©dias sociaux et les changements que ces outils provoquent sur la vie Ă©tudiante. Vous croyez que seuls les Ă©tudiants utilisent ces nouvelles technologies? DĂ©trompez-vous : les profs aussi, et abondamment. Ils prĂ©sentent frĂ©quemment des vidĂ©os sur YouTube qui expliquent et illustrent diffĂ©remment la matiĂšre. De plus, plusieurs programmes d’études recourent aux rĂ©seaux sociaux pour se faire de la publicitĂ©, se donner une visibilité  Quoi de mieux que d’utiliser les applications oĂč tous les jeunes se trouvent? Quant aux responsables de la vie Ă©tudiante des cĂ©geps, ils ont compris qu’il est impĂ©ratif d’exploiter ces plateformes s’ils veulent garder les Ă©tudiants actifs dans la vie collĂ©giale.

Au cĂ©gep de La PocatiĂšre, s’impliquer dans la vie Ă©tudiante signifie ĂȘtre actif sur les rĂ©seaux sociaux. Colnet, la plateforme privĂ©e officielle du cĂ©gep, ne constitue pas une plateforme efficace pour diffuser l’information, les Ă©tudiants n’ont donc pas le choix de se tourner vers les rĂ©seaux sociaux. Quand on leur demande, la grande majoritĂ© avoue ne pas utiliser Colnet, puisqu’il est « difficile Ă  naviguer, ne suit pas la modernitĂ©, n’a pas Ă©voluĂ© avec la technologie » et n’est tout simplement « pas attrayant pour les jeunes1 ». Ces dĂ©fauts limitent la transmission de l’information, vu le faible nombre d’étudiants qui aiment l’utiliser.

Pour ma part, ma source principale est le compte Instagram de l’association Ă©tudiante du cĂ©gep (AGEECLP). Ce compte sert Ă  annoncer les Ă©vĂ©nements Ă  venir, Ă  transmettre les informations importantes liĂ©es Ă  l’environnement, Ă  la vie sociale et culturelle de l’établissement comme aux affaires internes et externes du cĂ©gep. Sans ces publications, la seule technique efficace pour que je reste informĂ©e devient le bouche-Ă -oreille, une source d’information peu fiable. La page Instagram de l’AGEECLP devient alors nĂ©cessaire pour que les Ă©tudiants demeurent informĂ©s des Ă©vĂ©nements prĂ©vus, et pour qu’ils restent branchĂ©s sur la vie collĂ©giale. La facilitĂ© d’accĂšs Ă  l’information constitue un point trĂšs positif des mĂ©dias numĂ©riques, ce qui explique le gain de popularitĂ© des mĂ©dias sociaux, et met aussi en relief les lacunes du systĂšme collĂ©gial et les solutions trouvĂ©es pour y remĂ©dier.

Bref, on peut constater que le but premier des rĂ©seaux sociaux a Ă©voluĂ© avec la demande, autant la demande de visibilitĂ© des entreprises que celle de la vie Ă©tudiante collĂ©giale. Je ne veux pas dĂ©nigrer les plateformes sociales, seulement mettre en Ă©vidence que leur importance a complĂštement basculé  Elles sont carrĂ©ment passĂ©es d’option Ă  obligation aux yeux de leurs utilisateurs.

[1] Selon quatre Ă©lĂšves du cĂ©gep dĂ©sirant garder l’anonymat.

Génération connectée ou isolée?

Antoine Renauld

L’écran est devenu notre miroir. Chaque jour, nous sommes en contact avec lui, parfois distraitement, mais toujours longtemps. Nous sommes la gĂ©nĂ©ration du « scroll », des notifications, du « dopamine hit » causĂ© par l’exposition aux Ă©crans. En 2025, parler de l’impact du numĂ©rique, c’est questionner un mode de vie devenu aussi naturel que le fait de respirer, mais dont on peine Ă  mesurer les consĂ©quences.

J’ai 18 ans. Je suis nĂ© dans le Wi-Fi. J’ai appris Ă  lire sur un iPad. Mes premiers mots de français, Antidote les a corrigĂ©s. Aujourd’hui, mon apprentissage passe par des vidĂ©os TikTok, des tutoriels YouTube et des forums Reddit. Le numĂ©rique m’offre un accĂšs instantanĂ© Ă  une encyclopĂ©die mondiale. Mais Ă  quel prix?

Nous vivons à une époque plus connectée que jamais, mais aussi plus seuls que jamais. Les réseaux sociaux devaient nous rapprocher. Malheureusement, ils ont surtout installé un monde numérique dans lequel chacun joue son propre rÎle, scripté à coups de filtres et de montages. En 2023, une étude de Statistique Canada révélait que plus de 60 % des jeunes de 15 à 24 ans se sentent « souvent » ou « trÚs souvent » isolés, malgré leur présence constante en ligne.

Ce n’est pas seulement une question de solitude, c’est aussi une question d’authenticitĂ©. Comment rester soi quand l’algorithme nous pousse Ă  devenir quelqu’un d’autre? Quand le succĂšs dĂ©pend du nombre de « likes », et non de la qualitĂ© des pensĂ©es?

Le numĂ©rique Ă  l’école

On a cru que les Ă©crans allaient rĂ©volutionner l’école. Et c’est vrai : ils ont rendu les ressources plus accessibles, ont permis des cours Ă  distance et ont facilitĂ© l’apprentissage. Mais dans les faits, leur usage pose aussi de sĂ©rieux problĂšmes.

L’onglet de la classe en ligne cĂŽtoie celui de YouTube, Spotify, Discord. Peut-on rĂ©ellement se concentrer quand tout un monde de distractions se trouve Ă  un clic?

Des chercheurs de l’UniversitĂ© Laval ont dĂ©montrĂ© que la capacitĂ© d’attention moyenne chez les jeunes a chutĂ© de 30 % entre 2012 et 2022, en grande partie Ă  cause du multitĂąche numĂ©rique. Le cerveau humain n’est pas conçu pour gĂ©rer autant de sollicitations Ă  la fois. Le rĂ©sultat? Une gĂ©nĂ©ration informĂ©e, mais dissipĂ©e. ConnectĂ©e, mais isolĂ©e.

L’information en miettes

Autre effet, la maniĂšre dont on consomme l’information. Les mĂ©dias traditionnels peinent Ă  rivaliser avec le sensationnalisme algorithmique. Pourquoi lire un article de fond quand un mĂšme, une story ou un tweet de 280 caractĂšres prĂ©tend tout rĂ©sumer? Le numĂ©rique favorise la rapiditĂ©, mais pas la qualitĂ©.

La dĂ©sinformation prospĂšre dans cet environnement. Qui prend encore le temps de vĂ©rifier une source? De nuancer un propos? Trop souvent, ce sont les Ă©motions qui guident le partage, et non la raison. On parle de « fake news », mais on est souvent confrontĂ© Ă  des vĂ©ritĂ©s dĂ©formĂ©es, rendues virales parce qu’elles confirment ce qu’on veut croire.

Vers une conscience numérique?

Heureusement, tout n’est pas sombre dans ce tableau. Le numĂ©rique peut aussi ĂȘtre un formidable levier de crĂ©ativitĂ© ou d’expression. Des mouvements sociaux sont nĂ©s en ligne. Des voix y trouvent enfin un espace pour se faire entendre. Le dĂ©fi ne se rĂ©duit pas Ă  rejeter la technologie, mais est de mieux l’apprivoiser.

Il nous faut dĂ©velopper une Ă©ducation numĂ©rique, savoir non seulement utiliser les outils, mais comprendre leurs impacts, leurs biais, leurs logiques cachĂ©es. Il faut enseigner aux jeunes Ă  ne pas se contenter du statut de simples consommateurs, et les inviter Ă  devenir des citoyens critiques du numĂ©rique. Une sorte de cours d’éthique 2.0.

L’humain derriĂšre l’écran

Le numĂ©rique a transformĂ© nos vies, nos liens, notre maniĂšre de penser. C’est un couteau Ă  double tranchant! Ce sont les usages que nous en faisons qui comptent. Bref, ces usages doivent ĂȘtre rĂ©flĂ©chis, rĂ©gulĂ©s et Ă©quilibrĂ©s.

Je ne veux pas vivre dans un monde oĂč tout passe par un Ă©cran. Je veux encore voir des visages entendre des voix, sentir des silences. Je veux que l’humain reste au centre, mĂȘme dans le pixel.

Alors, connectons-nous. Mais pas seulement Ă  Internet. Connectons-nous vraiment. Entre nous.

Quand le numérique redéfinit nos vies

 Oriane Rocher

            Avant de commencer la lecture, demandez-vous ce qu’est un « nouveau mĂ©dia ». En quelques mots, il s’agit de toutes ces applications sociales qu’on retrouve sur tous les tĂ©lĂ©phones. Les plus connues sont Facebook, Instagram, Snapchat, X, TikTok, et YouTube. Ces gĂ©ants sont pour la majoritĂ© prĂ©installĂ©s sur les appareils neufs, ce qui rend la reconnexion plus rapide lors d’un changement de tĂ©lĂ©phone.

            Selon le site officiel des Nations Unies, « les progrĂšs du numĂ©rique peuvent favoriser et accĂ©lĂ©rer la rĂ©alisation de chacun des 17 objectifs de dĂ©veloppement durable ». TrĂšs intĂ©ressant, n’est-ce pas? Ce passage constitue l’amorce de leur rapport sur l’impact des technologies numĂ©riques. Je pense que vous serez d’accord avec moi : il est vrai que la technologie d’aujourd’hui permet de rĂ©aliser trĂšs rapidement Ă©normĂ©ment de tĂąches autrefois complexes et facilite l’accĂšs Ă  une multitude d’informations. Malheureusement, les rĂ©seaux sociaux influencent la façon dont les utilisateurs communiquent et ont un impact dĂ©sastreux sur la population, entraĂźnant l’isolement plus frĂ©quent des individus.

Les rĂ©seaux sociaux sont dangereux et une exposition excessive peut ĂȘtre extrĂȘmement nĂ©faste, surtout pour les jeunes. Le fait d’ĂȘtre « caché » derriĂšre son Ă©cran permet Ă  plusieurs internautes de s’exprimer plus librement, mais de maniĂšre nĂ©gative. La haine sur les rĂ©seaux sociaux s’est banalisĂ©e, les commentaires mĂ©chants, voire violents, font de plus en plus partie intĂ©grante de ce dĂ©cor. Par exemple, l’application TikTok utilise un algorithme qui suggĂšre sans cesse d’autres vidĂ©os en fonction des « likes » octroyĂ©s aux vidĂ©os sur lesquelles on reste le plus longtemps et en tenant compte de nos abonnements. Cette application, aussi intĂ©ressante que divertissante, regorge de « rage-baiting », une pratique qui consiste Ă  ajouter des commentaires nĂ©gatifs, blessants, et parfois violents sous la vidĂ©o de quelqu’un, et ce, tout Ă  fait gratuitement. X (anciennement Twitter) en constitue un trĂšs bon exemple. On y retrouve aussi Ă©normĂ©ment de dĂ©sinformation. D’ailleurs, ce problĂšme est encore plus prĂ©sent depuis qu’Elon Musk a fait retirer le programme de vĂ©rification des faits de sa plateforme, qui permettait aux utilisateurs de savoir si la source de l’information Ă©tait vĂ©rifiĂ©e ou non, ce qui engendre un chaos encore plus grand quand on navigue sur cette application.

Autre exemple : pensez Ă  vos grands-parents. Il arrive trĂšs souvent qu’ils relaient de fausses publications agrĂ©mentĂ©es d’un petit message du type « Regarde ce qui se passe en ce moment » ou « C’est dangereux, fais attention ». On les prend comme exemple en excusant leur Ăąge, et le fait qu’ils ne sont pas trĂšs familiers avec la technologie mais, Ă©tonnamment, le problĂšme de dĂ©sinformation frappe de plus en plus les nouvelles gĂ©nĂ©rations, malgrĂ© le fait que la technologie fasse partie de leur vie depuis des annĂ©es. Une telle dĂ©sinformation de plus en plus rĂ©pandue reprĂ©sente un flĂ©au pour notre sociĂ©tĂ©, laissant place Ă  un manque de rĂ©flexion et Ă  une manipulation facile des utilisateurs. NĂ©e avant le boom numĂ©rique, je ne fais pas partie de cette gĂ©nĂ©ration d’« iPad kids » qui, elle, est nĂ©e un tĂ©lĂ©phone Ă  la main. En grandissant, j’ai donc eu la chance de conserver un peu de recul par rapport aux rĂ©seaux sociaux.

Retenons que le numĂ©rique exerce un impact important sur nos vies. D’un point de vue positif, l’ùre du numĂ©rique aura permis, pendant la crise de la Covid-19, de mettre en place le tĂ©lĂ©travail et les cours Ă  distance. Certains ont pu continuer de travailler et les Ă©tudiants ont pu ne pas prendre trop de retard. De plus, le numĂ©rique accroĂźt l’accessibilitĂ© Ă  une vaste gamme de connaissances et a permis des avancĂ©es en mĂ©decine et en recherche. Qui, aujourd’hui, ne supplie pas Google de lui dire quelle maladie il a attrapĂ©e selon ses symptĂŽmes? Et pourtant, on sait tous qu’il ne faut pas se fier au rĂ©sultat « cancer des poumons » lorsqu’on dĂ©crit un rhume. Qui ne demande pas non plus Ă  Google des petites images sympathiques pour les publier sur les rĂ©seaux sociaux? Moi la premiĂšre, pour partager des mĂšmes Ă  mes amis.

MalgrĂ© tout, le numĂ©rique et les nouveaux mĂ©dias entraĂźnent une solitude de plus en plus importante, notamment chez les plus jeunes. Regardez autour de vous : il est de plus en plus frĂ©quent de voir un groupe d’ados tous penchĂ©s sur leur tĂ©lĂ©phone alors qu’ils pourraient discuter ensemble. De plus, une exposition aux Ă©crans trop tĂŽt dans l’enfance et Ă  une trop grande frĂ©quence retarde, dans certains cas, le dĂ©veloppement de la parole, diminue la crĂ©ativitĂ© et affecte la sociabilitĂ©.

Le numĂ©rique permet Ă©normĂ©ment, il ne faut pas le rĂ©duire Ă  ses consĂ©quences nĂ©gatives. Le plus important est de l’utiliser Ă  bon escient, de maniĂšre responsable et respectueuse afin de limiter ses effets nĂ©gatifs.

L’invasion numĂ©rique dans les Ă©coles

Charlie Ai-Ma Morin

Fin 2023, une nouvelle loi quĂ©bĂ©coise entrait en vigueur dans les Ă©tablissements publics d’enseignement de niveau primaire et secondaire. Son but : bannir les tĂ©lĂ©phones cellulaires des classes. Alors que le gouvernement s’apprĂȘte Ă  faire un pas de plus pour interdire les cellulaires non plus seulement dans les classes, mais dans les Ă©coles, on peut se demander si la premiĂšre loi a rĂ©ellement changĂ© quelque chose?

DĂ©jĂ , un premier paradoxe : les institutions privĂ©es Ă©taient exemptĂ©es de cette rĂ©glementation. Un bon exemple est le CollĂšge de Saint-Anne-de-la-PocatiĂšre. L’endroit offre une Ă©ducation de qualitĂ© Ă  ses Ă©lĂšves. Cependant, il y a une faille de taille : les iPad. J’y ai Ă©tudiĂ©, je sais de quoi je parle.

Guide pratique de l’utilisation d’un iPad

La veille de la rentrĂ©e, nous recevions tous ce nouveau joujou. Peu de temps aprĂšs, nous Ă©tions tous devenus des as dans l’art de manier la tablette numĂ©rique. Outil Ă©lectronique grandement apprĂ©ciĂ© par certains professeurs, ou tout le contraire chez d’autres, l’iPad est rarement bien loin. Dictionnaire, Antidote, moteur de recherche Google, tableau de statistiques dans le logiciel Excel ou bien encore l’horaire  : tout est lĂ . On voit souvent des Ă©tudiants porter des Ă©couteurs sans fil, utiliser un Apple Pencil et pitonner sur un iPhone nouvelle gĂ©nĂ©ration. Cependant, le collĂšge doit rĂ©gir strictement l’utilisation des Ă©crans qu’il confie Ă  ses adolescents. AccĂšs guidĂ©s lors d’examens importants, restrictions Ă  distance de toutes les applications jugĂ©es non pertinentes et note au dossier si jamais l’un d’eux tente de dĂ©jouer le systĂšme.

Bien qu’interdit d’usage en classe, le tĂ©lĂ©phone, quant Ă  lui, reste toujours proche : une notification en trop, une alarme de rĂ©veille-matin qui sonne en pleine Ă©valuation ou une vidĂ©o qui repart dĂšs qu’un Ă©lĂšve essaye d’ouvrir discrĂštement ce qu’on pourrait affectueusement surnommer sa « deuxiĂšme moitié ». VoilĂ  des situations courantes.

Bienvenue dans la cour des grands

AprĂšs cinq annĂ©es de secondaire oĂč l’on s’est vu interdit d’accĂšs aux Ă©crans sans permission, nous voilĂ  au cĂ©gep. Ici, tout est autorisĂ© sauf, officiellement, en classe. Cellulaire, ordinateur, montre intelligente et toutes les autres petites bĂ©belles Ă©lectroniques sont souvent tolĂ©rĂ©es. Plus aucune nĂ©cessitĂ© de se cacher! Entretenir son fameux score Snap1, ne pas manquer son BeReal ou voir le nouveau Reel de mon idole sur Instagram s’avĂšrent des pratiques possibles en classe. Plus besoin de se cacher sous notre bureau pour texter sa best. DĂ©sormais, c’est la cour des grands au collĂ©gial. Si vous ne comprenez rien Ă  votre cours de philosophie parce que vous voudriez ĂȘtre ailleurs et que vous prĂ©fĂ©rez chatter sur Discord, libre Ă  vous. Cependant, assumez vos erreurs. Vous n’ĂȘtes plus tenus par la main comme avec les professeurs du secondaire. Plusieurs de mes confrĂšres choisissent encore la voie de la lumiĂšre bleue. Pas grave, c’est leur faute s’ils ne passent pas le prochain examen.

Juste équilibre

J’ai ici dĂ©crit deux univers complĂštement diffĂ©rents dans lesquels nous devons Ă©voluer et trouver un certain Ă©quilibre de vie. Les cĂ©geps, comme les Ă©coles secondaires, sont dĂ©jĂ  envahis par les Ă©crans et la technologie : les projecteurs BenQ, les laboratoires informatiques, les puces Ă©lectroniques pour dĂ©verrouiller les portes et activer les photocopieurs, les tĂ©lĂ©visions, les tableaux tactiles, les haut-parleurs ou encore les interphones. Utile dans la vie de tous les jours, la technologie peut grandement aider l’enseignement. Les tĂ©lĂ©phones, quant Ă  eux, se situent dans une zone grise. Je ne dis pas que la nouvelle loi de la CAQ constitue une mauvaise idĂ©e, mais peut-ĂȘtre qu’il aurait fallu l’étendre, ou tout simplement ne pas l’appliquer. Je l’affirme parce que tĂŽt ou tard, les Ă©lĂšves se verront libĂ©rĂ©s de l’emprise de cette nouvelle rĂšgle. Au cĂ©gep, le jeune adulte retrouve avec joie tout ce qu’on lui a interdit pendant une grande pĂ©riode de ses Ă©tudes, et peut jouer autant qu’il veut avec ses bijoux technologiques. Trouver un compromis ne serait-il pas une bonne chose, Monsieur Legault ?

1. Le score Snap est ce qui indique depuis combien de jours consécutifs deux personnes échangent des photos.

  •  

Des témoignages pour nos 30 ans!

Plus vivant que le loup


Yvan Noé Girouard

Directeur gĂ©nĂ©ral de l’Association des mĂ©dias Ă©crits communautaires du QuĂ©bec

1995, un nouveau journal fait une demande d’adhĂ©sion Ă  l’Association des mĂ©dias Ă©crits communautaires du QuĂ©bec (AMECQ). Un journal bizarre qui sort de l’ordinaire avec un slogan intriguant, « â€Š plus mordant que le loup Â», et son format Ă  l’ancienne mode des journaux imprimĂ©s. Qui aurait dit que ce journal allait un jour fĂȘter son 30e anniversaire d’existence.

Un journal d’opinion, un journal engagĂ© qui dĂ©fend des idĂ©es qui ne sont pas publiĂ©es dans les mĂ©dias traditionnels. Un journal Ă  contre-courant. Bien que ce journal Ă©mette des opinions qui transgressent les rĂ©gions, ce que j’apprĂ©cie le plus des textes que l’on retrouve dans Le Mouton Noir, c’est lorsqu’on me parle des problĂ©matiques propres Ă  la rĂ©gion du Bas-Saint-Laurent et des solutions prĂ©sentĂ©es. J’aime aussi qu’on me fasse dĂ©couvrir les arts et la culture de la rĂ©gion de Rimouski.

Pas facile pour un tel journal de faire sa niche. Pourtant Le Mouton a rĂ©ussi. En 2025, plusieurs journaux sont Ă  la croisĂ©e des chemins. Plusieurs embĂ»ches se dressent devant eux : le coĂ»t des envois postaux, la hausse du coĂ»t du papier et des tarifs d’impression, les coĂ»ts exagĂ©rĂ©s liĂ©s Ă  la collecte sĂ©lective d’Éco Entreprises QuĂ©bec (la taxe du bac bleu), la mission d’examen obligatoire pour les journaux recevant une subvention supĂ©rieure Ă  25 000 $, l’adaptation numĂ©rique, la publicitĂ© gouvernementale qui n’est pas au rendez-vous, etc.

BientĂŽt, les journaux n’auront peut-ĂȘtre plus le choix, il va leur falloir se rĂ©organiser ou bien fermer. Je souhaite au Mouton Noir un minimum d’au moins 30 autres annĂ©es de vie Ă  mordre dans l’actualitĂ©!

Le Mouton Noir : tenir bon, encore et toujours

Marie-Pier Lacombe, Présidente, Le Mouton Noir

Depuis bientĂŽt 30 ans, Le Mouton Noir traverse vents et marĂ©es. Et malgrĂ© tout, il est toujours lĂ , fidĂšle au poste, distribuĂ© gratuitement dans l’Est-du-QuĂ©bec, portĂ© par une voix indĂ©pendante, curieuse, critique et humaine. Dans un monde mĂ©diatique en constant bouleversement, Ă  une Ă©poque oĂč les mots coĂ»tent cher et oĂč l’attention est une denrĂ©e rare. Le fait que notre petite Ă©quipe arrive encore Ă  publier un journal n’est pas un mince exploit.

Comment y arrive-t-on?

Par miracle? Non. Par passion, par dĂ©brouillardise et par solidaritĂ©. Publier Le Mouton Noir aujourd’hui, c’est faire preuve d’une rigueur artisanale : trouver des sujets qui comptent, coordonner des bĂ©nĂ©voles motivĂ©s, planifier la production, boucler des mises en page jusqu’à tard le soir. C’est aussi composer avec une prĂ©caritĂ© constante : un financement limitĂ©, des imprĂ©vus budgĂ©taires, des frais d’impression qui augmentent, des revenus publicitaires qui stagnent ou chutent.

Et pourtant, l’équipe ne lĂąche pas. Mieux : elle innove, elle rallie, elle s’ancre toujours plus dans sa communautĂ©. Parce que Le Mouton Noir, c’est bien plus qu’un journal — c’est un projet de sociĂ©tĂ©, un espace de parole, un laboratoire d’idĂ©es. Un mĂ©dia qui appartient Ă  tout le monde et Ă  personne Ă  la fois, enracinĂ© dans un territoire, portĂ© par des convictions, habitĂ© par une certaine idĂ©e de la libertĂ©.

Nos piliers invisibles

DerriĂšre chaque numĂ©ro, il y a des dizaines de personnes qui donnent du temps, de l’énergie, du cƓur. Les bĂ©nĂ©voles sont la colonne vertĂ©brale du journal. Sans elles et eux, il n’y aurait pas de distribution, pas de correction de textes, pas de comitĂ©s, pas de soutien moral dans les moments plus durs. Le conseil d’administration, lui aussi bĂ©nĂ©vole, veille au grain, garde le cap, pose les bonnes questions, prend des dĂ©cisions difficiles.

Être bĂ©nĂ©vole au Mouton Noir, c’est croire qu’un mĂ©dia indĂ©pendant a encore sa place. C’est faire preuve d’une foi immense dans la force des idĂ©es, dans l’intelligence collective et dans l’importance de penser autrement.

Une bonne tape dans le dos (et peut-ĂȘtre un coup de main)

Il faut le dire : tenir un journal comme Le Mouton Noir, aujourd’hui, c’est un exploit. Et cet exploit mĂ©rite d’ĂȘtre cĂ©lĂ©brĂ©. Alors Ă  toutes celles et Ă  tous ceux qui font vivre ce projet : bravo. À celles et ceux qui nous lisent, nous soutiennent, nous partagent : merci.

Mais pour continuer, il nous faut plus qu’un bravo. Il nous faut du soutien concret. Il nous faut des dons, des abonnements, des commanditaires, des idĂ©es, des bras, des voix. Il nous faut une communautĂ© qui croit, encore et toujours, qu’un autre journalisme est possible.

Le Mouton Noir, c’est nous toutes et tous. C’est vous. Continuons de l’écrire ensemble.

La laine des moutons

c’est nous qui la tondaine

Pierre Landry, RiviĂšre-du-Loup

En 2005, Ă  la faveur du dixiĂšme anniversaire du Mouton Noir, je faisais paraĂźtre aux Éditions Trois-Pistoles un « essai anthologique Â» oĂč je relatais les Ă©pisodes les plus marquants de l’histoire du journal Ă  ce jour, de mĂȘme que j’y reproduisais une sĂ©lection d’articles parus pendant cette pĂ©riode. Le Mouton avait dix ans, dĂ©jĂ  un miracle! Et pendant cette premiĂšre dĂ©cennie, cet agneau, gringalet Ă  ses tout dĂ©buts, avait constamment pris du poil de la bĂȘte. Sans compter tous ces scripteurs et autres correspondants plus ou moins connus, il est Ă©loquent de lire du nombre des personnes qui ont fait paraĂźtre au moins un texte dans les pages du journal les noms de Richard Desjardins, Victor-LĂ©vy Beaulieu, Claude Laroche, Jean-Claude Germain, Hugo Latulippe, RomĂ©o Bouchard, Colombe St-Pierre, Maxime Catellier. Pas que le journal soit Ă©litiste, mais disons que la prĂ©sence de ces signatures a de quoi flatter l’ego de ceux et celles qui en sont Ă  l’origine et dĂ©montre la pertinence et la notoriĂ©tĂ© de la publication.

Le journal avait dĂ©jĂ  cinq ans quand le hasard de la vie m’a menĂ© Ă  m’approcher de la bergerie. C’était une pĂ©riode charniĂšre. AprĂšs les premiĂšres annĂ©es de dĂ©fi et de fiertĂ©, le fondateur, Jacques BĂ©rubĂ©, en avait un peu ras le bol du stress engendrĂ© Ă  la fois par la production du journal et Ă  la fois par les contraintes financiĂšres. D’autre part, aprĂšs tant d’annĂ©es de travail et de succĂšs, allait-il devoir sacrifier ce beau bĂ©bĂ© prisĂ© par tant de gens et qui remplissait un rĂŽle de premier plan au cƓur d’un dĂ©sert journalistique oĂč l’opinion Ă©tait dĂ©favorisĂ©e? C’est dĂ©jĂ  un fait d’armes que de mettre au monde une crĂ©ature de cette nature, mais en assurer la pĂ©rennitĂ©, comme Jacques l’a fait, relĂšve d’un vĂ©ritable exploit.

Les commandes du journal sont passĂ©es des Éditions Dubout-Duquai aux Éditions du Berger blanc, dĂ©laissant ainsi le giron de ses fondateurs pour atterrir en de toutes nouvelles mains, pleines de bonne volontĂ© mais un peu dĂ©routĂ©es quant Ă  la complexitĂ© de la tĂąche qui les attendait. Budget famĂ©lique, structures lĂ©gale, administrative et financiĂšre Ă  mettre sur pied, personnel Ă  recruter, en l’occurrence avant tout un rĂ©dacteur en chef – mais combien et comment le payer? comment lui assurer un environnement de travail dĂ©cent? qui s’occupera de la vente de la pub, entrĂ©e de fonds d’une importance capitale? PĂ©riode transitoire, difficile, cahoteuse oĂč deux rĂ©dacs chef, Marc Fraser puis Michel VĂ©zina, se succĂ©deront, votre serviteur assurant l’intĂ©rim au moment oĂč plus personne ne tient la barre. C’est finalement Sandra Fillion qui prendra la relĂšve et, Ă  partir de sa prise en charge, la course au relais continuera, d’un mandat Ă  l’autre. Le frĂȘle esquif poursuivra sa route, traversant les tempĂȘtes, affrontant les intempĂ©ries, mais avec toujours, au bout de la semaine, au bout du mois, au bout du trimestre, un autre petit ovin tout chaud sorti pour porter dans son lainage la parole, les interrogations ou l’indignation de quiconque se sera donnĂ© la peine de prendre la plume et d’étoffer sa pensĂ©e.

J’avoue que je m’ennuie parfois de cette Ă©poque oĂč Le Mouton avait pignon sur rue sur la Saint-Germain, oĂč on pouvait arrĂȘter piquer une jase avec le rĂ©dac chef, discuter des enjeux du moment. Cette pĂ©riode oĂč le journal Ă©tait fleuri de caricatures, oĂč certaines plumes « rĂ©guliĂšres Â» jouaient davantage de l’ironie et du sarcasme, oĂč les « correspondants en rĂ©gion Â» s’affichaient Ă  chaque numĂ©ro dans les pages centrales baptisĂ©es Le prĂ©, oĂč le journal attestait d’une prĂ©sence Ă©ditoriale plus soutenue. Mais ne boudons pas notre plaisir. À une Ă©poque oĂč publier un journal sur papier constitue dĂ©jĂ  un exploit, oĂč les mĂ©dias communautaires et les autres joueurs de « l’industrie Â» pĂątissent de l’omniprĂ©sence et de l’outrecuidance des GAFAM de ce monde qui squattent les revenus publicitaires et oĂč les gouvernements brillent par une absence presque totale, considĂ©rons avant tout le trĂ©sor que nous avons entre les mains. À la maniĂšre de Jacques BĂ©rubĂ© et des fondateurs, faisons tout en notre possible pour nous assurer que Le Mouton demeure et prospĂšre, et qu’il se montre toujours plus mordant que le loup, ses dents acĂ©rĂ©es Ă©tant impĂ©rieusement nĂ©cessaires en ces temps troubles oĂč le fascisme est en train de prendre racine chez nos voisins du sud.

  •  

Tranquille, la révolution?

            La sociĂ©tĂ© reste parfois figĂ©e dans l’interprĂ©tation qu’elle fait elle-mĂȘme de sa propre histoire. On plaque une appellation sur une pĂ©riode donnĂ©e ou sur un phĂ©nomĂšne social, un fait historique ou une sĂ©rie d’évĂ©nements, et vogue la galĂšre de l’analyse, une fois que tout le monde semble-t-il s’est satisfait de ce carcan interprĂ©tatif qu’on vient d’imposer Ă  telle ou telle rĂ©alitĂ©. Ainsi en est-il de l’expression « rĂ©volution tranquille Â», une combinaison de deux termes antithĂ©tiques qui devrait normalement faire frissonner le moindre convaincu des esprits cartĂ©siens. Quelle est l’image qui vous vient Ă  l’esprit lorsqu’on Ă©voque tel amalgame? Une bande de pĂ©pĂšres assis sur le balcon, lesquels, en agitant leurs drapeaux, en viennent Ă  faire changer les choses?

            En fait, lorsqu’on parle de rĂ©volution tranquille au QuĂ©bec, on cherche Ă  qualifier cette pĂ©riode transitoire qui s’est opĂ©rĂ©e lorsque le QuĂ©bec, passant d’une sociĂ©tĂ© obscurantiste, prise dans les affres de la Grande Noirceur et du catholicisme, s’est mĂ©tamorphosĂ© en une nation pluraliste, accĂ©dant enfin Ă  la modernitĂ©. Mais cette transition se serait opĂ©rĂ©e sans heurts? Notre histoire, un long fleuve tranquille?

Le 24 juillet 1941, il fait une chaleur torride dans les salles des cuves oĂč on produit l’aluminium Ă  Arvida. Pour cette raison et pour des motifs d’ordre pĂ©cuniaire, ce sont 4 500 travailleurs qui dĂ©sertent leur poste et dĂ©clarent la grĂšve. Nous sommes en pleine guerre et on a un besoin impĂ©rieux du prĂ©cieux mĂ©tal : la rĂ©action ne se fait pas attendre. En plus des agents de la police provinciale, ce sont deux compagnies de soldats qui sont dĂ©pĂȘchĂ©es sur les lieux pour mater les grĂ©vistes. En 1949, les mineurs d’Asbestos et de Thetford Mines rĂ©agissent Ă  leur tour soumis Ă  des conditions de travail qui mettent notamment leur santĂ©, voire leur vie, en danger. Maurice Duplessis prend parti pour les employeurs, on engage des scabs. Le tout dĂ©gĂ©nĂšre en confrontations, 5 000 grĂ©vistes se mobilisent pour mater les briseurs de grĂšve.

