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Reçu hier — 15 décembre 2025Journal le Mouton Noir
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    On ne peut plus aujourd’hui s’en remettre aux institutions politiques qui nous gouvernent. Les intérêts privés surpassent le bien commun à peu près partout. Les inégalités planétaires et les guerres vont faire céder les derniers barrages de la société de droit, une fois que le bulldozer des conservateurs réactionnaires aura tout rasé Les changements climatiques menacent notre survie dans un horizon de moins de cent ans. Dans le pire des scénarios, aussi tôt qu’en 2050, la civilisation pourrait s
     

Décentraliser : une nécessité

15 décembre 2025 à 12:42

On ne peut plus aujourd’hui s’en remettre aux institutions politiques qui nous gouvernent. Les intérêts privés surpassent le bien commun à peu près partout. Les inégalités planétaires et les guerres vont faire céder les derniers barrages de la société de droit, une fois que le bulldozer des conservateurs réactionnaires aura tout rasé Les changements climatiques menacent notre survie dans un horizon de moins de cent ans. Dans le pire des scénarios, aussi tôt qu’en 2050, la civilisation pourrait s’effondrer1.

Une démocratie fictive

Nos institutions politiques visent la concentration de tous les pouvoirs dans un semblant de démocratie où des législateurs professionnels gouvernent le bon peuple, grand et petit. Comme pour le capital, ce pouvoir tend à se concentrer. Il faut voir comment le parlementarisme peut exclure autant de gens et de contributions à la démocratie et à l’avancement social. Quand la démocratie est un club privé de notables, c’est parce que nous en sommes pour la plupart exclus. 

Et on a beau nous promettre que les choses vont changer pendant qu’on crie à la nécessité de décentraliser ces organisations bien trop grosses et loin de nos réalités, rien ne bouge. Même scénario pour la réforme du mode de scrutin qui, en quelques années, a fait patate tant au fédéral qu’au provincial. Les décideurs sont friands de leur pouvoir, de leurs privilèges et de leur position confortable assis sur la tête de la classe ouvrière. Toute brèche menace leurs intérêts. Qui ne sont pas les nôtres.

Changer de modèle

Une fois ce sombre constat tiré, la question qui se pose est celle de déterminer la meilleure posture à privilégier si on souhaite la décentralisation.

Pour moi, c’est clair : décentraliser est une nécessité. On doit renforcer à la base nos lieux de démocratie et construire collectivement un modèle de démocratie territoriale incluant les Premières Nations en cogestion. Il s’agit d’assurer la suite du monde, comme l’a dit Pierre Perrault.

Comme anarchiste et écologiste, mon regard s’est porté sur le travail de Murray Bookchin2 qui traite de municipalisme libertaire. Cette approche a un bel avenir au Québec, ne serait-ce que par le travail du mouvement Multitudes qui prend le relais de belles expériences montréalaises en la matière. 

Le municipalisme propose d’asseoir l’organisation sociale sur des lieux de proximité, soit les municipalités, qui sont les lieux décisionnels les plus proches des citoyens. L’organisation sociale se ferait en fonction de celles et de ceux qui habitent le territoire, qui seraient libres de mettre en place leur propre modèle de démocratie et d’administrer leurs affaires dans le plus grand nombre de domaines possible. Évidemment, certaines fonctions collectives seraient maintenues, comme notre système de santé ou d’éducation. Ces institutions peuvent très bien s’autogérer en assurant que le bien commun soit le seul objectif recherché.

Mais avant tout, il faut que notre population comprenne les enjeux actuels et puisse participer aux débats collectifs de toutes sortes de façons. La démocratie, ça s’exerce!

Exercice démocratique

Je lance l’appel à celles et à ceux qui seront élus dans nos municipalités. Activez la démocratie dans votre communauté. Organisez des rencontres d’information, des conférences, des débats. Ouvrez les portes de votre hôtel de ville. Combattez la culture de l’opacité et de la bureaucratie. Semez la transparence et animez la discussion. On a absolument besoin de votre contribution. 

L’horizon cache mal les tempêtes et les désastres qui nous attendent un peu plus loin. Les solidarités deviendront des facteurs de survie. Nous serons tous contents de pouvoir compter sur elles. 

Faute de décentraliser ce modèle politique moribond qui va s’effondrer, on peut construire ce qui, inexorablement, va lui succéder. 

1. Selon l’organisation australienne Breaktrough – National center for Climate Restauration, 2019.

2. Lire Le municipalisme libertaire de Murray Bookchin, publié chez Écosociété. Vous pouvez aussi lire les ouvrages de sa collègue Janet Biehl.

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  • Pourquoi et comment décentraliser?
    Au moment où le plus fou d’entre nous est président des États-Unis et qu’il semble avoir en main plus de pouvoir que n’aura jamais eu aucun des autres présidents, croire que la démocratie n’est pas en danger relève de l’angélisme. Nous assistons un peu partout dans le monde à une centralisation des pouvoirs des plus inquiétantes. De la Révolution tranquille à aujourd’hui Pendant longtemps, décentraliser, c’était adapter nos lois et nos règles à nos différentes réalités régionales. René Lév
     

Pourquoi et comment décentraliser?

14 décembre 2025 à 11:08

Au moment où le plus fou d’entre nous est président des États-Unis et qu’il semble avoir en main plus de pouvoir que n’aura jamais eu aucun des autres présidents, croire que la démocratie n’est pas en danger relève de l’angélisme. Nous assistons un peu partout dans le monde à une centralisation des pouvoirs des plus inquiétantes.

De la Révolution tranquille à aujourd’hui

Pendant longtemps, décentraliser, c’était adapter nos lois et nos règles à nos différentes réalités régionales. René Lévesque, qui était un fervent décentralisateur, croyait qu’on devait décentraliser avant de faire l’indépendance. Il savait que si l’on ne décentralisait pas avant l’indépendance, nous serions l’une des sociétés les plus centralisées au monde. Il fallait selon lui préparer les régions à développer des capacités de gestion leur permettant de recevoir de nouveaux pouvoirs provenant de l’indépendance. C’est pourquoi il avait publié en 1977 un Livre blanc sur la décentralisation. Pour lui, la décentralisation était un acte de confiance envers les régionaux, dans leurs capacités d’identifier des solutions et des règles adaptées à leurs réalités et à leurs besoins. Malheureusement, pour toutes sortes de raisons, dont le fait qu’autour de lui, tous n’étaient pas de fervents décentralisateurs, la véritable décentralisation a été reléguée après l’indépendance.

Pendant longtemps et plus récemment, décentraliser est aussi devenu une façon de désengorger les grands États de plus en plus coûteux, inefficaces et incapables de rendre les services auxquels les citoyens et les citoyennes sont en droit de s’attendre. Malgré le fait que tant à Ottawa qu’à Québec, on ait augmenté le nombre de fonctionnaires de plusieurs dizaines de milliers, la machine demeure embourbée, pendant que les scandales s’accumulent à coups de milliards, dans l’impunité la plus totale.

Aujourd’hui, nous devons faire le constat que, durant la Révolution tranquille, la centralisation était de mise afin d’assurer un développement équitable entre chacune des régions, tel n’est plus le cas. Nous avons été à l’extrême limite de la centralisation dans tous les domaines. Manifestement, on doit reconnaître que les résultats ne sont pas au rendez-vous, que ce soit en matière de santé, d’économie ou d’environnement, ça ne marche pas. Le cynisme de plus en plus important de la population, envers le monde politique, en est une résultante.

Si les promoteurs de la décentralisation étaient porteurs d’efficacité, de rationalisation des coûts et de solutions adaptées aux diverses réalités, il faut y ajouter aujourd’hui la nécessité de défendre la démocratie.

Vouloir décentraliser, c’est aussi refuser d’accorder tous les pouvoirs à un dirigeant quel qu’il soit. Un peu partout dans le monde, on voit diverses organisations prendre faits et causes pour la démocratie locale. De plus en plus de gens constatent les dangers de la concentration tant des pouvoirs que de la richesse. Pour eux et elles, la meilleure façon qu’il n’y ait pas de gens qui aient le pouvoir, c’est que le pouvoir et la richesse soient partagés entre le plus de monde possible. Renforcer le pouvoir local, c’est s’attaquer au pouvoir total. 

