Il est plus que temps de se réveiller et de nationaliser les secteurs stratégiques, notamment les ressources naturelles et la production alimentaire, en particulier les fruits et légumes.
Trump sait que l’application de tarifs douaniers nuirait à l’économie américaine, mais à court terme seulement. En revanche, pour le Québec et le Canada, les coûts seraient si énormes que nous nous retrouverions complètement à genoux. D’ailleurs, nous sommes déjà considérés comme une colonie en matière de ressources naturelles. Il est impératif de revenir à une certaine forme de socialisme ou de social-démocratie renforcée.
Le Québec, comme le reste du Canada, est déjà sous l’emprise d’une multitude de multinationales américaines. Il est donc urgent d’opérer un virage majeur afin d’augmenter fondamentalement notre résilience. Le concept de biorégion peut offrir quelques pistes de solution à cet égard aux populations locales, régionales et, à la rigueur, nationales. Par ailleurs, à l’échelle du Québec, l’un des défis majeurs consiste à protéger nos secteurs stratégiques, comme l’énergie, avec Hydro-Québec, par exemple. Il y a quelques années, j’avais proposé la création d’une société d’État de production de fruits et légumes (Serre-Québec) sur l’ensemble du territoire pour réduire notre dépendance vis-à-vis les États-Unis. Bref, il faut absolument renforcer notre autonomie dans les secteurs stratégiques tels que l’énergie, l’alimentation et celui des ressources naturelles en développant la deuxième et la troisième transformation.
Soumission
Aujourd’hui, nous sommes totalement soumis aux caprices de Trump, à ses menacent et à cette guerre tarifaire qui vient d’être officiellement déclarée le 4 mars 2025.
Quelle sera la prochaine exigence? L’annexion de l’Arctique canadien? Si nous maintenons le statu quo, nous resterons piégés indéfiniment dans une boucle temporelle, comme dans Le jour de la marmotte, avec un Trump aux commandes et des dirigeants qui attendent docilement ses directives… Malgré le fait que le Canada décide de répliquer avec des contre-tarifs, qui est une mesure légitime et nécessaire, étant donné notre extrême dépendance au marché étatsunien, nous ne pouvons gagner à ce petit jeu.
Le Canada, et le Québec de facto, est une colonie de ressources naturelles soumise aux multinationales qui n’a jamais vraiment su voler de ses propres ailes. Nous sommes comparables à une souris affaiblie, vacillant sous le poids d’un éléphant américain agressif et affamé. On le voit déjà et cela risque de s’aggraver avec l’inexorable déplétion des ressources comme le pétrole et les minéraux critiques. Dans le contexte actuel, relire le rapport Meadows peut s’avérer une clé de compréhension importante 😉.
Prenons l’exemple de l’Alberta et analysons trois concepts: nationalisation, privatisation et fonds souverain. En comparant la gestion des ressources pétrolières albertaines – non conventionnelles et extrêmement polluantes – avec celle de la Norvège, on constate un contraste frappant. Grâce à ses hydrocarbures offshore en mer du Nord, la Norvège a constitué un fonds souverain dépassant les 1500 milliards de dollars. Prévoyante comme une fourmi, elle a nationalisé ses ressources et en a tiré une immense richesse collective.
À l’inverse, l’Alberta a privilégié la privatisation. Résultat? Un maigre bas de laine d’environ 20 milliards de dollars. Avec une vision court-termiste et libertarienne, similaire à celle d’une cigale insouciante, l’Alberta a mal géré ses ressources non renouvelables. Elle n’a pas les moyens de se lancer dans une guerre tarifaire avec les États-Unis, et le Canada, après la privatisation de Petro-Canada, ne peut pas rivaliser non plus.
Programmes de nationalisation
Où sont passés les apôtres du néolibéralisme? Ceux qui, guidés par les intérêts oligarchiques de la haute finance, ont contribué au démantèlement des sociétés d’État?
Curieusement, ces derniers temps, on les voit partout dans les médias, nous prodiguant leurs « grands » conseils stratégiques pour affronter la menace Trump. Pourtant, les gouvernements ont aujourd’hui une opportunité en or de lancer de vastes programmes de nationalisation dans les secteurs stratégiques, notamment les ressources naturelles.
En lien avec le retour des menaces d’autorisations de pipelines à la va-vite pour atteindre les marchés européens et asiatiques, on peut se demander où est votre volonté d’enrichir véritablement les Canadiens? Où est votre engagement à mettre fin à la spoliation des ressources non renouvelables par le biais de la nationalisation? Cela dit, même nationalisé, ces projets de pipelines ne seraient pas nécessairement plus acceptables. Encore une fois, il ne s’agit que de servir les ambitions mercantiles des grandes multinationales, et non d’assurer l’enrichissement collectif.
Des Québécois porteurs de goudron? Non merci! Nous pouvons et devons refuser le retour de ces projets indésirables comme nous l’avons fait par le passé avec le projet d’Énergie Est et de celui de GNL Québec. À défaut d’être un pays souverain, soyons au moins une province qui se tient debout face à l’inacceptable!
Malgré l’immense défi que représente la réduction de notre dépendance aux hydrocarbures, la nécessité d’y parvenir devrait être l’un des principaux objectifs de notre société. Les pays riches de demain seront ceux qui auront su réduire leur dépendance aux hydrocarbures. L’avenir écologique, économique et social de tous en dépend.
Guerre froide ou chaude tripolaire ?
Finalement, que veulent véritablement Trump et ses loyalistes libertariens ? Il semble que Trump cherche à restaurer de manière significative le hard power impérialiste américain, en s’inspirant de l’ancien président William McKinley (1897-1901) pour y parvenir.
Par ailleurs, il est important de rappeler brièvement le contexte de la montée en puissance de la Chine et de la formation d’un axe sino-russe ces dernières années. Avec l’appui de la ploutocratie techno-industrielle des GAFAM, Trump, épaulé par son bras droit fascisant Elon Musk, cherche à sécuriser le contrôle des dernières grandes ressources naturelles stratégiques et à réaffirmer la puissance militaire des États-Unis dans les zones géostratégiques clés nous entraînant dans un possible chaos global.
Son obsession pour l’annexion du Canada, l’achat du Groenland, la normalisation des relations avec la Russie (dans l’espoir, plus qu’improbable, de briser l’axe sino-russe) et la reprise du contrôle du canal de Panama semble converger vers un isolement stratégique de la Chine. Tout cela ne s’inscrit pas dans une vision globale et cohérente, mais plutôt dans une dynamique court-termiste de « deals » opportunistes et rapides, sans perspective pour un ordre mondial juste.
L’avenir nous le dira.
Stéphane Poirier, enseignant en géographie au Centre matapédien d’études collégiales