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  • ✇Journal le Mouton Noir
  • Salut Victor le grand!
    L’oeuvre de Victor-Lévy Beaulieu est trop vaste et protéiforme pour que je puisse en témoigner raisonnablement. Le commun des mortels a du mal à croire qu’un écrivain puisse être aussi prolifique et toucher à tant de formes dans une seule vie.  J’ai rencontré l’homme la première fois, à un cocktail d’ouverture, lors d’un week-end d’ateliers de théâtre aux Trois-Pistoles. Il est venu vers moi et m’a dit franc et net: « Toi et moi, ça fait longtemps qu’on aurait dû se parler » Il m’a soustrait
     

Salut Victor le grand!

16 juin 2025 à 10:40

L’oeuvre de Victor-Lévy Beaulieu est trop vaste et protéiforme pour que je puisse en témoigner raisonnablement. Le commun des mortels a du mal à croire qu’un écrivain puisse être aussi prolifique et toucher à tant de formes dans une seule vie. 

J’ai rencontré l’homme la première fois, à un cocktail d’ouverture, lors d’un week-end d’ateliers de théâtre aux Trois-Pistoles. Il est venu vers moi et m’a dit franc et net: « Toi et moi, ça fait longtemps qu’on aurait dû se parler » Il m’a soustrait au groupe, alors qu’on était les principaux invités, m’a emmené à l’écart et on a longuement échanger, au désespoir des organisateurs.

D’autres rendez-vous ont eu lieu par la suite, parfois jusqu’à très tard dans la nuit. Parfois après une partie de quilles. Il aimait débattre et ne lâchait jamais le morceau. 

Ce même week-end, on se retrouve à une table avec un maquilleuse professionnelle et Victor lui fait remarquer qu’elle a un sourcil plus arqué que l’autre. Elle dit « Oui j’ai un oeil plutôt faible, ce qui explique la forme de mon sourcil. J’utilise mon autre oeil pour maquiller. » 

« Erreur, lui dit Victor, c’est avec l’oeil qui fonctionne mal que tu maquilles, on crée toujours avec nos failles. » 

J’ai compris ce jour-là, que la poliomyélite dont il avait été victime à son adolescence et l’avait laissé à moitié paralysé d’un côté du visage et d’un bras, avait joué un rôle fondateur dans son écriture. Il a creusé encore et encore les failles, le côté obscur des êtres. 

J’aimais cet homme, plein de contradictions, qui voulait tout avaler, mais respectait ceux qui se coltinait avec lui, s’il jugeait que leur parole et leurs actes étaient en concordance. À l’exception d’une courte oeuvre théâtrale que lui demandai pour Pièce de résistance en 4 services, je n’ai monté aucune de ses oeuvres, car il tenait lui-même théâtre aux Trois-Pistoles.

On n’était pas en compétition mais en émulation. Et sa Guerre des clochers de l’été 1997, était de la ben belle ouvrage.

Et puis en haut de la pile, l’Héritage! oeuvre télévisuelle inclassable, qui lui a permis de connecter avec son peuple, en lui révélant des choses inavouables et taboues, d’autres remplies de poésie et grandeur, dans une langue admirable de sa totale invention. 

Merci Victor le grand! Repose en paix, Seigneur des Trois-Pistoles. Nul besoin de funérailles nationales, quand on est au sommet de l’Everest!

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  • Notre capitaine Achab 
    Quel diable d’homme que ce Victor-Lévy Beaulieu! Il aura poursuivi, sa vie durant, cette baleine blanche qui n’est pas celle de Melville, même si l’auteur de La Nuitte de Malcomm Hudd a nourri la délirante démesure et l’entêtement singulier du maître à bord du baleinier Pequod, le capitaine Achab, personnage principal du célèbre roman de Melville, Moby-Dick, devenu avec le temps le plus important héros de la littérature américaine.  Melville, certes transpercé par les flèches du péché origine
     

Notre capitaine Achab 

10 juin 2025 à 09:15

Quel diable d’homme que ce Victor-Lévy Beaulieu! Il aura poursuivi, sa vie durant, cette baleine blanche qui n’est pas celle de Melville, même si l’auteur de La Nuitte de Malcomm Hudd a nourri la délirante démesure et l’entêtement singulier du maître à bord du baleinier Pequod, le capitaine Achab, personnage principal du célèbre roman de Melville, Moby-Dick, devenu avec le temps le plus important héros de la littérature américaine. 