Décentraliser : mode d’emploi

Ce sera sans doute une longue marche, mais parfois l’histoire s’accélère, d’autant plus si ça bouge un peu partout sur la planète. Il n’existe malheureusement pas de livre de recettes pour réussir la décentralisation. Il faudra l’écrire collectivement. Il y a cependant un certain nombre d’éléments de base qui me semblent incontournables.

  1. Le premier de ces éléments est que nous devons accepter et faire la promotion du principe de la subsidiarité. Selon ce principe, toute décision doit être prise au niveau du gouvernement le plus proche des citoyens, à moins qu’une intervention à un niveau supérieur ne soit plus efficace.
  2. Il faut que cesse tout chevauchement de responsabilités. Si l’on décide que la culture, c’est d’ordre local, il en sera l’unique responsable. Si on dit que la forêt est d’ordre régional, ni Ottawa ni Québec ne devront s’en mêler. Si on décide que le domaine de l’éducation est provincial, c’est là que ça devrait se passer, etc. Il faudra bien sûr que les budgets reliés accompagnent chacune de ces responsabilités.
  3. Il faudra s’assurer que la compétence et l’imputabilité soient au cœur de ce nouveau partage des responsabilités. Reprendre le même modèle inefficace pour l’implanter au niveau local ou régional sera un échec assuré. Par ailleurs, il faudra que le personnel des différentes organisations soit, dans ses relations avec le public et les entrepreneurs, davantage des accompagnateurs que des « policiers » chargés de faire appliquer à la lettre nos diverses lois.
  4. Il faudra également apprendre à se faire confiance, entre urbains et ruraux, et accepter que chacune des régions puisse développer son propre modèle. Si un grand nombre de Montréalais, qui vivent dans un milieu artificiel à presque 100 %, revendiquent que les régions ressources demeurent naturelles à 100 %, on n’y arrivera pas. On ne pourra pas occuper et mettre en valeur notre immense territoire sans utiliser au moins une partie de nos ressources, d’autant plus si elles sont renouvelables. Nos ancêtres ont vécu de la forêt et on veut que nos descendants en vivent également. Il me semble aussi incongru de la part des régionaux de vouloir gérer le métro et le stade olympique que de voir les urbains dicter la gestion des forêts. Nous aurons besoin d’établir des normes nationales, mais la responsabilité de la gestion des ressources naturelles doit être accordée à ceux et à celles qui habitent ces territoires.
  5. Enfin, il faut que l’ensemble de notre projet soit axé sur un véritable exercice démocratique dans lequel, les citoyens et les citoyennes soient au cœur du processus décisionnel. Pour ce faire, nous devrons mettre de l’avant des mécanismes de participation populaire comme en Suisse, où l’on retrouve des constitutions cantonales, des référendums obligatoires sur des sujets importants, de même que des initiatives référendaires laissées à la discrétion des citoyens et des citoyennes.

Pour sauvegarder la démocratie dans le cadre d’une décentralisation réussie, nous devons revenir à la définition d’Abraham Lincoln qui disait que la démocratie était le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple. Il s’agit là d’un grand défi, mais je suis persuadé que nous en sommes capables.

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  • Retourner aux faits : une réponse à l’Alliance de l’énergie de l’Est
    Je ne feindrai pas la surprise. En publiant une recherche se penchant sur le modèle de développement éolien des dernières années auprès de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS)[1], j’anticipais déjà la réponse de l’Alliance de l’énergie de l’Est (Alliance), un promoteur éolien bien établi dans l’est du Québec. Il faut dire que cette recherche m’ayant demandé près de 300 heures de long et dur travail concluait en soulevant les importants déficits de démocratie dans la
     

Retourner aux faits : une réponse à l’Alliance de l’énergie de l’Est

11 décembre 2025 à 08:14

Je ne feindrai pas la surprise. En publiant une recherche se penchant sur le modèle de développement éolien des dernières années auprès de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS)[1], j’anticipais déjà la réponse de l’Alliance de l’énergie de l’Est (Alliance), un promoteur éolien bien établi dans l’est du Québec. Il faut dire que cette recherche m’ayant demandé près de 300 heures de long et dur travail concluait en soulevant les importants déficits de démocratie dans la planification des projets éoliens québécois. Alors que de nombreux et nombreuses acteur·ices du milieu se targuent de présenter des projets ayant une grande acceptabilité sociale, ma recherche concluait plutôt à l’inverse, soulignant les différentes manières par lesquelles les populations locales peuvent se voir exclues de la planification des projets éoliens.

Cela dit, je ne m’attendais pas à ce que les contre-arguments de l’Alliance et de son président Michel Lagacé, maire de St-Cyprien et préfet de la MRC de Rivière-du-Loup, soient si maladroits. En réduisant cette recherche à un simple fait d’opinion, M. Lagacé a dénigré d’un coup non seulement l’important travail de recherche mené, mais aussi la contribution de nombreux et nombreuses acteur·ices du milieu, plusieurs faisant d’ailleurs partie de ses collègues.(a) L’analyse des faits qui m’ont été rapportés, des documents que j’ai analysés et des données que j’ai compilées m’ont amené à tirer des conclusions informées et non de simples opinions. Qui plus est, ces analyses ont été contrevérifiées par mes collègues de l’IRIS, une équipe de professionnel·les de recherche tout aussi soucieuses de l’importance de suivre de bonnes méthodes de recherche. M. Lagacé et l’Alliance peuvent bien nier cette étude et en dénigrer les analyses, mais cela reviendra à se boucher les oreilles et s’enterrer la tête dans le sable. Cette recherche a été réalisée de manière parfaitement intègre.

Dans une perspective de rétablir certains faits, mais également de contrer le travail de désinformation de cette entreprise privée, j’ai cru nécessaire de rédiger cette réplique revenant sur trois éléments essentiels.

Une acceptabilité sans fondements

L’Alliance utilise dernièrement un sondage qu’elle a récemment commandé pour justifier l’acceptabilité de la population à l’égard de ses projets. Or, n’en déplaise à l’Alliance, cette dernière utilise très mal les données obtenues. Heureusement, en tant que sociologue ayant reçu une formation universitaire sur les méthodes de recherche – incluant la tenue de sondages –, il me fait plaisir de rétablir certains faits.

Réalisé auprès de 1014 adultes de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent sondés par voie internet et téléphonique, le sondage possède un échantillon respectable. S’il avait été probabiliste, ce dernier aurait une marge d’erreur de +/- 3%, 19 fois sur vingt. Cela veut dire qu’en temps normal, avec un échantillon de cette taille, il serait possible d’extrapoler toute tendance observée à l’ensemble de la population étudiée, avec la possibilité d’une variation de +/- 3%. En d’autres mots, si 25% de l’échantillon aime les corn flakes, on pourrait s’attendre à ce qu’entre 22 et 28% de la population générale aime les corn flakes.

Or l’élément clef, ici, est le terme « probabiliste ». Comme l’échantillon du sondage de l’Alliance est non probabiliste, cela veut dire qu’à cause de la méthode d’échantillonnage choisie, c’est-à-dire à cause de la manière par laquelle les répondant·es au sondage ont été sélectioné·es, il est impossible d’extrapoler les résultats à l’ensemble de la population. Ainsi, il est tout à fait acceptable de référer à ce sondage pour parler de l’opinion des 1014 personnes sondées, mais il est impossible et erroné, statistiquement parlant, d’utiliser ce sondage pour parler de l’opinion de l’ensemble de la population du territoire de l’Alliance.

Cela n’a pas empêché l’Alliance de répéter à tue-tête qu’elle avait l’assentiment de la population pour développer ses projets. Or, si on se fie au rapport de la firme de relations publiques Tact qui a mené le sondage, seulement 26% des 1014 personnes sondées (soit 264 personnes) connaissent l’Alliance ou en ont déjà entendu parler et 83% de ces dernières (219 personnes) ont une opinion favorable à son endroit. Prétendre que l’Alliance à l’assentiment de la population est ici complètement ridicule. Concrètement, la population ignore l’existence de l’Alliance et de ses actions et on ne pourrait en bonne conscience prétendre que cette dernière a un réel mandat pour se comporter en roi et maître dans la région.

