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    La Coop Paradis célèbre son 20e anniversaire et amorce un ambitieux projet de revitalisation de son bâtiment. En 2005, quatre organismes culturels de Rimouski —Paralœil, Caravansérail, Le Mouton Noir et Tour de Bras — faisaient un pari audacieux : créer ensemble un lieu pour la culture indépendante, en dehors des modèles institutionnels et commerciaux. C’est ainsi qu’est née la Coopérative de solidarité Paradis, installée dans l’ancien cinéma L’Audito, au cœur du quartier Saint-Robert. L’o
     

20 ans de culture collective : la Coop Paradis se projette vers l’avenir

2 décembre 2025 à 11:10

La Coop Paradis célèbre son 20e anniversaire et amorce un ambitieux projet de revitalisation de son bâtiment.

En 2005, quatre organismes culturels de Rimouski —Paralœil, Caravansérail, Le Mouton Noir et Tour de Bras — faisaient un pari audacieux : créer ensemble un lieu pour la culture indépendante, en dehors des modèles institutionnels et commerciaux. C’est ainsi qu’est née la Coopérative de solidarité Paradis, installée dans l’ancien cinéma L’Audito, au cœur du quartier Saint-Robert.

L’objectif était simple et courageux : partager un espace de travail, de création et de diffusion, mutualiser les ressources et ancrer la culture dans la vie de quartier. Vingt ans plus tard, ce pari tient toujours.

Un lieu né de la solidarité

Dès le départ, la Coop Paradis s’est construite sur la solidarité et la débrouillardise. Sans grands moyens, mais avec beaucoup d’énergie, les membres fondateurs ont rénové eux-mêmes les lieux, développé une gouvernance collective et ouvert les portes à d’autres organismes, aux artistes et aux citoyens.

Le bâtiment de la Coop Paradis est rapidement devenu un pôle culturel majeur à Rimouski, accueillant cinéma indépendant, arts visuels, musique nouvelle, théâtre, événements et résidences artistiques. Il a permis à des organismes, aujourd’hui reconnus comme des piliers de la culture régionale et nationale, de se développer et de rayonner, tout en offrant un tremplin à de nombreuses initiatives citoyennes ainsi qu’à des artistes émergents.

Aujourd’hui encore, la Coop Paradis réunit des organismes membres, des travailleuses et des travailleurs culturels et des citoyens et des citoyennes qui croient à l’importance de préserver des espaces collectifs.

Des défis bien concrets

Après deux décennies, le bâtiment nécessite des rénovations majeures : isolation, électricité, ventilation, accessibilité, tout doit être repensé pour que l’espace demeure accueillant et durable.

Mais au-delà des murs, c’est aussi le modèle même des lieux culturels collectifs qu’il faut défendre. Partout au Québec, des espaces indépendants ferment, étranglés par le manque de financement, la hausse des loyers ou la spéculation immobilière. À Rimouski, la Coop Paradis incarne cette résistance : maintenir un lieu culturel accessible, ancré et géré collectivement. Un espace où la culture n’est pas une marchandise, mais un droit citoyen, un service public, une manière d’habiter son territoire.

Une journée qui en dit long

Le 20e anniversaire, célébré lors des portes ouvertes du 27 septembre, a réuni plus de 300 personnes sous un soleil éclatant. Artistes, anciens membres, familles du quartier et curieux se sont rassemblés pour redécouvrir le lieu, partager des souvenirs et imaginer la suite.

L’ambiance, simple et sincère, reflétait l’essence du Paradis : un espace commun, ouvert et inclusif, où se croisent les générations et les disciplines. Cette journée a rappelé combien le Paradis fait partie du paysage culturel et affectif de Rimouski — un lieu où l’on se sent accueilli tel qu’on est, où curiosité et tolérance remplacent les frontières, et où l’art, la culture et l’humain se rencontrent.

Un avenir à construire ensemble

Alors que s’amorce le chantier de revitalisation du bâtiment, la Coop Paradis poursuit ses démarches pour assurer la pérennité du lieu et de son modèle coopératif. L’enjeu n’est pas que financier : il s’agit de moderniser le lieu sans effacer l’esprit d’indépendance et de partage qui anime le Paradis depuis vingt ans.