Le 17 mars 1955, on fait sauter une bombe au Forum Ă  la suite de la dĂ©cision de la LNH de suspendre Maurice Richard pour le reste de la saison. S’ensuit une Ă©meute dans les rues de la ville oĂč on causera pour cent mille dollars de dĂ©gĂąts. Les MontrĂ©alais devront bientĂŽt s’habituer Ă  ce type de dĂ©tonations : entre 1963 et 1970, le FLQ a posĂ© environ 95 bombes, lesquelles tueront sept personnes et en blesseront quantitĂ© d’autres. Cette pĂ©riode est particuliĂšrement riche en affrontements de tout genre. Au cours des seules annĂ©es 1968 et 1969, on a pu compter jusqu’à 109 manifestations d’envergure sur le territoire de MontrĂ©al et elles ne sont rien de moins que pacifiques : 27 fĂ©vrier 1968, Ă©meute Ă  l’occasion d’une marche de solidaritĂ© en faveur des travailleurs de l’embouteilleur 7Up en grĂšve depuis plus d’un an;  Lundi de la matraque le 24 juin 1968, Ă  l’occasion de la parade de la Saint-Jean-Baptiste on procĂšde Ă  l’arrestation de 292 personnes et on dĂ©nombre plus de 135 blessĂ©s; le 10 septembre, dans la foulĂ©e de la crise linguistique de Saint-LĂ©onard, un millier de fervents nationalistes rĂ©pondent Ă  l’appel du militant Raymond Lemieux, bilan : 100 blessĂ©s, 51 arrestations, 118 vitrines fracassĂ©es, 10 incendies. Et on pourrait continuer ainsi longtemps : McGill français, Murray Hill, le Bill 63, sans oublier les Ă©vĂ©nements d’Octobre, le dĂ©ploiement de 12 500 militaires dans les rues de la mĂ©tropole, l’arrestation de 497 citoyens quĂ©bĂ©cois dont seulement 18 seront condamnĂ©s.

Et ici mĂȘme dans la rĂ©gion, que dire de la lutte des gens de Cabano, aprĂšs l’incendie de la scierie de bois Fraser, des exactions et des Ă©vacuations du BAEQ d’oĂč sont nĂ©es les OpĂ©rations DignitĂ©, des expropriations de Forillon?

Non, ce texte n’est pas un plaidoyer en faveur de la violence. Ce que je veux illustrer ici, c’est que l’expression « rĂ©volution tranquille Â» s’avĂšre en rĂ©alitĂ© un euphĂ©misme. On a Ă©dulcorĂ© l’histoire en la chapeautant d’un oxymoron dans le but de la rendre plus digestible, d’en oblitĂ©rer les irritants, d’en effacer les cĂŽtĂ©s abrupts. Et ce qu’on a voulu cacher, c’est le fait que nos acquis sociaux ont Ă©tĂ© gagnĂ©s de chaude lutte. On s’est battu par le passĂ©. Pour des conditions de travail dĂ©centes, pour le respect de la santĂ© et de la vie humaine, pour la dignitĂ©, pour la prĂ©pondĂ©rance du français, pour la justice sociale, pour l’égalitĂ© entre les hommes et les femmes. Et ces acquis sont toujours fragiles, souventes fois menacĂ©s. Regardez ce qui se passe aux États-Unis. Demeurons vigilants. D’autant plus que c’est le tapis mĂȘme de l’existence sur terre qu’on est en train de tirer sous nos pieds. Comment baptisera-t-on cette pĂ©riode? L’extinction tranquille?

  •  

Le fleuve Saint-Laurent : trente ans plus tard

En trente ans, le Saint-Laurent a changĂ©. Pas toujours pour le pire, mais rarement pour le mieux sans y ĂȘtre poussĂ©. Le fleuve que l’on disait grand, nourricier, indomptable est devenu fragile Ă  force d’usure. Et pendant que ses eaux poursuivent leur course vers l’Atlantique, les enjeux qui l’assaillent, eux, s’accumulent.

Au milieu des annĂ©es 1990, le grand souci, c’était la pollution chimique. Des contaminants bien connus — BPC, mercure, plomb — s’invitaient dans les tissus des poissons, des oiseaux, des mammifĂšres marins. On surveillait les bĂ©lugas comme des indicateurs vivants d’un Ă©cosystĂšme intoxiquĂ©. On espĂ©rait que la rĂ©glementation finirait par inverser la tendance. Et, en partie, elle l’a fait. Les concentrations ont diminuĂ©. Mais pendant qu’on applaudissait ces reculs toxiques, d’autres polluants, plus discrets mais tout aussi persistants, prenaient leur place : microplastiques, perturbateurs endocriniens, rĂ©sidus pharmaceutiques. Invisibles Ă  l’Ɠil nu, omniprĂ©sents au microscope.

Le Saint-Laurent, en 1995, Ă©tait dĂ©jĂ  fatiguĂ©. Mais il n’était pas encore essoufflĂ©. C’est le climat qui allait accĂ©lĂ©rer les choses. Car depuis, les eaux se sont rĂ©chauffĂ©es. Lentement, mais sĂ»rement. D’un Ă  deux degrĂ©s Celsius selon les zones, ce qui suffit Ă  bousculer tout un rĂ©seau trophique. Le krill comme la crevette nordique se font rares dans l’estuaire. Le homard migre. Le saumon dĂ©cline. Et pendant que la faune cherche refuge, le niveau de la mer monte, les berges s’érodent, les glaces hivernales se font capricieuses. Les municipalitĂ©s, elles, cherchent encore la bonne combinaison entre enrochements et priĂšres.

Au fil des ans, j’ai eu le privilĂšge de contribuer, Ă  l’occasion, aux pages du Mouton, pour parler de ce Fleuve auquel nous devons tant. Trente ans aprĂšs les premiers constats alarmants, l’essentiel demeure : comprendre le Saint-Laurent exige de voir au-delĂ  de la surface, d’embrasser toute sa complexitĂ© vivante.

Car la biodiversitĂ© du Fleuve n’est plus la mĂȘme qu’il y a trente ans. L’effondrement de la morue dans les annĂ©es 1990 a laissĂ© un vide que la crevette nordique avait comblĂ© un temps, jusqu’à ce qu’à son tour elle dĂ©cline sous la pression du rĂ©chauffement et de la surpĂȘche. Aujourd’hui, c’est le sĂ©baste — ce survivant d’une autre Ă©poque — qui revient occuper l’espace. Chaque espĂšce qui recule ou rĂ©apparaĂźt raconte, Ă  sa façon, une histoire d’adaptation forcĂ©e, de rupture des Ă©quilibres.

Bien sĂ»r, tout n’est pas sombre. Des gains ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s. La mise en place d’aires marines protĂ©gĂ©es a permis de stabiliser certains habitats sensibles. Des efforts de restauration, notamment dans les zones humides et les herbiers, ont portĂ© fruit. L’idĂ©e mĂȘme de coexistence entre usages humains et Ă©cosystĂšmes n’est plus marginale. Elle s’impose. Lentement, mais elle s’impose.

La science a aussi changĂ©. Elle est plus accessible, plus interdisciplinaire, plus enracinĂ©e dans les territoires. Les savoirs autochtones commencent enfin Ă  ĂȘtre pris au sĂ©rieux — pas comme anecdotes folkloriques, mais comme corpus de connaissances complĂ©mentaires. Et les jeunes scientifiques, aujourd’hui, arrivent armĂ©s de drones, de capteurs et d’une conscience Ă©cologique qui dĂ©passe les silos.

MalgrĂ© cela, le Saint-Laurent reste une promesse incertaine. Un systĂšme immense, complexe, vulnĂ©rable. Sa biodiversitĂ© n’est pas stable. Ses Ă©cosystĂšmes ne sont pas rĂ©silients par magie. Et sa santĂ© ne se mesure pas Ă  coups de photos Instagram de baleines Ă  bosse.

Depuis plusieurs annĂ©es, je parle beaucoup de « lĂ©guer un fleuve en santĂ© Â» quand on me demande mon avis sur le Fleuve. C’est noble, bien sĂ»r. Mais cela suppose qu’on en hĂ©rite, qu’on en prend soin, et qu’on le transmet. Or, on agit encore trop souvent comme s’il s’agissait d’un bien jetable, renouvelable Ă  volontĂ©. L’exploitation industrielle, la navigation, l’urbanisation : tout s’accumule. Et le Fleuve, lui, absorbe. Jusqu’à quel point?

Trente ans aprĂšs, les grandes menaces ne sont plus seulement chimiques ou visibles. Elles sont systĂ©miques. Le Saint-Laurent ne meurt pas d’un coup. Il s’érode, se transforme, se dĂ©rĂšgle. Et l’enjeu n’est plus seulement de le « sauver Â», mais de rĂ©apprendre Ă  vivre avec lui. En fonction de lui. Pas contre.

Il reste des raisons d’espĂ©rer. Elles ne tiennent pas Ă  des miracles technologiques, mais Ă  la volontĂ© collective. Des communautĂ©s riveraines qui refusent le statu quo. Des pĂȘcheurs qui adaptent leurs engins. Des scientifiques qui traduisent leur savoir. Des enfants qui ramassent des dĂ©chets sans que personne ne les y oblige.

C’est peut-ĂȘtre lĂ , le vrai basculement des trente derniĂšres annĂ©es : dans la lente, mais rĂ©elle montĂ©e d’une Ă©cologie de responsabilitĂ©. Pas parfaite. Pas suffisante. Mais tenace.

Et si l’on doit, un jour, dresser le bilan de notre passage collectif, peut-ĂȘtre que la seule vraie question sera celle-ci : avons-nous Ă©tĂ© dignes du Fleuve?

  •  

La lente capitulation des régions

La bataille des rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques, en rĂ©ponse Ă  l’infĂąme Plan d’amĂ©nagement du Bureau d’AmĂ©nagement de l’Est du QuĂ©bec (BAEQ-1968) qui voulait ni plus ni moins les rĂ©duire au rĂŽle de sous-traitantes des grands centres urbains (rĂ©gions-ressources), a laissĂ© sa marque abondamment dans les chroniques du Mouton Noir.

On en parle moins depuis quelque temps. Sans doute parce que les populations des rĂ©gions en dĂ©croissance se sont un peu stabilisĂ©es, grĂące entre autres Ă  une migration importante de jeunes urbains en rĂ©gion; mais surtout, je le soupçonne, parce qu’on est las de se buter au mur d’un gouvernement central jaloux de son pouvoir. Nous assistons, en rĂ©alitĂ©, depuis quelques annĂ©es, Ă  une lente capitulation des rĂ©gions, ce qui est un drame national.

Lente capitulation

Au cours des 50 derniÚres années, on a vu défiler en région,

– du cĂŽtĂ© citoyen, les OpĂ©rations DignitĂ© (manifeste des 19 curĂ©s en colĂšre-1970), le JAL (1972), la Coalition urgence rurale (1989), le RassemblementgaspĂ©sien et madelinot (1991), les États gĂ©nĂ©raux du monde rural (1991), des opĂ©rations similaires en Abitibi et au Saguenay–Lac-Saint-Jean, des tentatives multiples de dĂ©veloppement local dans les villages en dĂ©croissance, SolidaritĂ© rurale (1992), les rendez-vous RebĂątir les campagnes (1996) et Sauver les campagnes (1998), l’Union paysanne (2001), la Coalition pour un QuĂ©bec des rĂ©gions (2006), etc.

– et du cĂŽtĂ© gouvernemental, la crĂ©ation de 12, puis de 17 rĂ©gions administratives (1966), l’Office de planification et de dĂ©veloppement du QuĂ©bec (OPDQ-1967), les conseils rĂ©gionaux de dĂ©veloppement (CRD-1974) et les confĂ©rences administratives rĂ©gionales (CAR-1974) , la crĂ©ation de la Commission de protection du territoire agricole (PTAQ-1978) et des MRC (1979), un SecrĂ©tariat des rĂ©gions (1992), un ministĂšre des RĂ©gions (1997), des dizaines de politiques de dĂ©veloppement rĂ©gional, la Politique de la ruralitĂ© (2001), un sommet des rĂ©gions (2003), les ConfĂ©rences rĂ©gionales des Élus (CRÉ, créées en 2003 et abolies en 2017), la commission Coulombe sur la forĂȘt (2004) et la commission Pronovost sur l’agriculture (2008) : des politiques et structures Ă  peu prĂšs toutes disparues ou oubliĂ©es.

Au terme de ce dialogue de sourds qui dure depuis plus de 50 ans entre les rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques et le gouvernement du QuĂ©bec, rien n’a Ă©tĂ© gagnĂ©. Les initiatives gouvernementales n’ont jamais dĂ©passĂ© une certaine dĂ©concentration administrative. Les rĂ©gions ne sont toujours pas des entitĂ©s politiques, dotĂ©es d’un prĂ©sident ou mĂȘme d’un gouvernement Ă©lu. MĂȘme les organismes de concertation rĂ©gionale, comme les CRÉ, qui permettaient une certaine planification des infrastructures rĂ©gionales de dĂ©veloppement des ressources et des services rĂ©gionaux, ont Ă©tĂ© abolis. Le sort rĂ©servĂ© aux municipalitĂ©s, de plus en plus sollicitĂ©es, est navrant. La centralisation et la bureaucratisation des dĂ©cisions et de la gestion des ressources et des services Ă  QuĂ©bec sont plus que jamais scandaleuses.

L’idĂ©e mĂȘme de dĂ©veloppement rĂ©gional n’existe plus : celui-ci se rĂ©duit, d’une part, Ă  des grands projets privĂ©s parachutĂ©s en rĂ©gion avec plus ou moins de succĂšs et de dĂ©gĂąts (les parcs Ă©oliens, la cimenterie de Port-Daniel, les mines d’or en Abitibi et d’acier sur la CĂŽte-Nord, les projets heureusement bloquĂ©s d’olĂ©oducs et de ports mĂ©thaniers, les alumineries au Saguenay, les projets hydroĂ©lectriques sur la CĂŽte-Nord) et, d’autre part, Ă  des petits programmes Ă  la semaine et sans lendemains structurants dans les MRC pour aider les organismes communautaires et certaines PME. Certains villages ici et lĂ  tirent leur Ă©pingle du jeu, grĂące souvent Ă  quelques nĂ©o-ruraux visionnaires. Le rĂ©seau des cĂ©geps et des filiales de l’UniversitĂ© du QuĂ©bec demeure peut-ĂȘtre la seule colonne vertĂ©brale d’une certaine vitalitĂ© et identitĂ© rĂ©gionale.

La plupart des dĂ©fenseurs des rĂ©gions, notamment les universitaires du rĂ©seau de l’UniversitĂ© du QuĂ©bec, ont disparu ou se sont tus : Bernard Vachon Ă  MontrĂ©al, Mario Carrier et les frĂšres Guy Ă  Rouyn-Noranda; Bruno Jean, Clermont Dugas, Hugo Dionne, Gilles Roy, Victor-LĂ©vy Beaulieu au Bas-Saint-Laurent; Louis Favreau en Outaouais; Marc-Urbain Proulx, Charles CĂŽtĂ©, Denis Trottier au Saguenay–Lac-Saint-Jean; Paul-Louis Martin en Mauricie; Jacques Proulx en Estrie. Et oĂč est la relĂšve?

Culture de dépendance

Quant aux Ă©lus locaux et intervenants rĂ©gionaux, ils ont capitulĂ© et se sont installĂ©s dans une sorte de culture de dĂ©pendance. Ils se consolent avec le succĂšs touristique de leur coin de pays, la crĂ©ativitĂ© de leurs organismes communautaires, leur rĂ©seau de PME et l’éclosion de jeunes agriculteurs de proximitĂ©, apprĂ©ciĂ©s mais marginalisĂ©s par les politiques agricoles dĂ©fendues par l’UPA et le ministĂšre de l’Agriculture.

À part leur succĂšs touristique et migratoire, nos rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques sont bel et bien redevenues des rĂ©gions-ressources, fournisseuses de richesses naturelles (forĂȘt, minerais, Ă©nergie, agriculture, Ă©rable, pĂȘche, sites naturels) et de main-d’Ɠuvre, des sous-traitantes des mĂ©tropoles et de la grande entreprise.

Démocratie territoriale

On attend toujours des politiques d’amĂ©nagement du territoire, de gestion de la forĂȘt, de l’énergie, de l’agriculture, des municipalitĂ©s qui fassent place Ă  une vĂ©ritable dĂ©centralisation et Ă  une dĂ©mocratie territoriale, voire Ă  ce que certains appellent le concept des biorĂ©gions, c’est-Ă -dire de rĂ©gions-territoires comme milieu naturel de vie et d’organisation sociale, Ă©conomique et politique, comme base d’une dĂ©mocratie citoyenne.

L’autonomie rĂ©gionale et locale devrait en effet faire partie d’un plan pour rĂ©inventer notre dĂ©mocratie, minĂ©e par les partis politiques et l’échec de notre État-providence, et permettre une prise en charge collective de notre Ă©cosystĂšme en pĂ©ril.

Pour faire des rĂ©gions ce lieu de prise en charge collective, incluant les communautĂ©s autochtones prĂ©sentes sur le territoire, il va de soi qu’il faudrait revoir le dĂ©coupage des territoires rĂ©gionaux en fonction du concept de biorĂ©gion et d’une dĂ©mocratie de type communautaire et consensuelle, Ă  l’exemple de celle du gouvernement du Nunavik (Makivvik), plutĂŽt que dĂ©lĂ©guĂ©e Ă  des partis qui usurpent la reprĂ©sentation et la dĂ©libĂ©ration des citoyens.

Mais c’est une autre histoire
                     

  •  

OUROBOROS SE MORT LA QUEUE

J’ai toujours trouvĂ© bien Ă©trange l’adage selon lequel il faut voter avec sa tĂȘte et non avec son cƓur, surtout quand on vote surtout avec ses pieds.

Ce n’est pas le temps, vous diront les gens de bien, de placer ses principes avant la « stratĂ©gie Ă©lectorale Â», jolie formule Ă©dulcorĂ©e pour dĂ©crire cette vĂ©ritable injonction Ă  nous conformer au systĂšme reprĂ©sentatif de scrutin uninominal Ă  un tour, une autre contorsion pour nommer un chien un chat.

Nommons plutĂŽt ce chat un chat : « oligarchie parlementaire Â», un systĂšme dans lequel la voix citoyenne, cantonnĂ©e dans l’urne, ne fait pas le poids contre les intĂ©rĂȘts « supĂ©rieurs Â» communiquĂ©s aux gouvernants et aux gouvernantes via les rĂ©seaux de lobbies, les jasettes entre deux ballons de RĂ©my Martin Louis XIII dans les chaises capitonnĂ©es des clubs privĂ©s, les parties de chasse au faisan insulaires qui « relĂšvent de la vie privĂ©e Â» et les airs de panique quand on apprend que Wall Street abaisse la cote de crĂ©dit du QuĂ©bec.

Un systĂšme dans lequel aucun parti dĂ©crit comme sĂ©rieux par les gens de bien et leurs mĂ©dias n’ose rĂ©ellement remettre en question l’ordre Ă©tabli par la haute finance, les boss de l’agro-alimentaire – les « rois de la pizza congelĂ©e Â» comme les appelait Falardeau –, les barons de l’énergie, le complexe militaro-industriel, les grands mĂ©dias qui leur servent de relais et la force constabulaire qui jouit et abuse de son monopole sur la violence « acceptable Â».

Au moment d’écrire cette chronique, on ne sait pas encore que le conservateur Bernard GĂ©nĂ©reux a Ă©tĂ© réélu avec une confortable avance dans CĂŽte-du-Sud–RiviĂšre-du-Loup–Kataskomiq–TĂ©miscouata.

Tout comme on ne sait pas encore que la course n’était pas encore tout Ă  fait dĂ©cidĂ©e dans Rimouski–La MatapĂ©dia parce qu’un banquier de haute voltige est descendu de sa tour d’argent pour venir sauver le Parti libĂ©ral et qu’on aime donc ça, les riches, en politique. 

Tout comme on ne sait pas encore que NoĂ©mi Bureau-Civil, RaphaĂ«l Arseneault et Tommy Lefebvre, trois candidats indĂ©pendants qui se sont ralliĂ©s et qui militent pour le salut de notre rĂ©gion, ont Ă©tĂ© vulgairement ignorĂ©s par les mĂ©dias des gens de bien qui leur prĂ©fĂšrent les candidats « sĂ©rieux Â». Une chance que les mĂ©dias indĂ©pendants et communautaires sont lĂ ! Par ailleurs, quand Jonathan Pedneault, co-chef d’un parti « sĂ©rieux Â» dĂ©cide de dĂ©river du script capitaliste, il se fait replacer par une « grande Â» journaliste bourgeoise qui trouve qu’augmenter l’impĂŽt des riches n’est pas, justement, « sĂ©rieux Â» et il est dĂ©sinvitĂ© du dĂ©bat par la mĂȘme commission Ă©lectorale qui a laissĂ© entrer les propagandistes d’extrĂȘme droite de « Rebel News Â» en tant que « journalistes Â».

En revanche, on sait dĂ©jĂ  que ni GĂ©nĂ©reux ni Blanchette-Joncas ne seront en mesure de dĂ©fendre rĂ©ellement les intĂ©rĂȘts de ceux et celles qui sont le sel de la terre de notre rĂ©gion. Ils ne remettront pas en question les modĂšles Ă©conomiques qui brisent le dos de nos pĂȘcheurs et de nos cultivateurs, qui contribuent Ă  dĂ©truire l’environnement et qui mettent des bĂątons dans les roues de ceux et celles qui cherchent Ă  remodeler de façon radicale notre rapport au politique, Ă  la sociĂ©tĂ© et au territoire.

Je l’écris depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ  – notre immobilisme et notre entĂȘtement Ă  nier que le systĂšme qui nous apporte tant de conforts nous tue aussi Ă  petit feu et Ă  partir de maintenant, mĂȘme les actions les plus radicales seront lĂ©gitimes!

Mais il est plus facile d’envisager la fin du monde que celle du capitalisme, pour paraphraser Fredric Jameson ou Slavoj Zizek, les deux sont crĂ©ditĂ©s pour avoir formulĂ© cette idĂ©e.

C’est l’éternel retour dĂ©crit par les philosophes stoĂŻciens de la GrĂšce antique, puis repopularisĂ© par Nietzsche au 19e siĂšcle qui postule, ici de maniĂšre un peu simpliste, que l’espace-temps est une boucle, l’Histoire serait donc Ă©galement une sorte de boucle, ce qui entraĂźnerait sa rĂ©pĂ©tition.

C’est Ouroboros, le serpent qui a sa queue dans sa bouche, qui se mord justement la queue.

Mais ce sont lĂ  des idĂ©es bien commodes pour les cyniques et les pessimistes qui prĂ©fĂšrent se vautrer dans l’Absurde camusien plutĂŽt que de le dĂ©passer.

Car la seule voie de dĂ©passement, c’est la rĂ©volte.

Nous n’avons malheureusement plus le choix de prendre la voie de la rĂ©volte.

Et le ton qu’elle prendra ne dĂ©pendra que de ce que feront et diront les gouvernants.

  •  

Le premier rédacteur se raconte

Cinq ans aprĂšs le lancement du premier Mouton NOIR â€” je n’abandonne pas les majuscules de sa couleur â€” j’étais appelĂ© Ă  raconter l’histoire de sa naissance. On me l’a probablement aussi demandĂ© Ă  ses 10 ans et Ă  ses 20 ans. Peut-ĂȘtre. Sans doute. Bref, la revoici. Profitez-en pendant que je m’en rappelle


On est en 1993 ou 1994. Comme d’habitude, le dossier de la salle de spectacle anime les dĂ©bats aux assemblĂ©es publiques du conseil municipal de Rimouski. AprĂšs une soirĂ©e oĂč les esprits se sont particuliĂšrement Ă©chauffĂ©s, j’écris une fable oĂč des membres du conseil municipal et certaines personnes prĂ©sentes dans la salle sont transformĂ©s en animaux; le maire est le loup, le conseiller municipal le plus grognon devient le blaireau, le conseiller-piĂ©ton JoĂ«l Simonnet, qui serait bientĂŽt la mascotte de ma chronique Le Stylo sauvage, est la belette Ă  cigare. Et ainsi de suite. Je propose cette fable, « Dans la grande forĂȘt de Rimouski », au journal hebdomadaire Le Rimouskois, alors indĂ©pendant, qui la publie en « Libre opinion Â». Les rĂ©actions, nombreuses et toutes positives, s’enchaĂźnent. L’animateur de l’émission matinale de Radio-Canada, Daniel Mathieu, la lit mĂȘme en ondes.

Plusieurs mois plus tard, probablement dans les mĂȘmes circonstances, j’écris la suite de cette fable, qui avait animĂ© l’espace public, et je la propose Ă  nouveau au Rimouskois, convaincu qu’ils seraient contents de la publier. Mais entre-temps, le journal Ă©tait passĂ© aux mains du groupe de presse Bellavance et, autre temps, autres mƓurs, la politique Ă©ditoriale avait changĂ© de façon drastique. L’éditeur, Jean-Claude Leclerc, regarde le texte sans vraiment le lire. « C’est bien trop long â€” une page et demie! â€”, je demande des textes de deux Ă  trois paragraphes Ă  mes journalistes », me dit-il. « MĂ©chants dossiers de fond Â», me dis-je alors Ă  moi-mĂȘme


En sortant du journal, déçu, amer, je me dis, en boutade : « Je vais en partir un journal, il ne pourra pas refuser mes textes. » ArrivĂ© chez moi, je lance ça Ă  ma blonde. « Quelle bonne idĂ©e », s’exclame-t-elle. Oh! ça, c’est un signal! Une telle rĂ©action de la part de celle qui est habituĂ©e Ă  mes rĂ©actions et idĂ©es spontanĂ©es, qui souvent ne vont nulle part, ça veut peut-ĂȘtre dire que cette fois, il y a un vrai projet.

Le soir mĂȘme, on a des amis invitĂ©s Ă  souper. « Mon chum veut partir un journal Â», lance alors la blonde, Fernande Forest, qui, incidemment, trouverait quelques jours plus tard le nom dudit journal. « Quoi? J’embarque, je vais vendre la publicitĂ© et faire les relations publiques Â», dit alors la belle Pascale. Ben lĂ , voyons
 qu’est-ce que vous me dites lĂ , ĂȘtes-vous sĂ©rieux, on part-tu vraiment un journal? Le lendemain, appels tĂ©lĂ©phoniques Ă  Denis Leblond, Ă  Eudore Belzile â€” qui dit : « Je n’ai pas le temps, mais j’embarque! Â» Et voilĂ , la mĂšche Ă©tait allumĂ©e.

Six mois plus tard, Ă  la fin mars 1995, Le Mouton NOIR Plus mordant que le loup Ă©tait lancĂ© au bar Le Cactus devant 300 personnes, dont le maire de Rimouski, Michel Tremblay, qui avait Ă©tĂ© Ă©lu quelques mois plus tĂŽt â€” il n’était pas le loup de la fable. Et l’idĂ©ateur que je fus se retrouva dĂšs lors catapultĂ© « directeur de la rĂ©daction et camelot Â», puisque je m’occupais, avec un plaisir manifeste, je prĂ©cise, de la distribution du journal dans les cafĂ©s, bars, commerces, bibliothĂšques et autres lieux susceptibles de recevoir les lecteurs et lectrices de ce singulier nouveau journal.

Le reste de l’histoire, la suite, ce sont les lecteurs qui l’ont construite. Trois ou quatre jours aprĂšs le lancement— annoncĂ© de façon un peu mystĂ©rieuse, avec de petites affiches placĂ©es un peu partout en ville, montrant un mouton noir au sourire narquois, dessinĂ© par Alain Huot, qui disait J’arrive! â€” voilĂ  que Le Devoir y consacre la une de son cahier « RĂ©gions Â». Il n’en fallait pas plus pour que les demandes d’abonnement et les offres de collaboration fusent de partout au QuĂ©bec.

AprĂšs cinq ans, les artisans du Mouton Ă©taient surpris qu’il soit toujours lĂ . Et ça fait maintenant 30 ans! Et on me demande si le journal a encore sa raison d’ĂȘtre, avec tous les changements survenus dans les domaines de l’information â€” concentration de la presse et consanguinitĂ© tĂ©lĂ©vision-journaux, rĂ©seaux sociaux, influenceurs â€” pouah ahahaha! Sans hĂ©siter, je rĂ©ponds OUI.

Cela dit, j’affirme que Le Mouton NOIR pourrait â€” et devrait â€” ĂȘtre bien plus prĂ©sent dans son milieu et jouer un rĂŽle plus actif dans des dossiers de proximitĂ© comme la prĂ©servation du patrimoine bĂąti, la protection d’espaces naturels comme la forĂȘt de Pointe-au-PĂšre, les coupures de services en santĂ© dans la rĂ©gion, pour ne nommer que ceux-lĂ . Refaire du journal un outil que la population s’approprie pour vĂ©hiculer ses idĂ©es et ses positions dans des dossiers locaux et rĂ©gionaux qui nous touchent au quotidien.

Les vieux moutons noirs que nous Ă©tions ont activement contribuĂ© Ă  faire dĂ©bloquer le projet de salle de spectacle Ă  Rimouski, qui taponnait depuis 20 ans. Nous avons aussi contrecarrĂ© un inconcevable projet de dĂ©veloppement immobilier sur la crĂȘte de la Pointe-aux-Anglais, au Bic. Oui, Le Mouton NOIR a encore et toujours sa raison d’ĂȘtre. Je lance un bĂȘlement dĂ©fiant Ă  la relĂšve : Ă©tonnez-nous! indignez-vous! dĂ©noncez! construisez! Et comme je l’écrivais Ă  la une du tout premier numĂ©ro, en mars 1995 : Amenez au prĂ© de quoi nourrir un Mouton NOIR plus mordant que le loup!

  •  

Des pipelines, des pipelines, toujours des pipelines

Alors que le Canada prĂ©tend vouloir se redĂ©finir comme superpuissance Ă©nergĂ©tique, un examen lucide s’impose sur les vĂ©ritables bĂ©nĂ©ficiaires de cette stratĂ©gie. Pendant ce temps, au QuĂ©bec, le paysage Ă©nergĂ©tique est profondĂ©ment secouĂ© par l’adoption sous bĂąillon du projet de loi 69, ouvrant la porte Ă  une dĂ©nationalisation progressive d’Hydro-QuĂ©bec en permettant la vente d’électricitĂ© d’une compagnie privĂ©e Ă  une autre. Une fois de plus, dans la logique implacable des dĂ©cisions actuelles, c’est notre souverainetĂ©, notre dĂ©mocratie, et, au bout du compte, notre avenir collectif qui risquent d’ĂȘtre sacrifiĂ©s.

Le QuĂ©bec importe la totalitĂ© de ses besoins en hydrocarbures du Canada et des États-Unis, dans une proportion d’environ 55 % et 45 %. Inutile de rappeler que l’essentiel des hydrocarbures produits en sol nord-amĂ©ricain est de type non conventionnel, donc plus coĂ»teux, tant sur le plan Ă©conomique qu’environnemental. Cet or noir est entre les mains, en grande majoritĂ©, d’actionnaires prĂ©occupĂ©s avant tout par leurs intĂ©rĂȘts privĂ©s, bien avant toute autre considĂ©ration sociale ou liĂ©e au bien commun.

S’il est un point sur lequel tous ceux qui croient encore Ă  l’importance d’un État souverain peuvent s’entendre, c’est que les ressources naturelles et l’énergie sont des leviers stratĂ©giques fondamentaux pour assurer la souverainetĂ© politique d’un pays.

Globalement, nous en sommes Ă  extraire les derniĂšres rĂ©serves de pĂ©trole et de gaz de la planĂšte, Ă  l’image d’un fumeur grattant les mĂ©gots dans le cendrier pour une derniĂšre bouffĂ©e. Pourtant, nulle remise en question rĂ©elle ne semble poindre Ă  l’horizon quant Ă  l’économie capitaliste fondĂ©e sur les hydrocarbures.

Technologie « zombie Â»

En observant la tendance depuis 250 ans, il est permis de croire que la rĂ©volution thermo-industrielle pourrait bien se terminer comme elle a commencĂ© : par l’exploitation du charbon. Le systĂšme mondialisĂ©, tel qu’on le connaĂźt, se serait probablement dĂ©jĂ  effondrĂ© en grande partie avant mĂȘme d’en arriver lĂ . Bref, tout semble aujourd’hui converger vers une accĂ©lĂ©ration effrĂ©nĂ©e de la croissance ou, du moins, vers le maintien coĂ»te que coĂ»te d’un systĂšme reposant sur des technologies et des matĂ©riaux que le physicien JosĂ© Halloy qualifie de « zombies » : des technologies dĂ©jĂ  mortes, car dĂ©pendantes de ressources non renouvelables, comme le pĂ©trole.

Et ce, malgrĂ© la rĂ©alitĂ© physique, malgrĂ© l’urgence climatique, malgrĂ© l’érosion de la biodiversitĂ©, malgrĂ© l’accroissement des inĂ©galitĂ©s sociales, et malgrĂ© la dĂ©plĂ©tion inexorable des ressources naturelles. Le Canada, sous l’impulsion de son nouveau premier ministre Mark Carney, semble nĂ©anmoins vouloir profiter de la tempĂȘte australe Trump pour faire du pays une superpuissance Ă©nergĂ©tique. Think Big!

Projet de loi C-5

Dans sa volontĂ© de « recentraliser » le Canada, en gardant l’esprit extractiviste qui donna naissance Ă  la fĂ©dĂ©ration canadienne, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a adoptĂ© sous le bĂąillon son projet de loi C‑5 contournant ainsi les rĂšgles dĂ©mocratiques habituelles. Ce projet de loi, visant Ă  accĂ©lĂ©rer l’approbation de grands projets dits nationaux, va donner au gouvernement les outils nĂ©cessaires pour rassurer les investisseurs de projets « zombifiĂ©s », comme de nouveaux pipelines, par exemple.

Les premiers ministres provinciaux, pour leur part, semblent sĂ©duits par ce leadership incarnĂ© par Mark Carney. MĂȘme François Legault, soudainement, Ă©voque l’existence d’une acceptabilitĂ© sociale favorable Ă  l’approbation d’un projet d’olĂ©oduc au QuĂ©bec. Serait-ce que notre premier ministre caquiste aurait nĂ©gociĂ© un « deal » en coulisses? Un tuyau en Ă©change d’une ligne de transport Ă©lectrique dans le cadre du nouvel accord sur Churchill Falls? On peut se poser la question.