Ainsi, quand M. Lagacé déclare « C’est 87 % des gens qui sont en faveur de la mise en place des projets éoliens, on ne voit pas ça ailleurs », ce dernier insinue un appui fort de la population, négligeant de préciser que ces données représentent uniquement et exclusivement l’opinion de 882 personnes et non pas de l’ensemble de la population appartenant au territoire de l’Alliance.

Sans être nécessairement mauvais en soi, les échantillons non-probabilistes sont très limités et il faut les utiliser avec soin. Les recherches non-probabilistes sont effectivement plus économiques et peuvent être utiles dans le contexte d’études exploratoires. Ce n’est malheureusement pas ce qu’on peut constater dans les communications de l’Alliance. À noter ici que ce n’est pas ma seule opinion, mais bien la posture de la littérature scientifique :

« On peut assimiler à ces techniques celles que les médias appliquent lorsqu’ils sollicitent l’avis de leur public. […] Aussi, les lignes ouvertes, les sondages maison sont-ils au mieux des moyens pour les médias de connaître leur public, au pire des outils pour l’influencer. »[2]

À la lumière de cette citation, difficile d’ignorer l’usage abusif que l’Alliance fait ainsi de ce sondage. S’il faut douter de l’ouverture dont fera l’Alliance devant cette critique, il demeure néanmoins que tout lecteur et toute lectrice qui prendra connaissance de ces nouveaux éléments aura à tout le moins de meilleurs outils pour comprendre les abus de langage de l’Alliance.

Quelle transparence?

L’Alliance s’est largement défendue d’être coupable des déficits de transparence et de démocratie que ma recherche identifie. Revenons d’abord sur ces derniers.

Depuis 2009, les projets éoliens développés au Québec sont des partenariats d’investissement entre des entreprises et des municipalités. Ces dernières sont ainsi appelées à investir, le plus souvent à concurrence de 50% de la valeur totale du parc, et pourront ensuite retirer la part de profits leur revenant.

Or, pour protéger le secret industriel des partenaires privés, la majorité des négociations entre les entreprises et le municipal se font derrière des portes closes. La population n’a pas accès à la nature ou au contenu de ces discussions, voire aux dates où se tiennent ces rencontres. Qui plus est, durant la période de planification entre le privé et les élu·es, la population est rarement informée que de telles rencontres ont lieu. En réalité, la population tend à n’être mise au courant qu’à la toute fin du processus de planification, lorsque le projet est prêt à être soumis à Hydro-Québec dans le cadre d’un appel d’offres.

L’Alliance se targue de tenir de nombreuses séances d’informations et de régulièrement tenir des séances de portes ouvertes, pratiques qui viendraient contredire l’argument que la population n’est pas impliquée.

Or, les deux choses peuvent être vraies.

En effet, une fois les projets planifiés et finalisés, une fois que les projets peuvent être envoyés à Hydro-Québec, rien n’empêche l’Alliance de tenir des séances d’informations et d’ouvrir ses portes à la population. Il n’empêche qu’à ce moment, concrètement, le gros du travail de planification est terminé. De plus, si des élu·es sont bel et bien impliqué·es, ils et elles sont tenu·es au silence par des ententes de confidentialité. La transparence dont se revêt fièrement l’Alliance n’est rien de moins que le linceul des procédures de consultation citoyenne.

Il faut d’ailleurs mentionner que, interrogé à ce sujet dans le cadre de ma recherche, un représentant de l’Alliance m’avait affirmé que la raison pour laquelle les citoyen·nes n’étaient consulté·es qu’à la toute fin du processus était en fait :

« […] un héritage venant des appels d’offres compétitifs où l’ensemble du territoire québécois est prospecté et les partenaires privés tentent de dénicher les meilleurs gisements de vent et de sécuriser les droits fonciers sur ces territoires-là. »[3]

En lui présentant un scénario dans lequel un promoteur éolien commencerait la planification d’un projet en rencontrant la population générale pour l’informer de ses intentions de développer un parc éolien dans une région donnée, l’Alliance répondait ainsi :

« De faire [la planification éolienne] comme vous le proposez, ce n’est pas compatible avec un appel d’offres compétitif. »[4]

Remettant ainsi la faute des déficits de consultation citoyenne sur le modèle de développement des projets actuels, c’est-à-dire le modèle par appel d’offres, l’Alliance se dédouane de toute responsabilité. La malheureuse est contrainte de jouer selon les règles du jeu imposées par le gouvernement, il ne faudrait donc pas lui en vouloir.

Il faudra toutefois s’interroger sur la véracité de cette impuissance. L’Alliance est désormais un joueur central du milieu éolien. Que cette dernière prétende n’avoir aucune capacité d’influence auprès du gouvernement est en fait un leurre. En effet, c’est bel et bien grâce aux pressions coordonnées des maires et mairesses qui allaient éventuellement former l’Alliance que le gouvernement avait décidé, à l’époque, de modifier le modèle de développement éolien et de créer le modèle communautaire. L’Alliance, plus organisée que jamais, aurait définitivement le capital politique pour pousser le gouvernement à mettre en place un cadre réglementaire demandant plus de transparence et imposant l’implication citoyenne. Si cette dernière ne fait pas usage de ce potentiel politique, c’est que ses intérêts se sont depuis longtemps divorcés de ceux de la population, trouvant du côté de l’entreprise privée un partenaire bien plus attrayant.

BAPE générique et planification

Ainsi, bien que l’Alliance reconnaisse les enjeux du modèle de développement actuel, l’entreprise privée s’est régulièrement opposée à la tenue de consultations publiques visant à créer un cadre réglementaire pour le développement éolien. Ce genre de consultation, qui seraient encadré par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) constitue ce qu’on appelle un BAPE générique. Contrairement au BAPE régulier qui s’intéresse aux impacts environnementaux d’un projet industriel spécifique, un BAPE générique a l’objectif élargi de réfléchir à l’ensemble d’une filière, à son implémentation sur le territoire québécois et aux règlements l’encadrant. S’il semble que le BAPE générique pourrait répondre aux limites du modèle actuel, l’Alliance s’est pourtant prononcée contre de telles procédures,  argumentant qu’elle n’y voyait pas la pertinence :

« On considère que les BAPEs projet par projet, c’est ce qui donne la voix la plus forte aux citoyens de s’exprimer sur les enjeux et sur les préoccupations. On ne voit pas comment un BAPE générique viendrait donner cette voix à ces citoyens-là. […] Je pense qu’on a un système en ce moment avec le BAPE qui fonctionne très bien, puis on ne voit pas comment le BAPE générique viendrait donner plus d’information sur les préoccupations visées. »[5]

Or, s’il est vrai qu’un BAPE donne une grande place aux citoyen·nes pour s’exprimer, il n’en demeure pas moins qu’il offre peu de garanties que les prises de position citoyennes mèneront à des modifications significatives des projets. Une fois rédigé, un rapport du BAPE est étudié au conseil des ministres et la décision finale revient ultimement au premier ministre. Si prendre position lors d’un BAPE permet d’inscrire formellement sa parole dans les annales gouvernementales, concrètement, la pratique se résume souvent à crier dans le vide. En d’autres mots, il serait faux de dire que la participation d’un·e citoyen·ne à un BAPE est équivalent à une implication des citoyens et citoyennes dans la planification d’un projet éolien.

Ensuite, comme un BAPE se déroule toujours après l’approbation d’un projet par Hydro-Québec, il faut souligner qu’en présentant le BAPE comme la meilleure manière pour la population de se faire entendre, l’Alliance confirme bel et bien que le gros de la « consultation » ne se réalise qu’à posteriori. Qui plus est, le BAPE est une entité sans relation aux projets, aux municipalités ou aux promoteurs. En misant sur le BAPE, le principe de consultation est délesté à un acteur externe, réitérant la déresponsabilisation des promoteurs privés comme l’Alliance.

Finalement, l’Alliance se méprend sur les différences entre un BAPE et un BAPE générique. La portée d’un BAPE générique ne consiste effectivement pas uniquement à étudier les risques environnementaux, sociaux et économiques d’un projet spécifique, mais plutôt à étudier comment une filière fonctionne et devrait fonctionner. Si l’Alliance reconnaît que le modèle de développement des dernières années et l’absence de cadre réglementaire empêche la population de prendre part aux projets dès les premières étapes de planification, elle ignore délibérément comment un BAPE générique pourrait répondre à ces enjeux.