Ce projet de revitalisation, c’est aussi une invitation à continuer de faire communauté, à rassembler celles et ceux qui ont bâti, fréquenté ou simplement aimé la Coop Paradis. Car un lieu culturel comme celui-ci ne tient pas seulement sur du béton, mais surtout sur un tissu de solidarités et de mémoire. C’est là que la Coop Paradis puisera la force de se réinventer, pour continuer d’accueillir la différence, et de faire vivre la culture comme un bien commun.

Vingt ans, et toujours le même engagement

Vingt ans après sa création, la Coop Paradis demeure un symbole fort de la culture citoyenne au Bas-Saint-Laurent. Un lieu qui rappelle que la culture, ce n’est pas qu’un divertissement, mais une nécessité collective — un espace pour penser, respirer, débattre, rêver ensemble.

Dans un monde ébranlé par les crises sociales, environnementales et géopolitiques, la culture reste l’un des derniers refuges où l’on peut encore faire société. Elle tisse du sens, adoucit les fractures, combat l’indifférence et les inégalités. Elle donne voix à celles et à ceux qu’on n’écoute plus, éclaire les angles morts, ouvre des chemins vers d’autres possibles.

Et si la Coop Paradis se projette vers l’avenir, c’est avec la même conviction qu’en 2005 : la conviction que la culture doit avoir un toit, que ce toit doit être partagé, et que c’est ensemble qu’on le fera tenir!

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  • Quand le ROSEQ se fait phoquer
    Chaque automne, en octobre, le Réseau des Organisateurs de Spectacles de l’Est-du-Québec (ROSEQ) débarque à Rimouski avec ses valises pleines de cartes d’affaires, de costards-cravates et de techniques discursives. Les diffuseurs se retrouvent, les artistes se montrent sous leur meilleur jour, et la machine culturelle tourne pour le mieux dans le meilleur des mondes. Enfin… presque. Car depuis trois ans, un invité un peu plus subversif s’invite dans le décor : le Phoque OFF. Ce festival de
     

Quand le ROSEQ se fait phoquer

23 octobre 2025 à 12:10

Chaque automne, en octobre, le Réseau des Organisateurs de Spectacles de l’Est-du-Québec (ROSEQ) débarque à Rimouski avec ses valises pleines de cartes d’affaires, de costards-cravates et de techniques discursives. Les diffuseurs se retrouvent, les artistes se montrent sous leur meilleur jour, et la machine culturelle tourne pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Enfin… presque.

Car depuis trois ans, un invité un peu plus subversif s’invite dans le décor : le Phoque OFF. Ce festival de Québec, mi-vitrine mi-viking, profite du grand rassemblement pour installer ses amplis et ses idées de travers aux Bains Publics. Pas de tapis rouge ici : juste un plancher en bois magané qui vibre sous les basses, un public collé-serré, et des artistes qui se foutent bien de savoir si vous êtes directrice de prog ou étudiant à l’IMQ. 

Du 15 au 18 octobre, le Phoque OFF prend d’assaut les Bains Publics. La première salle est ouverte à toutes et à tous, mais pour les performances… disons que les places sont limitées. Les plus rapides seront collés à la scène, les autres colleront l’oreille aux murs. Ça reste quand même un bon moment pour rencontrer des musiciens étrangers qui voudront te battre à Tetris sur la vieille TV du bar.

Le Phoque OFF, c’est le genre de bête qui ne demande pas  de permission pour exister. Son but : donner la parole aux marginaux de la musique, aux styles qui ne cochent pas toutes les cases des grilles Excel des diffuseurs. Ce n’est pas une « offre culturelle », c’est un coup de coude dans les côtes du grand follow spot, un rappel que la musique vit aussi loin des circuits officiels et des pitchs d’ascenseur de gérant d’artiste en quête de signatures.

Et les Bains Publics? C’est la tanière parfaite. Ici, on ne joue pas à faire semblant d’être plus gros qu’on est. On joue pour vrai. On boit une bière avec les musiciens après le show. On rit trop fort sur de la musique qu’on aime écouter trop forte. On se serre dans une salle trop petite et on discute jusqu’aux trop petites heures du matin. Bref, on vit la musique autrement.