Il ne faut pas oublier la forte opposition citoyenne aux projets GNL QuĂ©bec et Énergie Est, tous deux avortĂ©s en territoire quĂ©bĂ©cois. Peu importe les projets de loi adoptĂ©s Ă  la hĂąte ou sous bĂąillon, la population doit et devra conserver le dernier mot. Car ces projets visent essentiellement Ă  dĂ©senclaver la production pĂ©troliĂšre et gaziĂšre canadienne pour mieux l’exporter vers les marchĂ©s internationaux.

Des pipelines comme projet d’avenir politique et Ă©conomique pour le Canada
 vraiment?

Comme je l’écrivais dans un prĂ©cĂ©dent article : « Alors que l’on tente d’accĂ©lĂ©rer l’approbation de nouveaux pipelines vers l’Europe et l’Asie, il est lĂ©gitime de douter de la volontĂ© rĂ©elle de favoriser la prospĂ©ritĂ© des Canadiens. Ces projets semblent surtout servir les intĂ©rĂȘts des grandes entreprises et ne s’inscrivent pas dans une volontĂ© de bĂątir une Ă©conomie viable, fondĂ©e sur une durabilitĂ© forte. »

  •  

Le problÚme de la tolérance

Une dĂ©finition philosophique sommaire de la tolĂ©rance pourrait ĂȘtre la suivante : il s’agit de l’acceptation, au sein d’une sociĂ©tĂ© ou d’une communautĂ©, de ce qui est en soi intolĂ©rable. Le germe du paradoxe est lĂ  (le ver est dĂ©jĂ  dans le fruit, dirait-on!). Toutefois, il est des intolĂ©rables qui ne sont pas acceptables dans toutes les cultures, ni sous toutes les latitudes. Cela implique que la conception philosophique de la tolĂ©rance contient, de maniĂšre implicite, un ensemble de critĂšres permettant de dĂ©terminer ce qui est tolĂ©rable ou non.

Dans un article intitulĂ© « La tolĂ©rance en contexte pluraliste : apport anthropologique Ă  une rĂ©flexion philosophique Â», Claude GĂ©linas (2020) reprend cette conception philosophique de maniĂšre synthĂ©tique, non seulement pour en dĂ©gager les caractĂ©ristiques et les limites, mais aussi pour montrer en quoi l’anthropologie peut contribuer Ă  rendre cette perspective plus intelligible. Sans reprendre ici tout son dĂ©veloppement, je souhaite souligner comment sa dĂ©marche rĂ©flexive lĂšve le voile sur le « petit secret Â», pour reprendre l’expression de Georges Bataille, de toute dynamique de tolĂ©rance dans une sociĂ©tĂ© ou une communautĂ©. Je le formulerais ainsi : ce qui est tolĂ©rable ou non l’est selon les schĂšmes culturels, conscients ou inconscients, des membres de ladite sociĂ©tĂ© ou communautĂ©.

Or, si l’on suit l’approche Ă  la fois anthropologique et philosophique de GĂ©linas, la tolĂ©rance est culturellement situĂ©e : elle constitue une sorte de somatisation des rapports culturels. Il faut alors reconnaĂźtre qu’elle est, aussi paradoxal que cela puisse paraĂźtre, Ă  la fois particulariste et universaliste. Particulariste, parce que le tolĂ©rable et l’intolĂ©rable relĂšvent d’un univers culturel spĂ©cifique, façonnĂ© par des schĂšmes propres Ă  une culture donnĂ©e. Universaliste, parce que chaque univers culturel tend, d’une maniĂšre ou d’une autre, Ă  projeter ses propres seuils de tolĂ©rance sur l’Autre : ce que l’on tolĂšre chez soi, on le tolĂšre,  consciemment ou non, chez l’autre, et rĂ©ciproquement. Ainsi, du point de vue anthropologique et philosophique, les deux traits caractĂ©ristiques de la tolĂ©rance rĂ©sident prĂ©cisĂ©ment dans cette tension entre particularisme et universalisme.

Ces deux caractĂ©ristiques peuvent toutefois engendrer ce que j’appellerais les deux principales limites de la tolĂ©rance. La premiĂšre, que je nomme particulariste, rĂ©side dans l’incapacitĂ© des membres d’une sociĂ©tĂ© Ă  tolĂ©rer ce qui ne relĂšve pas de leur propre univers culturel. La tolĂ©rance devient alors une affaire d’« intimitĂ© culturelle propre Â». La seconde, que je qualifierais d’universaliste, s’apparente Ă  une forme de « subterfuge culturel Â» par lequel la limite particulariste se transforme en norme imposĂ©e Ă  d’autres cultures. Il s’agit de ce moment oĂč des membres d’une culture, dominante ou non,  projettent leur propre seuil de tolĂ©rance sur d’autres, en prĂ©tendant Ă  une forme d’universalitĂ©. La tolĂ©rance devient alors le masque d’un « intimisme universel Â».

Pour ne pas conclure, l’emboĂźtement des limites et des caractĂ©ristiques de la tolĂ©rance rĂ©vĂšle selon moi une chose essentielle : la possibilitĂ© de faire Ă©merger ce que François Jullien (2012) appelle une pensĂ©e de l’entre. En se fondant sur la tension paradoxale entre particularisme et universalisme, une telle pensĂ©e, philosophique et anthropologique,  pourrait fournir un cadre conceptuel fĂ©cond pour comprendre les cultures et les peuples, et encourager leur cohabitation Ă  partir de leurs propres paradoxes.

  •  

Gaza : un appel Ă  la paix par un GaspĂ©sien

Comment rester les bras croisĂ©s devant une telle boucherie Ă  Gaza, ce que de plus en plus de voix et d’organisations nomment, avec raison, un gĂ©nocide ou encore un nettoyage ethnique?

Je joins donc ma voix aux 300 Ă©crivains qui, dans LibĂ©ration le 26 mai dernier, signaient un texte intitulĂ©, on ne peut plus clair : « Nous ne pouvons plus nous contenter du mot šhorreurš, il faut aujourd’hui nommer le ÂšgĂ©nocide š Ă  Gaza ».

Pour s’en convaincre, s’agit-il seulement de voir les images de centaines d’enfants affamĂ©s tendre le bras au bout duquel une casserole rouillĂ©e supplie une portion de riz. S’agit-il seulement de voir des hommes et des femmes, assoiffĂ©s, aux visages Ă©maciĂ©s, qui en sont Ă  la peau et les os, ne sachant oĂč se cacher par trop de bombes israĂ©liennes qui leur tombent dessus. Les mots me manquent depuis des mois devant tant d’horreur et de sang qui coule par la faute d’IsraĂ«l qui justifie ce massacre au prĂ©texte que se cache un terroriste du Hamas derriĂšre chaque enfant, derriĂšre chaque porte d’hĂŽpital, dans chaque ambulance.

Qu’il faille certes condamner avec force l’attaque ignoble d’octobre 2023 du Hamas tuant plus de 1200 IsraĂ©liens. J’appuie. Qu’il faille combattre ce terrorisme et tout autre forme de terrorisme quel qu’il soit. J’appuie. Personne ne reproche Ă  IsraĂ«l le droit de se dĂ©fendre. Mais a-t-il le droit d’attaquer, d’affamer, d’encercler, de bombarder, de bloquer l’aide humanitaire, de viser des enfants, des innocents, et ce, en contravention au Droit international, Ă  la Convention de GenĂšve?

Ce monstre Ă  deux tĂȘtes, non pas le peuple d’IsraĂ«l, mais bien son gouvernement, un gouvernement de va-t-en guerre dirigĂ© par le va-t-en-guerre en chef, Benjamin NĂ©tanyahou, qui a pour devise, disons-le franchement : « Tu veux la paix, tu auras la guerre! Â». Et qui, depuis trop longtemps, nous offre en guise de main tendue des bruits de bottes. « Aujourd’hui, c’est l’enfer absolue » a tout rĂ©cemment dĂ©clarĂ© Ă  la RTS le directeur du ComitĂ© international de la Croix-Rouge, Pierre KrĂ€henbĂŒhl.

N’ai-je pas dit que je cherchais des mots devant ce gĂ©nocide qui se fait en direct? Je les trouverai peut-ĂȘtre dans ceux de Simone Weil citĂ©s dans le livre La refondation du monde, du philosophe Jean-Claude Guillebaud (Seuil 1999) « C’est un devoir de nous dĂ©raciner, mais c’est toujours un crime de dĂ©raciner l’autre »

Quand je pense Ă  la paix, il me vient Ă  l’esprit le mot d’HĂ©rodote citĂ© dans les MĂ©moires de Raymond Aron : « Nul homme sensĂ© ne peut prĂ©fĂ©rer la guerre Ă  la paix puisque, Ă  la guerre, ce sont les pĂšres qui enterrent leur fils alors que, en temps de paix, ce sont les fils qui enterrent leur pĂšre ». Ou encore ceux de Bono, le chanteur de U2 : « Hamas, libĂ©rez les otages, arrĂȘtez la guerre. IsraĂ«l, libĂ©rez-vous de Benyamin NĂ©tanyahou et des fondamentalistes d’extrĂȘme droite qui dĂ©forment vos textes sacrĂ©s. »

Je pense aussi Ă  ceux de Fabienne Presentey, membre des Voix juives indĂ©pendantes Canada qui, en prĂ©face du livre La conquĂȘte de la Palestine de Rachad Antonius (ÉcosociĂ©tĂ© 2024): « Les voix juives qui s’élĂšvent pour dĂ©noncer cette guerre gĂ©nocidaire contre les Palestinien.nes comprennent que le sionisme a instrumentalisĂ© le judaĂŻsme et hypothĂ©quĂ© l’avenir des deux peuples. La sacro-sainte sĂ©curitĂ© que le projet d’IsraĂ«l devait garantir au peuple juif n’est rien d’autre qu’un Ă©cran de fumĂ©e. »

Au final, cet appel Ă  la paix que je lance depuis PercĂ© s’appuie aussi sur ceux de John Lennon « Give peace a chance ». Que peut-on faire comme GaspĂ©siens pour apporter notre pierre Ă  la construction d’une paix Ă©ventuelle et durable ?

  •  

Salut Victor le grand!

L’oeuvre de Victor-LĂ©vy Beaulieu est trop vaste et protĂ©iforme pour que je puisse en tĂ©moigner raisonnablement. Le commun des mortels a du mal Ă  croire qu’un Ă©crivain puisse ĂȘtre aussi prolifique et toucher Ă  tant de formes dans une seule vie. 

J’ai rencontrĂ© l’homme la premiĂšre fois, Ă  un cocktail d’ouverture, lors d’un week-end d’ateliers de théùtre aux Trois-Pistoles. Il est venu vers moi et m’a dit franc et net: « Toi et moi, ça fait longtemps qu’on aurait dĂ» se parler Â» Il m’a soustrait au groupe, alors qu’on Ă©tait les principaux invitĂ©s, m’a emmenĂ© Ă  l’écart et on a longuement Ă©changer, au dĂ©sespoir des organisateurs.

D’autres rendez-vous ont eu lieu par la suite, parfois jusqu’à trĂšs tard dans la nuit. Parfois aprĂšs une partie de quilles. Il aimait dĂ©battre et ne lĂąchait jamais le morceau. 

Ce mĂȘme week-end, on se retrouve Ă  une table avec un maquilleuse professionnelle et Victor lui fait remarquer qu’elle a un sourcil plus arquĂ© que l’autre. Elle dit Â« Oui j’ai un oeil plutĂŽt faible, ce qui explique la forme de mon sourcil. J’utilise mon autre oeil pour maquiller. Â» 

« Erreur, lui dit Victor, c’est avec l’oeil qui fonctionne mal que tu maquilles, on crĂ©e toujours avec nos failles. » 

J’ai compris ce jour-lĂ , que la poliomyĂ©lite dont il avait Ă©tĂ© victime Ă  son adolescence et l’avait laissĂ© Ă  moitiĂ© paralysĂ© d’un cĂŽtĂ© du visage et d’un bras, avait jouĂ© un rĂŽle fondateur dans son Ă©criture. Il a creusĂ© encore et encore les failles, le cĂŽtĂ© obscur des ĂȘtres. 

J’aimais cet homme, plein de contradictions, qui voulait tout avaler, mais respectait ceux qui se coltinait avec lui, s’il jugeait que leur parole et leurs actes Ă©taient en concordance. À l’exception d’une courte oeuvre théùtrale que lui demandai pour PiĂšce de rĂ©sistance en 4 services, je n’ai montĂ© aucune de ses oeuvres, car il tenait lui-mĂȘme théùtre aux Trois-Pistoles.

On n’était pas en compĂ©tition mais en Ă©mulation. Et sa Guerre des clochers de l’étĂ© 1997, Ă©tait de la ben belle ouvrage.

Et puis en haut de la pile, l’HĂ©ritage! oeuvre tĂ©lĂ©visuelle inclassable, qui lui a permis de connecter avec son peuple, en lui rĂ©vĂ©lant des choses inavouables et taboues, d’autres remplies de poĂ©sie et grandeur, dans une langue admirable de sa totale invention. 

Merci Victor le grand! Repose en paix, Seigneur des Trois-Pistoles. Nul besoin de funĂ©railles nationales, quand on est au sommet de l’Everest!

  •  

Notre capitaine Achab 

Quel diable d’homme que ce Victor-LĂ©vy Beaulieu! Il aura poursuivi, sa vie durant, cette baleine blanche qui n’est pas celle de Melville, mĂȘme si l’auteur de La Nuitte de Malcomm Hudd a nourri la dĂ©lirante dĂ©mesure et l’entĂȘtement singulier du maĂźtre Ă  bord du baleinier Pequod, le capitaine Achab, personnage principal du cĂ©lĂšbre roman de Melville, Moby-Dick, devenu avec le temps le plus important hĂ©ros de la littĂ©rature amĂ©ricaine. 

Melville, certes transpercĂ© par les flĂšches du pĂ©chĂ© originel et tĂ©tanisĂ© par l’impossibilitĂ© de rĂ©demption, ne cessait de revenir Ă  la charge, tĂątonnant dans l’obscuritĂ© jusqu’à tomber sur cette baleine Ă©blouissante de blancheur. De son cĂŽtĂ©, Victor-LĂ©vy Beaulieu, plus prosaĂŻque, a tentĂ© de donner au QuĂ©bec un Ă©crivain de stature universelle et, cela, mĂȘme si pour se faire, comme la cĂ©lĂšbre baleine, il a avalĂ©, puis digĂ©rĂ©, les plus grands esprits croisĂ©s sur son chemin. Melville chasse la baleine, et Victor-LĂ©vy Beaulieu devient une ronde baleine en ratissant les fonds marins de sa bibliothĂšque. Il a terriblement besoin des morts pour exister. On comprend alors pourquoi cet homme a passĂ© sa vie Ă  ronchonner, maudissant parfois ses contemporains, jusqu’à se rĂ©fugier dans les bois pour les Ă©viter avant de les convoquer pour une sĂ©ance de clowneries. 

      Comme Melville, encore une fois, qui, quand il n’était pas en train de lĂ©cher ses blessures spirituelles ou les nombreux Ă©checs de ses romans dits de voyage, ou de se frapper le front contre le mur de sa passion pour Hawthorne, connaissait d’affolants passages Ă  vide. Il s’en prenait alors Ă  ces Ă©crivains anglais du moment, simplement “agrĂ©ables”, et dont l’influence sur la jeune mais bondissante littĂ©rature amĂ©ricaine ne cessait de l’étonner. Il prĂ©disait une montĂ©e si fulgurante de cette littĂ©rature qu’elle ferait pĂąlir la littĂ©rature moderne anglaise, celle qui s’ébrouait autour des annĂ©es 1850. L’impression d’entendre Victor-LĂ©vy Beaulieu Ă  propos de la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise par rapport Ă  la française – sa confiance dans le destin de cette littĂ©rature quĂ©bĂ©coise n’étant jamais Ă©branlĂ©e – et cela mĂȘme s’il a dĂ©jĂ  exprimĂ© certains doutes sur l’ambition de nos jeunes Ă©crivains. Nul besoin de dire qu’il a eu tort sur cette apprĂ©ciation car chaque gĂ©nĂ©ration, si ce terme si dĂ©testable est valable en littĂ©rature, cherche Ă  explorer des contrĂ©es inĂ©dites. Et l’ambition n’est pas toujours liĂ©e au volume ou Ă  la puissance. Le ruisseau Rimbaud tient tĂȘte Ă  l’ocĂ©an Hugo, ou, si vous voulez, le “vaisseau d’or” de Nelligan navigue sans couler dans le fleuve d’encre qu’est l’Ɠuvre monumentale de Victor LĂ©vy-Beaulieu. Une Ɠuvre dont une grande partie est dĂ©diĂ©e aux autres et est aussi faite par les autres. 

          Son originalitĂ© rĂ©side dans cette “facultĂ© d’admirer” si chĂšre Ă  Malraux. Ne me reprochez pas tous ces noms car VLB a ouvert les fenĂȘtres du QuĂ©bec sur le monde en Ă©crivant des livres entiers, et non de simples citations comme on fait dans les salons, sur Hugo, Kerouac, Melville, Atwood, Joyce, Nietzsche. Qui dit mieux? Et il les ramĂšne au QuĂ©bec, dans son Ɠuvre, jusqu’à donner l’impression que Melville, Hugo ou Joyce sont en fait des Ă©crivains quĂ©bĂ©cois. Quelle jolie façon de dire que le QuĂ©bec est, Ă  ses yeux, le cƓur du monde rĂȘvĂ© Ă  dĂ©faut de l’ĂȘtre dans le monde rĂ©el. En effet, il s’est fĂąchĂ© plusieurs fois avec le QuĂ©bec rĂ©el qui lui semblait douter de sa propre rĂ©alitĂ©. 

     L’homme qui aimait faire des dĂ©clarations intempestives Ă©tait aussi un bĂ»cheron solitaire qui s’enfonçait longtemps dans la forĂȘt des voix oĂč il avait appris le silence et le monologue sans fin. Vous avez compris que ce veilleur de nuit, tout en contrastes comme son vieil ami Melville, a vĂ©cu mille tourments dont le plus douloureux Ă©tait l’impression d’ĂȘtre oubliĂ© de son vivant. Ses livres Ă©taient de moins en moins commentĂ©s ou mĂȘme feuilletĂ©s. Pas parce qu’ils Ă©taient sans intĂ©rĂȘt (il a aussi Ă©crit des livres sur les plantes qui guĂ©rissent et Ă©tait un Ă©cologiste forcenĂ©) mais parce que personne ne voulait se colleter Ă  lui. Qui a lu son diabolique 666 Friedrich Nietzsche (1392 pages)? Melville avait jetĂ© son dĂ©volu sur Hawthorne qui lui rendit cette amitiĂ© un bref temps. Lui, Victor-LĂ©vy Beaulieu Ă©tait de plus en plus seul vers la fin: Tremblay est Ă  Miami, et Blais, HĂ©bert, Ducharme, Aquin, Ferron, Miron (la forĂȘt dĂ©peuplĂ©e) n’étaient plus lĂ . Il faut dire qu’il n’a pas beaucoup frĂ©quentĂ© les vivants non plus. Victor-LĂ©vy Beaulieu a admirĂ© passionnĂ©ment Melville qu’il n’a pourtant jamais rencontrĂ©. En fait, il s’agissait de la poursuite d’une baleine blanche, cet animal marin qu’on ne peut chasser que si on est prĂȘt Ă  le suivre parfois Ă  plus de cinq mille mĂštres de profondeur, de ces profondeurs dont on ne remonte jamais. 

     Aujourd’hui pour retrouver l’écrivain de Trois-Pistoles, il faudra un long souffle et cette ambition dĂ©mesurĂ©e qui ne sont accordĂ©s qu’aux fous, aux saints et aux gĂ©nies. Je ne sais mĂȘme pas si on a les moyens nĂ©cessaires pour Ă©valuer cette Ɠuvre, ou la gĂ©nĂ©rositĂ© rĂ©quise pour comprendre l’abnĂ©gation de cet homme aux lĂšvres minces, aux mains dĂ©licates, aux cuisses solides qu’il aimait exhiber, sans oublier chapeau et pipe.  Je revois l’étonnement de Melville en lisant la lettre d’admiration de Hawthorne. Un homme avait tentĂ© de le comprendre quand tous les autres cherchaient Ă  le ridiculiser. 

        Victor-LĂ©vy Beaulieu a besoin de lecteurs plus que des larmes. Il nous faut le lire ou le relire pour apprĂ©cier cet incroyable saut pĂ©rilleux dans l’obscuritĂ©. Commencez cet Ă©tĂ© par son Melville (Monsieur Melville) et son Joyce (James Joyce, le QuĂ©bec, l’Irlande, les mots, essai hilare) pour ceux qui n’ont pas peur des grands massifs. Mon premier livre en arrivant au QuĂ©bec c’était Les Grands-pĂšres, paru en 1971 et rééditĂ© en 2011 dans une certaine indiffĂ©rence. Toute l’Ɠuvre Ă©tait dĂ©jĂ  lĂ . “Dans le livre de Victor-LĂ©vy Beaulieu, il y la mort, l’auteur et le lecteur” Ă©crivait Ferron. La mort ayant amenĂ© l’auteur avec elle pour une promenade qui n’est pas de santĂ©, il reste le lecteur. Qu’est-ce qu’on attend alors? 

Dany LaferriĂšre 

de l’AcadĂ©mie française

  •  

Chronique du gars en mots dits: CAQ : dĂ©financer les « sĂ©paratistes Â»â€Š

La Coalition Avenir-QuĂ©bec se dĂ©crit comme un parti « nationaliste Â». Traduction : sans ĂȘtre indĂ©pendantiste, elle est censĂ©e financer l’identitĂ© quĂ©bĂ©coise et souffler juste assez sur les braises de la fiertĂ© sans que cela menace sa sacro-sainte appartenance au Canada. Un parti fil-de-fĂ©riste qui vient une fois de plus de perdre l’équilibre.

La grande famille fĂ©dĂ©raliste s’est toujours grassement rĂ©compensĂ©e pour son adhĂ©sion inconditionnelle au Canada. Ainsi, dans le bras de fer historique entre QuĂ©bec et Ottawa, les subventions pour les commĂ©morations de l’identitĂ© « multinationale Â» canadienne, bien qu’elles fluctuent au grĂ© des budgets, ne sont jamais gelĂ©es ou rĂ©duites Ă  nĂ©ant sur une longue pĂ©riode.

Au QuĂ©bec, c’est pourtant ce qu’on sentira le 19 mai 2025, avec le (dĂ©)financement de la JournĂ©e nationale des patriotes. Depuis 2002 la dĂ©funte fĂȘte de Dollard des Ormeaux (la fĂȘte de la Reine dans le « rest of Canada Â») constitue l’occasion rĂȘvĂ©e pour dĂ©cerner le prix du patriote de l’annĂ©e, organiser des banquets, des spectacles, des rĂ©jouissances. Une rare chance, surtout, de donner un peu de substance Ă  la devise du QuĂ©bec : Je me souviens


Imaginez ma surprise quand, dĂ©but fĂ©vrier, la SociĂ©tĂ© nationale de l’Est du QuĂ©bec (SNEQ) m’a annoncĂ© que ma famĂ©lique subvention annuelle de 600 $ pour l’organisation du banquet des patriotes du Kamouraska venait d’ĂȘtre rĂ©duite Ă  nĂ©ant par le douteux nationalisme de la CAQ. J’égrenais ces miettes entre les chansonniers invitĂ©s, le cachet du confĂ©rencier, le prix du patriote de l’annĂ©e et les prix de participation du public.

Remontons un peu dans l’histoire. Dans la foulĂ©e des États gĂ©nĂ©raux du Canada français tenus en 1968, un grand schisme a divisĂ©, d’un cĂŽtĂ©, les sociĂ©tĂ©s Saint-Jean-Baptiste diocĂ©saines qui s’occupaient de ce qui s’appelait depuis 1834 la « Saint-Jean-Baptiste Â», une fĂȘte teintĂ©e d’un catholicisme assumĂ© et prosĂ©lyte et, de l’autre, les SociĂ©tĂ©s nationales laĂŻques, qui ont essaimĂ© et pris le relai dans 18 rĂ©gions. Un de leurs premiers gestes : rebaptiser et transformer la « Saint-Jean-Baptiste Â» en « fĂȘte nationale Â»â€Š On misait ainsi sur une fiertĂ© plus nationale que religieuse. Pour rĂ©aliser des Ă©conomies d’échelle et se doter d’un porte-voix plus fort pour nĂ©gocier avec le gouvernement, elles ont vite senti le besoin de centraliser une partie de leurs opĂ©rations Ă  MontrĂ©al. Ce besoin fit naĂźtre le Mouvement national des QuĂ©bĂ©cois (MNQ), oĂč s’affaire aujourd’hui une douzaine d’employĂ©s. Mais le Parti libĂ©ral du QuĂ©bec s’est toujours mĂ©fiĂ© du MNQ, le voyant comme un « nique Ă  sĂ©paratistes Â». Il a tout fait pour le plumer – comme l’alouette de la chanson – en n’indexant jamais son budget et, plus rĂ©cemment, en lui retirant le lucratif contrat d’organisation du spectacle de la fĂȘte nationale Ă  QuĂ©bec pour l’ajouter au mandat de TĂ©lĂ©-QuĂ©bec. La fĂȘte ainsi ramenĂ©e dans le giron Ă©tatique, le gouvernement peut la surveiller plus Ă©troitement.

Le façadisme de la CAQ

SupposĂ©ment nationaliste, la CAQ affiche ici une fiertĂ© bien Ă©lectoraliste, un patriotisme de façade. On connaĂźt la hargne de François Legault contre son ancien parti, qui menace dĂ©sormais de le renverser aux prochaines Ă©lections. Il a cru en venir Ă  bout en 2022, mais les dĂ©putĂ©s survivant Ă  la vague, les « trois mousquetaires Â», ont vaillamment rĂ©sistĂ©, et Ă©vitĂ© l’anĂ©antissement du PQ.

La suspicion de dĂ©nicher quelques indĂ©pendantistes et pĂ©quistes au Mouvement national des QuĂ©bĂ©cois pousse la CAQ Ă  tout faire pour le dĂ©manteler. Mais comment procĂ©der pour que cela passe presque inaperçu? Simple : en transigeant dĂ©sormais directement avec les dix-huit sociĂ©tĂ©s nationales rĂ©parties sur le territoire, tout en se vantant d’avoir augmentĂ© leur budget de 15 %. Sauf que par la mĂȘme occasion, cette mesure se trouve Ă  dĂ©financer le MNQ qui, affaibli, ne pourra plus assumer ses fonctions de coordination nationale envers ces sociĂ©tĂ©s affiliĂ©es, dont peu peuvent se payer le luxe d’une permanence annuelle. Pour le MNQ, c’est huit des douze employĂ©s qui seront mis Ă  pied, et les quatre restants seront rĂ©duits Ă  des tĂąches plus modestes, comme la gestion du site transactionnel de produits de pavoisement Accent bleu.

RĂ©sumons la situation en termes imagĂ©s : le gouvernement dĂ©shabille Jacques pour habiller Jean, mais avec d’autres vĂȘtements non ajustĂ©s Ă  sa taille ou Ă  ses besoins. 

Six millions de dollars : c’est le budget total de la fĂȘte nationale, soit presque exactement le mĂȘme que celui payĂ© pour deux parties des Kings de Los Angeles Ă  QuĂ©bec. Belle occasion ratĂ©e de doubler le financement pour cĂ©lĂ©brer notre identité ! EspĂ©rons que les QuĂ©bĂ©cois cesseront d’ĂȘtre dupes de cette poudre aux yeux nationaleuse qui les Ă©blouit et les aveugle depuis le 1er octobre 2018.

  •  

Le français au QuĂ©bec : un double enjeu

            Source inĂ©puisable de dĂ©bats, la question du français au QuĂ©bec repose sur ce que l’écrivaine Lise Gauvin a appelĂ© une « surconscience linguistique Â». Cette « surconscience linguistique Â» est la consĂ©quence directe du statut minoritaire du français en AmĂ©rique du Nord et de « l’insĂ©curitĂ© linguistique Â» prenant entre autres forme Ă  travers notre relation ambiguĂ« avec la France depuis la fin du XIIIe siĂšcle. Lorsqu’il est question du français au QuĂ©bec, deux enjeux primordiaux ne cessent de s’entremĂȘler dans le discours, alors qu’il faudrait les sĂ©parer : le dĂ©clin de l’utilisation courante du français et la qualitĂ© de ce dernier. Alors que le premier est une question a priori dĂ©mographique, le second est une question linguistique.

            Il y a deux ans, le 15 mars 2023, le ministĂšre de la Langue française diffusait pour la premiĂšre fois sa publicitĂ© mettant en images un faucon pĂšlerin, « cet oiseau de proie vraiment sick Â», qui se concluait par le message suivant : Â« Au QuĂ©bec, le français est en dĂ©clin. Renversons la tendance. Â» Alors que le ministre Roberge s’était rĂ©joui du retentissement de cette publicitĂ© visant Ă  conscientiser les QuĂ©bĂ©coises et les QuĂ©bĂ©cois quant Ă  leur utilisation d’anglicismes, plusieurs avaient plutĂŽt soulignĂ© que le ministĂšre faisait fausse route en instrumentalisant la qualitĂ© du français au profit du dĂ©clin de l’usage de ce dernier. D’autres avaient critiquĂ© le fait que la publicitĂ© pointait du doigt les jeunes par son utilisation de mots tels que chill, insane, sketch, watcher, alors qu’il est tout Ă  fait normal qu’une sous-communautĂ© linguistique (et par le fait mĂȘme identitaire) se crĂ©e chez les jeunes, sous-communautĂ© qui n’est d’ailleurs par seulement imprĂ©gnĂ©e d’emprunts Ă  l’anglais, mais Ă©galement Ă  l’arabe et au crĂ©ole haĂŻtien. Cette publicitĂ© trahit simplement notre obsession des anglicismes, justifiĂ©e par la position gĂ©ographique du QuĂ©bec et notre peur historique de l’assimilation.

            Alors qu’en 2022 l’Office quĂ©bĂ©cois de la langue française (OQLF) notait que l’utilisation du français Ă©tait stable dans l’espace public depuis les 15 derniĂšres annĂ©es, ce qui est pour plusieurs linguistes le premier indicatif de la « santĂ© Â» d’une langue, on pourrait certes lister une panoplie d’autres statistiques, dont certaines montrent le dĂ©clin de l’utilisation du français, tandis que d’autres dĂ©montrent son Ă©tat de stabilitĂ© ou mĂȘme d’ascension. Quel est alors le rĂŽle du gouvernement en matiĂšre de linguistique, outre mettre temps, Ă©nergie et argent dans une publicitĂ© de mauvais goĂ»t? Est-ce l’adoption de la loi 14 (PL96), extension de la loi 101, qui restreint le taux de francophones qui peuvent frĂ©quenter les cĂ©geps anglophones? Est-ce vraiment par le biais d’une dynamique restrictive que les jeunes seront enclins Ă  chĂ©rir la langue française? Hugo Saint-Amant Lamy, professeur de linguistique au DĂ©partement des lettres et humanitĂ©s de l’UniversitĂ© du QuĂ©bec Ă  Rimouski, rappelle que « la dĂ©fense du français ne peut tout simplement pas ĂȘtre lĂ©gitimement imposĂ©e par le haut s’il n’y a pas de volontĂ© populaire derriĂšre Â». Cette volontĂ© concernant le devoir commun vis-Ă -vis du français n’est-elle pas brimĂ©e chez les jeunes par l’attitude nĂ©gativiste de notre gouvernement Ă  l’égard de leur langue?

Il est alors impĂ©ratif de se poser la question suivante : arriverons-nous un jour Ă  surpasser cet Ă©tat « d’insĂ©curitĂ© linguistique Â» et Ă  non plus avoir recours Ă  la rĂ©glementation comme premiĂšre arme de dĂ©fense du français, mais bien Ă  le mettre en valeur comme bien commun par le biais de la culture, qui, comme nous le savons, est en crise au QuĂ©bec? À Rimouski, dans les derniĂšres semaines, le MusĂ©e rĂ©gional et le Carrousel international du film ont fermĂ© dĂ©finitivement leurs portes. Que le budget du Conseil des arts et des lettres du QuĂ©bec (CALQ) soit de 0,15 % du budget de l’État reprĂ©sente une position politique nette : la culture n’est pas prioritaire pour la CAQ. Politique et situation du français sont indissociables et Hugo Saint-Amant Lamy souligne sur ce point « qu’amĂ©liorer les conditions socioĂ©conomiques d’un groupe permet d’augmenter le statut de la langue qu’il parle Â». ConsidĂ©rant la prĂ©caritĂ© Ă©conomique Ă  laquelle le QuĂ©bec a dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  faire face, n’est-il pas primordial de financer notre culture (et ainsi notre langue et notre identitĂ©) et de rendre accessibles nos archives culturelles afin que l’on puisse renverser la tendance?

  •  

La joie comme acte de résistance dans un monde qui brûle

 Le capitalisme, le colonialisme et l’hĂ©tĂ©ropatriarcat nous rendent malades. Est-ce que nos rĂ©ponses nous soignent? Est-ce que nos actions gĂ©nĂšrent du bien-ĂȘtre pour d’autres? Ou bien reproduisons-nous involontairement le type de relations qui nous ont rendu·e·s malades en premier lieu?