Melville, certes transpercé par les flèches du péché originel et tétanisé par l’impossibilité de rédemption, ne cessait de revenir à la charge, tâtonnant dans l’obscurité jusqu’à tomber sur cette baleine éblouissante de blancheur. De son côté, Victor-Lévy Beaulieu, plus prosaïque, a tenté de donner au Québec un écrivain de stature universelle et, cela, même si pour se faire, comme la célèbre baleine, il a avalé, puis digéré, les plus grands esprits croisés sur son chemin. Melville chasse la baleine, et Victor-Lévy Beaulieu devient une ronde baleine en ratissant les fonds marins de sa bibliothèque. Il a terriblement besoin des morts pour exister. On comprend alors pourquoi cet homme a passé sa vie à ronchonner, maudissant parfois ses contemporains, jusqu’à se réfugier dans les bois pour les éviter avant de les convoquer pour une séance de clowneries. 

      Comme Melville, encore une fois, qui, quand il n’était pas en train de lécher ses blessures spirituelles ou les nombreux échecs de ses romans dits de voyage, ou de se frapper le front contre le mur de sa passion pour Hawthorne, connaissait d’affolants passages à vide. Il s’en prenait alors à ces écrivains anglais du moment, simplement “agréables”, et dont l’influence sur la jeune mais bondissante littérature américaine ne cessait de l’étonner. Il prédisait une montée si fulgurante de cette littérature qu’elle ferait pâlir la littérature moderne anglaise, celle qui s’ébrouait autour des années 1850. L’impression d’entendre Victor-Lévy Beaulieu à propos de la littérature québécoise par rapport à la française – sa confiance dans le destin de cette littérature québécoise n’étant jamais ébranlée – et cela même s’il a déjà exprimé certains doutes sur l’ambition de nos jeunes écrivains. Nul besoin de dire qu’il a eu tort sur cette appréciation car chaque génération, si ce terme si détestable est valable en littérature, cherche à explorer des contrées inédites. Et l’ambition n’est pas toujours liée au volume ou à la puissance. Le ruisseau Rimbaud tient tête à l’océan Hugo, ou, si vous voulez, le “vaisseau d’or” de Nelligan navigue sans couler dans le fleuve d’encre qu’est l’œuvre monumentale de Victor Lévy-Beaulieu. Une œuvre dont une grande partie est dédiée aux autres et est aussi faite par les autres. 

          Son originalité réside dans cette “faculté d’admirer” si chère à Malraux. Ne me reprochez pas tous ces noms car VLB a ouvert les fenêtres du Québec sur le monde en écrivant des livres entiers, et non de simples citations comme on fait dans les salons, sur Hugo, Kerouac, Melville, Atwood, Joyce, Nietzsche. Qui dit mieux? Et il les ramène au Québec, dans son œuvre, jusqu’à donner l’impression que Melville, Hugo ou Joyce sont en fait des écrivains québécois. Quelle jolie façon de dire que le Québec est, à ses yeux, le cœur du monde rêvé à défaut de l’être dans le monde réel. En effet, il s’est fâché plusieurs fois avec le Québec réel qui lui semblait douter de sa propre réalité. 

     L’homme qui aimait faire des déclarations intempestives était aussi un bûcheron solitaire qui s’enfonçait longtemps dans la forêt des voix où il avait appris le silence et le monologue sans fin. Vous avez compris que ce veilleur de nuit, tout en contrastes comme son vieil ami Melville, a vécu mille tourments dont le plus douloureux était l’impression d’être oublié de son vivant. Ses livres étaient de moins en moins commentés ou même feuilletés. Pas parce qu’ils étaient sans intérêt (il a aussi écrit des livres sur les plantes qui guérissent et était un écologiste forcené) mais parce que personne ne voulait se colleter à lui. Qui a lu son diabolique 666 Friedrich Nietzsche (1392 pages)? Melville avait jeté son dévolu sur Hawthorne qui lui rendit cette amitié un bref temps. Lui, Victor-Lévy Beaulieu était de plus en plus seul vers la fin: Tremblay est à Miami, et Blais, Hébert, Ducharme, Aquin, Ferron, Miron (la forêt dépeuplée) n’étaient plus là. Il faut dire qu’il n’a pas beaucoup fréquenté les vivants non plus. Victor-Lévy Beaulieu a admiré passionnément Melville qu’il n’a pourtant jamais rencontré. En fait, il s’agissait de la poursuite d’une baleine blanche, cet animal marin qu’on ne peut chasser que si on est prêt à le suivre parfois à plus de cinq mille mètres de profondeur, de ces profondeurs dont on ne remonte jamais. 

     Aujourd’hui pour retrouver l’écrivain de Trois-Pistoles, il faudra un long souffle et cette ambition démesurée qui ne sont accordés qu’aux fous, aux saints et aux génies. Je ne sais même pas si on a les moyens nécessaires pour évaluer cette œuvre, ou la générosité réquise pour comprendre l’abnégation de cet homme aux lèvres minces, aux mains délicates, aux cuisses solides qu’il aimait exhiber, sans oublier chapeau et pipe.  Je revois l’étonnement de Melville en lisant la lettre d’admiration de Hawthorne. Un homme avait tenté de le comprendre quand tous les autres cherchaient à le ridiculiser. 