Trois automnes que ça dure et, chaque année, ça devient un peu plus incontournable. Certains diffuseurs passent  « juste pour voir »… et finissent par rester toute la soirée. Comme quoi, même dans le milieu culturel, découvrir la nouveauté dans un environnement déjanté, ça peut aussi faire du bien.

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  • Changement de culture: Mon moyen de transport n’est pas alternatif
    Je n’ai plus de permis de conduire. Pas qu’on me l’ait retiré à force d’infractions; j’ai choisi d’arrêter de le payer et de plutôt grossir le nombre de personnes sans ce permis au Québec. L’auto (surtout solo, surtout thermique, mais même électrique) est pour moi vestige d’une civilisation déjà morte – j’en ai déjà parlé. En tant que non-automobiliste, j’ai évidemment opté pour des transports dits « alternatifs » [sic] lors de mes voyages de l’été, dont à Montréal. La grand’ ville à bicyclet
     

Changement de culture: Mon moyen de transport n’est pas alternatif

22 octobre 2025 à 06:41

Je n’ai plus de permis de conduire. Pas qu’on me l’ait retiré à force d’infractions; j’ai choisi d’arrêter de le payer et de plutôt grossir le nombre de personnes sans ce permis au Québec. L’auto (surtout solo, surtout thermique, mais même électrique) est pour moi vestige d’une civilisation déjà morte – j’en ai déjà parlé. En tant que non-automobiliste, j’ai évidemment opté pour des transports dits « alternatifs » [sic] lors de mes voyages de l’été, dont à Montréal.

La grand’ ville à bicyclette1

Trente-cinq degrés au thermomètre à Montréal. Le seul moyen de transport qui fournit sa propre brise sans réchauffer le climat, c’est la bicyclette. Pendant quelques semaines, ma passe Bixi2 m’a donné accès à des bicyclettes en libre-service, parfois électriques mais idéalement à l’« huile de mollet3 », pour parcourir la ville, de Côte-des-Neiges jusqu’à Mercier. Je n’avais qu’à trimbaler mon casque et trouver une station pourvue en bicyclettes – et à me rabattre sur le métro en cas d’orage.

L’usage de la bicyclette en tant que moyen de locomotion (et non moyen de balade ni déco de toit de char) est entré dans les mœurs montréalaises; je l’ai constaté en parcourant ses pistes cyclables, dont le REV à deux voies sur Saint-Denis, ses rues partagées et ses raccourcis ombragés (la piste des Carrières). À chacun de mes 47 trajets (dixit Bixi; certains de plus de 45 minutes), je me suis sentie en sécurité, protégée par le grand nombre de cyclistes et légitimée par toutes ces bicyclettes avec chevrons peintes au pochoir sur la chaussée, comme on en voit à Rimouski sur la vieille Saint-Germain.

Un train (que) la nuit

Je donne une chance (et un bras…) à VIA Rail en me rendant une fois par année à Montréal en train. Férue de trains japonais et européens, je m’entête à choisir ce moyen de transport, même s’il passe à Rimouski à 1 h 29 ou à 2 h 25… du matin. Ça, c’est quand il n’a pas une ou deux heures de retard, comme mon train de retour, arrivé au lever du soleil. Le départ avait eu un retard de deux heures, annoncé à coups de demi-heures ou de quarts d’heure, nous gardant prisonnières et prisonniers de la file d’attente.

Le train reste le moyen de transport par excellence pour contempler le paysage tout en pouvant se délier les jambes, faire des rencontres. Mais Rimouski souffre de se trouver au creux de la ligne Montréal-Halifax, et la position allongée, en couchette ou cabine, coûte plus de trois cents dollars l’aller.

On fait quoi?

On se véhicule à bicyclette, et on enrichit son rapport au temps, à son corps et à son milieu.

On lutte pour une meilleure desserte ferroviaire.

On quitte le XXe siècle en vendant son char et en renonçant à son permis de la SAAQ.