D’ailleurs, il est étrange que l’Alliance s’oppose si ardemment à la tenue d’un BAPE générique en préférant plutôt les BAPEs réguliers. En effet une exploration sommaire des récents rapports du BAPE concernant des projets éoliens a permis d’identifier quatre mentions favorables du BAPE générique. Ironiquement, la prise de position la plus claire du BAPE sur la question d’un BAPE générique se trouve dans le rapport d’évaluation du projet Canton MacNider, un projet financé par l’Alliance. Soulignant la récurrence de la demande d’un BAPE générique à chaque nouveau BAPE éolien, la commission du BAPE s’est prononcée en faveur de la tenue d’un BAPE générique mentionnant d’ailleurs que :

« […] la commission considère que l’analyse du projet de parc éolien Canton MacNider, tout comme celle des autres projets éoliens précédemment soumis au BAPE, a ses limites quand vient le temps d’aborder des enjeux plus globaux […] »[6]

Si l’Alliance souhaitait se ranger derrière l’expertise du BAPE, il semble donc qu’elle devrait revoir sa position envers le BAPE générique. Or, si l’opposition obstinée de l’Alliance marque une incohérence dans son propos, ses actions sont au contraire tout ce qu’il y a de plus cohérent. L’Alliance, parfaitement alignée aux intérêts des promoteurs privés, préfère l’accélération des projets aux recommandations du BAPE qui mèneraient inévitablement à une meilleure consultation de la population.

Il m’est difficile de conclure cette section sans répondre directement aux propos de M. Lagacé qui, dans une entrevue en réponse à mon étude, soulevait la menace d’un BAPE générique qui viendrait supposément interrompre le développement éolien et la transition énergétique pendant au moins quatre ans. Entre 2021 et 2023, la CAQ a lancé deux appels d’offres éolien, totalisant 2644 MW de puissance éolienne additionnelle, soit près de 71% de la puissance éolienne déjà installée sur le territoire du Québec. Ces projets sont tous en voie d’être finalisés et plusieurs ont déjà commencé leur construction. Ces projets ne pourraient pas être affectés par un BAPE générique, ils vont déjà de l’avant.

Ce contexte semble idéal pour la tenue d’un BAPE générique. Les projets en cours de construction imposent déjà des pressions sur la chaîne d’approvisionnement québécoise. Par exemple, certains projets ont récemment eu besoin de se procurer des pales d’origine chinoise, permettant de questionner l’urgence d’ajouter davantage de projets dans un futur proche. Cette conjoncture semble parfaite pour la tenue d’un BAPE générique devant prendre quelques années. Il n’y a pas à douter qu’à l’issue de ce processus, il serait alors possible de se relancer dans la production éolienne en pleine paix de conscience. Il semble que la posture de l’Alliance à ce sujet relève ainsi bien plus d’une réaction défensive que d’une analyse bien réfléchie.

Qui plus est, malgré la dévotion de M. Lagacé et de l’Alliance à la transition écologique, rappelons que très peu des MW additionnels seront assignés directement à des initiatives de décarbonation. Peut-être que l’empressement de l’Alliance à ajouter plus de puissance a pour objectif de répondre à ces lacunes (la prochaine sera la bonne!), mais il demeure décevant qu’on n’entende jamais l’Alliance critiquer les usages non écologiques de l’énergie qu’elle aide à produire. De ce point de vue, l’argument de la transition prend des airs cyniques, ne sortant qu’au moment où les critiques remettent en question l’Alliance.

Conclusion

Confrontée au modèle peu démocratique du développement éolien à travers le Québec, l’Alliance de l’énergie de l’Est aura décidé de partir à l’offensive. La publication de ma recherche aurait pu être une belle opportunité pour l’entreprise d’établir un dialogue honnête sur le modèle de développement dans sa région et dans le reste du Québec. Plutôt, elle aura choisi de nier les demandes répétées de la population pour un BAPE générique, de délégitimiser la recherche scientifique et de s’opposer à la bonification des procédures de consultation publique. On ne peut qu’espérer qu’au sortir de ces dialogue parfois difficiles, l’entreprise pourra toutefois se rappeler de la mission qui avait mené à sa fondation, celle d’unir les acteurs et actrices du municipal pour défendre les intérêts de la population.


(a)Rainville, P. (2025, novembre 28). «Far West» de l’éolien : Une étude qui ne passe pas dans l’EstLe Soleil.

[1] Beaucaire, K. (2025). Énergie éolienne au Québec : Une filière en manque de planification et de transparence (p. 20). IRIS. https://iris-recherche.qc.ca/publications/filiere-eolienne/.

[2] Beaud, J.-P., L’échantillonnage, p. 265 DansGauthier, B. (2009). Recherche sociale : De la problématique à la collecte des données (5e ed). Presses de l’Université du Québec.

[3] Entrevue auprès de l’Alliance de l’énergie de l’Est, 2025-08-18.

[4] Idem.

[5] Idem

[6] BUREAU D’AUDIENCES PUBLIQUES SUR L’ENVIRONNEMENT (2025). Projet de parc éolien Canton MacNider, rapport 389, 86 p

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  • DOSSIER DÉCENTRALISATION: Enjeux municipaux 2025, Décentralisation et participation citoyenne
    Nos gouvernements ont beau qualifier nos municipalités de « partenaires » et de « gouvernements de proximité », légalement et en pratique, elles demeurent des « créatures de l’État » et sont malheureusement traitées comme telles. L’enjeu de la décentralisation Nos dirigeants municipaux ont un rôle de plus en plus important à jouer dans la prise en charge des territoires et des communautés : mise à jour des installations pour l’eau potable, les déchets et les égouts, aménagement du territ
     

DOSSIER DÉCENTRALISATION: Enjeux municipaux 2025, Décentralisation et participation citoyenne

10 décembre 2025 à 10:48

Nos gouvernements ont beau qualifier nos municipalités de « partenaires » et de « gouvernements de proximité », légalement et en pratique, elles demeurent des « créatures de l’État » et sont malheureusement traitées comme telles.

  1. L’enjeu de la décentralisation

Nos dirigeants municipaux ont un rôle de plus en plus important à jouer dans la prise en charge des territoires et des communautés : mise à jour des installations pour l’eau potable, les déchets et les égouts, aménagement du territoire, développement économique, protection de l’environnement, accès au logement, aux loisirs et aux activités culturelles, itinérance, prévention et gestion des catastrophes naturelles, transition écologique, etc. Ces missions exigent des dépenses énormes et l’appel à des firmes privées d’experts qui coûtent les yeux de la tête. Les revenus que tirent les municipalités des taxes foncières et des subventions capricieuses de l’État sont insuffisants pour équilibrer leur budget, mais, contrairement au gouvernement, elles n’ont pas droit au déficit et doivent se soumettre aux multiples lois et contrôles gouvernementaux, à un Code municipal archaïque et aux critiques impitoyables des citoyens.

La trahison des MRC

En 1979, le gouvernement Lévesque a créé les MRC (municipalités régionales de comté) pour permettre aux maires d’un même territoire d’appartenance de coordonner leurs efforts, de se doter de services communs et d’agir en interlocuteurs valables auprès du pouvoir central. Mais force est d’admettre que les MRC, malgré leurs équipes imposantes de fonctionnaires, sont devenues trop souvent des courroies de transmission des politiques et des programmes gouvernementaux plutôt qu’une coalition des maires et de leurs citoyens désireux de prendre en charge leur territoire et leurs communautés. En d’autres mots, les MRC, pour profiter des programmes gouvernementaux, au lieu de contribuer à décentraliser le pouvoir, se sont progressivement inféodées au gouvernement et servent finalement davantage le gouvernement que les maires et leurs citoyens. En réalité, les maires ne décident plus grand-chose à la MRC, et les citoyens encore moins : ils sont informés de ce que fait la MRC et invités à l’appuyer.

Un exemple : les schémas d’aménagement et les plans d’urbanisme, qui devaient permettre aux maires de gérer leur territoire en fonction de leurs particularités et de leur vision d’avenir, sont foncièrement devenus des condensés des normes figées du gouvernement, que les municipalités sont forcées de transposer dans leur propre réglementation d’aménagement et d’urbanisme.