-Zainab Amadahy

Dans un monde oĂč le masculinisme, le racisme, la transphobie, le conservatisme et le techno-fascisme semblent prendre de l’ampleur, les forces de droite cherchent Ă  crĂ©er des divisions, Ă  tuer le vivant et Ă  dĂ©signer des boucs Ă©missaires. Dans ce contexte, il devient urgent de (re)penser les pratiques militantes en y intĂ©grant des valeurs de solidaritĂ©, de soin et de justice sociale.

Mais comment y parvenir? Quelles stratĂ©gies et nouvelles solidaritĂ©s mettre en place? Comment garder ce feu militant sans le consumer dans un monde en tremblement constant oĂč tout semble s’accĂ©lĂ©rer? Comment se libĂ©rer de l’emprise d’une sociĂ©tĂ© nĂ©olibĂ©rale qui nous pousse parfois vers des pratiques militantes rigides et axĂ©es sur la performance, contribuant ainsi au burnout militant? Et si on mettait la joie au cƓur des luttes?

La joie comme processus relationnel et Ă©mancipateur 

Dans cette perspective spinoziste, la joie n’est pas une simple Ă©motion, mais un processus qui accroĂźt « notre capacitĂ© Ă  affecter et Ă  ĂȘtre affecté·e·s1 ». Elle est avant tout relationnelle : elle renforce les liens et nourrit notre capacitĂ© Ă  agir ensemble. La joie militante valorise l’affect joyeux dans l’action collective, privilĂ©giant les passions et les dĂ©sirs plutĂŽt que la compĂ©tition et la rigiditĂ©2. Elle encourage la crĂ©ativitĂ©, l’écoute, la curiositĂ© et nous invite Ă  naviguer dans l’incertitude, Ă  cultiver le soin comme acte politique, Ă  dĂ©construire les habitudes rigides, Ă  laisser Ă©merger des pratiques inclusives et Ă©mancipatrices3.

La joie ne cherche pas Ă  fuir la douleur, comme le promeut la sociĂ©tĂ© nĂ©olibĂ©rale avec son injonction au bonheur. Au contraire, elle peut naĂźtre de la rage, du dĂ©sespoir ou de la dĂ©tresse, et ces Ă©tats sont des moteurs puissants de transformation4. Dans cette optique, elle n’est pas non plus une forme d’optimisme dĂ©connectĂ©e des rĂ©alitĂ©s, mais une force qui s’enracine dans les rĂ©sistances et les dĂ©sirs.

Mes joies féministes

Au cours de mon parcours dans des groupes fĂ©ministes ces derniĂšres annĂ©es, j’ai traversĂ© des blessures, des pertes de sens et des moments de fatigue, mais aussi des transformations joyeuses. On me demande parfois comment je parviens Ă  demeurer dans le milieu et Ă  nourrir mon engagement. Je crois que beaucoup revient Ă  la question des affects.

Ces moments se sont manifestĂ©s de multiples façons : Ă  travers des lectures, des chansons, par l’écriture collective de textes, par des frissons et des cris lors de mobilisations, ou encore dans la crĂ©ation de slogans pour des pancartes. La joie militante s’est incarnĂ©e Ă  travers le soutien, les soins rĂ©ciproques, la douceur, la confiance mutuelle, mais aussi Ă  travers la colĂšre collective et l’ardeur qui nous insufflent la force de se rallier. 

Des rires, des amitiĂ©s, de nouvelles solidaritĂ©s, des horizons rĂȘvĂ©s Ă  plusieurs et des actes de dĂ©sobĂ©issance civile sont autant d’exemples de joies partagĂ©es. Chaque brĂšche, mĂȘme petite, est une cĂ©lĂ©bration de notre capacitĂ© Ă  tisser des liens et Ă  rĂ©sister. Ensemble.

La joie a Ă©galement Ă©mergĂ© lors d’évĂ©nements rassembleurs : manifestations, ateliers-discussions, soirĂ©es de cinĂ©ma fĂ©ministe, vernissages d’exposition ou encore dans des espaces de dialogue authentique, courageux et rĂ©flexif avec mes collĂšgues, oĂč le temps semble soudain s’élargir. C’est dans ces instants collectifs que se rĂ©vĂšle une force libĂ©ratrice.

La joie militante comme voie de transformation sociale?

Il n’est pas possible de dĂ©finir la joie militante avec des ingrĂ©dients magiques pour chaque situation, et c’est ce qui en fait sa force. Loin d’ĂȘtre docile, elle Ă©chappe aux tentatives d’instrumentalisation et surgit dans les interstices, lĂ  oĂč les possibilitĂ©s de transformation prennent racine. Ces moments d’ĂȘtre ensemble, dans la puissance collective d’agir, et de se laisser façonner, voire bouleverser par les luttes et les liens que nous crĂ©ons, sont autant de preuves que la joie militante est une pratique qui se situe et qui est en constante Ă©volution.

Et si la joie, Ă  elle seule, Ă©tait une forme de rĂ©sistance face aux oppressions? Une façon de demeurer solidaire et en lien dans ce monde qui souhaite nous diviser?  Si elle devenait une flamme qui nous rend plus vivants, qui nous soigne et qui alimente nos luttes face Ă  la montĂ©e des droites?

1. Carla Bergman et Nick Montgomery, Joie militante : construire des luttes en prise avec leurs mondes, Éditions du commun, 2021, p. 34.

2. GaĂ«lle Jeanmart, CĂ©dric Leterme et Thierry MĂŒller, Petit manuel de discussions politiques : rĂ©flexions et pratiques d’animation Ă  l’usage des collectifs. Éditions du commun, 2018, p. 108.

3. Carla Bergman et Nick Montgomery, op. cit.

4. Ibid., p. 66.

  •  

On aime oublier


Pour apaiser notre conscience et dormir du sommeil du juste, il nous faut oublier :

–      Oublier qu’en 1971 le GĂ©nĂ©ral De Gaulle demande au prĂ©sident Nixon de convertir ses amas de dollars amĂ©ricains que la France avait dans ses coffres, en lingot d’or. Puisque les États-Unis, dans leur grandeur d’ñme, avaient proposĂ© aprĂšs la Seconde Guerre mondiale que le dollar U.S ait une paritĂ© fixe avec l’once d’or (35$ U.S = 1 once d’or). Assurant la pleine convertibilitĂ© du dollar amĂ©ricain contre de l’or et des paritĂ©s fixes entre les monnaies et le dollar amĂ©ricain. On pouvait, croyait-on, reprendre le commerce international en toute sĂ©curitĂ©. Les nations europĂ©ennes, ruinĂ©es par l’effort de guerre et l’effort de reconstruction n’avaient plus Ă  assurer la convertibilitĂ© de leur monnaie. Et voilĂ  que De Gaulle dĂ©voile l’arnaque amĂ©ricaine en demandant Ă  Nixon d’échanger sa montagne de dollars U.S en or. Les AmĂ©ricains avaient dupĂ© les uns et les autres en faisant tourner allĂ©grement la planche Ă  billets et ont provoquĂ© ce qu’il fut convenu d’appeler : la crise du systĂšme monĂ©taire internationale qui nous a menĂ©s Ă  des paritĂ©s flottantes entre les monnaies et la naissance d’un marchĂ© spĂ©culatif entre les monnaies oĂč des sommes himalayennes de transactions se font tous les jours Ă  l’encontre des actions corporatives.

–      On aime oublier que dix ans plus tard, 1981, c’est au tour de Reagan d’engendrer une rĂ©cession mondiale. Usant de ses talents de comĂ©dien, il nous informe sur les grandes chaĂźnes, tableaux Ă  l’appui, que s’il y avait conflit nuclĂ©aire entre les États-Unis et la Russie d’alors, eh bien ce sont les Russes qui gagneraient. Il omet, cependant, de dire qu’il n’y aurait plus Ăąme qui vive pour dĂ©clarer un gagnant. Il propose donc que les États-Unis se protĂšgent en investissant dans un bouclier spatial baptisĂ© : Star War. Pour financer ces dĂ©penses militaires colossales, ses conseillers lui suggĂšrent d’augmenter les taux d’intĂ©rĂȘt en prĂ©textant combattre l’inflation. Il rĂ©ussit ainsi Ă  pomper les capitaux Ă©trangers dans les banques amĂ©ricaines pour pouvoir emprunter cet argent et crĂ©er un dĂ©ficit budgĂ©taire innommable. Avons-nous oubliĂ© que les taux d’intĂ©rĂȘt ont virevoltĂ© au-delĂ  des 20% ? Cette politique a engendrĂ© une rĂ©cession mondiale et un endettement sous lequel nous croulons depuis. Il faut se rappeler que depuis la crise de 1929, la proposition de Keynes de la gestion cyclique du budget avait permis aux uns et aux autres d’équilibrer cycliquement leur budget. GrĂące Ă  nos voisins, nous connaissons des dĂ©ficits perpĂ©tuels engendrant un endettement innommable. Pour certaines nations le service de la dette dĂ©passe la capacitĂ© de payer


–      Et voilĂ  que nos voisins du sud usent, non pas du bĂąton du pĂšlerin, mais de la bastonnade pour augmenter les tarifs douaniers prĂ©textant protĂ©ger leur Ă©conomie qui est malmenĂ©e et souffre d’un dĂ©ficit commercial. Outrepassant tous les accords commerciaux (ACEUM) qu’ils avaient eux-mĂȘmes signĂ©s. Tout ce qu’ils rĂ©ussiront Ă  faire c’est de gĂ©nĂ©rer, encore une fois, un ralentissement Ă©conomique mondial. Fait Ă  remarquer, dans les trois cas de figure, nous avons fait face Ă  des gouvernements rĂ©publicains.

  •  

L’histoire n’est jamais un long fleuve tranquille

Peu Ă  peu, il devint impossible d’échanger avec quiconque une parole raisonnable. [
] Il ne restait dĂšs lors qu’une chose Ă  faire : se replier sur soi-mĂȘme et se taire aussi longtemps que durerait la fiĂšvre.

                                         — Le monde d’hier, Stefan Sweig, 1942  

À la lecture de l’essai Le monde d’hier, je me suis dit que vivre longtemps nous amenait nĂ©cessairement Ă  connaĂźtre plusieurs soubresauts de l’histoire. La RĂ©volution tranquille de mon enfance a transformĂ© des Canadiens français colonisĂ©s en un peuple quĂ©bĂ©cois capable d’investir le monde des affaires et d’inscrire sa culture dans le grand concert des nations. J’ai cru naĂŻvement qu’on irait ensuite de progrĂšs en progrĂšs. Oh dĂ©sillusion! Avec la chute du mur en 1989, fin de la guerre froide et de la menace nuclĂ©aire, la mondialisation mĂšnerait Ă  la crĂ©ation d’un village global et la paix s’installerait Ă  demeure. Utopie!

On est nombreux Ă  penser que le monde arrive Ă  un point de bascule. S’agira-t-il d’un mouvement vers une dĂ©-civilisation ou une re-civilisation? Notre vision de l’histoire toutefois ne peut qu’ĂȘtre myope. Certes, les vellĂ©itĂ©s impĂ©rialistes de certains leaders, leurs hubris dĂ©bridĂ©es et la montĂ©e des extrĂȘmes en Europe sont inquiĂ©tantes. Sans compter le dĂ©rĂšglement du climat. DĂšs lors, qu’arrivera-t-il dans le temps long? Nul ne sait en rĂ©alitĂ©.  

Avoir peur de Trump est dangereux, soyons lucides plutĂŽt

Trump aime qu’on le craigne. La peur est en effet un outil de manipulation puissant. Sa brutalitĂ© est une tactique de provocation pour forcer le reste de la planĂšte Ă  se plier Ă  ses dĂ©sirs. Trump entend rĂ©duire le dĂ©ficit de la balance commerciale, lequel est liĂ© Ă  la valeur du dollar, mais Trump tient mordicus Ă  ce que le dollar US demeure la devise de rĂ©fĂ©rence. Quadrature du cercle? Avec le Canada, Trump sort un canon pour tuer une mouche : le dĂ©ficit correspond Ă  moins de 5 % du dĂ©ficit commercial amĂ©ricain total, et ce pays est une source quasi nĂ©gligeable du trafic de fentanyl ou de l’immigration illĂ©gale. Chez lui, son agressivitĂ© s’exprime par une avalanche de dĂ©crets parce que when the shit hits the fan, la justice est submergĂ©e, la dĂ©rĂ©gulation Ă  tout crin passe ainsi sous les radars, espĂšre-t-il.

Trump n’est fort que devant ceux qu’il juge faibles; face Ă  Poutine, il perd de sa superbe, on verra s’il s’écrase face au czar. Il ne faut pas oublier que Donald n’est pas un homme d’État, mais une bĂȘte de scĂšne Ă©talant son ego, un enfant caractĂ©riel de 78 ans, un bouffon avec un appĂ©tit d’ogre. Devenu l’homme le plus puissant du monde, il veut tout : les richesses naturelles du Canada, du Groenland, les terres rares de l’Ukraine; il veut Gaza, le Panama, les pailles en plastique, le prix Nobel de la paix. Comme s’il suffisait de dire : JE VEUX. Et s’il n’était qu’un agitĂ© du bocal qui finira par s’épuiser avant la fin de son mandat? À preuve, le deuxiĂšme discours de son inauguration : une longue suite de coq-Ă -l’ñne qui s’est conclue par Melania a mal aux pieds Ă  cause de ses souliers! C’est Ă  se demander quel aurait Ă©tĂ© son rĂ©sultat au test de dopage auquel sont soumis les athlĂštes. Les stimulants, ça peut ĂȘtre dangereux Ă  son Ăąge. Depuis son Ă©lection, il a fait preuve d’une grande agitation, marquĂ©e par des nominations surprenantes. Comment ne pas penser Ă  l’empereur Caligula qui, dit-on, aurait un jour songĂ© Ă  nommer comme consul son cheval.  

Les Ă©lecteurs MAGA peuvent pardonner Ă  Trump sa grossiĂšretĂ©, ses mensonges, mĂȘme ses conflits d’intĂ©rĂȘts, mais de toucher Ă  leur porte-monnaie, j’en doute. S’il poursuit sa guerre commerciale tous azimuts, il y aura ressac sur l’économie amĂ©ricaine. Les Ă©lections de mi-mandat pourraient prendre de court ceux qui chuchotent Ă  son oreille.

La vie continue

À titre privĂ©, les conseils de Sweig sont pertinents. Se taire consiste Ă  ne pas ajouter sa voix Ă  l’enflure des discours du pire. Fermons les Ă©coutilles et laissons passer la tempĂȘte, l’apocalypse n’est pas pour demain. Se replier ne veut pas dire s’isoler. Un bon antidote Ă  l’anxiĂ©tĂ© est de multiplier les contacts de personne Ă  personne : rigoler entre amis, aller voir des spectacles, aller au théùtre, au concert, au parc. Refuser d’acheter amĂ©ricain est aussi une maniĂšre de ne pas se sentir impuissant.

Oui, notre monde basculera un jour vers on ne sait quoi. La seule certitude est qu’il changera tĂŽt ou tard. Qu’à cela ne tienne, la peur Ă©tant mauvaise conseillĂšre, le courage reste la meilleure maniĂšre d’ĂȘtre humain. AprĂšs tout, le monde romain a survĂ©cu Ă  Caligula durant des siĂšcles.

  •  

Trumpenstein et le totalitarisme : quand le loup et la pulsion de mort sont les gardiens de la bergerie

Le gouvernement trumpiste n’est que la poursuite de l’assaut du Capitole en 2021 : une attaque contre la dĂ©mocratie. Mais cette fois-ci, sont au pouvoir ceux qui prĂ©paraient la victoire de Trump afin de permettre aux dĂ©tenteurs du capitalisme financiarisĂ© de rĂ©gner au-dessus des lois de maniĂšre totalitaire1.

Gilles Dostaler et Bernard Maris2, en se rĂ©fĂ©rant Ă  Freud qui voyait le capitalisme comme « la pulsion de mort Â» et Ă  Keynes pour qui « l’amour irrationnel de l’argent constitue le moteur du capitalisme Â», avancent qu’« Ă  nouveau le capitalisme, par sa course effrĂ©nĂ©e au profit, son dĂ©sir toujours plus intense d’accumulation, a libĂ©rĂ© ce qui est enfoui au plus profond de lui-mĂȘme et le meut de toute son Ă©nergie : la pulsion de mort Â». Autrement dit, le capitalisme nous dĂ©shumanise et nous conduit Ă  prendre plaisir Ă  dĂ©truire et Ă  nous autodĂ©truire.

Le pouvoir de l’argent, que les Grecs appelaient la chrĂ©matistique, tend Ă  Ă©chapper Ă  la vie communautaire et fait de l’humain une abstraction, un pur objet sans corps et sans esprit. Cette rĂ©alitĂ©, qui rĂ©duit l’économie au pouvoir de l’argent, perdure durant toute la modernitĂ© qui est parfois contrĂŽlĂ©e et limitĂ©e par les institutions politiques ou laissĂ©e Ă  elle-mĂȘme, entraĂźnant des injustices, des inĂ©galitĂ©s et des guerres. Une relecture des ouvrages sur le capitalisme et le totalitarisme nous fait prendre conscience de maniĂšre plus aiguĂ« que la barbarie est aux frontiĂšres de l’humanitĂ©.

L’État voyou est dĂ©jĂ  en marche avec la multiplication des dĂ©crets imposĂ©s par Trump que l’on retrouve dans le « Project 20253 Â» qui vise Ă  liquider toute opposition et Ă  barricader la dĂ©mocratie. Trump et son entourage ressemblent Ă  des personnages de La fable des abeilles ou les vices privĂ©s font le bien public4. Dans cette fable, qui serait Ă  l’origine du libĂ©ralisme Ă©conomique5, les vices (luxure, appĂąt du gain, malhonnĂȘtetĂ©, mensonge, etc.) sont paradoxalement vertueux, comme le vice de l’intĂ©rĂȘt particulier qui va inĂ©vitablement, dit-on, engendrer la prospĂ©ritĂ©. Selon cette logique, l’altruisme, la morale, l’hospitalitĂ© sont des dĂ©fauts qui freinent l’accumulation sans limites de richesses Ă©conomiques.

Pour tenter de comprendre ces transformations dans notre rapport au monde et les dĂ©rives de l’autoritarisme et du totalitarisme, je retiens trois moments de l’histoire rĂ©cente : la crise sanitaire de la COVID, le nĂ©olibĂ©ralisme et la perte de lĂ©gitimitĂ© des institutions politiques au profit de la puissance des grandes organisations financiĂšres contemporaines dans un contexte de globalisation.

Pandémie et néolibéralisme

Durant la pandĂ©mie, l’ensemble des individus et mĂȘme des scientifiques reconnus qui ont osĂ© poser un regard diffĂ©rent sur la crise ont reçu peu d’attention et ont parfois Ă©tĂ© discrĂ©ditĂ©s. La lĂ©gitimitĂ© de la connaissance s’est limitĂ©e aux experts, Ă  l’emprise de l’industrie pharmaceutique sur nos vies et aux autoritĂ©s Ă©tatiques. Dans ce contexte, la pandĂ©mie « n’est plus un objet de discussion dans nos dĂ©mocraties, mais [
] la dĂ©mocratie est elle-mĂȘme, en PandĂ©mie, devenue objet discutable6. Â» Elle devient embarrassante avec ses brebis qui osent tirer les ficelles d’un tissage un peu trop serrĂ© d’une rationalitĂ© sans dĂ©bats qui repose entre les mains du pouvoir. Ainsi, la gestion de la pandĂ©mie laisse entrevoir les signes d’un possible glissement vers l’autoritarisme.

Cette pĂ©riode n’est pas sans lien avec le nĂ©olibĂ©ralisme, une idĂ©ologie oĂč l’économie cherche Ă  se libĂ©rer de toute entrave, y compris la dĂ©mocratie. Le nĂ©olibĂ©ralisme est, selon Pierre Dardot et Christian Laval, « la nouvelle raison du monde Â», c’est-Ă -dire une rationalitĂ© qui vise Ă  structurer l’ensemble des conduites humaines en faisant du marchĂ© le principe de gouvernement des hommes : « Le nĂ©olibĂ©ralisme, avant d’ĂȘtre une idĂ©ologie ou une politique Ă©conomique, est d’abord et fondamentalement une rationalitĂ©, et Ă  ce titre il tend Ă  structurer et organiser, non seulement l’action des gouvernants, mais jusqu’à la conduite des gouvernĂ©s eux-mĂȘmes7. Â» Il s’agit alors de transformer l’État, les maniĂšres de vivre, les rĂšgles, les normes pour que chacun adhĂšre Ă  une rationalitĂ© qui soumet les individus Ă  une adaptation mĂ©canique et inĂ©luctable au changement. C’est dire qu’on cherche Ă  libĂ©rer les individus de tout affect, de toute intĂ©rioritĂ©, de toute sensibilitĂ© Ă  l’égard d’autrui.

Mondialisation et globalisation

C’est aussi dans ce sens que Michel Freitag8 aborde le capitalisme et distingue mondialisation et globalisation. La mondialisation est ce qui « va dans le sens de l’ouverture des sociĂ©tĂ©s les unes sur les autres dans la perspective de l’harmonisation de leurs rapports au niveau mondial Ă  travers la crĂ©ation d’institutions normatives et expressives (c’est-Ă -dire de formes de reconnaissance identitaires et reprĂ©sentatives) communes; [elle] dĂ©signe donc l’exigence de la crĂ©ation d’un ordre commun. [
] Le projet de mondialisation reste un projet politique de caractĂšre humaniste. Â» Cette conception de la mondialisation est celle qui alimentait le mouvement altermondialiste par la crĂ©ation de forums sociaux mondiaux et, plus prĂšs de chez nous, le Forum social bas-laurentien en 2011 dans le village d’Esprit-Saint.

La globalisation va plutĂŽt « dans le sens de la dissolution [ 
] des sociĂ©tĂ©s et des identitĂ©s collectives existantes [
] l’abandon de toutes les autonomies sociĂ©tales au profit d’une soumission exclusive de toutes les rĂ©alitĂ©s Ă  la puissance des mĂ©canismes de rĂ©gulation systĂ©mique. [
] Le procĂšs de globalisation est seul proprement totalitaire Â». Dans ce mouvement de globalisation, les grandes corporations transnationales dominent avec un mode de rĂ©gulation qui ne repose plus sur le politique et les institutions, mais sur un systĂšme que Freitag qualifie d’opĂ©rationnel-dĂ©cisionnel puisque l’humain tend Ă  ne devenir qu’un opĂ©rateur de dĂ©cisions auxquelles il doit s’adapter et sur lesquelles il a peu de pouvoir. « Le programme de la globalisation, c’est l’abolition de cette capacitĂ© dĂ©mocratique ou en tout cas politique d’agir sur le dĂ©veloppement Ă©conomique pour l’intĂ©grer dans un ordre social visant la rĂ©alisation de fins humaines, sociales et politiques. Â» Et « l’idĂ©ologie nĂ©olibĂ©rale qui est mise au service de la globalisation n’est que propagande, et les bĂ©nĂ©ficiaires de cette propagande sont les puissances corporatives supranationales, et les pouvoirs publics s’y sont assujettis, notamment Ă  leur chantage9. Â»

Telle est la forme du totalitarisme de l’impĂ©rialitĂ© capitaliste amĂ©ricaine qui se rĂ©pand dans d’autres pays avec la figure de Trump, mutĂ©e en « Trumpenstein, un monstre Ă  la Frankenstein, cette crĂ©ature que l’overclass avec les organisations et ses guerres a créée et qui maintenant lui fait peur10 Â».

On a souvent reprochĂ© Ă  Freitag de dĂ©velopper une pensĂ©e pessimiste sur les transformations de la sociĂ©tĂ© alors qu’il pointait uniquement la forme qu’elle pouvait prendre, celle qui se manifeste de maniĂšre plus intense actuellement par la logique systĂ©mique dont la finalitĂ© repose uniquement sur les moyens et les rapports de force. Il attirait aussi notre attention sur les formes de rĂ©sistance qui participent Ă  la reconstruction et Ă  la rĂ©invention du monde. Ces rĂ©sistances ne sont pas Ă  venir, elles existent dĂ©jĂ  dans la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©coise Ă  travers le mouvement des alternatives sociales, Ă©conomiques et politiques11.

1. Voir AmĂ©rique 2025 : Les Architectes du Chaos – Le plan de Trump & Musk pour s’emparer de l’État, https://www.youtube.com/watch?v=OZasDbtvMDc&t=742s Lire Giuliano Da Empoli, Les ingĂ©nieurs du chaos, Folio actuel, 2023.

2. Gilles Dostaler et Bernard Maris, Capitalisme et pulsion de mort, Albin Michel, 2009.

3. StĂ©phanie Yates, « Projet 2025, ou le pouvoir d’un “think tank” Ă  l’Ɠuvre Â», Le Devoir, 11 fĂ©vrier 2025,

https://www.ledevoir.com/opinion/idees/840763/idees-projet-2025-ou-pouvoir-think-tank-oeuvre

4. Bernard de Mandeville, La fable de abeilles, 1723.

5. Dany-Robert Dufour, Baise ton prochain : une histoire souterraine du capitalisme, Acte Sud, 2019.

6. Barbara Stiegler, De la dĂ©mocratie en pandĂ©mie, Tracts Gallimard, no 23, janvier 2021. Lire Ă©galement Roland Gori, Et si l’effondrement avait dĂ©jĂ  eu lieu : l’étrange dĂ©faite de nos croyances, Les liens qui libĂšrent, 2022.

7. Pierre Dardot et Christian Laval, La nouvelle raison du monde, La Découverte, 2010.

8. Michel Freitag, (propos recueillis par Patrick Ernst), L’impasse de la globalisation. Une histoire sociologique et philosophique du capitalisme. ÉcosociĂ©tĂ©, 2008.

9. Ibid.

10. Jacques-Alexandre Mascotto, « Le RĂ©el, nom de Dieu! Aphorismes sur l’ñge du nĂ©olibĂ©ralisme intĂ©gral, de gauche comme de droite Â», Cahiers SociĂ©tĂ©, no 3, 2021.

11. Jean-Marc Fontan, Juan-Luis Klein et Vincent van Schendel, « La transition juste face Ă  la dĂ©cadence du trumpisme Â», Le Devoir, 18 janvier 2025, https://www.ledevoir.com/auteur/juan-luis-klein

  •  

Le veganisme

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Le vĂ©ganisme, bien plus qu’un simple rĂ©gime alimentaire, s’affirme comme un mode de vie guidĂ© par des principes Ă©thiques profonds, centrĂ©s sur le respect absolu de la vie animale. Cette philosophie, souvent confondue avec le vĂ©gĂ©talisme, va au-delĂ  de l’alimentation pour englober un rejet total de l’exploitation animale sous toutes ses formes.

Les Fondements du Véganisme

Selon Vincent Giroux (2018), le vĂ©ganisme se dĂ©finit comme un mode de vie visant Ă  minimiser, voire Ă  Ă©liminer, toute consommation de produits et services qui exploitent les animaux. Cette approche Ă©thique repose sur le principe de la sentience, c’est-Ă -dire la capacitĂ© des animaux Ă  ressentir, percevoir et avoir des expĂ©riences subjectives du monde (Gibert, 2015).

L’éthique vĂ©gane affirme que les animaux, qu’ils soient mammifĂšres, oiseaux, poissons ou mĂȘme certains insectes, mĂ©ritent d’ĂȘtre traitĂ©s comme des sujets moraux Ă  part entiĂšre. Ils sont capables de souffrir et d’éprouver des Ă©motions, ce qui les place sur un pied d’égalitĂ© morale avec les ĂȘtres humains (Giroux & Larue, 2019).

Impact Environnemental et Éthique

Outre les prĂ©occupations Ă©thiques, le vĂ©ganisme est Ă©galement motivĂ© par des considĂ©rations environnementales majeures. La production de viande, responsable d’environ 14.5% des Ă©missions mondiales de gaz Ă  effet de serre, est un contributeur majeur au changement climatique, Ă  la dĂ©forestation et Ă  la pollution des sols et des eaux (Giroux, 2018).

Adopter un mode de vie vĂ©gane, par consĂ©quent, ne se limite pas Ă  une dĂ©cision personnelle pour la santĂ© ou pour des convictions Ă©thiques individuelles, mais s’inscrit dans une dĂ©marche collective pour prĂ©server l’environnement et promouvoir un avenir durable pour toutes les espĂšces.

Conclusion

En somme, le vĂ©ganisme ne se rĂ©sume pas Ă  une simple tendance alimentaire, mais incarne un engagement profond envers le respect des animaux, l’environnement et les droits fondamentaux. À l’heure oĂč les dĂ©fis Ă©cologiques et Ă©thiques se font de plus en plus pressants, adopter des pratiques comme le vĂ©ganisme reprĂ©sente un pas vers un avenir plus Ă©quitable et durable pour tous.

—

Cet article reflĂšte l’importance croissante du vĂ©ganisme comme mode de vie Ă©thique et environnementalement responsable, tout en soulignant les implications profondes de cette philosophie sur nos choix quotidiens et collectifs.

Bentham, J. ([1798] 2011). Introduction aux principes de morale et de législation. Paris: Vrin.

Gibert, M. (2015). Voir son streak comme un animal mort. Paris: Lux Hors collection.

Giroux, V. (2017). Contre l’exploitation animale. Lausanne Suisse: Éditions l’Âge d’Homme.

Giroux, V. (2018). VĂ©ganisme. RĂ©cupĂ©rĂ© sur l’EncyclopĂ©die philosophique: https://encyclo-philo.fr/veganisme-a

Giroux, V., & Larue, R. (2019). « Chapitre II. La philosophie des vĂ©ganes Â». Dans Le vĂ©ganisme. Paris: Puf.

  •  

Photographies Devant le Paysage

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Devant le Bureau d’information touristique de Rimouski, il est impossible de manquer les photographies exposant les magnifiques couchers de soleil de la rĂ©gion. Cependant, n’est-il pas curieux de voir ces images juste devant le mĂȘme spectacle qui se reproduit chaque soir et matin ? Il y a bien sĂ»r une intention de montrer ce qu’il est possible de voir Ă  Rimouski, mais au-delĂ  de cet aspect dĂ©monstratif, la prĂ©sence de ces Ɠuvres d’art n’est-elle pas plus significative qu’il n’y paraĂźt ? Il se pourrait qu’elles revĂȘtent une dimension politique, sociale, esthĂ©tique et Ă©cologique plus profonde qu’on ne le pense au premier abord.

Le paysage : représentation et réalité

Le terme « paysage Â» renvoie Ă  deux notions : la reprĂ©sentation visuelle d’une portion d’espace et l’environnement rĂ©el qui nous entoure. En raison de cette dualitĂ©, nous avons tendance Ă  laisser la reprĂ©sentation influencĂ©e notre perception du paysage rĂ©el. Par exemple, les photographies nous montrent ce qu’il faut regarder et ce qui est beau dans la rĂ©alitĂ© (Balibar, 2018, p. 12). Ainsi, une photographie devant le fleuve indique ce qu’il faut percevoir et oĂč se trouve la beautĂ© dans le paysage rĂ©el.

MĂȘme dans les thĂ©ories de l’art ou les milieux scientifiques, la reprĂ©sentation est souvent ce qui nous permet d’apprĂ©cier un paysage rĂ©el. Le brouillard londonien, par exemple, a Ă©tĂ© reconnu et considĂ©rĂ© comme beau grĂące aux impressionnistes (Balibar, 2018, p. 13). Sans ces Ɠuvres artistiques, aurions-nous pu faire l’expĂ©rience de ces brouillards ?

Pour rĂ©soudre ce dilemme, il faut distinguer clairement ces deux types de paysages au lieu de les lier. Le paysage en tant que reprĂ©sentation est une image, tandis que le paysage rĂ©el est l’environnement qui nous entoure, chacun offrant des expĂ©riences distinctes. La reprĂ©sentation visuelle sollicite un panel d’émotions spĂ©cifiques, alors que le contact direct avec le paysage rĂ©el mobilise un registre sensoriel et Ă©motionnel diffĂ©rent.

La Photographie comme médium

L’utilisation de la photographie pour reprĂ©senter le fleuve n’est pas anodine. Elle nĂ©cessite une immersion prĂ©alable du photographe dans le milieu, sortant ainsi l’art des musĂ©es pour le situer dans le monde humain (Hayat, 2018, p. 70). Les photographies devant le fleuve sont une invitation Ă  se sensibiliser et Ă  entrer en contact avec l’environnement qui les entoure (LarrĂšre, 2018, p. 102). Cette sensibilisation n’exige pas de connaissances prĂ©alables, tout le monde est invitĂ© Ă  faire cette expĂ©rience.

Les photographies agissent comme des panneaux directionnels tout en Ă©tant des reprĂ©sentations artistiques. Le contexte dans lequel elles se trouvent et les personnes Ă  qui elles s’adressent font apparaĂźtre ces deux dimensions. Le contact direct qu’elles encouragent comporte Ă©galement une dimension Ă©cologique, en renforçant le sentiment d’appartenance Ă  notre environnement et en nous offrant la beautĂ© que nous savons apprĂ©cier.

Inviter à apprécier

Les photographies exposĂ©es devant le Bureau d’information touristique de Rimouski ne sont pas de simples illustrations de couchers de soleil. Elles sont des invitations Ă  apprĂ©cier la beautĂ© naturelle de la rĂ©gion, Ă  s’immerger dans l’environnement et Ă  ressentir une connexion profonde avec la nature. Elles rappellent que la reprĂ©sentation artistique et l’expĂ©rience rĂ©elle peuvent coexister, enrichissant notre perception et notre engagement envers le monde qui nous entoure.

Balibar, Justine. « Du paysage reprĂ©sentĂ© au paysage rĂ©el », Nouvelle revue d’esthĂ©tique, vol. 22, no. 2, 2018, pp. 9-23.

D’Angelo, Paolo. « Écologie et paysage », Nouvelle revue d’esthĂ©tique, vol. 22, no. 2, 2018, pp. 25-35.