On lit

France Cayouette en regardant les arbres de la fenêtre du train (ou de l’autocar) : « Ils défilent à contre-courant. On dirait qu’ils rentrent au bercail d’un commun accord4. » Suivant les arbres, on devient la voyageuse qui rentre et « doit à présent apprendre à vivre », à « aim[er] nos lieux » et à les « défend[re]5 ».

On regarde

Des séries où les personnages ne passent pas leur temps dans un VUS ni un stationnement (Doute raisonnable) et où il n’y a pas qu’un personnage à vélo (celui de Roy Dupuis dans À cœur battant). Si vous connaissez des séries québécoises qui normalisent le transport à vélo ou en train, je suis preneuse.

1. Au XXe siècle, on employait plus volontiers « bicyclette » que « vélo » au Québec en registre standard. Je tente d’en réintégrer l’emploi.

2. Le Bixi est tellement intégré au paysage que j’ai entendu un bambin, pointant un vélo personnel, l’appeler, dans sa joie de désigner le monde : « Bixi! »

3. Expression repérée dans Alex Fontaine, « Faire du Bixi à Sherbrooke, une nouvelle façon de “vivre la ville” », Le Devoir, 11 août 2025, https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/908815/faire-bixi-sherbrooke-nouvelle-facon-vivre-ville

4. Arbres debout sur nos paupières, les éditions du passage, 2025, p. 30.

5. Rodolphe Christin, Peut-on voyager encore? Réflexions pour se rapprocher du monde, Écosociété, 2025, p. 75.

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  • Une tête en boule disco ou une poésie en kaléidoscope
    « Papa Maman je vous jure si j’avais un manuel d’instruction je vous le donnerais. » C’est bien ce que semble faire la poétesse rimouskoise Noémie Pomerleau-Cloutier avec son troisième recueil de poésie publié en octobre 2024 : elle fournit un manuel d’instruction. Après Brasser le varech et La patience du lichen, l’autrice se frotte à la littérature jeunesse en signant le recueil de poésie Tête boule disco qui s’adresse aux 13 à17 ans. Dans une suite de photographies poétiques divisées en si
     

Une tête en boule disco ou une poésie en kaléidoscope

21 octobre 2025 à 12:05

« Papa Maman je vous jure si j’avais un manuel d’instruction je vous le donnerais. » C’est bien ce que semble faire la poétesse rimouskoise Noémie Pomerleau-Cloutier avec son troisième recueil de poésie publié en octobre 2024 : elle fournit un manuel d’instruction.

Après Brasser le varech et La patience du lichen, l’autrice se frotte à la littérature jeunesse en signant le recueil de poésie Tête boule disco qui s’adresse aux 13 à17 ans. Dans une suite de photographies poétiques divisées en six sections chacune intitulée « Miroir », le lecteur suivra les tribulations d’un jeune neuro-atypique dans son quotidien difficile, entre l’aventure du diagnostic et ses impacts positifs de son changement d’école. On nous donne accès à ses pensées les plus intimes alors que nous n’avons aucune information précise sur son genre, sa nationalité ou son âge. Ce flou permet justement d’atteindre un potentiel d’identification universel et à chaque lecteur de se reconnaître dans le personnage, que le lecteur ou la lectrice soit neuro-atypique ou non.

Ce n’est sans doute donc pas un hasard si Pomerleau-Cloutier a changé de public cible pour cet ouvrage. Ce recueil est un phare pour les jeunes neuro-atypiques qui cherchent à se sentir représentés. Mais c’est aussi un accès direct à leur psyché, ce qui permet aux parents et aux amis de mieux comprendre leurs proches… pardon, leurs êtres aimés. En effet, Pomerleau-Cloutier exploite plusieurs enjeux de la réalité des jeunes neuro-atypiques, notamment l’utilisation du mot juste et exact.

L’autrice elle-même l’utilise d’ailleurs diablement bien, le langage. Ce recueil se caractérise par un florilège de phrases choc et d’images poétiques qui viennent croquer et colorier la psyché d’un individu neuro-atypique, prouvant que les reflets de la boule disco ne sont pas seulement dans le titre de l’œuvre. « Si on me laisse faire mon amour est un Niagara vous ne savez pas toujours naviguer le torrent mais entendez combien je vous aime geyser », « je voudrais pouvoir exprimer toutes les pensées tornades dans ma tête tous les volcans en éruption dans mon abdomen tous les tsunamis qui m’avalent entier » ou « je ne comprends pas qu’on préfère mentir et qu’on appelle ça des mensonges blancs le blanc c’est propre et les mensonges ça tache » en sont de bons exemples.