Libérer les municipalités et les MRC

Depuis 40 ans, la mondialisation et le libre-échange ont produit une vague de centralisation, de fusions et de bureaucratisation, qui est en train de tout étouffer et paralyser. Il est temps, surtout au moment où nous devons faire face à une crise écologique et démocratique, d’inverser le mouvement.

Pour libérer nos municipalités et nos MRC, en faire le lieu par excellence où les communautés locales et régionales prennent en charge leur territoire et leur milieu de vie, il faut leur donner les pouvoirs et les revenus autonomes nécessaires, revoir le rôle des MRC et rétablir les instances régionales de planification.

  • L’enjeu de la participation citoyenne

L’enjeu de la décentralisation en implique un deuxième : celui de la participation des citoyens.

Du moment que le pouvoir des municipalités n’est plus seulement de gérer les services de proximité et les programmes gouvernementaux mais de prendre en charge un territoire et la communauté qui y vit, avec ses particularités et ses aspirations, les citoyens doivent retrouver leur rôle central. Le vieux dicton « Vous nous avez élus pour gouverner : laissez-nous gouverner tranquilles » ne tient plus. C’est le citoyen qui est souverain, à la base, pas le conseil ni l’État. Et le rôle des citoyens n’est pas uniquement d’élire un maire, des conseillers et un préfet, ni d’assister à des réunions soporifiques du Conseil où tout a été décidé d’avance, ou d’agir comme bénévoles dans les organisations communautaires. Il est d’intervenir en permanence pour surveiller les élus, critiquer leurs décisions, leur suggérer des initiatives, appuyer les projets qui semblent porteurs. Il s’agit de continuer à agir en citoyen responsable entre les élections. C’est un rôle politique.

Une instance citoyenne

L’idéal serait que chaque communauté, pour donner à cette participation citoyenne un cadre politique et permanent, se dote d’un conseil ou d’une assemblée citoyenne, avec un fonctionnement démocratique, un local et un fonds minimum pour être en mesure de monter des dossiers, informer et mobiliser la population.

Ces assemblées citoyennes ne doivent pas être vues comme une opposition aux élus. Les élus doivent demeurer les décideurs légitimes au niveau local, mais ils doivent décider en interaction constante avec les citoyens. Le rôle d’une assemblée citoyenne est complémentaire à celui du conseil municipal : c’est un rôle de vigilance, d’initiative, de conseil et de contestation au besoin.

L’initiative populaire

Une excellente façon de donner des dents à cette participation citoyenne serait d’expérimenter l’initiative populaire telle qu’elle se pratique en Suisse, où on donne la possibilité aux citoyens de voter pour une nouvelle proposition ou contre un projet ou une décision, du moment qu’un nombre déterminé de citoyens en fait la demande (signatures). Dans un premier temps, comme ce n’est pas prévu dans le Code municipal, ce vote n’aurait qu’une valeur consultative et non décisionnelle, mais l’expérience pourrait amener à une modification du Code municipal, qui aurait bien besoin d’ailleurs d’une cure démocratique.

Si l’on veut revitaliser la démocratie municipale, il est essentiel d’y réintroduire les citoyens en permanence et de leur permettre d’assumer leurs responsabilités plutôt que de les cantonner dans le rôle de simples clients.

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  • Dossier spécial Décentralisation: Décentralisation et développement territorial
    La décentralisation vise à donner aux collectivités territoriales des compétences propres, distinctes et complémentaires de celles de l’État. Elle rapproche le processus de décision des citoyens, favorisant l’émergence d’une gouvernance de proximité. Décentralisation et développement régional vont de pair Plusieurs études, dont celles de l’OCDE1, montrent que les approches centralisées et les programmes sectoriels ne produisent pas les résultats escomptés en termes de développement régiona
     

Dossier spécial Décentralisation: Décentralisation et développement territorial

9 décembre 2025 à 06:50

La décentralisation vise à donner aux collectivités territoriales des compétences propres, distinctes et complémentaires de celles de l’État. Elle rapproche le processus de décision des citoyens, favorisant l’émergence d’une gouvernance de proximité.

Décentralisation et développement régional vont de pair

Plusieurs études, dont celles de l’OCDE1, montrent que les approches centralisées et les programmes sectoriels ne produisent pas les résultats escomptés en termes de développement régional et local. La nécessité de prendre en compte la diversité des territoires et leurs besoins spécifiques fait appel à des politiques plus décentralisées, plus près des citoyens.

Les réformes qui s’imposent mettent l’accent sur la capacité des acteurs locaux et régionaux (municipalités locales, MRC, agglomérations et régions) à assumer des responsabilités très variées en réponse aux besoins des communautés et sur une redéfinition des relations qu’ils entretiennent entre eux et avec le pouvoir central. Cela suppose de revoir les approches traditionnelles de développement au profit d’une plus grande autonomie des collectivités territoriales qui prendrait forme grâce à un nouveau partage des pouvoirs (décentralisation) et des ressources (sources financières propres et personnel).

Comme la décentralisation accorde de réels pouvoirs aux collectivités territoriales pour administrer, aménager et développer, elle est l’expression d’une démocratie participative évoluée, chaque ordre de gouvernement exerçant les compétences qui lui sont le plus appropriées au regard de la diversité des services à rendre à la population et aux entreprises.

Une politique d’occupation et de vitalité des territoires2 devrait favoriser la mobilisation, la responsabilisation et la capacité d’agir des collectivités territoriales, ce qui suppose une plus grande autonomie administrative, politique et financière des territoires, que seule une véritable politique de décentralisation est de nature à leur procurer.

La décentralisation a été sérieusement mise de l’avant et envisagée comme projet majeur de réorganisation de l’État après l’accession au pouvoir du Parti québécois en 1976. Une des premières actions d’envergure de ce gouvernement, après l’adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole (1978), a été la réforme municipale, marquée principalement par la création des MRC en 1980 et 1981, destinées à devenir les « lieux privilégiés d’accueil des pouvoirs décentralisés ».

Le paysage de la gouvernance des affaires publiques a beaucoup changé au cours des 45 dernières années : d’une part, le rôle de l’État central s’est complexifié et alourdi administrativement et financièrement; d’autre part, l’expertise, la volonté et l’expression identitaire des collectivités territoriales se sont renforcées. 

Libérer la capacité d’agir des territoires

Dans les faits, la décentralisation ne parvient pas à déborder les frontières sécurisantes du débat intellectuel et politique au Québec. Le fossé entre la décentralisation virtuelle et la décentralisation réelle ne cesse de s’approfondir. Les plus cyniques diront que la décentralisation est le fantasme récurrent de nos gouvernements. Il est de bon ton de jongler avec le partage des pouvoirs, mais aller de l’avant avec un tel projet est une autre histoire!

Du point de vue de l’État central, la décentralisation ne doit pas être évaluée à l’aune du critère de l’allègement administratif et financier qui consiste à déverser des responsabilités dans la cour des collectivités territoriales sans les accompagner des ressources nécessaires à la prise en charge de leurs responsabilités élargies.

La décentralisation doit être vue comme un coffre à outils pour habiliter les collectivités territoriales à participer pleinement à la réalisation d’un nouveau projet de société. Une telle vision repose sur la reconnaissance des bénéfices du rôle accru des communautés territoriales dans les efforts d’occupation dynamique de l’ensemble du Québec. La vitalité de la société québécoise apparaîtrait alors comme le cumul des vitalités locales et régionales et des synergies qu’elles génèrent.

Sans une véritable décentralisation, qui fait confiance aux territoires, à leurs élus et à leurs populations, une stratégie de développement local et régional sera toujours bancale, surtout si l’on veut faire du développement sur mesure qui tienne compte des réalités et des spécificités des différents milieux.

C’est seulement par une authentique politique de décentralisation des pouvoirs que l’on parviendra à réunir les conditions d’une pratique de développement démocratique forte, capable de mobiliser les élus locaux et les autres partenaires de la société civile dans une démarche unifiée, déterminée et innovante au service des communautés. De ce point de vue, la décentralisation permettra de libérer pleinement la capacité d’agir des territoires.

