Mariage homosexuel : où en sommes-nous ?

Le 20 juillet marquait les 20 ans du droit au mariage entre personnes de même sexe au Canada. En tant que membre ouvertement lesbienne de la communauté 2SLGBTQIA+, je m’affiche ainsi depuis mes 20 ans. J’en ai 34 aujourd’hui. J’ai eu envie de saisir cette occasion pour faire le point, à partir de mon propre parcours et de ma perspective.
L’opinion de Carol-Ann Kack
Je parle rarement publiquement de mon orientation sexuelle. Lors de ma participation à la campagne électorale provinciale en 2018 dans Rimouski, j’avais été identifiée dans un article du magazine Fugues qui mettait en lumière les candidatures issues de la diversité sexuelle.
Dans un contexte où l’homosexualité et la diversité de genre suscitent encore tabous et polémiques, je crois qu’il est important d’avoir des modèles visibles. Cela ouvre la voie et contribue à normaliser cette réalité. En dehors de cette publication, je crois n’avoir jamais abordé le sujet aussi directement.
L’écriture de cette chronique s’est donc révélée plus difficile que je ne l’imaginais. Non pas en raison de la complexité du sujet, mais parce qu’il me touche intimement. Il ne s’agit pas seulement d’une opinion, mais d’une part essentielle de qui je suis. Être critiquée pour ses idées, c’est une chose. S’exposer à des attaques sur son identité personnelle en est une autre.
En 2025, au Québec, j’ai la chance de pouvoir m’exprimer librement à ce sujet. Très peu d’endroits dans le monde m’en offriraient autant. L’homosexualité est encore criminalisée dans 64 pays et passible de la peine de mort dans 12 d’entre eux. Même ici, où je me sens généralement en sécurité, certains gestes simples, comme écrire cette chronique ou tenir la main de ma conjointe dans la rue, peuvent faire naître un doute, une peur sourde.
Ces petits moments ne sont que la pointe de l’iceberg. Ils témoignent de ce que vivent encore trop de personnes issues de la diversité sexuelle et de genre. C’est précisément pourquoi il faut continuer d’en parler, et reconnaître que le chemin est loin d’être terminé.
C’est encore plus vrai pour les personnes trans et non binaires, qui sont aujourd’hui en première ligne face à une montée préoccupante des discours d’intolérance. Leurs droits sont remis en question dans l’espace public, elles sont ciblées dans des débats souvent empreints de désinformation et de mépris. Lorsqu’on s’attaque à elles, c’est toute une communauté qu’on tente d’ébranler.
Un retour historique s’impose
En 2005, ce n’était pas la première tentative du gouvernement canadien de légaliser le mariage entre personnes de même sexe. Depuis 1995, des députés libéraux et néodémocrates ouvertement homosexuels avaient porté le projet à trois reprises (1995, 1998 et 2003), sans succès.
J’avais 15 ans lorsque, enfin, une majorité d’élus a voté en faveur de ce droit fondamental. Ce n’était pas unanime, loin de là. À l’époque, les modèles de femmes homosexuelles visibles dans les médias ou la culture québécoise étaient presque inexistants. Le sujet restait largement tabou.
Dans ma jeune vingtaine, j’ai souvent choisi de cacher qui j’étais, faute de me sentir pleinement en sécurité.
Depuis, les choses ont beaucoup évolué. Les 10 dernières années, en particulier, ont été marquées par des avancées significatives. Mais il ne faut pas perdre de vue que ces progrès sont récents, fragiles parfois. Car à côté des gains, il y a aussi des résistances. Et même des reculs, au Québec comme ailleurs, notamment aux États-Unis. Oui, même chez nous, on observe une montée de l’intolérance, parfois chez les plus jeunes.
Récemment, j’ai eu cette pensée troublante : et si les meilleures années en matière de climat social pour les personnes de la diversité sexuelle et de genre au Québec étaient déjà derrière nous ? Et si la pente s’inversait ?
Peut-être que j’exagère. Je l’espère de tout cœur. Mais une chose est certaine : il ne faut rien tenir pour acquis. Ensemble, faisons en sorte que cela n’arrive pas.