Le ton du recueil est très juste. Les répétitions savamment dosées et le vocabulaire employé font qu’on croit tout de suite au personnage[NL1] . On sent les recherches que l’autrice a faites et sa sensibilité. Bien que l’absence de ponctuation puisse compliquer la lecture, cette particularité participe à une impression de flot intarissable et de pensées qui vont trop vite pour la narration.

Pomerleau-Cloutier signe ici une œuvre importante. Parce qu’elle permet d’initier la jeunesse à la poésie québécoise, parce qu’elle permet à toute une portion de la population souvent oubliée et en cruelle recherche d’affirmation de se sentir représentée, parce qu’elle nous permet de nous mettre un instant à la place de ces jeunes, l’espace d’une lecture. La note d’espoir sur laquelle le recueil se termine est elle aussi infiniment essentielle.

À lire pour se sentir vu, pour muscler son empathie, ou pour simplement profiter d’une poésie choc et brillante.

Noémie Pomerleau-Cloutier, Tête boule disco, Boréal,2024, 104 p.


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  • ANATOMIE D’UNE IMPOSTURE: La guerre des civilisations
    Avez-vous constaté comme moi diverses variantes de cette affirmation dans l’actualité : Nous sommes dans un conflit entre les valeurs judéo-chrétiennes de l’Occident et celles de l’Orient teinté des couleurs de la religion musulmane.Cette opposition tire son origine des ramifications religieuses, historiques, territoriales de ces deux civilisations. Mais d’où vient cette opposition, est-elle véridique? Justifie-t-elle tous ces « préjugés » envers l’autre? Cette opposition semble présentement
     

ANATOMIE D’UNE IMPOSTURE: La guerre des civilisations

20 octobre 2025 à 06:50

Avez-vous constaté comme moi diverses variantes de cette affirmation dans l’actualité : Nous sommes dans un conflit entre les valeurs judéo-chrétiennes de l’Occident et celles de l’Orient teinté des couleurs de la religion musulmane.Cette opposition tire son origine des ramifications religieuses, historiques, territoriales de ces deux civilisations. Mais d’où vient cette opposition, est-elle véridique? Justifie-t-elle tous ces « préjugés » envers l’autre?

Cette opposition semble présentement faire l’affaire du gouvernement israélien, car elle est de plus en plus instrumentalisée par ses dirigeants dans la guerre qui l’oppose au Hamas. Une guerre au départ contre « un mouvement terroriste », devenue au fil des jours le prétexte d’un conflit contre le peuple palestinien (dont la majorité est musulmane).

La branche politique et militante Hamas a obtenu en toute légitimité en 2006 la majorité absolue au parlement palestinien et, comme on le sait, a déclenché le conflit actuel par une attaque sanglante contre Israël avec de nombreux otages le 7 octobre 2023. Une attaque-surprise pour les services de renseignements d’Israël, et un assaut fortement dénoncé par l’Occident et une partie du Moyen-Orient. À la suite de cette attaque, le président Netanyahou a refusé de mener une enquête officielle sur l’effondrement de la sécurité de son pays. Il a plutôt opté pour la guerre à Gaza et dans toute la région. Mais le peuple palestinien, des civils déplacés et emprisonnés dans la bande de Gaza sous la tutelle d’Israël depuis l’édification de cet État dans ces anciens territoires ottomans du Moyen-Orient, n’est pas responsable de cette vendetta ni de cette prise d’otages par une branche du Hamas. Pourtant cette population subit toutes les conséquences du conflit : des morts et des blessés par milliers, un nombre disproportionné (environ 60 000 morts) en raison des nombreux bombardements d’Israël. (C’est David contre Goliath.) Tout aussi disproportionnées sont la destruction des villes, la violence et la haine des forces israéliennes contre un peuple affamé qui n’a droit à l’aide humanitaire qu’au compte-gouttes. Cette population semble avoir perdu son droit au respect, son statut de peuple aux yeux de certains Occidentaux et de la plupart des juifs d’Israël et de plusieurs autres à l’international. Et  Israël sera lavé de toutes ces violences parce qu’il est assuré de l’innocence éternelle que lui accorde l’Occident à cause de son passé et des violences qu’ont subies les juifs avant et surtout durant la Seconde Guerre mondiale. Est-ce antisémite de le dire? Selon la définition opérationnelle de l’antisémitisme, il est permis « de critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État1 » et surtout ses dirigeants qui dépassent les règles humanitaires qui régissent ce qui caractérise l’idée de la civilisation autant que l’interprétation des crimes de guerre. La vengeance ne justifie pas cette escalade mortifère contre tout un peuple.