Frangne, Pierre-Henry. « Au principe de l’esthĂ©tique environnementale. Du paysage de montagne Ă  l’esthĂ©tique de la montagne », Nouvelle revue d’esthĂ©tique, vol. 22, no. 2, 2018, pp. 37-53.

Hayat, MichaĂ«l. « EsthĂ©tique, milieux de vie, action. De l’esthĂ©tique naturalisĂ©e Ă  l’esthĂ©tique environnementale en passant par le land art », Nouvelle revue d’esthĂ©tique, vol. 22, no. 2, 2018, pp. 65-74.

LarrĂšre, Catherine. « Y a-t-il une esthĂ©tique de la protection de la nature ? », Nouvelle revue d’esthĂ©tique, vol. 22, no. 2, 2018, pp. 97-106.

  •  

Dsputio : le nouveau média social québécois qui réinvente le débat en ligne

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Le paysage des mĂ©dias sociaux accueille un nouveau venu quĂ©bĂ©cois, Dsputio, une crĂ©ation du montrĂ©alais Adam Szanyi. Ce rĂ©seau social novateur se distingue nettement des plateformes traditionnelles par son engagement Ă  mettre au centre des Ă©changes le dĂ©bat et la rĂ©flexion. GrĂące Ă  son approche innovante, Dsputio se veut ĂȘtre une alternative pour ceux et celles qui recherchent des discussions plus approfondies et moins superficielles.

Un Retour aux sources du débat

Le nom Dsputio est une rĂ©fĂ©rence directe Ă  la « disputatio Â», une pratique mĂ©diĂ©vale du dĂ©bat contradictoire, conçue pour Ă©lever la pensĂ©e Ă  travers l’échange d’idĂ©es. Contrairement aux autres rĂ©seaux sociaux qui tendent Ă  favoriser la course Ă  l’attention et Ă  l’accumulation des followers, Dsputio mise sur la qualitĂ© du contenu et la profondeur des discussions.

Dsputio cible spĂ©cifiquement un public qui accorde plus d’importance au texte qu’aux formats courts tels que les reels ou les shorts. La plateforme supprime les aspects superficiels des rĂ©seaux sociaux traditionnels, comme la quĂȘte de popularitĂ© mesurĂ©e en nombre d’amis ou de followers, pour mettre en avant des interactions humaines significatives.

Les innovations de Dsputio

Localité et visibilité

L’une des grandes forces de Dsputio rĂ©side dans sa localitĂ© : il n’est accessible qu’au QuĂ©bec. Cette limitation gĂ©ographique assure Ă  chaque publication une visibilitĂ© qui n’est pas conditionnĂ©e par le nombre d’abonnĂ©s, et Ă©vite que les contenus soient noyĂ©s dans une masse d’activitĂ©s.

Diversification des contenus

Le rĂ©seau se distingue aussi par sa logique de diversification. Contrairement Ă  d’autres plateformes oĂč les algorithmes dictent les recommandations, Dsputio propose un fil d’actualitĂ© indĂ©pendant de vos abonnements. Cette approche permet d’éviter les chambres d’échos et les silos idĂ©ologiques, encourageant ainsi une diversitĂ© d’opinions et de perspectives.

Interaction et participation

Les utilisateurs disposent de trois moyens pour rĂ©agir aux publications : le bouton « Dac! » pour exprimer leur accord, le bouton « J’évalue » pour attribuer une note de 1 Ă  3, et le bouton commentaire pour prolonger la discussion. Une autre particularitĂ© de Dsputio rĂ©side dans la longueur des textes publiĂ©s, avec un minimum de mots requis pour favoriser des Ă©changes plus substantiels. Une distinction claire est Ă©tablie entre les discussions prolongĂ©es et les commentaires plus courts.

Un pari sur l’avenir

Dsputio mise sur l’existence d’un public déçu par les rĂ©seaux sociaux traditionnels, qui pourrait trouver dans cette nouvelle plateforme le mĂ©dia qu’il attendait. Les semaines Ă  venir seront cruciales pour l’avenir de Dsputio, et seule une participation active et sincĂšre pourra pĂ©renniser ce projet ambitieux.

  •  

Le cynisme ma bouée


GND est parti. Le meltdown est brutal pour QuĂ©bec Solidaire, l’introspection nĂ©cessaire, le dĂ©senchantement lĂ©gitime. Les personnes qui, comme moi, ont moins de 40 ans dans ce pays ont connu plus de meltdowns de partis que de gains majeurs pour le peuple.

En sciences politiques, un meltdown, ou implosion, est une crise majeure pour un parti provoquée par un échec.

En politique rĂ©cente, on nage dans un marasme perpĂ©tuel qui n’a pour cycle apparent que le changement de couleur du gouvernement. En nage dans l’Ɠil du vortex, on s’accroche Ă  quoi politiquement?

L’implosion ma constante

Le Parti LibĂ©ral du Canada terminait 10 ans de crise avec le premier mandat de Sunny Ways Trudeau. Le Parti Conservateur du Canada aprĂšs Harper est une coquille vide piquĂ©e au populisme. Le Nouveau parti dĂ©mocratique aprĂšs Layton est un champ de ruines. B pour Bloc ou pour; “Brisez la vitre en cas d’apathie Â»?

Avant de former la Coalition Avenir QuĂ©bec (CAQ), l’Action dĂ©mocratique (ADQ) avait traversĂ© plusieurs implosions. La pire Ă©tant la dĂ©confiture aux Ă©lections de 2008 menant au dĂ©part pour les mĂ©dias du chef Mario Dumont.

Le manifeste fondateur de la CAQ constatait le « dĂ©clin tranquille Â» du QuĂ©bec et proposait comme solution de « dĂ©laisser les façons de faire du passĂ© Â». Quoi de mieux pour se tourner vers l’avenir que de consulter Duplessis dans sa crypte?

La CAQ vivote aprĂšs le dĂ©part de Fitz, les dĂ©missions forcĂ©es et les dĂ©cisions impopulaires ou carrĂ©ment absurdes (le 3e lien, nommons-le). Un immense meltdown Ă  prĂ©voir. L’implosion devient une constante, l’espoir une variable.

L’espoir ma variable, mais

Le Parti LibĂ©ral du QuĂ©bec (PLQ) a traversĂ© la pire crise de son histoire aprĂšs les scandales de l’ùre Pont-d’Or et les changements de chefs et d’image. Si le PLQ ne forme pas le prochain gouvernement, ce sera plus grande pĂ©riode sans ĂȘtre au pouvoir de la formation depuis le milieu du 20e siĂšcle.

Le Parti QuĂ©bĂ©cois n’a pas Ă©tĂ© majoritaire depuis 1998-2002 et au pouvoir seulement 2 ans pendant cette durĂ©e. Les Ă©tudiants de 2012 se souviendront des promesses en Ă©ducation. Chaque chef ensuite est un meltdown en soit; PKP, LisĂ©e et avant Marois on a eu Boisclair. Est-ce que le PQ sera Ă©lu aux prochaines Ă©lections en raison de la vacuitĂ© des autres? Je vous laisse deviner mon avis.

Qui aurait cru que la révolution tranquille aurait mené à 40 ans de ron-ron identitaire sur fond de néo-libéralisme austÚre?

  •  

La dimension humaine oubliée

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Au Bas-Saint-Laurent, de nombreuses Ă©glises rurales connaissent une reconversion notable, comme celle de l’église Saint-Yves de Rimouski-Est, rĂ©cemment transformĂ©e en centre d’escalade. Cette tendance reflĂšte un dĂ©clin de la pratique religieuse traditionnelle. Cela soulĂšve la question : comment la spiritualitĂ© se manifeste-t-elle principalement aujourd’hui ?

Définir la spiritualité au-delà de la religion

Il est crucial de distinguer la spiritualitĂ© de la religion, car ces concepts sont souvent confondus (Abdel Halim, 2021). La spiritualitĂ© se dĂ©finit comme une quĂȘte intĂ©rieure, propre Ă  chaque individu, en quĂȘte de sens et de buts dans l’existence. Elle Ă©tablit une connexion entre l’individu, les autres et l’environnement (Rousiau, Renard, 2021). Des Ă©lĂ©ments clĂ©s, tels que la quĂȘte de sens, la transcendance, le sacrĂ© et le sentiment de connexion, caractĂ©risent la spiritualitĂ© non religieuse. Les valeurs guidant cette spiritualitĂ© incluent l’altruisme, la sagesse, l’émerveillement et le rapport au temps appelĂ© Flow.

L’importance de la spiritualitĂ© dans la vie quotidienne

La spiritualitĂ© rĂ©pond Ă  un besoin fondamental de connexion avec des rĂ©alitĂ©s dĂ©passant la matĂ©rialitĂ©. NĂ©gliger ce besoin entraĂźne un dĂ©sĂ©quilibre, car chaque personne ressent une nĂ©cessitĂ© de vivre des expĂ©riences transcendantes (Merchez, 2024). La spiritualitĂ© permet de donner un sens Ă  la vie, de mieux se connaĂźtre et de dĂ©velopper son potentiel vers un but prĂ©cis. Elle joue Ă©galement un rĂŽle crucial dans divers domaines professionnels, tels que la santĂ©, l’éducation et l’environnement. Par exemple, dans les mĂ©tiers de la santĂ©, la spiritualitĂ© se manifeste Ă  travers la recherche de sens, la transcendance, les valeurs, l’identitĂ© et les relations (Pujol, Jobin et Beloucif, 2014).

La spiritualité dans le quotidien et au-delà de la religion

Dans la vie quotidienne, la spiritualitĂ© se manifeste Ă  travers des activitĂ©s comme le yoga, la marche, les voyages et la mĂ©ditation. Elle est Ă©galement prĂ©sente dans l’art, la musique, la contemplation de paysages ou d’Ɠuvres d’art, ainsi que dans les moments de connexion humaine, comme les moments passĂ©s en famille et entre amis, la remĂ©moration des bons souvenirs et la priĂšre (Rousiau, Renard, 2021). La spiritualitĂ© existe indĂ©pendamment de la religion, qui n’est qu’une forme d’expression de la spiritualitĂ© (Roof, 1993 ; Stifoss-Hanssen, 1999). On peut ĂȘtre spirituel et athĂ©e, car la dĂ©marche spirituelle est plus intime et personnelle, moins soumise Ă  des idĂ©ologies religieuses ou Ă  des institutions comme les Ă©glises (Rousiau, Renard, 2021). La spiritualitĂ© est inhĂ©rente Ă  la nature humaine et s’exprime Ă  travers la vie elle-mĂȘme (Frick, 2006).

Conclusion

En conclusion, malgrĂ© son caractĂšre intime, personnel et multiculturel, la spiritualitĂ© comporte trois Ă©lĂ©ments essentiels : la recherche de sens, la construction et le maintien de connexions, et le dĂ©passement de soi Ă  travers des actions altruistes. La spiritualitĂ© est un trait naturel chez tous les ĂȘtres humains, activĂ© Ă  des degrĂ©s divers selon les individus et leurs contextes. Elle transcende la religion, se manifestant de multiples façons dans la vie quotidienne et professionnelle, offrant ainsi un sens profond et une connexion essentielle Ă  la vie.

HEYER RenĂ©, « Du spirituel par l’art, et dans la morale en particulier », Revue d’éthique et de thĂ©ologie morale, 2021/HS (n° Hors-sĂ©rie), p. 127-134. 

ROUSSIAU Nicolas, RENARD Elise, « Chapitre 1. Comment aborder la spiritualitĂ© ? », dans : Nicolas Roussiau Ă©d., Psychologie et spiritualitĂ©. Fondements, concepts et applications. Paris, Dunod, « Univers Psy », 2021, p. 19-34. 

UNDERWOOD Lynn, VAGNINI Kaitlyn, « Chapitre 5. ExpĂ©riences spirituelles dans la vie quotidienne : effets positifs sur la rĂ©silience, le burn-out et les addictions », dans : Nicolas Roussiau Ă©d., Psychologie et spiritualitĂ©. Fondements, concepts et applications. Paris, Dunod, « Univers Psy », 2021, p. 85-103. 

ABDEL HALIM Lara, « Chapitre 11. La spiritualitĂ© au travail », dans : Nicolas Roussiau Ă©d., Psychologie et spiritualitĂ©. Fondements, concepts et applications. Paris, Dunod, « Univers Psy », 2021, p. 185-199. 

NAVARRO Oscar, OLIVOS JARA Pablo, TAPIAS-FONLLEM Cesar, « Chapitre 10. Environnement et spiritualitĂ© : rĂ©flexions autour de la connexion Ă  la nature et le bien-ĂȘtre », dans : Nicolas Roussiau Ă©d., Psychologie et spiritualitĂ©. Fondements, concepts et applications. Paris, Dunod, « Univers Psy », 2021, p. 171-184. 

Merchez, Léa. « Vieillissement et spiritualité en ehpad Penser la singularité du sujet ùgé », Le Journal des psychologues, vol. 409, no. 2, 2024, pp. 75-80.

  •  

L’impact de l’art mural dans une ville

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

L’art mural, par son essence, raconte des histoires et transmet des messages au cƓur mĂȘme de la vie urbaine. À Rimouski, une impressionnante murale d’Isabelle Duguay orne la façade ouest de l’immeuble de Place St-Laurent. Cette Ɠuvre est une ode Ă  la persĂ©vĂ©rance, Ă  la dĂ©termination et Ă  la rĂ©alisation de soi. S’inspirant des nuances bleues du ciel et des eaux, des verts de la vĂ©gĂ©tation et des teintes orangĂ©es des couchers de soleil, l’artiste capture la puissance sereine de la nature.

Objectifs et importance de l’art public

Cette crĂ©ation visait Ă  dynamiser le centre de Rimouski en y apportant une dimension culturelle significative. L’intĂ©gration de l’art dans l’espace public n’est pas anodine ; elle offre Ă  la population l’opportunitĂ© de s’approprier la ville, de la teinter de couleurs et de significations diverses.

L’art public revĂȘt une importance majeure. En effet, les individus, dans leurs activitĂ©s quotidiennes, interagissent consciemment ou inconsciemment avec leur environnement (Vernet, 2014, p. 4). Cette interaction offre des possibilitĂ©s d’action, influencĂ©es par la perception Ă©cologique de chaque personne, enrichie par son vĂ©cu personnel.

L’interaction entre l’art et les usagers

L’art dans l’espace public ouvre de nouvelles perspectives aux usagers. Les interactions gĂ©nĂ©rĂ©es par une Ɠuvre dĂ©pendent Ă  la fois de son emplacement et du potentiel de l’individu qui la contemple. Cependant, le contexte et le lieu de l’Ɠuvre sont cruciaux. Par exemple, une Ɠuvre situĂ©e dans une zone Ă  forte circulation automobile pourrait ĂȘtre nĂ©gligĂ©e, illustrant ainsi une marginalisation par l’intensitĂ© de la vie sociale (Vernet, 2014, p. 11).

La signification de l’Ɠuvre d’art est Ă©galement essentielle, surtout dans une ville aussi diverse que Rimouski. L’artiste, les valeurs vĂ©hiculĂ©es et la reprĂ©sentation doivent reflĂ©ter une rĂ©alitĂ© inclusive, Ă©vitant de perpĂ©tuer l’hĂ©gĂ©monie de l’homme blanc.

Contrairement aux musĂ©es ou galeries, l’art public est intĂ©grĂ© Ă  la sociabilitĂ© urbaine. CrĂ©er une Ɠuvre dans un espace public, c’est accepter de travailler dans l’inconfort (Lafforgue, 2021, p. 106). Cet espace, grĂące Ă  l’artiste, devient un terrain de jeu, un acte Ă©minemment politique.

L’art public

L’espace public se transforme en un lieu d’expression, accessible Ă  tous, indĂ©pendamment de leur statut social ou de leur parcours de vie. L’art amorce un dialogue avec les passants (Lafforgue, 2021, p. 107). Faire de l’art dans la rue, c’est faire de cet espace un lieu de partage, allant au-delĂ  du simple dĂ©placement. Comme l’exprime Laetitia Lafforgue, « Apporter du sens dans l’espace public, c’est apporter la possibilitĂ© du dialogue, du dĂ©bat. C’est exercer la dĂ©mocratie, participer Ă  la crĂ©ation d’un imaginaire commun, contribuer Ă  une politique de la relation » (Lafforgue, 2021, p. 108).

– Ville de Rimouski https://rimouski.ca/tourisme/projets-majeurs/centre-ville-de-rimouski

– Lafforgue, Laetitia. (2021)**. L’art dans l’espace public : vigie du monde. L’Observatoire, 57, 106-108. https://doi.org/10.3917/lobs.057.0106

– Vernet, L. (2014). La vie sociale des oeuvres d’art dans les espaces publics : une Ă©tude des publics au square Saint-Louis. Environnement urbain / Urban Environment, 8, 1–13. https://doi.org/10.7202/1027734ar

  •  

La pĂȘche en GaspĂ©sie et dans le Bas-Saint-Laurent

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Le secteur de la pĂȘche en GaspĂ©sie et dans le Bas-Saint-Laurent connaĂźt des dĂ©fis importants. En GaspĂ©sie, l’économie des pĂȘches est concentrĂ©e principalement sur deux espĂšces : le crabe des neiges et le homard d’AmĂ©rique. Toutefois, la dĂ©pendance croissante Ă  ces ressources expose le secteur Ă  des risques majeurs, car leur rĂ©partition et leur abondance sont affectĂ©es par les changements environnementaux. La diminution des stocks ou la perturbation des habitats marins due aux changements climatiques ou aux mauvaises pratiques de gestion pourrait entraĂźner de nouvelles crises Ă©conomiques.

Le secteur reste fragile, notamment en raison de la baisse des stocks de certaines espĂšces, un phĂ©nomĂšne accentuĂ© par les bouleversements climatiques. De plus, les pĂȘcheurs doivent adapter leurs pratiques pour Ă©viter de rĂ©pĂ©ter les erreurs passĂ©es, comme l’effondrement des stocks de poissons de fond dans les annĂ©es 1990.

Dans certaines pĂȘcheries, comme celle de la crevette dans le golfe du Saint-Laurent, la situation est particuliĂšrement prĂ©occupante. Les quotas de pĂȘche ont drastiquement chutĂ©, crĂ©ant une crise Ă©conomique pour les crevettiers. Une grande majoritĂ© d’entre eux ont mĂȘme dĂ©cidĂ© de ne pas sortir en mer cette annĂ©e, faute de rentabilitĂ© suffisante, et plusieurs entreprises de pĂȘche risquent la faillite.

Il est donc clair que le secteur de la pĂȘche, bien qu’important pour l’économie locale, traverse une pĂ©riode de grande vulnĂ©rabilitĂ©. Des efforts sont dĂ©ployĂ©s pour diversifier les espĂšces exploitĂ©es et rendre les pratiques plus durables, mais les dĂ©fis sont nombreux, et la situation reste incertaine dans ces rĂ©gions cĂŽtiĂšres du QuĂ©bec.

Impact des pratiques industrielles

Le secteur de la pĂȘche en GaspĂ©sie et au Bas-Saint-Laurent a contribuĂ© Ă  sa propre vulnĂ©rabilitĂ© en adoptant des pratiques industrielles intensives, notamment dans les dĂ©cennies passĂ©es.

Comme dans de nombreuses rĂ©gions cĂŽtiĂšres du monde, la pĂȘche industrielle a Ă©tĂ© marquĂ©e par l’intensification des captures, l’utilisation de techniques destructrices comme le chalutage de fond, et la surexploitation des ressources marines.

L’utilisation des chalutiers, des Ă©quipements de grande taille et de techniques comme le chalutage de fond a Ă©galement contribuĂ© Ă  la destruction des Ă©cosystĂšmes marins, endommageant les fonds marins et perturbant les habitats d’espĂšces vitales. Ces pratiques accĂ©lĂšrent la dĂ©gradation des stocks marins et rĂ©duisent la biodiversitĂ©, deux Ă©lĂ©ments essentiels pour la rĂ©silience Ă  long terme des pĂȘcheries. Cela fait partie des raisons pour lesquelles les stocks de poissons de fond ont mis tant de temps Ă  se rĂ©tablir, mĂȘme aprĂšs des rĂ©ductions drastiques des quotas.

Influence des lobbys sur les politiques environnementales

Le rĂŽle des lobbys de la pĂȘche industrielle est un facteur majeur qui influence les dĂ©cisions du gouvernement canadien, notamment en ce qui concerne les limites imposĂ©es aux pratiques destructrices comme le chalutage de fond. Ces lobbys exercent une forte pression sur les instances pour prĂ©server les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques de l’industrie, souvent au dĂ©triment des objectifs de conservation environnementale.

Les groupes de pression de l’industrie de la pĂȘche ont un impact direct sur la formulation des lois et des rĂ©gulations en matiĂšre de pĂȘche. Ils parviennent souvent Ă  obtenir des subventions substantielles pour des pratiques industrielles, y compris des formes de pĂȘche destructrices comme le chalutage de fond. Ces subventions, mĂȘme si elles sont critiquĂ©es par des experts en environnement, sont justifiĂ©es par des considĂ©rations Ă©conomiques telles que la prĂ©servation des emplois dans les rĂ©gions cĂŽtiĂšres, comme en GaspĂ©sie et dans le Bas-Saint-Laurent. Ces lobbys soutiennent Ă©galement la croissance de l’aquaculture, une industrie aux impacts environnementaux controversĂ©s, et influencent la rĂ©partition des quotas de pĂȘche.

En fin de compte, le poids des lobbys de la pĂȘche freine souvent la mise en Ɠuvre de rĂ©formes substantielles pour protĂ©ger l’environnement marin. Alors que de nombreuses voix plaident pour une transformation radicale des pratiques de pĂȘche afin de prĂ©server la biodiversitĂ© et de rĂ©duire l’impact environnemental, les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques Ă  court terme dominent souvent le dĂ©bat politique.

La dynamique entre les lobbys de la pĂȘche industrielle et les dĂ©cisions gouvernementales illustre la complexitĂ© des efforts pour concilier croissance Ă©conomique et protection environnementale. Il est clair que tant que le poids des lobbys continuera de freiner les rĂ©gulations nĂ©cessaires, les efforts pour prĂ©server les Ă©cosystĂšmes marins et limiter des pratiques comme le chalutage de fond resteront insuffisants face aux enjeux Ă©cologiques globaux.

Résilience et transition vers des pratiques durables

Depuis quelques annĂ©es, des efforts sont en cours pour diversifier les espĂšces exploitĂ©es et adopter des pratiques de pĂȘche plus durables. Le modĂšle de dĂ©veloppement territorialisĂ© en GaspĂ©sie, par exemple, vise Ă  rĂ©duire la pression sur les ressources spĂ©cifiques, Ă  encourager la diversification des activitĂ©s et Ă  rĂ©duire l’empreinte Ă©cologique du secteur. Cependant, cette transition est encore incomplĂšte et les dĂ©fis Ă©conomiques restent Ă©normes.

En somme, bien que le secteur de la pĂȘche dans ces rĂ©gions soit confrontĂ© Ă  des forces externes telles que le changement climatique, il est Ă©galement victime de ses propres erreurs historiques liĂ©es Ă  la surexploitation et aux pratiques destructrices issues de la pĂȘche industrielle.

https://irec.quebec/publications/rapports-de-recherche/les-peches-et-laquaculture-commerciales-en-gaspesie-un-portrait-sectoriel-et-territorial
https://www.canada.ca/en/global-affairs/news/2023/05/canada-accepts-wto-agreement-on-fisheries-subsidies.html
https://www.canada.ca/en/fisheries-oceans/news/2023/02/protection-standard-for-canadas-marine-protected-areas.html
https://www.canada.ca/en/fisheries-oceans/news/2023/02/protection-standard-for-canadas-marine-protected-areas.html
  •  

L’écologie entre instrumentalisations politiques et enjeux rĂ©gionaux

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

L’écologie est aujourd’hui au cƓur des prĂ©occupations sociĂ©tales, notamment dans des rĂ©gions comme le Bas-Saint-Laurent et la GaspĂ©sie, riches en biodiversitĂ© et en ressources naturelles. Cependant, cette question environnementale est parfois rĂ©cupĂ©rĂ©e Ă  des fins politiques, menant Ă  des dĂ©bats idĂ©ologiques qui influencent les politiques publiques et les perceptions de la population. Un exemple rĂ©cent en est le projet immobilier controversĂ© de Pointe-au-PĂšre, qui soulĂšve des questions sur la prĂ©servation des espaces naturels face Ă  la pression du dĂ©veloppement urbain. Ce projet illustre comment la protection des milieux naturels peut ĂȘtre mise en tension avec des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques, posant la question de l’équilibre entre conservation et dĂ©veloppement.

Une région sous pression environnementale

Les rĂ©gions du Bas-Saint-Laurent et de la GaspĂ©sie font face Ă  des enjeux environnementaux majeurs. L’expansion des claims miniers, notamment pour l’exploitation du lithium et d’autres minĂ©raux stratĂ©giques, suscite des inquiĂ©tudes quant Ă  la prĂ©servation des territoires naturels et de la biodiversitĂ©. ParallĂšlement, la crise climatique impose une rĂ©flexion sur la gestion des ressources naturelles, le dĂ©veloppement durable et l’impact des activitĂ©s humaines sur les Ă©cosystĂšmes locaux.

L’affaire du projet immobilier Ă  Pointe-au-PĂšre illustre bien ces tensions. La ville prĂ©voit a travers ce projet la construction d’un complexe rĂ©sidentiel sur un terrain boisĂ©, suscitant des inquiĂ©tudes quant Ă  la destruction d’un Ă©cosystĂšme fragile. Les opposant.es mettent en avant l’importance de prĂ©server les derniers espaces verts urbains, essentiels Ă  la biodiversitĂ© locale et Ă  la rĂ©silience Ă©cologique face aux changements climatiques. Cette situation met en lumiĂšre le dilemme entre le dĂ©veloppement immobilier et la conservation des milieux naturels, un enjeu qui dĂ©passe Pointe-au-PĂšre et concerne de nombreuses municipalitĂ©s de la rĂ©gion.

L’écologie entre science et politique

L’écologie est une science qui vise Ă  comprendre les interactions entre les ĂȘtre vivants et leur environnement. Toutefois, elle est aussi devenue un enjeu politique instrumentalisĂ© par divers courants idĂ©ologiques. Historiquement ancrĂ©e Ă  gauche, l’écologie a Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©e par des mouvances plus conservatrices.

Dans un contexte rĂ©gional, cette dualitĂ© se manifeste par des tensions entre le dĂ©veloppement Ă©conomique et la protection de l’environnement. Certaines voix prĂ©conisent une industrialisation accrue pour favoriser l’emploi et la croissance, tandis que d’autres militent pour une transition Ă©cologique plus radicale, s’appuyant sur des modĂšles locaux de gestion des ressources.

Vers une écologie solidaire et locale

Face Ă  l’instrumentalisation de l’écologie, il est primordial de clarifier les discours et de promouvoir une Ă©cologie inclusive. Dans le Bas-Saint-Laurent et la GaspĂ©sie, plusieurs initiatives locales illustrent cette approche :

  • Le dĂ©veloppement de coopĂ©ratives agricoles et forestiĂšres misant sur des pratiques durables.
  • Les initiatives Ă©coresponsables en tourisme qui valorisent la nature sans l’exploiter abusivement.
  • L’implication des communautĂ©s autochtones dans la gestion des territoires et la protection de la biodiversitĂ©.
  • La mobilisation de la population contre des projets jugĂ©s nĂ©fastes pour l’environnement, comme celui de Pointe-au-PĂšre, qui montre l’importance de la participation locale dans les dĂ©cisions d’amĂ©nagement du territoire.

En favorisant une Ă©cologie ancrĂ©e dans les rĂ©alitĂ©s locales et exempte de rĂ©cupĂ©rations idĂ©ologiques douteuses, ces rĂ©gions peuvent devenir des modĂšles de transition Ă©cologique responsable. L’enjeu n’est pas seulement environnemental, mais Ă©galement social et politique : construire un avenir oĂč la protection de la nature rime avec justice sociale et inclusion.

Sources :

Grange, Juliette. « Écofascisme et Ă©cologie intĂ©grale ou l’utilisation de l’urgence Ă©cologiste par les extrĂ©mismes de droite », CitĂ©s, vol. 92, no. 4, 2022, pp. 43-55.

Guillibert, Paul. « La racine et la communautĂ©. Critique de l’écofascisme contemporain », Mouvements, vol. 104, no. 4, 2020, pp. 84-95.

Dubiau, Antoine, « L’écofascisme, ou l’actualisation Ă©cologique de la doctrine fasciste Â», Politique, juin 2022 : https://echoslaiques.info/lecofascisme-ou-lactualisation-ecologique-de-la-doctrine-fasciste/

  •  

L’importance des liens

Nous sommes une poignée de citoyen·nes présentement préoccupé·es par le climat actuel au sein de notre municipalité de Métis-sur-Mer.

Au cours des derniÚres années, notre ville a dû composer avec des projets qui, par leur nature, ont généré des opinions divergentes au sein de la population.

DerriĂšre ce contexte, il y a des humain·es, des citoyen·nes qui ont pris la dĂ©cision de s’impliquer en politique municipale afin de s’investir dans l’avancement de leur communautĂ© et ce (considĂ©rant les heures incalculables investies en rĂ©union et en prĂ©occupations quotidiennes) de maniĂšre presque bĂ©nĂ©vole.

Or, au cours de ce prĂ©sent mandat, le conseil municipal a eu Ă  faire face Ă  une adversitĂ© qui dĂ©passe le cadre normal d’une saine vie dĂ©mocratique : propos violents, diffamation, fausses rumeurs, intimidation sont devenus monnaie courante dans le quotidien de nos Ă©lu·es. Parce que nous sommes conscient·es de l’investissement de nos Ă©lu·es, parce que nous savons que le dĂ©veloppement de notre communautĂ© leur tient Ă  cƓur, mais aussi parce que nous savons Ă  quel point le climat actuel les affecte, nous prenons ici la parole pour demander Ă  nos concitoyen·nes d’agir et de parler avec civisme et empathie sur les rĂ©seaux, dans les assemblĂ©es, mais aussi entre eux lorsqu’il est question d’enjeux municipaux.

La qualitĂ© de vie, la force des liens, le dĂ©sir de s’impliquer sont des conditions fragiles, mais nĂ©cessaires au dĂ©veloppement d’une communautĂ© saine et vivante, prenons-en soin. Les dĂ©bats et les Ă©changes d’idĂ©es font partie intĂ©grante d’une saine vie dĂ©mocratique alors dĂ©battons, mais mĂȘme si nos opinions nous tiennent Ă  cƓur, apprenons Ă  gĂ©rer notre impulsivitĂ© pour avoir des Ă©changes constructifs.

Dans un contexte oĂč nous assistons de plus en plus Ă  des dĂ©missions d’élus municipaux dues Ă  l’épuisement et Ă  l’intimidation et Ă©tant donnĂ© l’imminence des prochaines Ă©lections municipales, il est de notre responsabilitĂ© d’encourager l’implication des gens en politique municipale et de saluer leur engagement. 

Pour que nos enfants continuent d’avoir de merveilleuses activitĂ©s le vendredi soir, pour briser l’isolement grĂące Ă  des dĂ©jeuners communautaires, pour qu’on ait des fĂȘtes de village et pour que des entrepreneurs aient envie de s’investir dans notre communautĂ©, il faut que le climat soit convivial et harmonieux et surtout Ă©viter Ă  tout prix que les personnes qui s’impliquent se sentent menacĂ©es.

Finalement, nous aimerions rappeler Ă  tous Ă  quel point nous sommes beaux et belles quand on s’envoie la main dans la rue, quand on se demande des nouvelles les un·es des autres Ă  l’épicerie du village, quand on s’appuie sur le mĂȘme muret pour s’émerveiller devant nos incomparables couchers de soleil, quand on regarde nos petits s’ébrouer dans les vagues.

Prenons soin de nos liens, ils sont ce que nous avons de plus précieux.

Nancy Arsenault 

Lyse Beauchemin

Nancy Beauchemin

Pierre-Alexis Beauchemin-Kirallah

Alice Bergeron

Véronic Bernier

Karine Berthelette

Charles Blanchette

Lysanne Brochu

Réjean Brochu

Raphaëlle Cardinal

Sylvain Cardinal

Jules Castagner

Maria Castillo

Sonia Castillo

Diane Dubé

Michel Dubé

JosĂ©e Durepos 

Pierre Olivier Ferry

René Fillion

Melanie Gauthier

Pierre Gauthier 

HélÚne Gendron

Pascale Geoffroy

Marie-Claude Giroux

Marc-André Guilbault

Michel Lapierre

Lise Lechasseur

Martine Lizotte

Diana Martin

Judy Martin

Michael Martin

Peter Martin

Keith Martin

François Naud 

Myria Mercier-Paquette

David Paquette

Stéphanie Pelletier

Myriam Proulx

Marjolaine Ratté

Nathalie Rousseau

Sabrina Simard

David Soucy

Luc Tellier

Jacques Thomassin 

Marc Vinette

  •  

L’ogre de l’illimitĂ© : une analyse de la consommation Ă  l’ùre de l’abondance

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

L’économie moderne se distingue par un paradoxe intrigant : produire un bien pour la premiĂšre fois coĂ»te cher, mais chaque unitĂ© supplĂ©mentaire devient de moins en moins coĂ»teuse. Ce phĂ©nomĂšne favorise les achats en gros, un modĂšle de consommation bien illustrĂ© par des magasins comme Costco, qui attirent des consommateurices issus de diverses classes sociales, soucieux de profiter de tarifs avantageux sur de grandes quantitĂ©s. Cette dynamique incite Ă  surconsommer et pousse par l’idĂ©e d’optimiser un achat en accumulant des stocks. Les Ă©tagĂšres dĂ©bordant de produits, de l’huile d’olive au papier toilette, crĂ©ent ainsi des « besoins Â» bien souvent superflus.