1. Organisation de coopération et de développement économiques, « Tendances actuelles de la décentralisation », dans Réussir la décentralisation, OCDE, 2019,

2. Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, Stratégie gouvernementale pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires 2025-2029, Gouvernement du Québec, 2025, https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/affaires-municipales/publications/occupation_territoire/STR_occupation_vitalite_territoire_2025_2029.pdf

Lectures complémentaires :[NL1] 

Bernard Vachon, Rebâtir les régions du Québec. Un plaidoyer, un projet politique, MultiMondes, 2022, 314 p.

Bernard Vachon, Le bonheur de penser loin des rumeurs de la ville. Ruralité, aménagement du territoire, développement local et régional. Institut national de la recherche scientifique (INRS), octobre 2025, 355 p.


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  • Un LOUPerivois dans la bergerie: La poésie m’a sauvé la vie
                Nous vivions dans un sombre couloir de pensées obtuses avec des gargouilles grotesques surgissant de toutes parts, des monstres belliqueux apparaissant au milieu des flammes pour nous lécher le peu d’âme que nous avions, des hybrides cornus, anges déchus, archanges déçus, faces de mi-carême torturées par le mal, vicieuses manifestations d’une diablerie maligne, avec interdit de réfléchir en dehors des paramètres prescrits, interdit de se toucher ne serait-ce que pour rendre grâce à c
     

Un LOUPerivois dans la bergerie: La poésie m’a sauvé la vie

8 décembre 2025 à 10:54

            Nous vivions dans un sombre couloir de pensées obtuses avec des gargouilles grotesques surgissant de toutes parts, des monstres belliqueux apparaissant au milieu des flammes pour nous lécher le peu d’âme que nous avions, des hybrides cornus, anges déchus, archanges déçus, faces de mi-carême torturées par le mal, vicieuses manifestations d’une diablerie maligne, avec interdit de réfléchir en dehors des paramètres prescrits, interdit de se toucher ne serait-ce que pour rendre grâce à cette sève foudroyante qui montait en nous, nous traumatisait, nous bouleversait, alors qu’écoulement naturel comme la poésie, ces manifestations n’étaient que le signe de la vitalité, de la fécondabilité, de l’engendrement potentiel d’une suite à ce monde biaisé, vicié, malaisant dont ils ne nous offraient en prédation que les facettes les plus noires, les plus horribles, les plus dégradantes.

            Alors, ils nous forçaient à nous agenouiller devant leur dieu et leurs icônes de plâtre, à nous incliner face contre terre devant un homme statufié, demi-nu, transpercé d’un glaive, clouté, épines suintant le sang du crâne, les yeux révulsés, tournés peut-être en sourdine colère contre ce père mystique, invisible, qui, nous disait-on, l’avait abandonné – pas de DPJ de l’autre côté des nuages? –, pourquoi ce cruel orphelinage, cet abandon trouvait-il ainsi grâce auprès de toute une colonie d’aveugles médusés, trompés, abusés et, comme si ce n’était pas suffisant comme traumatisme infligé à notre fragile esquelette moral et mental, ils étaient là, toute une horde, du plus insipide prélat croupissant dans son noir corbeau aux Grands Promus tapissés de violet et d’ors, chapeautés de ridicules atricures, guindés comme pour une parade de mode de malfrats ambitieux s’auto-congratulant, flatulences de l’égo, pompeux comme un corbillard, sapés comme des effigies du ridicule, avec myrrhe et encens à la carte, s’érigeant comme la droiture ultime, la vérité incarnée, le chemin lumineux, le seul à suivre, ils étaient là, en masse, en groupe, et non contents de nous avoir humiliés devant l’autel de leurs prédations, ils nous traînaient dans un édicule grillagé où nous, petits bonhommes de sept ans, devions leur rendre des comptes, leur faire part de la moindre pensée adverse, de la plus infime déviance, de la plus naturelle des obsessions, des remises en question, du moindre des gestes ou des pensées non conformes au code mortifère dont supposément ils s’étaient dotés, alors que subrepticement, derrière le cloître de leur bien-pensance tronquée et de leur supposé bien-agir, ils encloquaient de jeunes servantes, défloraient l’anus vierge de pauvres innocents comme nous qui en resteraient traumatisés pour le reste de leur vie, le sperme du mal ayant empoisonné leur sang comme le venin d’un serpent maléfique qui ne cesse jamais de contaminer le peu de confiance qu’il peut vous rester en l’humanité et en sa mansuétude.

Ils pavoisaient du haut de toutes les tribunes, régentaient en chaire et en os le quotidien des peuples, faisaient ramper à leur auge et téter à leur sein les chefs d’État et les monarques, étendaient leur main mise à toutes les sphères de l’activité humaine, décrétaient unilatéralement la préséance de leurs croyances, l’imposaient à tout un chacun, dévastaient l’âme des peuples des Premières Nations pour l’astreindre à ce moule coercitif où fleurit leur pouvoir, émules de la colonisation et de l’évangélisation, maîtres mêmes de la diète mondiale, ils sont – imaginez! – ils sont à l’origine de la raison même pour laquelle on s’est intéressés à nos contrées et à nos eaux : cette morue aujourd’hui disparue parce que surexploitée, mais qui s’affichait à la une du menu d’une majorité des pauvres Occidentaux, inféodés à ces obtus oligarques du christianisme, lesquels vous prescrivaient même ce qu’il est bon de manger, en quel jour et en quelle occasion.

Croulant sous le poids de ces obscénités, déjà maudit parce que déjà impie – malgré cette chape de plomb qui recouvre toute chose, malgré l’asservissement même et l’endoctrinement de ses propres parents, malgré les remontrances, malgré le glaive de l’archange Gabriel et les feux de l’enfer – en catimini, le petit bonhomme soulève le couvercle de son pupitre. Y croissent Les Fleurs du Mal, y brillent les Illuminations. Montent ces mots qui le ravissent à toute velléité de contrainte et de soumission : « À sept ans, il faisait des romans, sur la vie/ Du grand désert, où luit la Liberté ravie. » Et, se touchant, il s’évade, rêvant en secret à ces « fleurs de chair aux bois sidérals déployées ».

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  • L’exploitation minière en eaux profondes menace la vie sous-marine et terrestre
    En septembre dernier, la ratification du traité mondial sur les océans par plus de 60 gouvernements a marqué un grand tournant pour nos océans1. Cet accord historique, qui entrera en vigueur au début 2026, offre un cadre juridique permettant aux gouvernements de créer des sanctuaires océaniques où la nature et les écosystèmes peuvent s’épanouir. Alors que s’ouvre une nouvelle ère pour la protection des océans, il est essentiel de mettre un terme à la plus grande menace à laquelle ils sont confro
     

L’exploitation minière en eaux profondes menace la vie sous-marine et terrestre

4 décembre 2025 à 11:06

En septembre dernier, la ratification du traité mondial sur les océans par plus de 60 gouvernements a marqué un grand tournant pour nos océans1. Cet accord historique, qui entrera en vigueur au début 2026, offre un cadre juridique permettant aux gouvernements de créer des sanctuaires océaniques où la nature et les écosystèmes peuvent s’épanouir. Alors que s’ouvre une nouvelle ère pour la protection des océans, il est essentiel de mettre un terme à la plus grande menace à laquelle ils sont confrontés : l’exploitation minière en eaux profondes.

Les grands fonds marins, qui représentent 90 % de l’océan, sont essentiels à la vie sous-marine et terrestre. Dernière frontière intacte de la planète, cet immense biome abrite une multitude d’espèces extraordinaires et constitue le plus grand puits de carbone sur Terre2. L’importance de ces fonds marins ne saurait être surestimée : les nations insulaires, les communautés côtières et les peuples autochtones, dont les moyens de subsistance et les cultures dépendent de la santé des océans, le savent depuis longtemps.