« Quand tu auras fini de détruire, tu seras détruit »

– Isaïe, prophète israélite

À propos de cette opposition de valeurs qui déforment notre perception de l’autre, tout particulièrement dans ce conflit au Moyen-Orient, je suis tombé sur un article éclairant2: un compte rendu du livre de Sophie Bessis La civilisation judéo-chrétienne. Anatomie d’une imposture3. Cette spécialiste du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne démontre « qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’associer, à cette histoire occidentale, que l’Islam se rapproche plus du judaïsme que du christianisme; que la référence à Abraham est constante dans le Coran (son nom y est plus souvent cité que celui du prophète Mohammed); que l’Arabie du VIIe siècle faisait partie intégrante du monde de l’Antiquité tardive hérité de Rome; que l’Empire musulman s’est édifié en empruntant au droit chrétien […]; qu’à partir du XIIe siècle, les universités chrétiennes sont profondément influencées par la pensée d’Averroès » ce théologien et lecteur critique, spécialiste d’Aristote et l’un des grands philosophes de la civilisation islamique. Ce que l’on sait moins aussi, c’est que les érudits de cette civilisation sont ceux par qui les « livres » des savoirs de l’Antiquité (philosophie, mathématique, médecine) ont été sauvés en partie et retranscrits et commentés en langue arabe et transmis au monde occidental loin après à partir des traductions latines vers la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance.

Pour Sophie Bessis, « au lieu de l’intégrer à la longue histoire des avatars successifs du monothéisme, l’universel judéo-chrétien […] renvoie l’islam à une altérité politiquement construite et lui désigne son territoire, celui de la spécificité ». Et depuis le 11 septembre 2001, on assiste d’après elle « à une expulsion civilisationnelle. La culture chrétienne construit, depuis lors, les musulmans en ennemis ». Nous n’en sommes évidemment pas encore sortis.

Comme le souligne le compte rendu : « Alors que les sociétés ˝occidentales » se sécularisent, celles du Sud restent gouvernées par la loi divine. » Selon Sophie Bessis, « deux régimes de vérités s’affrontent et la période coloniale de l’Occident va encore les séparer en abaissant l’islam au rang de ˝mentalité primitive » surtout quand plus tard l’islam radical produit un amalgame délétère qui constitue les musulmans d’Europe et d’Amérique en ˝ennemis de l’intérieur » ».

Ces oppositions, qui servent surtout à exclure, seraient donc depuis leur origine historique une imposture comme le démontre Sophie Bessis. « « Gréco-latine˝, c’était le nom du qualificatif de la civilisation occidentale au début de son histoire, bien avant certaines abominations chrétiennes contre la culture hellénique (païenne). » « Si on avait su, on aurait gardé » ce nom, comme l’écrit l’auteur Xavier de La Porte à la fin de son article sur le livre de Bessis.

Dans le contexte de la guerre que mène Israël, tous les juifs partout dans le monde sont hélas assimilés sans nuance à ce pays qui n’est le pays que d’une petite portion d’entre eux, ou encore pire, ils sont associés à ce régime violent d’extrême droite dirigé par Benyamin Netanyahou qui appuie son pouvoir sur les religieux ultraorthodoxes. Une situation, elle aussi, de plus en plus regrettable. Dès lors, il est important de prendre le temps de déconstruire tout ce qu’on nous dit de préjudiciable.