L’attrait d’une offre « illimitĂ©e Â» crĂ©e donc des comportements de surconsommation et de gaspillage, exacerbĂ©s par des stratĂ©gies commerciales qui encouragent Ă  dĂ©penser toujours plus. Avec une carte de membre Ă  60 $ ou 120 $, la rentabilitĂ© perçue repose sur une frĂ©quence d’achat soutenue, renforçant la dĂ©pendance au modĂšle d’abondance, surtout pour les consommateurices les plus aisĂ©s, qui disposent d’un revenu confortable.

La numérisation : le mirage de la gratuité

L’avĂšnement du numĂ©rique a amplifiĂ© cette logique de l’illimitĂ©. GrĂące Ă  des coĂ»ts de reproduction et de transmission quasi-nuls, il est devenu facile de partager et consommer sans limites des contenus culturels (films, musique, etc.), encourageant ainsi le tĂ©lĂ©chargement gratuit et le partage de copies numĂ©riques, souvent illĂ©gales. Cette accessibilitĂ© presque totale a normalisĂ© l’idĂ©e de gratuitĂ©, poussant les consommateurices Ă  envisager une Ă©conomie sans raretĂ© apparente oĂč tout semble ĂȘtre disponible immĂ©diatement.

Cette dissĂ©mination d’un contenu « gratuit Â» favorise la prodigalitĂ©, une notion qui permet de distinguer l’abondance de l’illimitĂ©. L’abondance suppose une productivitĂ© excĂ©dentaire et une relative modĂ©ration des besoins, « on n’y a pas besoin de produire beaucoup puisqu’on a peu de besoins Â» (Auray, 2023). Alors que l’illimitĂ© est propulsĂ© par un dĂ©sir insatiable. Dans cette sociĂ©tĂ© oĂč les images circulent massivement, un fossĂ© se creuse entre les attentes et la rĂ©alitĂ©, alimentant frustration et insatisfaction.

L’illimitĂ© : une tension entre dĂ©sir et rĂ©alitĂ©

Le concept d’illimitĂ© prĂ©sente deux caractĂ©ristiques principales. PremiĂšrement, il offre un sentiment de libertĂ© Ă©norme de consommation, les catalogues de contenu (vidĂ©os, musique, etc.) Ă©tant si vastes que les dĂ©couvrir dans leur intĂ©gralitĂ© serait un dĂ©fi insurmontable. DeuxiĂšmement, l’accĂšs immĂ©diat, sans restriction, crĂ©e une impression de disponibilitĂ© totale.

Pourtant, cette dynamique contredit le postulat de l’économie, qui repose sur la gestion de ressources rares. Un bien Ă©conomique se distingue justement par sa raretĂ©. En l’absence de raretĂ©, l’économie deviendrait inutile. L’illimitĂ© devient donc un concept paradoxal pour l’économiste : en l’absence de restrictions, tout serait « libre Â», et l’acte de consommer perdrait toute signification, si ce n’est celle de combler un vide artificiellement maintenu.

Les tensions de l’illimitĂ© dans la sociĂ©tĂ© contemporaine

Sur le plan sociologique, l’illimitĂ© permet de s’émanciper des contraintes du rĂ©el, mais cela nourrit aussi des dĂ©sillusions. Les consommateurices, en quĂȘte perpĂ©tuelle de satisfaction, s’épuisent face Ă  des dĂ©sirs croissants. Cette tension entre dĂ©sirs infinis et limites du rĂ©el mĂšne souvent Ă  des sentiments de frustration, voire de souffrance. En effet, les dĂ©sirs insatiables, par dĂ©finition, ne peuvent ĂȘtre entiĂšrement comblĂ©s ; ils engendrent une forme de morbiditĂ© liĂ©e Ă  l’impossibilitĂ© de consommer « tout Â» ce qui est proposĂ©.

Face Ă  cette insatisfaction, trois rĂ©actions se dessinent chez les consommateurs : l’anomie, qui traduit un Ă©tat de confusion et de rĂ©signation ; la restriction personnelle, par laquelle l’individu apprend Ă  maĂźtriser ses choix en fonction de ses limites de temps et d’énergie ; et enfin la contestation, oĂč il dĂ©nonce les offres d’ Â»illimitĂ© Â» comme une illusion.

En conclusion, « anomie, rĂ©signation, contestation constituent les trois modalitĂ©s de confrontation Ă  l’élĂ©vation des aspirations et des espĂ©rances qu’a fait naĂźtre, chez le consommateur, l’illimitĂ© Â» (Auray, 2023, p. 102).

L’illimitĂ© dans l’économie actuelle n’est pas seulement un modĂšle de consommation, mais un miroir des aspirations humaines et de leurs limites. Cette notion reflĂšte un dĂ©calage profond entre des dĂ©sirs sans bornes et une rĂ©alitĂ© oĂč tout est prĂ©sentĂ© comme accessible, mais demeure illusoire. C’est en interrogeant nos comportements face Ă  cette abondance apparente que l’on peut peut-ĂȘtre retrouver un Ă©quilibre entre dĂ©sir et besoin.

Nicolas AURAY, « La consommation en rĂ©gime d’abondance. La confrontation aux offres culturelles dites illimitĂ©es Â», Socio-Ă©conomie du numĂ©rique, pp. 85-102.

  •  

L’impact de l’arrivĂ©e de Costco Ă  Rimouski : enjeux et perspectives

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

L’arrivĂ©e imminente de Costco Ă  Rimouski, prĂ©vue pour 2025, suscite des discussions animĂ©es parmi les acteurs Ă©conomiques locaux, surtout maintenant que le rapport de la SOPER a Ă©tĂ© rendu public rĂ©cemment. La question centrale reste de savoir comment cette implantation impactera le commerce local, mais aussi comment elle influencera l’amĂ©nagement urbain. Un Ă©quilibre dĂ©licat doit ĂȘtre trouvĂ© entre attractivitĂ© Ă©conomique, mobilitĂ© durable et survie des entreprises locales.

Maintenir le stationnement pour contrer « l’effet Costco Â»

Souvenons-nous que pour rĂ©pondre Ă  « l’effet Costco Â», les membres du comitĂ© stratĂ©gique ont mis en avant des mesures visant Ă  garantir l’accessibilitĂ© au centre-ville pour maintenir et amĂ©liorer l’attractivitĂ© commerciale. Une des recommandations phares est le maintien du nombre actuel de places de stationnement, jugĂ© crucial pour soutenir la compĂ©titivitĂ© des commerces locaux face Ă  ce gĂ©ant du commerce de dĂ©tail.

Cette position est soutenue par la Chambre de commerce et des commerçants du centre-ville, qui avaient dĂ©jĂ  exprimĂ© en juillet des inquiĂ©tudes face Ă  la rĂ©duction des espaces de stationnement au profit des infrastructures cyclables. Ces amĂ©nagements destinĂ©s Ă  l’automobile sont montrĂ©s comme essentiels pour permettre aux entreprises locales de rivaliser avec des acteurs comme Costco. Il semble ainsi que la voiture reste au cƓur des prioritĂ©s stratĂ©giques, malgrĂ© les appels Ă  repenser la ville pour rĂ©pondre aux enjeux climatiques et Ă  la vitalitĂ© urbaine.

Une urbanisation entre piétonnisation et événements saisonniers

En parallĂšle, le comitĂ© stratĂ©gique propose des initiatives pour dynamiser le centre-ville en explorant des solutions complĂ©mentaires. Parmi celles-ci, l’organisation d’un Ă©vĂ©nement hivernal sur la rue Saint-Germain Ouest, pendant les fĂȘtes de fin d’annĂ©e. Cette initiative s’inscrirait dans la continuitĂ© des Terrasses urbaines Cogeco, qui animent la rue Saint-Germain Est pendant l’étĂ©.

Ces propositions reflĂštent une volontĂ© de rendre le centre-ville plus attractif tout en favorisant une piĂ©tonisation progressive, perçue comme essentielle pour crĂ©er un environnement urbain dynamique et accessible. Cependant, elles restent en tension avec les recommandations centrĂ©es sur le maintien des places de stationnement, signe des dĂ©bats entre modernisation urbaine et dĂ©pendance automobile. Le 21en siĂšcle n’est plus le monde de l’automobile.

Toutefois, ces initiatives, bien qu’attrayantes et rassurantes pour la population, ne suffiront pas Ă  rĂ©soudre les dĂ©fis posĂ©s par l’arrivĂ©e de Costco. Si elles peuvent contribuer Ă  revitaliser ponctuellement le centre-ville, elles ne rĂ©pondent pas Ă  la menace directe pesant sur le tissu commercial local, qui devra faire face Ă  une concurrence accrue et parfois dĂ©loyale.

Un rapport alarmant de la SOPER sur les impacts économiques

La SociĂ©tĂ© de promotion Ă©conomique de Rimouski (SOPER) a publiĂ©, le 17 septembre, un rapport alarmant pour le compte de Demarcom. Ce document identifie les secteurs Ă©conomiques les plus vulnĂ©rables face Ă  l’arrivĂ©e de Costco. Bien que ce dernier attire une clientĂšle rĂ©gionale, les commerces de Rimouski, notamment ceux des secteurs alimentaires, des articles domestiques et de la restauration, risquent de subir de lourdes pertes.

Les boulangeries et pĂątisseries locales figurent parmi les principales victimes potentielles, tandis que les prĂ©visions indiquent que Costco pourrait reprĂ©senter jusqu’à 31,9 % de l’offre globale dans certains secteurs. Cette concurrence pourrait entraĂźner la disparition de parts de marchĂ© pour les commerces locaux, menaçant jusqu’à 1 312 emplois si aucune action n’est entreprise pour soutenir ces entreprises.

Une décision controversée

Face Ă  ces constats, une question interpelle : comment la ville a-t-elle pu valider l’arrivĂ©e de Costco sans disposer d’un rapport aussi dĂ©taillĂ© que celui produit par la SOPER ? Si ce gĂ©ant du commerce peut offrir de nouvelles opportunitĂ©s Ă©conomiques, il est clair que ses consĂ©quences risquent de dĂ©stabiliser durablement le tissu commercial local.

La ville de Rimouski devra donc jongler entre la nĂ©cessitĂ© de tirer parti des retombĂ©es positives de l’arrivĂ©e de Costco et celle de protĂ©ger ses commerces locaux, essentiels Ă  la vitalitĂ© Ă©conomique et sociale du territoire. Pour cela, des solutions innovantes et un soutien concret devront ĂȘtre mis en place rapidement afin d’éviter les scĂ©narios les plus pessimistes.

  •  

Les inĂ©galitĂ©s dans l’angle mort de la transition Ă©cologique : un enjeu de mobilitĂ©

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Dans la course Ă  la transition Ă©cologique, la question des inĂ©galitĂ©s d’accĂšs Ă  la mobilitĂ© est souvent nĂ©gligĂ©e. Pourtant, elle reprĂ©sente un angle mort essentiel. Si, autrefois, possĂ©der une voiture Ă©tait un symbole de luxe et de distinction sociale, la dĂ©mocratisation de l’automobile en a fait un outil indispensable pour assurer la mobilitĂ© quotidienne de millions de personnes. Aujourd’hui, ce mode de transport, jadis luxueux, est devenu omniprĂ©sent, que ce soit pour le travail, les courses ou les loisirs. Cependant, cette accessibilitĂ© apparente masque une rĂ©alitĂ© d’inĂ©galitĂ©s profondes, en particulier pour les groupes vulnĂ©rables. La RĂ©gie de transport du Bas-Saint-Laurent (RTBSL) attend toujours que QuĂ©bec autorise la hausse de la taxe sur l’essence pour instaurer des transports en commun sur tout le territoire.

Une inĂ©galitĂ© d’accĂšs basĂ©e sur le modĂšle de la voiture individuelle

Le modĂšle de transport axĂ© sur l’automobile favorise ceux qui ont les moyens financiers de possĂ©der et d’entretenir une voiture. Or, ce systĂšme, centrĂ© sur la possession d’un vĂ©hicule personnel, exclut d’office les personnes incapables de conduire, comme les enfants, les personnes ĂągĂ©es ou les individus en situation de handicap. Ces groupes, qui dĂ©pendent davantage des services de proximitĂ©, se retrouvent souvent pĂ©nalisĂ©s dans un environnement urbain et suburbain oĂč les infrastructures sont pensĂ©es pour la voiture.

En encourageant l’usage de la voiture individuelle, la mobilitĂ© est Ă©galement « marchandisĂ©e » : elle devient un bien qu’on achĂšte plutĂŽt qu’un droit universel. La nĂ©cessitĂ© de possĂ©der un vĂ©hicule pour assurer ses dĂ©placements lie la libertĂ© de mouvement aux capacitĂ©s financiĂšres. Cela se traduit par un accĂšs inĂ©gal Ă  la mobilitĂ© en fonction du statut socioĂ©conomique, du genre et de l’origine ethnoculturelle.

Le fardeau financier de l’automobile

La voiture reprĂ©sente un lourd fardeau Ă©conomique pour de nombreux mĂ©nages, en particulier ceux Ă  faible revenu. Entre 2010 et 2019, les dĂ©penses de transport ont considĂ©rablement augmentĂ© pour devenir le deuxiĂšme poste de dĂ©penses des mĂ©nages, atteignant environ 19 % des dĂ©penses courantes. La hausse du prix de l’essence, des frais d’assurance et des coĂ»ts de rĂ©paration rend la possession d’une voiture coĂ»teuse, voire inaccessible pour certaines personnes.

Les familles Ă  faibles revenus sont souvent les plus touchĂ©es par cette marchandisation de la mobilitĂ©. En 2019, si 90 % des mĂ©nages du quintile supĂ©rieur possĂ©daient un vĂ©hicule, ce chiffre tombait Ă  53 % pour le quintile infĂ©rieur. Non seulement les mĂ©nages Ă  faibles revenus possĂšdent moins de voitures, mais celles-ci sont Ă©galement plus anciennes et moins performantes, crĂ©ant une charge Ă©conomique supplĂ©mentaire en raison de rĂ©parations plus frĂ©quentes et de coĂ»ts d’entretien plus Ă©levĂ©s.

Pour ces mĂ©nages, l’automobile, loin d’ĂȘtre un atout, peut devenir un obstacle Ă  l’amĂ©lioration de leur situation socioĂ©conomique. PossĂ©der une voiture rĂ©duit la capacitĂ© d’épargne et empĂȘche l’accumulation de patrimoine. Paradoxalement, ne pas en possĂ©der peut ĂȘtre encore plus pĂ©nalisant, car cela limite l’accĂšs aux emplois, aux services essentiels, aux Ă©coles et Ă  d’autres opportunitĂ©s dans les zones pĂ©riphĂ©riques mal desservies par le transport en commun.

Vers une mobilité plus équitable

Un systĂšme de transport qui impose des dĂ©penses importantes pour pouvoir y accĂ©der n’est ni inclusif ni Ă©quitable. Cette logique de marchandisation de la mobilitĂ© impose une barriĂšre Ă©conomique Ă  un droit fondamental : le droit de se dĂ©placer librement. En outre, les nouvelles solutions de mobilitĂ© Ă©cologique, comme les voitures Ă©lectriques, risquent d’accentuer les inĂ©galitĂ©s, ces vĂ©hicules Ă©tant actuellement peu accessibles pour les mĂ©nages aux revenus modestes.

La transition Ă©cologique ne devrait pas se limiter Ă  une rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre. Elle doit inclure une rĂ©vision du modĂšle de transport pour crĂ©er une sociĂ©tĂ© plus Ă©quitable, oĂč la mobilitĂ© n’est pas un privilĂšge rĂ©servĂ© Ă  ceux qui en ont les moyens, mais un droit accessible Ă  tous. Promouvoir le dĂ©veloppement du transport collectif est une voie prometteuse pour atteindre cet objectif, en offrant une alternative Ă  la voiture individuelle tout en contribuant Ă  la dĂ©carbonation de la sociĂ©tĂ©.

Nicolas Viens, « Le transport collectif, pilier de la transition Ă©cologique. Fiche no3 – automobiles et inĂ©galitĂ©s », IRIS, janvier 2024.

  •  

PrĂ©dation trumpiste et « domino Â» canadien

Il est plus que temps de se rĂ©veiller et de nationaliser les secteurs stratĂ©giques, notamment les ressources naturelles et la production alimentaire, en particulier les fruits et lĂ©gumes. 

Trump sait que l’application de tarifs douaniers nuirait Ă  l’économie amĂ©ricaine, mais Ă  court terme seulement. En revanche, pour le QuĂ©bec et le Canada, les coĂ»ts seraient si Ă©normes que nous nous retrouverions complĂštement Ă  genoux. D’ailleurs, nous sommes dĂ©jĂ  considĂ©rĂ©s comme une colonie en matiĂšre de ressources naturelles. Il est impĂ©ratif de revenir Ă  une certaine forme de socialisme ou de social-dĂ©mocratie renforcĂ©e.

Le QuĂ©bec, comme le reste du Canada, est dĂ©jĂ  sous l’emprise d’une multitude de multinationales amĂ©ricaines. Il est donc urgent d’opĂ©rer un virage majeur afin d’augmenter fondamentalement notre rĂ©silience. Le concept de biorĂ©gion peut offrir quelques pistes de solution Ă  cet Ă©gard aux populations locales, rĂ©gionales et, Ă  la rigueur, nationales. Par ailleurs, Ă  l’échelle du QuĂ©bec, l’un des dĂ©fis majeurs consiste Ă  protĂ©ger nos secteurs stratĂ©giques, comme l’énergie, avec Hydro-QuĂ©bec, par exemple. Il y a quelques annĂ©es, j’avais proposĂ© la crĂ©ation d’une sociĂ©tĂ© d’État de production de fruits et lĂ©gumes (Serre-QuĂ©bec) sur l’ensemble du territoire pour rĂ©duire notre dĂ©pendance vis-Ă -vis les États-Unis. Bref, il faut absolument renforcer notre autonomie dans les secteurs stratĂ©giques tels que l’énergie, l’alimentation et celui des ressources naturelles en dĂ©veloppant la deuxiĂšme et la troisiĂšme transformation.

Soumission

Aujourd’hui, nous sommes totalement soumis aux caprices de Trump, Ă  ses menacent et Ă  cette guerre tarifaire qui vient d’ĂȘtre officiellement dĂ©clarĂ©e le 4 mars 2025. 

Quelle sera la prochaine exigence? L’annexion de l’Arctique canadien? Si nous maintenons le statu quo, nous resterons piĂ©gĂ©s indĂ©finiment dans une boucle temporelle, comme dans Le jour de la marmotte, avec un Trump aux commandes et des dirigeants qui attendent docilement ses directives
 MalgrĂ© le fait que le Canada dĂ©cide de rĂ©pliquer avec des contre-tarifs, qui est une mesure lĂ©gitime et nĂ©cessaire, Ă©tant donnĂ© notre extrĂȘme dĂ©pendance au marchĂ© Ă©tatsunien, nous ne pouvons gagner Ă  ce petit jeu. 

Le Canada, et le QuĂ©bec de facto, est une colonie de ressources naturelles soumise aux multinationales qui n’a jamais vraiment su voler de ses propres ailes. Nous sommes comparables Ă  une souris affaiblie, vacillant sous le poids d’un Ă©lĂ©phant amĂ©ricain agressif et affamĂ©. On le voit dĂ©jĂ  et cela risque de s’aggraver avec l’inexorable dĂ©plĂ©tion des ressources comme le pĂ©trole et les minĂ©raux critiques. Dans le contexte actuel, relire le rapport Meadows peut s’avĂ©rer une clĂ© de comprĂ©hension importante 😉.  

Prenons l’exemple de l’Alberta et analysons trois concepts: nationalisation, privatisation et fonds souverain. En comparant la gestion des ressources pĂ©troliĂšres albertaines – non conventionnelles et extrĂȘmement polluantes – avec celle de la NorvĂšge, on constate un contraste frappant. GrĂące Ă  ses hydrocarbures offshore en mer du Nord, la NorvĂšge a constituĂ© un fonds souverain dĂ©passant les 1500 milliards de dollars. PrĂ©voyante comme une fourmi, elle a nationalisĂ© ses ressources et en a tirĂ© une immense richesse collective.

À l’inverse, l’Alberta a privilĂ©giĂ© la privatisation. RĂ©sultat? Un maigre bas de laine d’environ 20 milliards de dollars. Avec une vision court-termiste et libertarienne, similaire Ă  celle d’une cigale insouciante, l’Alberta a mal gĂ©rĂ© ses ressources non renouvelables. Elle n’a pas les moyens de se lancer dans une guerre tarifaire avec les États-Unis, et le Canada, aprĂšs la privatisation de Petro-Canada, ne peut pas rivaliser non plus.

Programmes de nationalisation

OĂč sont passĂ©s les apĂŽtres du nĂ©olibĂ©ralisme? Ceux qui, guidĂ©s par les intĂ©rĂȘts oligarchiques de la haute finance, ont contribuĂ© au dĂ©mantĂšlement des sociĂ©tĂ©s d’État?

Curieusement, ces derniers temps, on les voit partout dans les mĂ©dias, nous prodiguant leurs « grands » conseils stratĂ©giques pour affronter la menace Trump. Pourtant, les gouvernements ont aujourd’hui une opportunitĂ© en or de lancer de vastes programmes de nationalisation dans les secteurs stratĂ©giques, notamment les ressources naturelles.

En lien avec le retour des menaces d’autorisations de pipelines Ă  la va-vite pour atteindre les marchĂ©s europĂ©ens et asiatiques, on peut se demander oĂč est votre volontĂ© d’enrichir vĂ©ritablement les Canadiens? OĂč est votre engagement Ă  mettre fin Ă  la spoliation des ressources non renouvelables par le biais de la nationalisation? Cela dit, mĂȘme nationalisĂ©, ces projets de pipelines ne seraient pas nĂ©cessairement plus acceptables. Encore une fois, il ne s’agit que de servir les ambitions mercantiles des grandes multinationales, et non d’assurer l’enrichissement collectif.

Des QuĂ©bĂ©cois porteurs de goudron? Non merci! Nous pouvons et devons refuser le retour de ces projets indĂ©sirables comme nous l’avons fait par le passĂ© avec le projet d’Énergie Est et de celui de GNL QuĂ©bec. À dĂ©faut d’ĂȘtre un pays souverain, soyons au moins une province qui se tient debout face Ă  l’inacceptable!

MalgrĂ© l’immense dĂ©fi que reprĂ©sente la rĂ©duction de notre dĂ©pendance aux hydrocarbures, la nĂ©cessitĂ© d’y parvenir devrait ĂȘtre l’un des principaux objectifs de notre sociĂ©tĂ©. Les pays riches de demain seront ceux qui auront su rĂ©duire leur dĂ©pendance aux hydrocarbures. L’avenir Ă©cologique, Ă©conomique et social de tous en dĂ©pend.

Guerre froide ou chaude tripolaire ?

Finalement, que veulent vĂ©ritablement Trump et ses loyalistes libertariens ? Il semble que Trump cherche Ă  restaurer de maniĂšre significative le hard power impĂ©rialiste amĂ©ricain, en s’inspirant de l’ancien prĂ©sident William McKinley (1897-1901) pour y parvenir.

Par ailleurs, il est important de rappeler briĂšvement le contexte de la montĂ©e en puissance de la Chine et de la formation d’un axe sino-russe ces derniĂšres annĂ©es. Avec l’appui de la ploutocratie techno-industrielle des GAFAM, Trump, Ă©paulĂ© par son bras droit fascisant Elon Musk, cherche Ă  sĂ©curiser le contrĂŽle des derniĂšres grandes ressources naturelles stratĂ©giques et Ă  rĂ©affirmer la puissance militaire des États-Unis dans les zones gĂ©ostratĂ©giques clĂ©s nous entraĂźnant dans un possible chaos global.

Son obsession pour l’annexion du Canada, l’achat du Groenland, la normalisation des relations avec la Russie (dans l’espoir, plus qu’improbable, de briser l’axe sino-russe) et la reprise du contrĂŽle du canal de Panama semble converger vers un isolement stratĂ©gique de la Chine. Tout cela ne s’inscrit pas dans une vision globale et cohĂ©rente, mais plutĂŽt dans une dynamique court-termiste de « deals » opportunistes et rapides, sans perspective pour un ordre mondial juste.

L’avenir nous le dira.

StĂ©phane Poirier, enseignant en gĂ©ographie au Centre matapĂ©dien d’études collĂ©giales

  •  

La DĂ©brouille adopte un plan d’urgence pour maintenir ses services essentiels

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Depuis quarante ans, La DĂ©brouille oeuvre Ă  la dĂ©fense des droits des femmes cis et des personnes trans victimes de violence entre partenaires intimes, ainsi que de leurs enfants. L’organisme offre des services d’aide, d’hĂ©bergement et d’accompagnement pour soutenir ces personnes dans leur reprise de pouvoir sur leur vie. En plus de ses interventions directes, La DĂ©brouille mĂšne des actions de sensibilisation et de prĂ©vention afin de lutter contre la violence conjugale.

Face Ă  une situation financiĂšre prĂ©caire, La DĂ©brouille, organisme communautaire d’aide aux victimes de violence entre partenaires intimes, a mis en place un plan d’urgence afin d’assurer la continuitĂ© de ses services essentiels. Cette dĂ©cision intervient alors que l’organisme est confrontĂ© Ă  des difficultĂ©s de liquiditĂ©s menaçant son bon fonctionnement.

Le plan d’urgence vise principalement Ă  maintenir ouverte la maison d’hĂ©bergement et Ă  stabiliser la situation financiĂšre par des dĂ©marches accrues auprĂšs des bailleurs de fonds, crĂ©anciers et partenaires. Toutefois, ces mesures impliquent une rĂ©duction temporaire de certains services, incluant des mises Ă  pied et une diminution des heures de travail pour certains employĂ©s.

MalgrĂ© ces ajustements, La DĂ©brouille assure que son service d’hĂ©bergement d’urgence et sa ligne tĂ©lĂ©phonique demeurent accessibles 24h/24 et 7j/7. Le service d’accompagnement sans hĂ©bergement, quant Ă  lui, sera limitĂ© aux situations urgentes.

Le conseil d’administration de La DĂ©brouille travaille activement pour limiter la durĂ©e de ces mesures et exprime sa gratitude envers ses employĂ©.e.s, partenaires et la communautĂ© pour leur soutien en cette pĂ©riode difficile. Conscient des impacts de cette situation, l’organisme a toutefois dĂ©cidĂ© de ne pas accorder d’entrevues mĂ©diatiques afin de prĂ©server la confidentialitĂ© des personnes concernĂ©es.

Les services de La DĂ©brouille sont disponibles 24h/24 et 7j/7 via sa ligne d’écoute tĂ©lĂ©phonique au 418-724-5067.

  •  

8 mars : une journée engagée pour les droits des femmes

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Le 8 mars 2025, Ă  l’occasion de la JournĂ©e internationale de lutte pour les droits des femmes, le ComitĂ© Ă©largi 8 mars de Rimouski-Neigette convie la population Ă  une journĂ©e de mobilisation fĂ©ministe. Gratuit et ouvert Ă  toutes et tous, cet Ă©vĂ©nement promet d’ĂȘtre un moment fort de solidaritĂ© et de rĂ©sistance face aux oppressions persistantes.

Un programme riche et militant

DĂšs 11h, le MusĂ©e rĂ©gional de Rimouski accueillera un MarchĂ© des initiatives fĂ©ministes ainsi que divers ateliers de mobilisation. Plus d’une trentaine de kiosques y seront prĂ©sents : collectifs fĂ©ministes, artistes, artisan.e.s, librairies engagĂ©es et organismes communautaires seront rassemblĂ©s pour favoriser les Ă©changes et renforcer les solidaritĂ©s.

Tout au long de la journée, des ateliers de mobilisation se tiendront afin de préparer les participant.e.s à la manifestation prévue à 18h. Parmi eux, un moment rituel avec Laetitia Toanen des Chemins de Traverse, un atelier de fabrication de lanternes avec le Comité féministe du Cégep de Rimouski, ainsi que des activités artistiques et militantes, telles que des percussions et des chants féministes animés par Germaine et Les Matantes à bouche.

Le point culminant de cette mobilisation aura lieu Ă  18h avec une grande manifestation partant du MusĂ©e rĂ©gional de Rimouski. Ce moment fort se veut une dĂ©nonciation des violences sexistes et une affirmation des revendications fĂ©ministes dans un contexte de montĂ©e de l’extrĂȘme droite. Pour Anne Lavoie, intervenante Ă  la mobilisation pour le CALACS de l’Est du BSL : « Nous souhaitons avant tout dĂ©noncer ce climat antifĂ©ministe qui nous affecte tant sur le plan intime que collectif. Notre riposte est ferme et sans compromis : nous ne nous tairons pas, nous ne nous soumettrons pas. »

Enfin, la journĂ©e se terminera par une soirĂ©e dansante Ă  la brasserie Le Bien Le Malt, animĂ©e par DJ Hortensia – FabYo. Un moment festif et libĂ©rateur pour clore cette journĂ©e sous le signe de la rĂ©silience et de la puissance collective.

Face Ă  la montĂ©e de l’extrĂȘme droite, une riposte fĂ©ministe s’impose

Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte mondial oĂč l’extrĂȘme droite gagne du terrain, fragilisant les acquis fĂ©ministes et les droits des minoritĂ©s. Le droit Ă  l’avortement est remis en question, les violences sexuelles et conjugales sont banalisĂ©es, et les communautĂ©s 2SLGBTQIA+, immigrantes ou Ă  statut prĂ©caire sont de plus en plus visĂ©es.

Au QuĂ©bec, les consĂ©quences de cette vague conservatrice se font ressentir : les mouvements anti-fĂ©ministes se multiplient, les fĂ©minicides persistent et les demandes d’aide pour violences conjugales et agressions sexuelles sont en hausse. Pour AmĂ©lie Harrisson, intervenante Ă  La DĂ©brouille et membre du ComitĂ© Ă©largi 8 mars, « nous subissons aussi les rĂ©percussions de cette montĂ©e de l’extrĂȘme droite, et il est essentiel de se mobiliser collectivement ».

Joie militante et mobilisation collective

Le ComitĂ© Ă©largi 8 mars de Rimouski-Neigette mise sur la « joie militante Â» pour rĂ©unir les forces progressistes. En crĂ©ant des espaces de rencontres et de solidaritĂ©, cette journĂ©e vise Ă  affirmer la puissance collective et Ă  rĂ©sister face aux oppressions systĂ©miques.

Toute la population est invitĂ©e Ă  prendre part Ă  cet Ă©vĂ©nement. Pour plus d’informations, il est possible de consulter la page Facebook du ComitĂ© Ă©largi 8 mars Rimouski-Neigette.

  •  

Amphibie : un balado sur l’écologie queer

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Le balado Amphibie se donne pour mission de traduire, vulgariser et mettre en rĂ©cit les recherches issues du domaine de l’écologie queer. Il s’agit d’un projet Ă  la croisĂ©e des disciplines, combinant des dimensions littĂ©raires, sonores, relationnelles et scientifiques pour rendre accessible un champ d’étude en pleine effervescence.

Une approche transdisciplinaire et artistique

Depuis une vingtaine d’annĂ©es, l’écologie queer remet en question nos perceptions traditionnelles du sexe et de la nature. Amphibie met en lumiĂšre ces recherches en explorant des sources variĂ©es : biologie Ă©volutive, gĂ©nĂ©tique, thĂ©orie queer, justice environnementale, Ă©tudes dĂ©coloniales et Ă©cofĂ©minisme. Tout cela est abordĂ© avec une perspective artistique, afin de rendre ces thĂ©matiques accessibles et engageantes pour un large public.

Le balado propose des rĂ©cits documentaires suivis de discussions et d’analyses menĂ©es avec des invité·es issu·es des domaines des arts et des sciences. Il explore aussi bien la diversitĂ© sexuelle des animaux que les rĂ©flexions trans sur les changements climatiques, offrant ainsi une perspective originale et inclusive sur ces questions.

Une premiÚre saison déjà diffusée

La premiĂšre saison de Amphibie a Ă©tĂ© diffusĂ©e durant l’automne-hiver 2024. Bonne nouvelle pour les auditeurices : une deuxiĂšme saison est d’ores et dĂ©jĂ  en prĂ©paration ! Le projet a reçu une bourse de l’Entente de Partenariat Territorial, financĂ©e par le Conseil des arts et des lettres du QuĂ©bec (CALQ) et les MRC de la rĂ©gion. Une reconnaissance importante qui permet de poursuivre l’aventure et d’approfondir encore davantage les thĂšmes abordĂ©s.

Qui sont les créateurices de Amphibie ?

DerriĂšre ce projet, on retrouve Mette Ricard et Seth CĂŽtĂ©, ami·es et complices, basé·es au Bas-Saint-Laurent. Leurs liens avec MontrĂ©al et la GaspĂ©sie nourrissent leur travail, qu’ils ancrent dans les milieux artistiques alternatifs entre Trois-Pistoles et Rimouski. Collaborateurices de longue date, iels partagent un intĂ©rĂȘt commun pour l’écologie queer, l’art et la science. Amphibie est une opportunitĂ© unique de fusionner ces passions Ă  travers un format balado qui leur tient particuliĂšrement Ă  cƓur.

En attendant la sortie de la saison 2, les auditeurices peuvent dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir la premiĂšre saison, disponible en ligne. Une belle occasion de plonger dans un univers sonore riche, oĂč se croisent science, art et militantisme queer.

Source :

Jung, Yeh Seo and Craig, Ray (2023) « Queer Ecologies: A Final Syllabus/Zine Product of Our Independent Study, Â» Crossings: Swarthmore Undergraduate Feminist Research Journal: 1 (1), 53-80. https://works.swarthmore.edu/crossings/vol1/iss1/5

  •  

Embarque BSL

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Embarque Bas-Saint-Laurent (Embarque BSL) est une plateforme rĂ©gionale dĂ©diĂ©e Ă  la promotion de la mobilitĂ© durable dans le Bas-Saint-Laurent. Cette initiative vise Ă  faciliter l’accĂšs Ă  divers modes de transport alternatifs Ă  l’automobile individuelle, tels que le covoiturage, le transport collectif et le transport actif.