Le plancher océanique est tapissé de nodules polymétalliques qui ont mis des millions d’années à se former, et des scientifiques ont récemment découvert qu’ils contribuaient à produire de l’« oxygène noir »3. Cependant, ces dernières années, ces nodules ont attiré l’attention des entreprises et des PDG pour une tout autre raison : le profit. Ces petites concrétions contiennent des quantités importantes de minéraux critiques utilisés dans la fabrication de nombreux appareils technologiques que nous utilisons au quotidien, dont les téléphones portables et les panneaux solaires, mais aussi les drones et les dispositifs militaires. Sous prétexte de faire progresser la transition énergétique, des entreprises minières telles que la société canadienne The Metals Company se livrent à une course effrénée pour être les premières à exploiter commercialement ces nodules. Cependant, cette quête comporte des risques considérables pour les écosystèmes océaniques et pour les gens qui en dépendent, c’est-à-dire l’ensemble de la population.

Nous commençons tout juste à mieux comprendre le vaste écosystème des grands fonds marins. Plus de 5 000 nouvelles espèces ont été recensées dans la zone de Clarion-Clipperton, une région réservée à l’exploitation minière en eaux profondes dans l’océan Pacifique4. Les scientifiques mettent en garde contre le fait que l’exploitation minière de ce milieu fragile et inexploré causerait des dommages irréversibles, tels que la perte d’habitats et la perturbation de la communication des baleines5. Sur terre, les conséquences de l’exploitation minière en eaux profondes ne seront pas réparties de manière égale entre les communautés. « L’exploitation minière en eaux profondes est incompatible avec notre conception ancestrale de l’océan comme source de vie6 », affirme Liam Koka’ua, un éducateur autochtone originaire d’Avaiki Nui et d’Aotearoa qui vit aux îles Cook, une région dans la mire des entreprises qui s’intéressent à l’exploitation minière en eaux profondes.

La décision de lancer ou non l’industrie de l’exploitation minière en eaux profondes et la réglementation qui y est attachée relèvent de la compétence de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) des Nations Unies. À ce jour, seuls des contrats d’exploration ont été accordés, alors que des questions scientifiques, juridiques, sociales et environnementales fondamentales restent sans réponse. Plusieurs gouvernements, dont celui du Canada, appellent à un moratoire ou à une « pause préventive » pour nous permettre d’approfondir nos connaissances sur les fonds marins7. De grandes entreprises telles que Panasonic, BMW et Renault se sont également engagées à ne pas utiliser de minéraux provenant de l’exploitation minière en eaux profondes et se sont prononcées en faveur d’un moratoire8.

Faisant fi de ces appels et de l’autorité des Nations Unies, Gerard Barron, PDG de The Metals Company, collabore désormais avec l’administration Trump dans l’espoir d’obtenir un permis commercial d’exploitation minière en eaux profondes dans la zone de Clarion-Clipperton9. Comme il s’agit d’une zone ne relevant pas de la juridiction nationale, tout permis obtenu par l’intermédiaire des États-Unis pour accélérer l’exploitation minière en eaux profondes constituerait une atteinte au droit international10. Une enquête est en cours pour déterminer si les filiales de The Metals Company (NORI et TOML) ont enfreint les termes de leurs contrats avec l’AIFM, et les autres entreprises qui convoitent les fonds marins sont prévenues : le non-respect des règles entraînera des conséquences.

Le message des scientifiques, de la société civile et des communautés est clair : l’océan n’est pas à vendre. Il s’agit d’un patrimoine commun de l’humanité et d’un endroit sacré qui doit être préservé. Même dans le scénario le plus ambitieux où nous atteindrions 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2050, nous n’aurions pas besoin de l’exploitation minière en eaux profondes pour répondre aux besoins futurs du monde en minéraux et en métaux11. Plutôt que de nous concentrer sur l’exploitation des fonds marins, nous devons examiner d’autres options existantes pour développer les énergies vertes tout en adoptant une approche d’économie circulaire fondée sur la justice en ce qui concerne l’extraction minière terrestre. Le Canada doit maintenant ratifier le traité mondial sur les océans, réaffirmer son soutien à un moratoire mondial et tenir The Metals Company responsable d’avoir contourné les lois internationales. Plus que jamais, de la terre aux profondeurs de la mer, il est essentiel de protéger la biodiversité et de défendre les droits de la personne.

1. High Seas Alliance, High Seas Treaty Ratification Tracker, 2025. https://highseasalliance.org/treaty-ratification/.

2. Nations Unies, L’océan, le meilleur allié contre les changements climatiques, 7 juin 2022, https://www.un.org/en/climatechange/science/climate-issues/ocean.

3. Andrew K. Sweetman et al., “Evidence of dark oxygen production at the abyssal seafloor”, Nature Geoscience, vol. 17, no 8, 22 juillet 2024, p. 737-739, https://doi.org/10.1038/s41561-024-01480-8.

4. Muriel Rabone et al., “How many metazoan species live in the world’s largest mineral exploration region?”, Current Biology, vol. 33, no 12, 19 juin 2023, p. 2383-2396, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960982223005341

5. National Committee of The Netherlands, The Impact of deep-sea mining on biodiversity, climate and human cultures, 1er mars 2024, https://www.iucn.nl/en/story/the-impact-of-deep-sea-mining-on-biodiversity-climate-and-human-cultures/.

6. Liam Koka’ua, “Our deep sea is being colonised.” Radio New Zealand, 4 avril 2023. https://www.rnz.co.nz/international/pacific-news/487299/our-deep-sea-is-being-colonised.

7 Deep Sea Conservation Coalition, “Deep-Sea Mining Moratorium”, 25 juillet 2025. https://deep-sea-conservation.org/solutions/no-deep-sea-mining/.

8. WWF Deep Sea Mining, Endorsers, consulté le 16 octobre 2025. https://www.stopdeepseabedmining.org/endorsers/.

9. The Metals Company, « World First: TMC USA Submits Application for Commercial Recovery of Deep-Sea Minerals in the High Seas Under U.S. Seabed Mining Code », consulté le 16 octobre 2025, https://investors.metals.co/news-releases/news-release-details/world-first-tmc-usa-submits-application-commercial-recovery-deep.

10 Nations Unies, Agreement on Marine Biological Diversity of Areas beyond National Jurisdiction, consulté le 16 octobre 2025. https://www.un.org/bbnjagreement/en.

11. Justin Alger, Jessica F. Green, Kate J. Neville, Susan Park, Stacy D. VanDeveer et D. G. Webster, “The false promise of deep-sea mining”, Ocean Sustainability, vol. 4, no 21, 2025, https://doi.org/10.1038/s44183-025-00127-4.

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  • La télévision québécoise : miroir et moteur d’une culture en mouvement
    Dans un monde numérique en perpétuelle évolution, où les plateformes de streaming et les réseaux sociaux redéfinissent les habitudes de consommation médiatique, la télévision québécoise demeure une pierre angulaire de l’identité culturelle du Québec. Plus qu’un simple divertissement, elle agit comme un véritable miroir de notre société, une scène où se déploient nos accents, nos réalités, nos luttes et nos rêves. Son importance transcende le simple écran : elle façonne notre mémoire collective,
     

La télévision québécoise : miroir et moteur d’une culture en mouvement

3 décembre 2025 à 07:34

Dans un monde numérique en perpétuelle évolution, où les plateformes de streaming et les réseaux sociaux redéfinissent les habitudes de consommation médiatique, la télévision québécoise demeure une pierre angulaire de l’identité culturelle du Québec. Plus qu’un simple divertissement, elle agit comme un véritable miroir de notre société, une scène où se déploient nos accents, nos réalités, nos luttes et nos rêves. Son importance transcende le simple écran : elle façonne notre mémoire collective, alimente les conversations quotidiennes, et contribue à maintenir la vitalité de la langue française en Amérique du Nord.

Depuis les débuts de Radio-Canada dans les années 1950 jusqu’aux séries acclamées d’aujourd’hui comme Antigang, Dumas ou Stat, la télévision québécoise a su capturer l’essence de ce que signifie vivre ici. Elle a raconté les régions, les quartiers ouvriers, les familles nombreuses, les débats identitaires, les tensions politiques. Elle a aussi su faire rire, pleurer et réfléchir. Ce pouvoir de résonance n’est pas anodin : dans une province où la survie linguistique et culturelle est constamment remise en question, chaque histoire racontée en français contribue à renforcer notre présence et notre fierté collective.