D’ailleurs bien des personnalités juives avec une grande portion du peuple israélien et d’autres dans le monde commencent à réagir, à indiquer qu’il est grand temps que ce gouvernement « criminel » d’Israël soit isolé, banni pour ses actions violentes et inacceptables contre le peuple palestinien, même si le président Trump (acoquiné à Netanyahou) n’est probablement pas du même avis, mais telle une girouette imprévisible, sentirait-il que le vent tourne?

1. Gouvernement du Canada, Guide canadien sur l’antisémitisme selon la définition opérationnelle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (AIMH), 2024.

2. Xavier de La Porte, « Pourquoi le concept de « civilisation judéo-chrétienne » est une erreur », Nouvel Obs,  23 mars 2025.

3. Sophie Bessis, La civilisation judéo-chrétienne. Anatomie d’une imposture, Les liens qui libèrent, 2025, 124 p.

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  • Regards obliques, une poésie qui résiste à l’oubli et au passé: Un héritage de l’exposition de 2024
    Regards obliques est un héritage, une trace laissée de l’exposition du même titre qui s’est tenue durant l’été 2024 à plusieurs endroits dans la Mitis : au Jardins de Métis, au Château Landry, à la bibliothèque Olivar-Asselin et à la galerie d’art Desjardins de l’UQAR.   Ce recueil de poésie publié chez Poètes de brousse rassemble une vingtaine d’œuvres des poétesses Anick Arsenault, Annie Landreville, Marie-Hélène Voyer et des photographies de Steve Leroux. Ces artistes ont exploré divers li
     

Regards obliques, une poésie qui résiste à l’oubli et au passé: Un héritage de l’exposition de 2024

19 octobre 2025 à 12:04

Regards obliques est un héritage, une trace laissée de l’exposition du même titre qui s’est tenue durant l’été 2024 à plusieurs endroits dans la Mitis : au Jardins de Métis, au Château Landry, à la bibliothèque Olivar-Asselin et à la galerie d’art Desjardins de l’UQAR.  

Ce recueil de poésie publié chez Poètes de brousse rassemble une vingtaine d’œuvres des poétesses Anick Arsenault, Annie Landreville, Marie-Hélène Voyer et des photographies de Steve Leroux. Ces artistes ont exploré divers lieux patrimoniaux du Bas-Saint-Laurent (Château Landry, Vieux Presbytère de Sainte-Flavie, Villa Estevan) pour puiser leur inspiration. 

C’est dans une ambiance de fantômes, de lustres poussiéreux, de planchers qui craquent et de vieux rideaux desséchés qu’on livre une poésie du passé qui traverse le temps. Les photographies de Leroux en sont la trame. Le lecteur se sent plongé dans une ambiance flottante qui mêle l’angoisse du temps perdu et du passé qui tente de résister au présent. Les photographies en noir et blanc permettent de capter la mémoire d’une autre époque. Au cœur des lieux visités, on nous rappelle que ces bâtiments regorgent d’histoires, de souvenirs qui méritent d’être soulevés.

Le patrimoine bâti, la mal-aimée du présent?

L’ouvrage nous invite à réfléchir à la mémoire collective qui nous entoure. Dans l’essai L’habitude des ruines (2021) de Marie-Hélène Voyer, il était également question de revoir avec urgence notre relation à l’histoire et au patrimoine québécois. Le rapport avec l’ancien est difficile dans un présent qui choisit le neuf au détriment de la mémoire et de la sauvegarde d’un patrimoine autrefois vivant. Ces quelques lignes de Regards obliques permettent de réfléchir à cette réalité et annoncent bien la suite du recueil : 

Nous habitons des villes

aux mémoires vacantes

qui fabriquent l’oubli

à coups de condos bègues

Regards obliques est une œuvre nécessaire qui rappelle que la mémoire collective doit rester vivante dans une époque où les condos et les constructions neuves sont choisis plutôt que la valorisation de nos maisons d’antan. Il s’agit d’une ode à notre culture et à tous ces bâtiments remplis d’histoires. Avec ce recueil, on laisse en quelque sorte une mémoire.

Anick Arsenault, Annie Landreville, Marie-Hélène Voyer, Steve Leroux (phot.) Regards obliques, Poètes de brousse, 2025.

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