        Victor-Lévy Beaulieu a besoin de lecteurs plus que des larmes. Il nous faut le lire ou le relire pour apprécier cet incroyable saut périlleux dans l’obscurité. Commencez cet été par son Melville (Monsieur Melville) et son Joyce (James Joyce, le Québec, l’Irlande, les mots, essai hilare) pour ceux qui n’ont pas peur des grands massifs. Mon premier livre en arrivant au Québec c’était Les Grands-pères, paru en 1971 et réédité en 2011 dans une certaine indifférence. Toute l’œuvre était déjà là. “Dans le livre de Victor-Lévy Beaulieu, il y la mort, l’auteur et le lecteur” écrivait Ferron. La mort ayant amené l’auteur avec elle pour une promenade qui n’est pas de santé, il reste le lecteur. Qu’est-ce qu’on attend alors? 

Dany Laferrière 

de l’Académie française

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  • L’impact de l’art mural dans une ville
    L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme localL’art mural, par son essence, raconte des histoires et transmet des messages au cœur même de la vie urbaine. À Rimouski, une impressionnante murale d’Isabelle Duguay orne la façade ouest de l’immeuble de Place St-Laurent. Cette œuvre est une ode à la persévérance, à la détermination et à la réalisation de soi. S’inspirant des nuances bleues du ciel et des eaux, des verts de la végétation et des teintes orangées des couchers de soleil, l’ar
     

L’impact de l’art mural dans une ville

30 mars 2025 à 12:10

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

L’art mural, par son essence, raconte des histoires et transmet des messages au cœur même de la vie urbaine. À Rimouski, une impressionnante murale d’Isabelle Duguay orne la façade ouest de l’immeuble de Place St-Laurent. Cette œuvre est une ode à la persévérance, à la détermination et à la réalisation de soi. S’inspirant des nuances bleues du ciel et des eaux, des verts de la végétation et des teintes orangées des couchers de soleil, l’artiste capture la puissance sereine de la nature.

Objectifs et importance de l’art public

Cette création visait à dynamiser le centre de Rimouski en y apportant une dimension culturelle significative. L’intégration de l’art dans l’espace public n’est pas anodine ; elle offre à la population l’opportunité de s’approprier la ville, de la teinter de couleurs et de significations diverses.

L’art public revêt une importance majeure. En effet, les individus, dans leurs activités quotidiennes, interagissent consciemment ou inconsciemment avec leur environnement (Vernet, 2014, p. 4). Cette interaction offre des possibilités d’action, influencées par la perception écologique de chaque personne, enrichie par son vécu personnel.

L’interaction entre l’art et les usagers

L’art dans l’espace public ouvre de nouvelles perspectives aux usagers. Les interactions générées par une œuvre dépendent à la fois de son emplacement et du potentiel de l’individu qui la contemple. Cependant, le contexte et le lieu de l’œuvre sont cruciaux. Par exemple, une œuvre située dans une zone à forte circulation automobile pourrait être négligée, illustrant ainsi une marginalisation par l’intensité de la vie sociale (Vernet, 2014, p. 11).

La signification de l’œuvre d’art est également essentielle, surtout dans une ville aussi diverse que Rimouski. L’artiste, les valeurs véhiculées et la représentation doivent refléter une réalité inclusive, évitant de perpétuer l’hégémonie de l’homme blanc.

Contrairement aux musées ou galeries, l’art public est intégré à la sociabilité urbaine. Créer une œuvre dans un espace public, c’est accepter de travailler dans l’inconfort (Lafforgue, 2021, p. 106). Cet espace, grâce à l’artiste, devient un terrain de jeu, un acte éminemment politique.

L’art public

L’espace public se transforme en un lieu d’expression, accessible à tous, indépendamment de leur statut social ou de leur parcours de vie. L’art amorce un dialogue avec les passants (Lafforgue, 2021, p. 107). Faire de l’art dans la rue, c’est faire de cet espace un lieu de partage, allant au-delà du simple déplacement. Comme l’exprime Laetitia Lafforgue, « Apporter du sens dans l’espace public, c’est apporter la possibilité du dialogue, du débat. C’est exercer la démocratie, participer à la création d’un imaginaire commun, contribuer à une politique de la relation » (Lafforgue, 2021, p. 108).

– Ville de Rimouski https://rimouski.ca/tourisme/projets-majeurs/centre-ville-de-rimouski

– Lafforgue, Laetitia. (2021)**. L’art dans l’espace public : vigie du monde. L’Observatoire, 57, 106-108. https://doi.org/10.3917/lobs.057.0106

– Vernet, L. (2014). La vie sociale des oeuvres d’art dans les espaces publics : une étude des publics au square Saint-Louis. Environnement urbain / Urban Environment, 8, 1–13. https://doi.org/10.7202/1027734ar

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