LancĂ©e grĂące Ă  la collaboration des huit municipalitĂ©s rĂ©gionales de comtĂ© (MRC) du Bas-Saint-Laurent, du Conseil rĂ©gional de l’environnement du Bas-Saint-Laurent (CREBSL) et de la Ville de Rimouski, Embarque BSL est coordonnĂ©e par le Collectif rĂ©gional de dĂ©veloppement (CRD) du Bas-Saint-Laurent. Le financement de cette initiative provient notamment du Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion Ă©conomique et la participation sociale (PAGIEPS 2017-2023) et du Fonds rĂ©gions et ruralitĂ© (FRR), volet 4 – Soutien Ă  la vitalisation et Ă  la coopĂ©ration intermunicipale du ministĂšre des Affaires municipales et de l’Habitation.

InspirĂ©e du projet Web covoitureur de la MRC de La Matanie, la plateforme rĂ©pond aux besoins de la population, des organisations, des institutions et des entreprises de la rĂ©gion en facilitant la recherche d’options de transport collectif, actif et Ă©coresponsable. Elle encourage une reconsidĂ©ration des habitudes de dĂ©placement, en mettant l’accent sur les technologies modernes et les alternatives Ă  l’utilisation individuelle de la voiture, contribuant ainsi Ă  la rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre (GES) et Ă  la protection de l’environnement.

Embarque BSL se positionne comme un carrefour d’informations et de promotion de la mobilitĂ© durable, offrant une variĂ©tĂ© de services adaptĂ©s aux besoins des usagers. Elle s’inscrit dans la vision rĂ©gionale de prĂ©server l’environnement et d’amĂ©liorer la qualitĂ© de vie des communautĂ©s locales, en cohĂ©rence avec le plan rĂ©gional de dĂ©veloppement 2023-2028 du Bas-Saint-Laurent, qui identifie la mobilitĂ© durable comme une prioritĂ©.

En somme, Embarque BSL est une réponse concrÚte aux défis environnementaux liés au transport dans la région, offrant des solutions accessibles et durables pour les déplacements quotidiens des résidents du Bas-Saint-Laurent.

  •  

Chronique du gars en mots dits: Joyeux Christmas!

AprĂšs deux chroniques consĂ©cutives centrĂ©es sur notre Ă©cartĂšlement national entre les deux langues officielles de notre beau grand pays censĂ©ment bilingue, je voulais cesser de vous enquiquiner avec cette question. C’était sans compter sur le temps des fĂȘtes qui, chaque annĂ©e, rĂ©active la glande de mon indignation linguistique.

Avec la dĂ©matĂ©rialisation des chansons et l’accĂšs direct que procurent les plateformes de diffusion numĂ©rique en continu, plus d’excuses pour ignorer les morceaux de NoĂ«l en français dans les commerces et les lieux publics. Il suffit d’avoir l’immense audace de taper quelques lettres dans un moteur de recherche. Essayez « Franco fĂȘte » ou « NoĂ«l Franco » sur Stingray musique, Spotify, Ohdio ou Apple Music, et le tour est jouĂ©.

Facile de mĂȘme.

Dans ce contexte, comment expliquer qu’on doive souvent se farcir 100 % de chansons en anglais dans plusieurs restaurants, commerces et marchĂ©s publics? Plus Ă©tonnant encore est le fait que les employĂ©s ou les exposants ont la couenne dure, eux qui tolĂšrent la chose toute la journĂ©e sans se plaindre! Je me demande toujours jusqu’à quel point on peut nier sa propre culture avant que les francophones rĂ©agissent, s’indignent et passent Ă  l’action


Jeune adulte, Ă  QuĂ©bec avec mes amis, nous Ă©cumions les bars de chansonniers qui pullulaient dans le Vieux-QuĂ©bec : le bar Chez son pĂšre, Les Yeux bleus, Les VoĂ»tes NapolĂ©on, Le petit Paris ou La petite Grenouille. Nous avions dĂ©veloppĂ© une technique redoutable pour forcer les rares chansonniers rĂ©calcitrants Ă  obtempĂ©rer en basculant au français : nous pratiquions le renforcement positif en nous enthousiasmant et en entonnant Ă  tue-tĂȘte les paroles de chaque chanson en français – dont nous connaissions les paroles par cƓur –, mais en retombant dans une apathie et un mutisme profonds quand Shakespeare se pointait le bout d’une parole.

Ainsi, nous arrivions Ă  crĂ©er de petits Ăźlots de francitĂ© momentanĂ©e et Ă©phĂ©mĂšre dans une ville oĂč tous les autres bars et discothĂšques diffusaient 100 % de musique en anglais.

*             *             *

En parlant de nos belles voix d’ici, vous souvenez-vous de Robert Charlebois quand il disait « Je ne veux pas chanter en crĂ©ole » ? Il faisait allusion, bien sĂ»r, Ă  notre crĂ©ole national, qui Ă©tait alors le joual, ce parler populaire criblĂ© d’anglicismes, et qui condamne Ă  l’isolement cet idiome local.

Aujourd’hui le danger ne semble plus consister Ă  parler crĂ©ole, ce mĂ©lange de langue indigĂšne et de français, mais bien un pidgin anglais français qu’un jour nos enfants transmettront aux leurs, et qui deviendra un crĂ©ole de plus. Le mot pidgin vient de la dĂ©formation chinoise du terme anglais business, c’est tout dire. Les jeunes gĂ©nĂ©rations se sont tellement fait marteler l’importance de l’anglais par leurs parents, et le systĂšme d’éducation l’a tellement survalorisĂ© en son sein mĂȘme qu’on peut dire qu’ils parlent dĂ©sormais un mĂ©lange de leur langue indigĂšne, le français, et de cet anglais simplifiĂ©, le globish, qui colonise aujourd’hui la planĂšte. Mais, nuance importante, c’est dans un pidgin mĂȘme pas dĂ©formĂ© qu’ils chantent, consomment, vivent : ils y intĂšgrent les mots anglais tels quels, parfaitement Ă©crits et prononcĂ©s, Ă  l’anglaise. Un pidgin de gens instruits donc, qui le font sciemment et consciemment.

Des phrases inconcevables il y a Ă  peine 10 ans Ă©maillent leur parler, comme : « Je suis embarrassed », « Je vais skip ce step », « Ça clash dans le dĂ©cor ». Une Ă©tudiante m’a souhaitĂ© joyeuses FĂȘtes en me textant, moi son prof de français, un « Miss you already » qui venait du cƓur. Les adultes aussi sont contaminĂ©s et relaient la mode : c’est un technicien qui me promet de me « ship mon colis », une salle d’entraĂźnement qui affiche fiĂšrement la section des dumbbells (exit les haltĂšres et les poids), un entraĂźneur sportif (un coach !) encourage ses ouailles en lançant Ă  tout vent de cinglants « Good Job » ou « You know you can do it ! » Le francophone qui souhaite protĂ©ger sa langue devra se lever tĂŽt et s’armer d’un bon bouclier : sa journĂ©e sera torpillĂ©e, mitraillĂ©e, criblĂ©e d’anglicismes mĂȘme s’il cherche Ă  les fuir. Ce seront ses semblables qui l’agresseront.

Les francophones sont dĂ©sormais anglicisĂ©s par d’autres francophones bilinguisĂ©s. Autrefois peut-ĂȘtre, c’était au contact d’anglophones unilingues que le français s’érodait
 DĂ©sormais ces francophones tellement bilingues basculent sans Ă©tats d’ñme d’une langue Ă  l’autre. Le chanteur JĂ©rĂŽme 50 vient de faire paraĂźtre le Dictionnaire du chilleur, qui dĂ©crit le parler anglicisĂ© des jeunes MontrĂ©alais. Le feuilleter, c’est mesurer la permĂ©abilitĂ© du français envers son rival de toujours.

Bref, frĂ©quenter des francophones ne suffit plus Ă  se protĂ©ger de l’envahissement de l’anglais : il faudrait vivre dans une bulle de verre, isolĂ© de ses compatriotes. Mais il existe une autre solution : que nous prenions collectivement, pour 2025, la rĂ©solution de faire renaĂźtre en chacun de nous une certaine fiertĂ© linguistique, notre devoir de vigilance. Que chacun interroge ses pratiques quotidiennes : est-ce que je fais la part belle Ă  la culture d’ici, est-ce que je m’efforce pour trouver les termes français quand on me lance un anglicisme inutile Ă  la figure?

On peut rĂȘver.

  •  

Investir dans l’automobile, investir dans la prĂ©caritĂ©

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Investir dans la culture de l’automobile revient Ă  investir dans la prĂ©caritĂ©. Le pont de l’A20 au Bas-Saint-Laurent, dont la construction s’élĂšve Ă  29,3 millions de dollars, en est un exemple frappant. Ce montant pourrait pourtant ĂȘtre allouĂ© Ă  la crĂ©ation d’un rĂ©seau de transport collectif plus inclusif et efficace, rĂ©duisant ainsi le trafic et les inĂ©galitĂ©s sociales. L’absence d’un tel rĂ©seau accentue les disparitĂ©s, notamment celles liĂ©es au genre, dans la mobilitĂ© quotidienne.

Le genre, un facteur clé de la mobilité

En effet, la mobilitĂ© n’est pas qu’une question de moyens de transport, c’est aussi une question d’équitĂ©. Le genre joue un rĂŽle dĂ©terminant dans la capacitĂ© de se dĂ©placer. Les jeunes parents, particuliĂšrement les mĂšres, voient leur mobilitĂ© considĂ©rablement rĂ©duite dĂšs l’arrivĂ©e des enfants. Cet impact se rĂ©percute directement sur leur vie professionnelle et personnelle, limitant les dĂ©placements qu’elles peuvent effectuer en une journĂ©e.

MalgrĂ© leur intĂ©gration au marchĂ© du travail, les femmes continuent de porter une charge disproportionnĂ©e de travail domestique. En moyenne, les hommes canadiens rĂ©alisent 37 % moins de tĂąches domestiques, ce qui contraint les femmes Ă  consacrer plus de temps Ă  des dĂ©placements non rĂ©munĂ©rĂ©s. Elles effectuent des trajets 20 % plus courts que les hommes, mais avec davantage d’arrĂȘts, pour assumer des responsabilitĂ©s comme conduire les enfants Ă  l’école ou effectuer des courses. Cette complexitĂ© dans leur chaĂźne de dĂ©placements restreint leurs opportunitĂ©s professionnelles et amplifie leur prĂ©caritĂ©.

La mobilité et ses conséquences socioéconomiques

Les inégalités de mobilité entraßnent des conséquences profondes, en particulier pour les mÚres monoparentales, responsables de 75,1 % des familles de ce type. Dépendantes des transports collectifs souvent inadaptés, elles subissent des contraintes qui les forcent à accepter des emplois à temps partiel, plus proches de leur domicile. En 2023, les femmes sont encore dix fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel en raison de leurs responsabilités familiales.

Cette rĂ©alitĂ© limite leur mobilitĂ© professionnelle et constitue un frein majeur Ă  l’égalitĂ© des sexes. Les services de transport collectif, souvent conçus sans prendre en compte les besoins spĂ©cifiques des femmes, aggravent cette situation. Les horaires et les trajets sont rarement compatibles avec des chaĂźnes de dĂ©placement complexes comprenant plusieurs arrĂȘts.

Une solution : des transports collectifs adaptés

L’amĂ©lioration des services de transport en commun reprĂ©sente une voie prometteuse pour rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s de genre et soutenir la transition Ă©cologique. Adapter ces services aux besoins des femmes et des familles, en augmentant la frĂ©quence des passages, en Ă©largissant les plages horaires et en desservant davantage la pĂ©riphĂ©rie, permettrait de rĂ©pondre aux contraintes de mobilitĂ© domestique.

De plus, la surreprĂ©sentation des hommes dans les instances de dĂ©cision, notamment au ministĂšre des Transports, oriente encore les politiques publiques vers l’électrification des voitures, nĂ©gligeant le dĂ©veloppement des transports collectifs. Une plus grande prĂ©sence des femmes dans ces lieux de pouvoir pourrait rééquilibrer les prioritĂ©s, au bĂ©nĂ©fice d’une sociĂ©tĂ© plus Ă©quitable et durable.

Vers une mobilité juste et inclusive

RĂ©investir les sommes destinĂ©es Ă  des infrastructures favorisant l’automobile, comme le pont de l’A20, dans un rĂ©seau de transport collectif ambitieux aurait des impacts multiples : rĂ©duction du trafic, amĂ©lioration de la qualitĂ© de vie et diminution des inĂ©galitĂ©s. Ce choix stratĂ©gique serait non seulement un pas vers l’égalitĂ© entre les sexes, mais Ă©galement un levier pour une transition Ă©cologique inclusive et Ă©quitable.

  •  

Réintégrer les savoirs scientifiques dans la société : un enjeu démocratique

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

La science, souvent perçue comme une entitĂ© homogĂšne et indiscutable, repose en rĂ©alitĂ© sur une multitude de communautĂ©s qui dĂ©crivent le rĂ©el Ă  travers des mĂ©thodes collectives. Cette spĂ©cificitĂ© confĂšre au savoir scientifique une lĂ©gitimitĂ© fondĂ©e sur l’évaluation par les pairs et la vĂ©rification expĂ©rimentale ou logique. Toutefois, ces savoirs, souvent produits en silo, restent circonscrits Ă  des domaines de validitĂ© prĂ©cis, ce qui complexifie leur intĂ©gration dans le processus dĂ©cisionnel politique.

L’assemblĂ©e populaire de Rimouski qui a eu lieu le dimanche 23 fĂ©vrier est un exercice concret de rĂ©introduction et d’appropriation des savoirs scientifiques par la population. Cet Ă©vĂ©nement vise Ă  s’approprier ces savoirs, les extraire des silos et de les intĂ©grer activement dans leurs rĂ©flexions et actions collectives.

La science face à la société et à la politique

Les savoirs scientifiques ne sont ni neutres ni autosuffisants. Ils sont certes indispensables pour dĂ©crire des phĂ©nomĂšnes, mais ne peuvent ĂȘtre la seule voix dans le dĂ©bat public. Comme l’affirmait Max Weber, « ce n’est pas au savant de dire le bien et le juste ». DĂšs lors, la reconnaissance publique des discours scientifiques passe par un travail de lĂ©gitimation dĂ©mocratique des institutions scientifiques. Celles-ci doivent s’ouvrir Ă  la sociĂ©tĂ© pour dĂ©battre des enjeux scientifiques et participer Ă  la rĂ©solution des problĂšmes publics.

L’expĂ©rience sociĂ©tale constitue un test pour la fonction sociale des savoirs scientifiques. Ceux-ci doivent ĂȘtre Ă©valuĂ©s, transformĂ©s et adaptĂ©s en fonction des besoins sociaux. Ainsi, la production scientifique peut s’ancrer dans une culture dĂ©mocratique et surtout participative capable d’affronter les enjeux sociĂ©taux majeurs, qu’ils soient Ă©cologiques, sociĂ©tales ou Ă©thiques.

Articuler les savoirs pour mieux comprendre et agir

RĂ©intĂ©grer les savoirs scientifiques dans la sociĂ©tĂ© implique de repenser leur production. Il est essentiel de les articuler avec d’autres formes de savoirs – thĂ©ologiques, politiques, pratiques – qui possĂšdent leurs propres rĂ©fĂ©rentiels. Comprendre et se comprendre pour agir nĂ©cessite donc de reconnaĂźtre la pluralitĂ© des modes d’élaboration des savoirs et de favoriser leur mise en dialogue.

Oser la « friction des savoirs », c’est faire le pari de la dĂ©mocratie. Ce pari engage chaque communautĂ© Ă  rendre compte de sa perspective et Ă  la rendre accessible aux autres. En retour, la dĂ©mocratie confĂšre Ă  tous une responsabilitĂ© majeure : celle de produire un savoir commun, fruit de la reconnaissance et de l’interaction entre des savoirs individuels et collectifs diffĂ©renciĂ©s.

Vers une co-construction des savoirs

Les processus de co-construction des savoirs peuvent ĂȘtre vus comme une forme d’émancipation des praticiens et praticiennes. Ils permettent d’éviter la marginalisation de certains savoirs et favorisent une approche plus inclusive et participative. Cette dynamique est essentielle pour une sociĂ©tĂ© plus dĂ©mocratique, oĂč les savoirs scientifiques ne sont pas simplement imposĂ©s, mais partagĂ©s et discutĂ©s.

En somme, réintégrer les savoirs scientifiques dans la société suppose de réinterroger leur place et leur mode de diffusion. Seule une démarche démocratique, ouverte et participative, permettra de faire de la science un outil véritablement utile au bien commun.

Source :

Fontenaille, RaphaĂ«lle., et al. « DĂ©mocratie. La place des savoirs Â». Revue Projet, 2024/6 n° 403, 2024. p.59-62. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-projet-2024-6-page-59?lang=fr.

  •  

Les Multitudes, qu’ossa donne ?

Monsieur Trump, eille, c’est-tu pas un bon prĂ©sident, ça !!  J’ai tellement hĂąte, moĂ©, qu’y nous annexe, pis qu’y ramĂšne l’ordre icitte !  Eille !!! ~ On va-tu pas ĂȘtre en Cadillac, pas Ă  peu prĂšs ?!

J’comprends pas qu’on puisse s’opposer Ă  ça ! ~ On a des osties de taouins par icitte qui semblent pas comprendre
  Eille !!
  Mais on l’a-tu vu comment ça paye, de vouloir se faire toffes en face des MaĂźtres IncontestĂąbles du MĂŽnde !! ^^ Han, que les employĂ©s d’AmazĂŽne doĂšvent le r’gratter, Ă  ç’t’heure-citte, avec leu’ ostie d’idĂ©e d’union !! ~ Non mais, c’est-tu Ă©pĂąs, pĂŽ Ă  peu prĂą ??? ~ Bin voĂ©yons donc !!  Comme si on pouvait rĂ©sister Ă  l’aigle amĂ©ricain, toĂ© !! ^^ Le p’tit castor canadien, croyez-moĂ©, y’a intĂ©rĂȘt Ă  filer drette pis Ă  travailler en t’sour de l’eau pis d’overtime, si y veut pas finir dans son assiette, Ă  l’impĂ©rieux et majestueux zaigle amĂ©ricain !

Non mais
  T’sais !  On va-tu ĂȘt’ bins, aux ZĂ©tats ! ~ Eille, chus mĂȘme prĂštt a y’aller, moĂ©, au Groland-End, pour coloniser un peu la place, pour qu’y puissent construire ~ çÎ, c’est une vision Ă  moĂ© ; eille ! ~ un BEAU Palais PrĂ©sidentiel pour Monsieur Trump !! . . . pour qu’y soye plus proche de son ami Poutine. ~ Riez pĂŽ !! ~ Nos ancĂȘt’ l’ont faitt’ ~ pourquoĂ© po moĂ© ??!!

Eille, j’ai-tu assez hĂąte !! ~ AmazĂŽne va r’venir, la loi et l’ordre vont peser lourd Ă  nouveau sur nous ~ pĂŽ comme dans le temps des fiffonettes qui nous ont soi-disant administrĂ©s, lĂ , dans les derniĂšres annĂ©es !! ~ Eille !  L’économie vĂąrte, toĂ© !  L’économie circulĂąire !! ~ Bin oui, c’est vert pis ça circule tout autour, l’économie !, comme le sapin qu’on va Ă©plucher bin nette pour la Builder Back Better, la Belle America ! ~ Pas cher, pas cher ! ~ D’la prospĂ©ritĂ© Ă  pleins camions !  Pis du bitume en masse pour . . . ~ tenez vous BIEN : rem-plir CHAQ’ NID DE POULLL’ DU KHÉ-BECK !!!

Mais j’vouĂ© des gagnes de pouilleux qui Ă«n veĂŒlent pÄs, de cÄ !! ^^ Y dĂŻsent : NoĂŒs, ön vĂ€ s’örgÄniser pĂ€r noĂŒs-mËmes !  Ön Ă«st dĂ«s MĂŒltitÜdes !  Ön vĂ€ toĂŒtte crĂ©er pĂ€r lĂ€ bÄse en montĂ€nt jĂŒsqu’au sommËt. ~ Eille ! ~ Toutatis nos propres pronoms, tant qu’à y’ĂȘtre ?!  Eille, chose !  Ça ç’tait à’ mode l’annĂ©e passĂ©e ~ mais lĂ  : c’est Le Great Bon Sens Again !! ~ Eille, j’ai-tu hĂąte d’les vouĂ©r s’pĂ©ter ‘a face Ă  asseyer de r’faire la pyramide par en-d’sour, quand les States vont Ă©tendre leu’ beau drapeau su’ not’ beau territoĂ©re ~ qui l’mĂ©rite : de dev’nir le plusse merveilleux pays du monde : du pĂŽle Nord jusqu’au ruisseau de Panama : les ZzzĂ©tats, enfin Zzzunis !  À grandeur, touĂ© ! ~ . . . J’en voĂš des ZzzĂ©touelles !! . . .

Bon, j’dis pĂŽ qu’on l’mĂ©rite TOUSSSS, lĂ , qu’y nous annexe, Monsieur Trump !!  Y’en a qu’y’ont pĂŽ Ă©tĂ© fin-fin, lĂ , derniĂšrement !  Écoutez-mouĂ© bin, lĂ  : Huer l’Hymne AmĂ©ricain  : ÇA-SE-FAIT-PÄH. ~ L’AmĂ©rique du nouveau boss, lĂ  [prend une pose patriotique], al’le mĂ©rite, not beau fleuve Saint-Laurent pis qu’not bon sirop coule dans ses veines ! ~ Pour qu’ossĂ© faire qu’on voudrĂą s’opposer Ă  Ç ??!! ^^

Des Multitudes ! ~ Eille !! ~ Qu’ossa donne d’ĂȘt’ plusieurs pis divers, pis locaux, tous a’ec nos propres couleurs pis nos p’tits noms, pis nos Ă©conomies enlisĂ©es dans l’terrouĂšre . . . ~ quand on peut tous ĂȘtre UNIS, sous la mĂȘme belle banniĂšre Ă©touĂ©lĂ©e ~ d’la Grande-Ourse ‘us’qu’à CroĂ©-du-Sud, toĂ© ; chacun a’ec son p’tit numĂ©ro pis son p’tit crochet bleu ! ~ ArrĂȘtez-moĂ©-ça, a’ec vot’ panier Bleu comme mes fesses !! ~ C’est par en haut qu’y sont, les Multitudes, les millions pis les centaines de milliards : Ă  pelletĂ©es !!  DES TRILLIARDS ! ^^ ~ Pis avec le nouveau Palm Beach qu’y nous installent Ă  Gaza !!  L’argent va-tu pas couler Ă  flot !! ~ Eille, ça va ĂȘt’ toutte qu’un trippe ! [Regarde en l’air, rĂȘveur . . .] ~ J’me vouĂ© dĂ©jĂ  tond’ le gĂązon sur Mars pour Monsieur Trump, dans sa rĂ©sidence secondaire : Mars-Ă -Lago . . . ~ 

Eille ! ~ LUI c’est un bon Boss !!

RĂ©fĂ©rences : 

Le manifeste Multitudes :

Le monologue original : Les unions, qu’ossa donne

  •  

Le BAPE lance une audience publique sur le projet de parc éolien de la Madawaska

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

La Commission d’enquĂȘte du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) entamera la premiĂšre partie de son audience publique concernant le projet de parc Ă©olien de la Madawaska le 25 fĂ©vrier 2025 Ă  19 h. Cette sĂ©ance se tiendra Ă  l’arĂ©na & centre communautaire de DĂ©gelis, salle Charles-GuĂ©rette, et sera diffusĂ©e en direct sur le site Web et la page Facebook du BAPE.

Un processus d’audience en deux parties

L’audience publique se dĂ©roulera en deux temps distincts. La premiĂšre phase vise Ă  fournir aux participants et Ă  la commission toutes les informations essentielles sur le projet. L’initiateur du projet, Parc Ă©olien de la Madawaska S.E.C., ainsi que plusieurs experts seront prĂ©sents pour rĂ©pondre aux questions du public et de la commission.

Toute personne intĂ©ressĂ©e pourra poser ses questions aprĂšs inscription au registre. Selon le niveau de participation, des sĂ©ances supplĂ©mentaires pourraient ĂȘtre organisĂ©es, y compris en aprĂšs-midi et en soirĂ©e le lendemain.

La seconde partie de l’audience dĂ©butera le 25 mars 2025. Elle permettra Ă  toute personne, organisme, groupe ou municipalitĂ© souhaitant s’exprimer sur le projet de le faire par le biais d’un mĂ©moire ou d’une prĂ©sentation verbale.

AccĂšs Ă  la documentation

Les documents relatifs au projet sont accessibles en version Ă©lectronique sur le site Web du BAPE et dans le Registre des Ă©valuations environnementales. Les citoyens peuvent aussi consulter la documentation Ă  la bibliothĂšque municipale de DĂ©gelis, situĂ©e au 384, avenue Principale, ou contacter directement le BAPE pour plus d’informations.

Délais et résultats attendus

La commission d’enquĂȘte dispose d’un dĂ©lai maximal de quatre mois pour mener Ă  bien son mandat. Le rapport final sera remis au ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, M. Benoit Charette, au plus tard le 24 juin 2025. Le ministre aura ensuite 15 jours pour le rendre public.

Le rĂŽle du BAPE

Créé en 1978, le BAPE est un organisme gouvernemental impartial dont la mission est d’informer et de consulter la population sur les projets ayant un impact environnemental. Il conseille Ă©galement le gouvernement afin d’éclairer ses dĂ©cisions.

Pour suivre les actualitĂ©s du BAPE, les citoyens sont invitĂ©s Ă  s’abonner Ă  l’infolettre L’heure juste et Ă  consulter le Projet Scarabec, une bande dessinĂ©e illustrant le dĂ©roulement d’une consultation publique.

  •  

Une crise en culture

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Les artistes et les organismes culturels du Bas-Saint-Laurent subissent de plein fouet les consĂ©quences d’un manque criant de financement. Ce problĂšme, dĂ©noncĂ© rĂ©cemment par l’ensemble des conseils rĂ©gionaux de la culture de la province, a entraĂźnĂ© des rĂ©percussions majeures, comme en tĂ©moigne la fermeture du Carrousel international du film de Rimouski.

L’importance de la culture dans le dĂ©veloppement des sociĂ©tĂ©s

La culture est une composante essentielle de nos sociĂ©tĂ©s, Ă  la fois comme mode d’expression et comme moteur d’imagination et de crĂ©ativitĂ©. Elle influence notre façon de percevoir le monde et de le structurer. L’art et la culture, intimement liĂ©s, permettent aux personnes de communiquer leurs idĂ©es et leurs Ă©motions de maniĂšre unique.

L’intĂ©gration de la culture au cƓur du dĂ©veloppement urbain et rural est essentiel. Elle permet de valoriser le patrimoine, de respecter l’histoire et de prĂ©server les pratiques locales. Une approche centrĂ©e sur la culture favorise un dĂ©veloppement harmonieux et ancrĂ© dans l’identitĂ© des territoires.

Un levier social et économique majeur

La culture joue un rĂŽle essentiel dans la cohĂ©sion sociale et le dĂ©veloppement Ă©conomique. Elle enrichit la qualitĂ© de vie et favorise le bien-ĂȘtre des personnes et des collectivitĂ©s. Les activitĂ©s culturelles offrent de multiples opportunitĂ©s de loisirs, d’apprentissage et d’échanges, que ce soit dans les musĂ©es, les salles de spectacle, les bibliothĂšques ou d’autres espaces d’expression artistique.

Chez les jeunes, l’accĂšs Ă  la culture stimule la curiositĂ© intellectuelle et amĂ©liore les capacitĂ©s d’adaptation, ce qui se traduit souvent par de meilleurs rĂ©sultats scolaires. De plus, le patrimoine culturel constitue une ressource prĂ©cieuse pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie, offrant une meilleure comprĂ©hension de l’histoire et de ses enjeux.

Les bibliothĂšques publiques, en tant que centres d’information et de formation, jouent un rĂŽle fondamental dans la diffusion de la culture, dans l’éducation, dans la rĂ©duction de la fracture numĂ©rique et dans la capacitĂ© Ă  se trouver une place dans la sociĂ©tĂ©. En bref, leur contribution est essentielle pour favoriser l’inclusion et l’accĂšs au savoir.

Un impact positif sur la santĂ© et le bien-ĂȘtre

Les bienfaits de la culture sur la santĂ© mentale et physique sont largement reconnus. La crĂ©ativitĂ© et l’implication dans des activitĂ©s culturelles permettent de lutter contre l’isolement social, de renforcer l’identitĂ© personnelle et de favoriser le dialogue entre diffĂ©rentes cultures.

La revitalisation des traditions autochtones illustre parfaitement cette dynamique : elle contribue Ă  la santĂ© et au bien-ĂȘtre des communautĂ©s en leur permettant de se rĂ©approprier leur hĂ©ritage culturel. Le patrimoine culturel et artistique joue un rĂŽle clĂ© dans la consolidation du lien social.

Un moteur de développement économique et de compétitivité

Au-delĂ  de son impact social, la culture constitue un atout Ă©conomique majeur. Elle favorise la crĂ©ation de tissages sociaux et de projets artistiques locaux, stimulant ainsi l’économie de proximitĂ©. De nouveaux emplois voient le jour pour les artistes et les autres professions culturelles associĂ©es, tandis que des espaces sous-utilisĂ©s sont rĂ©investis Ă  des fins culturelles.

Dans une Ă©conomie fondĂ©e sur le savoir et l’innovation, la culture joue un rĂŽle central en gĂ©nĂ©rant des idĂ©es novatrices et en valorisant des produits et services uniques. Elle permet aussi de renforcer l’attractivitĂ© des villes et des rĂ©gions en crĂ©ant une identitĂ© distincte,

Un appel urgent à l’action

Face aux nombreux bĂ©nĂ©fices qu’elle apporte, la culture ne peut plus ĂȘtre relĂ©guĂ©e au second plan en matiĂšre de financement public. Le manque de soutien financier reprĂ©sente une menace pour la vitalitĂ© culturelle et la diversification des expressions artistiques.

Il est crucial que les dĂ©cideurs reconnaissent l’importance de la culture comme pilier du dĂ©veloppement social et Ă©conomique. Des mesures concrĂštes doivent ĂȘtre mises en place pour garantir un financement adĂ©quat et assurer la pĂ©rennitĂ© des initiatives culturelles. L’avenir de nos communautĂ©s en dĂ©pend.

  •  

Une deuxiÚme assemblée populaire pour protéger les milieux naturels de Rimouski

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Fort du succÚs de la premiÚre rencontre en décembre dernier, un second rendez-vous citoyen est organisé pour poursuivre les efforts de protection des milieux naturels. Cette nouvelle assemblée populaire se tiendra le dimanche 23 février à 13 h 30 au Grand Salon (C-186) du Cégep de Rimouski, avec un accueil prévu dÚs 13 h.

La premiĂšre assemblĂ©e avait rassemblĂ© prĂšs de 70 participants, confirmant ainsi l’intĂ©rĂȘt et l’engagement des citoyens envers la prĂ©servation des espaces naturels. Pour Julien Garon, membre de l’organisation, cet engouement tĂ©moigne d’un besoin crucial : « on se sent souvent seul, Ă©branlĂ©, quand on voit des boisĂ©s rasĂ©s, menacĂ©s ou partiellement dĂ©truits autour de nous. Se regrouper est essentiel pour sortir du sentiment d’impuissance et permet de passer Ă  l’action plus facilement. »

Une rencontre tournĂ©e vers l’action

Contrairement Ă  la premiĂšre assemblĂ©e, qui avait principalement permis de poser les bases des discussions, cette nouvelle rencontre sera consacrĂ©e Ă  la mise en Ɠuvre de stratĂ©gies concrĂštes. AprĂšs un bref retour sur les Ă©changes de dĂ©cembre, les participants seront invitĂ©s Ă  rejoindre des ateliers en sous-groupes afin de transformer les idĂ©es en actions tangibles.

Marie-Pomme Presne-Poissant, qui avait participĂ© Ă  la premiĂšre assemblĂ©e, souligne l’importance de ces rencontres : « c’est souvent quand on rassemble autour d’une table des gens de tout Ăąge et de toute provenance que les meilleures idĂ©es Ă©mergent. On sous-estime trop souvent la force des liens humains pour dĂ©velopper notre intelligence collective. »

Un engagement citoyen pour une ville résiliente

Les AssemblĂ©es Populaires Rimouskoises offrent un espace de rĂ©flexion et d’échange pour imaginer et construire une ville plus Ă©cologique, rĂ©siliente, juste et Ă©quitable. Cet Ă©vĂ©nement est ouvert Ă  toutes et tous, sans besoin d’avoir assistĂ© Ă  la premiĂšre assemblĂ©e ou de possĂ©der des connaissances spĂ©cifiques sur le sujet.

Pour rester informĂ©, les citoyens peuvent suivre la page Facebook AssemblĂ©es Populaires Rimouskoises ou contacter l’organisation par courriel Ă  assembleespopulairesrimouski@gmail.com. Un service de garderie sera Ă©galement disponible sur place pour faciliter la participation des familles.

Ce deuxiĂšme rassemblement promet d’ĂȘtre un moment clĂ© pour la mobilisation citoyenne en faveur de la protection de l’environnement Ă  Rimouski. Une occasion unique de transformer l’indignation en action collective.

  •  

Le populisme, vecteur du monde politique de 2025

Les prĂ©dictions politiques, mĂȘme les mieux documentĂ©es, ne se rĂ©alisent pas toujours. La raison en est que l’improbable peut advenir, et il advient souvent. C’est mĂȘme une constante dans l’histoire : ce sont les Ă©vĂ©nements improbables qui ont le plus contribuĂ© Ă  façonner le monde. PrĂ©dire ce que sera 2025 sur le plan politique est un exercice impossible, sauf si on s’en tient aux grandes idĂ©es qui balisent les contextes politiques.

En 2015, RaphaĂ«l Jacob promettait de manger une page de son livre si Donald Trump Ă©tait Ă©lu prĂ©sident des États-Unis.SpĂ©cialiste de la politique Ă©tatsunienne, l’analyste n’a pu prĂ©dire, mĂȘme Ă  quelques jours du scrutin, ce qui semblait alors improbable. Aux Ă©lections fĂ©dĂ©rales de 2015, le NPD de Thomas Mulcair commençait la campagne en tĂȘte des intentions de vote, mais il s’est retrouvĂ© au lendemain du scrutin loin en troisiĂšme place. Le PQ de Pauline Marois Ă©tait convaincu de remporter les Ă©lections quĂ©bĂ©coises de 2014, les sondages prĂ©-campagne confirmant la tendance ; c’est le PLQ qui les a gagnĂ©es.

Si l’improbable advient souvent, les idĂ©es, elles, sont plutĂŽt stables. Un systĂšme d’idĂ©es qui se traduit en action est une idĂ©ologie. Le populisme n’est pas une idĂ©ologie aux contours bien dessinĂ©s, mais plutĂŽt une stratĂ©gie anti-establishment marquĂ©e par la colĂšre et misant sur les Ă©motions plutĂŽt que sur la raison, en contexte d’incertitude. Le populisme est assurĂ©ment le vecteur du monde politique de 2025.

Le monde de Donald Trump

La dĂ©mocratie n’est pas irrĂ©versible, la dictature non plus.L’élection de Donald Trump Ă  la prĂ©sidence des États-Unis est une menace Ă  la dĂ©mocratie, mais elle renforce surtout l’incertitude dans le monde, considĂ©rant que l’émotion plutĂŽt que la raison guide les dĂ©cisions de ce mĂ©galomane et de son Ă©quipe associĂ©e Ă  la mouvance libertarienne, complotiste et climatosceptique. Ces idĂ©ologies balisent le monde trumpiste.

De maniĂšre improbable, la Syrie a mis fin en quelques jours, en dĂ©cembre 2024, au rĂ©gime sanguinaire de la dynastie Assad qui exerçait un pouvoir absolu depuis cinquante ans. La transition risque d’ĂȘtre violente puisque plusieurs groupes rebelles se disputent le pouvoir. Tout Ă  cĂŽtĂ©, Benyamin Netanyahou poursuit sa guerre gĂ©nocidaire contre le peuple palestinien sous le couvert d’un conflit avec le Hamas, mais ce sont des civils qui se retrouvent sous les bombes israĂ©liennes, 44 000 morts et 105 000 blessĂ©s dans la seule bande de Gaza depuis octobre 2023. Les États-Unis sont le plus grand fournisseur d’engins de mort Ă  IsraĂ«l avec 92 % des importations d’armes israĂ©liennes entre 2017 et 2021. Benyamin Netanyahu fait l’objet d’un mandat d’arrĂȘt pour crimes contre l’humanitĂ© dĂ©livrĂ© par la Cour pĂ©nale internationale, rejoignant en cela Vladimir Poutine qui poursuit son opĂ©ration militaire en Ukraine. Contre toute attente, le pays de Volodymyr Zelensky rĂ©siste depuis fĂ©vrier 2022, mais il est Ă  bout de souffle. Le soutien europĂ©en s’effrite, alors que le premier ministre hongrois d’extrĂȘme droite Viktor OrbĂĄn assume la prĂ©sidence du Conseil europĂ©en et qu’il a des affinitĂ©s avec le rĂ©gime de Vladimir Poutine. Un cessez-le-feu, promis par Donald Trump dans les premiĂšres heures de son mandat, suscite des inquiĂ©tudes en Ukraine puisque d’importantes concessions territoriales Ă  la Russie en sont Ă  la clĂ©.

En Europe, la question migratoire est l’enjeu principal de la plupart des Ă©lections nationales. C’est un terreau fertile pour la droite identitaire qui adhĂšre Ă  la thĂ©orie du Grand remplacement selon laquelle un peuple de souche serait graduellement remplacĂ© par une population extĂ©rieure. Cette idĂ©ologie, Ă©rigĂ©e en thĂ©orie, ne rĂ©siste pas Ă  l’épreuve des faits puisqu’un peuple n’a jamais une identitĂ© figĂ©e, elle est en constante redĂ©finition. Le sociologue centenaire Edgar Morin soutient que leGrand remplacement est plutĂŽt celui des idĂ©es humanistes et Ă©mancipatrices par les idĂ©es suprĂ©macistes et xĂ©nophobes.

Le Rassemblement national, d’extrĂȘme droite, est devenu en 2024 le premier parti de France ; ses chances de conquĂ©rir l’ÉlysĂ©e en 2027 sont rĂ©elles, sans doute avec Jordan Bardella comme candidat Ă  la prĂ©sidence, archĂ©type du politicien rĂ©actionnaire et populiste. En Italie, le parti de Giorgia Meloni est au pouvoir depuis 2022, oscillant entre nĂ©ofascisme et populisme. Elon Musk, nommĂ© par Donald Trump Ă  la tĂȘte du ministĂšre de l’efficacitĂ© gouvernementale, admire Giorgia Meloni, comme il admire aussi le prĂ©sident argentin Javier Milei, ultralibĂ©ral et populiste au pouvoir depuis 2023. Ailleurs en Europe, l’extrĂȘme droite se positionne de mieux en mieux sur l’échiquier et devient ainsi une option politique lĂ©gitime.

Le Canada de Pierre Poilievre

Les prochaines Ă©lections fĂ©dĂ©rales sont prĂ©vues au plus tard le 20 octobre 2025, mais elles seront tenues sans doute ce printemps avec un nouveau chef du cĂŽtĂ© du PLC. L’improbable n’est pas impossible, mais il semble qu’une lutte se dessine entre le PLC, dont le chef actuel Justin Trudeau est qualifiĂ© « d’insupportable abruti Â» par Elon Musk en dĂ©cembre 2024 (Elon Musk a aussi la citoyennetĂ© canadienne, sa mĂšre Ă©tant nĂ©e au Canada), et Pierre Poilievre du PCC, favori du milliardaire en raison de leurs affinitĂ©s libertariennes et de la guerre commune qu’ils livrent contre le wokisme dont Justin Trudeau est l’incarnation. À ce moment-ci, net avantage Poilievre, selon les sondages. Et il n’est pas impossible que le Bloc QuĂ©bĂ©cois forme l’opposition officielle.

QualifiĂ© par les stratĂšges libĂ©raux de « Trump du Nord Â», Pierre Poilievre n’a tout de mĂȘme pas la trempe de Trump, mais il se rĂ©vĂšle efficace sur le plan de la communication (il a exercĂ© la fonction d’expert-conseil en communications). AdoptĂ© enfant par une famille fransaskoise, il maĂźtrise suffisamment bien le français pour rallier les francophones autant que les anglophones. C’est le candidat chouchou de la radio-poubelle de QuĂ©bec qui mĂšne au quotidien une croisade rĂ©actionnaire inspirĂ©e par le modĂšle de l’AmĂ©rique trumpiste. PlutĂŽt nuancĂ© sur le plan social (il est pro-choix et il soutient le mariage entre conjoints de mĂȘme sexe), il est nĂ©anmoins proche de la droite libertarienne qui, sur le plan des valeurs, accorde la prioritĂ© absolue Ă  la libertĂ© individuelle au dĂ©triment des droits collectifs.

En 2020, Pierre Poilievre a hĂ©bergĂ© sur son site parlementaire une pĂ©tition visant Ă  dĂ©noncer la Grande rĂ©initialisation, qui s’avĂšre en fait une thĂ©orie du complot selon laquelle une Ă©lite mondiale, dont Justin Trudeau ferait partie, se livrerait Ă  un plan socialiste et Ă©cologiste de contrĂŽle des populations grĂące aux mesures dĂ©ployĂ©es lors de la crise sanitaire et l’installation des infrastructures de cinquiĂšme gĂ©nĂ©ration (5G) des normes de tĂ©lĂ©phonie. Il a appuyĂ© le convoi de la libertĂ© en 2022, ce carnaval rĂ©unissant Ă  Ottawa des milliers de complotistes, d’antivax, d’antisystĂšme et de suprĂ©macistes blancs venus rĂ©clamer la dĂ©mission de Justin Trudeau. Il est pro-pĂ©trole, il s’oppose aux mesures climatiques dĂ©jĂ  en vigueur, il promet d’abolir la tarification sur la pollution des entreprises, les normes sur les carburants propres et les plafonds sur les Ă©missions des secteurs du pĂ©trole et du gaz. Il prĂŽne une rĂ©duction drastique des services publics et promet de mettre la hache dans le financement public de CBC/Radio-Canada, selon lui instruments des wokes et de propagande du Parti libĂ©ral. Ce sont lĂ  des mots, mais aussi des engagements inscrits au programme du PCC. Or, malgrĂ© une fausse impression largement rĂ©pandue, les gouvernements occidentaux respectent leurs promesses Ă©lectorales dans une trĂšs grande proportion, sauf celles liĂ©es aux cibles environnementales et climatiques. Un gouvernement majoritaire du PCC mettrait en Ɠuvre ses engagements.

Le Québec de François Legault

Le demi-pays du QuĂ©bec est sous la gouverne de la CAQ, en mode fin de rĂ©gime, ce qui suggĂšre que les tendances observĂ©es sont susceptibles de s’accentuer en 2025. Le soutien au parti est en chute libre, passant de 41 % en octobre 2022 Ă  24 % en dĂ©cembre 2024. Le premier ministre ne s’identifie pas Ă  la droite, mais sur le plan Ă©conomique, la CAQ campe rĂ©solument Ă  droite. François Legault reconnaĂźt comme valeur phare la vertu entrepreneuriale. Lui-mĂȘme entrepreneur et self-made-man, il se prĂ©sente comme un premier ministre Ă©conomique. Cependant, son bilan Ă  ce chapitre est peu reluisant : ayant hĂ©ritĂ© d’une situation budgĂ©taire avantageuse (en 2018, le QuĂ©bec enregistre un excĂ©dent budgĂ©taire permettant de rembourser 10 milliards de dette), il se retrouve Ă  l’aube de 2025 Ă  improviser des mesures d’austĂ©ritĂ©. Comme il le dit Ă  la blague, il aurait besoin d’une boussole (pour s’orienter) et d’une batterie (pour se dynamiser), mais ajoutons Ă  cela qu’il lui faudrait aussi dĂ©velopper une sensibilitĂ© aux besoins de la population, et pas seulement aux intĂ©rĂȘts de ses amis de la Chambre de commerce.

Sur le plan social, le systĂšme de santĂ© connaĂźt des ratĂ©s importants et le systĂšme d’éducation est en pleine dĂ©construction. Niant l’existence du racisme systĂ©mique, la CAQ y participe par ailleurs activement en associant Ă  la prĂ©sence de personnes immigrĂ©es les problĂšmes d’accĂšs au logement, aux services de santĂ©, aux classes de maternelle 4 ans
 « 100 % du problĂšme du logement vient de l’augmentation du nombre d’immigrants temporaires Â», clame François Legault en juin 2024. On se souvient aussi de la dĂ©claration du ministre de l’Immigration Jean Boulet indiquant que « 80 % des immigrants s’en vont Ă  MontrĂ©al, ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhĂšrent pas aux valeurs de la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©coise Â». Des chiffres qui ne reposent sur aucune Ă©tude, des propos qui ne sont fondĂ©s sur aucun fait, sinon des faits alternatifs, selon le vocabulaire trumpiste consacrĂ©. La stratĂ©gie du bouc Ă©missaire est utilisĂ©e Ă  profusion par le gouvernement de la CAQ, lui permettant de se dĂ©responsabiliser. Quand un problĂšme se pose, l’Autre en est responsable.

Les Ă©lections du 5 octobre 2026 sont encore loin, mais des tendances se dessinent. Le PQ de Paul St-Pierre Plamondon se retrouve en situation avantageuse, mais demeurer en tĂȘte pendant presque deux ans tiendrait de l’exploit. D’autant qu’il est assez facile de mettre le chef du PQ devant certaines contradictions, des propos tenus par lui il y a quelques annĂ©es et qui contredisent ceux tenus maintenant. Les pelures de banane jonchent aussi le parquet de l’AssemblĂ©e nationale. Le PQ doit Ă©galement s’affranchir d’une aile radicale, les nationalistes identitaires purs et durs. Chez QS, la tension s’articule plutĂŽt entre l’option d’un parti de gouvernement et celle d’un parti centrĂ© sur les valeurs fondatrices. Gabriel Nadeau-Dubois incarne la premiĂšre option et il se comporte comme un politicien de carriĂšre. On peut ou non apprĂ©cier Catherine Dorion, mais son ouvrage Les tĂȘtes brulĂ©es met le doigt sur les causes des tensions : pourquoi militer pour un parti si ses valeurs cardinales sont infĂ©odĂ©es Ă  des stratĂ©gies Ă©lectorales visant Ă  Ă©largir l’électorat pour accĂ©der au pouvoir, rejoignant ainsi l’extrĂȘme-centre, c’est-Ă -dire l’extrĂȘme-rien, l’extrĂȘme in-signifiance. Il ne faut pas non plus enterrer le PLQ, d’autant qu’un chef comme Pablo Rodriguez pourrait rallumer la flamme libĂ©rale, mise en veilleuse depuis 2018. Les idĂ©es promues par Éric Duhaime du PCQ sont dans l’air du temps : conservatisme et populisme mĂątinĂ©s de complotisme et d’une bonne dose de la philosophie du regrettĂ© Elvis Gratton : « Ils l’ont l’affaire les Amaricains. Â» Entendons par lĂ  les vrais « Amaricains Â», ceux et celles du monde de Donald Trump.

  •  

POUR UNE POLITIQUE CULTURELLE

                                    « La culture est ce qui diffĂ©rencie un ĂȘtre humain d’une cafetiĂšre Â»

Tristan Tzara

L’automne dernier, le Front commun pour les arts a rĂ©ussi Ă  fĂ©dĂ©rer l’ensemble des milieux artistiques et culturels, comme le Mouvement pour les arts et les lettres (MAL) l’avait fait au tournant du siĂšcle, pour rĂ©clamer un meilleur soutien Ă  un secteur culturel en proie Ă  de trĂšs graves difficultĂ©s financiĂšres. Il demande une augmentation du budget du CALQ de 40 millions et sa pĂ©rennisation, afin que les organismes culturels puissent se projeter Ă  long terme ainsi que l’indexation des subventions au coĂ»t de la vie, eu Ă©gard Ă  l’inflation galopante. Depuis, un concert de nouvelles catastrophiques se fait entendre sur la place publique : rĂ©duction des programmations, mises Ă  pied de personnel, risque de fermetures et faillites. Rien pour amĂ©liorer les conditions dĂ©jĂ  extrĂȘmement prĂ©caires des artistes et des travailleurs et travailleuses du secteur. Rien pour redresser les finances des organismes dont 57% traĂźnent des dĂ©ficits accumulĂ©s structurels. Comment s’en Ă©tonner quand on constate que les budgets du CALQ affectĂ©s aux subventions aux organismes et aux bourses aux artistes sont passĂ©s de 224 millions Ă  170 millions entre 2020 et 2025. En cinq ans, ces budgets ont Ă©tĂ© amputĂ©s de 54 millions! Le milieu culturel et les artistes ont raison d’ĂȘtre en colĂšre.

Lors de la derniĂšre Ă©valuation nationale des organismes soutenus Ă  la mission par le CALQ, trĂšs peu ont reçu des augmentations, elles-mĂȘmes bien en-deçà de leurs besoins, et les subventions de la trĂšs grande majoritĂ© ont Ă©tĂ© maintenues au niveau de l’évaluation nationale de 2017-2018, ce qui Ă©quivaut Ă  des coupures, compte tenu de l’inflation. Quelques organismes ont vu leur subvention rĂ©duite et d’autres ont perdu leur reconnaissance pour ĂȘtre soutenus Ă  la mission et doivent maintenant dĂ©poser leur demande d’aide pour des projets, ce qui met en danger leur pĂ©rennitĂ©. Les enveloppes rĂ©servĂ©es pour soutenir les projets de crĂ©ation et les bourses aux artistes ne rĂ©pondent plus qu’à environ 17% des demandes, alors qu’il y a 25 ans, le taux de rĂ©ponses positives Ă©taient plutĂŽt de l’ordre de 30%. 

La situation des artistes et des organismes culturels en rĂ©gions ne fait pas exception. Des organismes rĂ©duisent leur nombre d’activitĂ©s ou de crĂ©ations; des lieux culturels limitent leurs heures d’ouverture au public et rĂ©duisent les heures de travail de leur personnel; des organismes jettent la serviette et ferment leur porte. Quand un organisme ferme en rĂ©gions, c’est plus lourd de consĂ©quence que dans un grand centre urbain car souvent, il est le seul actif dans sa discipline sur le terrain.

Oui, le milieu culturel et les artistes sont en colĂšre. Oui, ils sont justifiĂ©s de porter ces revendications devant l’État quĂ©bĂ©cois. Pas Ă©tonnant que de plus en plus d’entre eux quittent la profession. De plus, la situation de notre culture est particuliĂšrement fragile Ă  l’ùre des GAFAM. Pour ne pas mettre en danger davantage notre identitĂ© nationale, il est urgent de positionner politiquement notre culture et de la soutenir adĂ©quatement. Il est temps de dĂ©finir quel rĂŽle l’État quĂ©bĂ©cois doit jouer pour que nos artistes puissent crĂ©er dĂ©cemment, pour que le peuple quĂ©bĂ©cois puisse avoir un rĂ©el accĂšs aux Ɠuvres créées et Ă  la culture.

MalgrĂ© toutes les politiques culturelles que le QuĂ©bec s’est donnĂ©es, malgrĂ© certaines avancĂ©es que notre sociĂ©tĂ© a connues sur la question, aucun des gouvernements qui se sont succĂ©dĂ© n’a pris vĂ©ritablement au sĂ©rieux la question culturelle, n’a soutenu ses ministres responsables et ne lui a accordĂ© les moyens rĂ©clamĂ©s. Pour s’en convaincre, il faut lire l’étude de Fernand Harvey, Histoire des politiques culturelles au QuĂ©bec. 1855-1976.

RĂ©clamer un soutien substantiel, ce n’est que justice, mais cela ne suffira pas si l’on s’en tient Ă  cette seule revendication. Profitons du moment pour actualiser ce qui nous tient lieu de politique culturelle et revoir nos façons de faire. La tempĂȘte que nous traversons Ă©tait parfaitement prĂ©visible. DĂšs l’annonce du dernier budget de la CAC, il Ă©tait Ă©vident que le chĂąteau de cartes allait s’écrouler. En théùtre, aprĂšs 7 ans sans Ă©valuation, l’argent neuf reprĂ©sentait moins que les subventions pour les 2 matchs des Kings de Los Angeles au Centre Vide-et-otron. Au vu et au su de la situation dĂ©jĂ  fragile et brinquebalante des organismes, les naufrages qui se succĂšdent ne sont que l’éloquente dĂ©monstration de la cĂ©citĂ© et de l’indiffĂ©rence Ă©tatique.

Nous estimons que le milieu culturel doit impĂ©rativement tenir une rĂ©flexion approfondie, qui doit aller bien au-delĂ  de la hauteur du financement. Peu importe la forme que doit prendre cette rĂ©flexion : Sommet, États-gĂ©nĂ©raux, tables sectorielles, on ne peut faire l’économie de tout mettre Ă  plat et de revoir de fond en comble un modĂšle Ă  bout de souffle.

Voyez notre pm et ses ministres s’époumonner Ă  rĂ©pĂ©ter que les budgets de la SantĂ© et de l’Éducation ont Ă©tĂ© augmentĂ© de 50% depuis 6 ans. Et c’est vrai. En voyons-nous les rĂ©sultats probants? Tout s’écroule de partout. Le systĂšme bureaucratique, entre nĂ©o-libĂ©ralisme et technocratie Ă©tatique soviĂ©tique soft, n’est plus rĂ©formable. Le ventre mou de la lente bĂȘte continuera Ă  prospĂ©rer. Le mĂȘme sort guette la Culture si nous n’avons pas l’audace, la volontĂ© et le courage de revoir nos façons de faire. Si nous nous en tenons Ă  rĂ©clamer toujours plus de crĂ©dits, sans revoir le modĂšle, nous aboutirons au mĂȘme rĂ©sultat.

Le MCC et ses dĂ©pendances Ă©tant de plus petits mammouths, il est possible, si nos organismes de reprĂ©sentation consentent Ă  s’élever au-dessus de leur corporatisme, d’aboutir enfin Ă  une vĂ©ritable politique culturelle, cette promesse non-tenue de la RĂ©volution tranquille. Certes, l’État quĂ©bĂ©cois a jouĂ© un rĂŽle non nĂ©gligeable dans le dĂ©veloppement culturel tous azimuts. De grandes avancĂ©es ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es, mais quid d’objectifs mesurables dans le temps? Tout se fait Ă  la piĂšce, en accompagnant au mieux des initiatives locales. C’est Ă©minemment louable, mais bien insuffisant. Beaucoup de voilure, pas de gouvernail.

Ou bien alors, l’État veut des musĂ©es partout, au mĂ©pris de l’écologie patiemment construite des milieux. Politique politicienne. Une politique culturelle devrait fixer des objectifs de dĂ©veloppement et dĂ©terminer, avec les intĂ©ressĂ©s, oĂč l’on veut arriver pour les 20 prochaines annĂ©es. Avec comme point focal la dĂ©mocratisation. Et pour les artistes, ça presse, il faut impĂ©rativement un filet de protection sociale Ă  l’avenant.

Notre milieu doit, entre autres, se pencher sur la frĂ©quentation culturelle des moins de 40 ans, l’offre sans cesse exponentielle, la durĂ©e de vie des Ɠuvres et leur circulation partout sur le territoire, le nombre d’écoles d’art, les arriĂšres-pays oubliĂ©s, l’ouverture des lieux culturels au public et Ă  la relĂšve en toutes saisons, incluant celle des FĂȘtes, le dĂ©veloppement et la consolidation de pĂŽles culturels rĂ©gionaux structurants. En lien avec l’Éducation, assurer tout partout, un savoir minimum artistique garanti. Et quelques autres chantiers encore, dont entendre les aspirations et les propositions des jeunes gĂ©nĂ©rations.

À la fin de l’exercice, le budget de la Culture devra certainement ĂȘtre augmentĂ© au-delĂ  des 40 millions revendiquĂ©s, mais les artistes, les organismes, munis de cahiers de charge, y verraient plus clair et pourrait se projeter plus loin que la prochaine semaine. Les citoyens en seraient aussi les bĂ©nĂ©ficiaires. La dĂ©mocratisation culturelle se ferait concrĂšte. Un contrat social lierait les uns et les autres pour au moins une gĂ©nĂ©ration.

Notre avenir comme collectivitĂ© de langue française en AmĂ©rique du Nord en dĂ©pend pour une grande part. En marge de l’Empire, dans les sombres temps que nous nous apprĂȘtons Ă  traverser, la petite bougie de la Culture, mĂȘme vacillante, nous sera prĂ©cieuse et absolument essentielle!

Eudore Belzile (Rimouski) et Jean-Guy CÎté (Rouyn-Noranda), prix Sentinelle carriÚre CQT 2021 et 2022

  •  

Taxe de douane : une opportunité pour nos régions?

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

La guerre commerciale initiĂ©e par l’administration de Donald Trump pousse la population du Bas-Saint-Laurent Ă  se dĂ©tourner des produits amĂ©ricains pour se recentrer vers une production locale et canadienne, et cela mĂȘme si les tarifs douaniers ont Ă©tĂ© repoussĂ©s au mois prochain. Cette situation constitue une occasion pour renforcer la solidaritĂ© envers les entreprises locales et pour valoriser les productions rĂ©gionales. La rĂ©gion a des produits et des savoirs faire uniques, c’est la raison pour laquelle des entreprises Ă©tasuniennes se tournaient vers les articles fabriquĂ©s, par exemple, Ă  GaspĂ©. Nos rĂ©gions devraient alors se tourner vers tous ces savoirs et pratiques afin de les cultiver.

La culture et l’artisanat revaloriser

La culture et les savoir-faire traditionnels reprĂ©sentent des vecteurs essentiels de dĂ©veloppement Ă  la fois culturel, social et Ă©conomique. L’artisanat, en particulier, joue un rĂŽle central dans le dynamisme des territoires en contribuant Ă  leur rayonnement. Ce secteur constitue un atout majeur, car il amĂ©liore la qualitĂ© de vie de la population en favorisant la transmission des compĂ©tences. Il renforce Ă©galement la cohĂ©sion sociale et l’emploi local.

L’artisanat engendre des retombĂ©es Ă©conomiques positives, notamment en matiĂšre d’emploi, de crĂ©ation de petites entreprises, de commerce et de tourisme. Son dĂ©veloppement permet Ă  la population locale d’accroĂźtre son niveau de vie sans compromettre les ressources naturelles renouvelables. Ces actifs culturels et immatĂ©riels favorisent, Ă  long terme, un essor Ă©conomique et culturel, tout en dynamisant les quartiers et en stimulant les activitĂ©s touristiques.

L’amĂ©lioration de l’emploi et la multiplication des activitĂ©s rĂ©munĂ©ratrices issues des mĂ©tiers artisanaux – tels que la sculpture sur bois, le tissage ou la poterie – permettent de prĂ©server et de transmettre un patrimoine prĂ©cieux. De plus, l’économie circulaire et le dĂ©veloppement durable sont au cƓur des pratiques artisanales, ce qui en fait un modĂšle Ă  suivre pour structurer l’économie de demain.

Dans cette dynamique, les savoir-faire artisanaux jouent un rĂŽle crucial dans la mise en place de projets de dĂ©veloppement local, la revitalisation des espaces urbains et la promotion touristique. Au-delĂ  de leur impact Ă©conomique, ces mĂ©tiers participent Ă©galement Ă  l’affirmation d’une identitĂ© territoriale et au renforcement du lien social. Ainsi, il devient essentiel d’intĂ©grer les ressources et compĂ©tences locales dans les stratĂ©gies d’amĂ©nagement et de dĂ©veloppement des rĂ©gions.

—

Cominelli, F. (2015). Repenser le dĂ©veloppement durable : quel rĂŽle pour les savoir-faire et les mĂ©tiers d’art ? Material Culture Review, 82-83, 71–83.

  •  

Chronique du gars en mots dits: Lobotomie

Je me revois encore Ă  l’étĂ© 2009, au moment de prendre la dĂ©cision radicale de quitter QuĂ©bec pour me rĂ©fugier avec ma famille dans le Bas-Saint-Laurent.

C’était une de ces soirĂ©es oĂč le soleil dĂ©clinant rougeoyait superbement sur l’horizon. ExcitĂ©, je lance Ă  ma maisonnĂ©e : « Je pars jogger pour contempler le coucher de soleil. » Or, une heure aprĂšs, Ă  bout de souffle, je rentrais bredouille : dans ce quartier de Sainte-Foy surdensifiĂ©, prĂšs de la rue Myrand, impossible dĂ©sormais de voir le soleil se coucher de nulle part. Les immeubles de plus en plus hauts avaient Ă  jamais verrouillĂ© les derniers points de vue des environs. En vĂ©ritĂ©, ces percĂ©es visuelles Ă©taient toutes dĂ©sormais vendues aux plus nantis, capables de se payer des logements ou des condos de plus en plus dispendieux.

Quelques jours plus tard, résignés, nous mettions notre maison en vente.

Aujourd’hui, Ă  peine une petite quinzaine d’annĂ©es plus tard, ce scĂ©nario se rĂ©pĂšte d’un bout Ă  l’autre du Kamouraska, ma rĂ©gion d’adoption. De La PocatiĂšre Ă  RiviĂšre-du-Loup, les derniĂšres vues sont vendues au plus offrant; les cabourons, Ă©grenĂ©s en chapelet le long du littoral, sont dynamitĂ©s et nivelĂ©s, leur couvert vĂ©gĂ©tal coupĂ© et dĂ©capĂ© pour y lotir des maisons sans cesse plus imposantes1, violentant des paysages qui n’avaient jamais eu jusque-lĂ  Ă  souffrir de telles balafres.

C’est sans prĂ©cĂ©dent.

La photographe et vidĂ©aste quĂ©bĂ©coise Isabelle Hayeur a plus que quiconque Ă©loquemment illustrĂ© et dĂ©fini le phĂ©nomĂšne contre lequel seule une vĂ©ritable lobotomie saurait prĂ©munir les plus sensibles comme moi : la solastalgia.

Ce terme empruntĂ© au philosophe de l’environnement australien Glenn Albrecht sert Ă  dĂ©crire la dĂ©tresse causĂ©e par la disparition lente mais chronique des paramĂštres familiers liĂ©s Ă  l’environnement de l’individu. Ce nĂ©ologisme vient de la fusion de nostalgie et du mot anglais solace, qui renvoie au sentiment de rĂ©confort et de soulagement. Il rĂ©sume ce qui arrive quand quelqu’un voit son environnement immĂ©diat si profondĂ©ment et si rapidement transformĂ© par les prĂ©dateurs de territoire qu’il en devient dĂ©boussolĂ©, en perte de repĂšres, dĂ©passĂ© par une brutale rĂ©alitĂ© sur laquelle il n’a absolument aucune emprise. Absolument aucune.

Ajoutez Ă  la tristesse et au dĂ©pit de ces tĂ©moins d’une telle dĂ©possession leur extrĂȘme luciditĂ© Ă  l’égard du fait que, la plupart du temps, ces destructions sont pourtant bĂ©nies par nos Ă©lus, tous paliers confondus.

Hayeur a grandi dans une petite ville de la banlieue de MontrĂ©al, au cƓur d’un territoire pĂ©riurbain alors en dĂ©veloppement et qui se transformait rapidement. Hypersensible, elle en Ă©prouvait une impression de perte de repĂšres qui accompagne souvent la vie en banlieue. D’oĂč une pratique artistique teintĂ©e de ses sentiments troubles d’aliĂ©nation, de dĂ©racinement et de dĂ©senchantement.

Le deuil des paysages magnétiques

Ce phĂ©nomĂšne, prĂ©sent dans toutes les rĂ©gions du QuĂ©bec, pĂ©nĂštre maintenant au cƓur des parties les plus reculĂ©es de notre magnifique Bas-Saint-Laurent. L’accĂ©lĂ©ration de l’emprise de l’humain sur la nature est tout simplement ahurissante. On n’a mĂȘme plus le temps de s’adapter Ă  la disparition des boisĂ©s et des vues qu’on apprĂ©ciait naguĂšre encore.

L’espace manquant de plus en plus pour rĂ©aliser les rĂȘves infinis, des nĂ©oruraux venant de villes aux horizons obstruĂ©s ou inexistants finissent par occuper des endroits pourtant souvent zonĂ©s non constructibles. Chacun se taille dans le tuf Ă  la fois sa place au soleil et sa vue sur le fleuve. C’est la privatisation des beautĂ©s du Kamouraska. Sous nos yeux. Mais sans notre consentement Ă©clairĂ©.

Si vous voulez voir ce Ă  quoi ressemblera le littoral du Kamouraska dans quelques dĂ©cennies, allez vous promener Ă  RiviĂšre-du-Loup. LĂ , chaque semaine amĂšne son lot de coupes Ă  blanc et d’immeubles qui poussent comme des champignons, ce dont j’ai largement parlĂ© dans ma sĂ©rie « ProtĂ©gez les beautĂ©s du Kamouraska2 ».

On pourrait croire que tout se passe comme si on se foutait de nos paysages. Mais en rĂ©alitĂ©, c’est faux : ce « on » exclut l’immense majoritĂ© de la population du Bas-Saint-Laurent, qui les a rivĂ©s au cƓur. Mais ce sont nos Ă©lites, celles des conseils municipaux des villes et des MRC, et nos Ă©lus Ă  QuĂ©bec comme Ă  Ottawa qui prĂ©fĂšrent brader cet hĂ©ritage pour quelques poignĂ©es de lentilles, parce qu’ils sont animĂ©s par la vision Ă  court terme de leur réélection tous les quatre ans. La dĂ©mocratie a ceci de pervers qu’elle crĂ©e de courtes vues; pas surprenant alors que couper des vues devienne son lot quotidien.

Peut-ĂȘtre devrions-nous nous cotiser pour leur payer des jumelles.

En attendant, pour cesser de souffrir devant les affres des pelles et des scies mĂ©caniques, j’irai me faire lobotomiser.

1. Kevin BeaulĂ©, « Une maison mise en vente Ă  plus de 2,2 millions de dollars ne passe pas inaperçue Ă  Saint-Denis-de la Bouteillerie Â», Ciel FM, 24 mars 2024, https://www.ciel103.com/nouvelle/6835-une-maison-mise-en-vente-a-plus-de-2-2-millions-de-dollars-ne-passe-pas-inapercue-a-saint-denis-de-la-bouteillerie

2. Jean-François VallĂ©e, Dossier « ProtĂ©ger les beautĂ©s du Kamouraska », VIIe partie : Saint-AndrĂ©-de-Kamouraska : tenir tĂȘte aux prĂ©dateurs de paysages, Le Mouton Noir, 2022, https://www.moutonnoir.com/2022/11/dossier-proteger-les-beautes-du-kamouraska-viie-partie-saint-andre-de-kamouraska-tenir-tete-aux-predateurs-de-paysages/

  •