La télévision est sans doute l’un des médiums qui a le plus contribué à la construction d’un imaginaire collectif québécois. Qui ne se souvient pas de La petite vie, cette série emblématique qui, par son humour déjanté et ses personnages plus grands que nature, est devenue un phénomène sociétal ? Ou encore de Les filles de Caleb, qui nous replongeait dans l’histoire rurale du Québec avec émotion et poésie ? Ces œuvres ont marqué des générations entières, et continuent de vivre dans la mémoire populaire.

Mais l’importance de la télévision québécoise ne réside pas seulement dans ses succès d’audience ou dans son aspect patrimonial. Elle réside aussi dans sa capacité à évoluer avec son époque, à donner une voix aux marges, à refléter la diversité de la société québécoise contemporaine. Ces dernières années, on a vu apparaître de plus en plus de productions mettant en scène des réalités autochtones, des personnages issus de l’immigration, des communautés LGBTQ+, brisant ainsi le monopole des récits homogènes et traditionnels. Cette ouverture est essentielle, non seulement pour la représentativité, mais aussi pour le dialogue social.

Il serait également injuste de parler de la télévision québécoise sans mentionner son rôle économique et professionnel. Des milliers de personnes y travaillent : scénaristes, réalisateurs, acteurs, techniciens, producteurs. L’industrie télévisuelle locale constitue un pilier de la culture, mais aussi de l’emploi. Elle nourrit une chaîne de valeur essentielle, où la création artistique rencontre l’entrepreneuriat culturel. Les institutions comme Télé-Québec, TVA, et ICI tou.tv jouent un rôle crucial dans la diffusion de ces contenus, tout en soutenant la production locale.

Cependant, l’avenir de la télévision québécoise est loin d’être garanti. La concurrence des géants internationaux comme Netflix, Amazon Prime ou Disney+ impose une pression énorme sur la production locale. Ces plateformes offrent un contenu abondant, souvent en anglais, avec des budgets colossaux. Face à cela, le financement des productions québécoises demeure un enjeu de taille. Le soutien gouvernemental, les subventions culturelles et la réglementation du CRTC sont donc des leviers essentiels pour préserver notre écosystème télévisuel.

Mais au-delà des politiques, c’est aussi une question de choix citoyens. Regarder la télévision québécoise, c’est poser un acte culturel. C’est dire oui à des histoires qui nous ressemblent. C’est affirmer que notre langue, notre accent, notre humour, nos colères et nos espoirs méritent d’être vus et entendus. C’est affirmer que la culture ne se consomme pas seulement, elle se partage, elle se vit, et elle se construit ensemble.

Alors que l’univers médiatique se transforme, il est plus que jamais crucial de réaffirmer l’importance de la télévision québécoise. Non par nostalgie, mais par lucidité. Parce qu’elle est l’un des derniers grands feux autour duquel toute une société peut encore se rassembler. Parce qu’elle est une voix francophone forte dans un océan anglophone. Parce qu’elle est, tout simplement, une part essentielle de nous-mêmes.

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  • 20 ans de culture collective : la Coop Paradis se projette vers l’avenir
    La Coop Paradis célèbre son 20e anniversaire et amorce un ambitieux projet de revitalisation de son bâtiment. En 2005, quatre organismes culturels de Rimouski —Paralœil, Caravansérail, Le Mouton Noir et Tour de Bras — faisaient un pari audacieux : créer ensemble un lieu pour la culture indépendante, en dehors des modèles institutionnels et commerciaux. C’est ainsi qu’est née la Coopérative de solidarité Paradis, installée dans l’ancien cinéma L’Audito, au cœur du quartier Saint-Robert. L’o
     

20 ans de culture collective : la Coop Paradis se projette vers l’avenir

2 décembre 2025 à 11:10

La Coop Paradis célèbre son 20e anniversaire et amorce un ambitieux projet de revitalisation de son bâtiment.

En 2005, quatre organismes culturels de Rimouski —Paralœil, Caravansérail, Le Mouton Noir et Tour de Bras — faisaient un pari audacieux : créer ensemble un lieu pour la culture indépendante, en dehors des modèles institutionnels et commerciaux. C’est ainsi qu’est née la Coopérative de solidarité Paradis, installée dans l’ancien cinéma L’Audito, au cœur du quartier Saint-Robert.

L’objectif était simple et courageux : partager un espace de travail, de création et de diffusion, mutualiser les ressources et ancrer la culture dans la vie de quartier. Vingt ans plus tard, ce pari tient toujours.

Un lieu né de la solidarité

Dès le départ, la Coop Paradis s’est construite sur la solidarité et la débrouillardise. Sans grands moyens, mais avec beaucoup d’énergie, les membres fondateurs ont rénové eux-mêmes les lieux, développé une gouvernance collective et ouvert les portes à d’autres organismes, aux artistes et aux citoyens.

Le bâtiment de la Coop Paradis est rapidement devenu un pôle culturel majeur à Rimouski, accueillant cinéma indépendant, arts visuels, musique nouvelle, théâtre, événements et résidences artistiques. Il a permis à des organismes, aujourd’hui reconnus comme des piliers de la culture régionale et nationale, de se développer et de rayonner, tout en offrant un tremplin à de nombreuses initiatives citoyennes ainsi qu’à des artistes émergents.

Aujourd’hui encore, la Coop Paradis réunit des organismes membres, des travailleuses et des travailleurs culturels et des citoyens et des citoyennes qui croient à l’importance de préserver des espaces collectifs.

Des défis bien concrets

Après deux décennies, le bâtiment nécessite des rénovations majeures : isolation, électricité, ventilation, accessibilité, tout doit être repensé pour que l’espace demeure accueillant et durable.

Mais au-delà des murs, c’est aussi le modèle même des lieux culturels collectifs qu’il faut défendre. Partout au Québec, des espaces indépendants ferment, étranglés par le manque de financement, la hausse des loyers ou la spéculation immobilière. À Rimouski, la Coop Paradis incarne cette résistance : maintenir un lieu culturel accessible, ancré et géré collectivement. Un espace où la culture n’est pas une marchandise, mais un droit citoyen, un service public, une manière d’habiter son territoire.

Une journée qui en dit long

Le 20e anniversaire, célébré lors des portes ouvertes du 27 septembre, a réuni plus de 300 personnes sous un soleil éclatant. Artistes, anciens membres, familles du quartier et curieux se sont rassemblés pour redécouvrir le lieu, partager des souvenirs et imaginer la suite.

L’ambiance, simple et sincère, reflétait l’essence du Paradis : un espace commun, ouvert et inclusif, où se croisent les générations et les disciplines. Cette journée a rappelé combien le Paradis fait partie du paysage culturel et affectif de Rimouski — un lieu où l’on se sent accueilli tel qu’on est, où curiosité et tolérance remplacent les frontières, et où l’art, la culture et l’humain se rencontrent.

Un avenir à construire ensemble

Alors que s’amorce le chantier de revitalisation du bâtiment, la Coop Paradis poursuit ses démarches pour assurer la pérennité du lieu et de son modèle coopératif. L’enjeu n’est pas que financier : il s’agit de moderniser le lieu sans effacer l’esprit d’indépendance et de partage qui anime le Paradis depuis vingt ans.

Ce projet de revitalisation, c’est aussi une invitation à continuer de faire communauté, à rassembler celles et ceux qui ont bâti, fréquenté ou simplement aimé la Coop Paradis. Car un lieu culturel comme celui-ci ne tient pas seulement sur du béton, mais surtout sur un tissu de solidarités et de mémoire. C’est là que la Coop Paradis puisera la force de se réinventer, pour continuer d’accueillir la différence, et de faire vivre la culture comme un bien commun.

Vingt ans, et toujours le même engagement

Vingt ans après sa création, la Coop Paradis demeure un symbole fort de la culture citoyenne au Bas-Saint-Laurent. Un lieu qui rappelle que la culture, ce n’est pas qu’un divertissement, mais une nécessité collective — un espace pour penser, respirer, débattre, rêver ensemble.

Dans un monde ébranlé par les crises sociales, environnementales et géopolitiques, la culture reste l’un des derniers refuges où l’on peut encore faire société. Elle tisse du sens, adoucit les fractures, combat l’indifférence et les inégalités. Elle donne voix à celles et à ceux qu’on n’écoute plus, éclaire les angles morts, ouvre des chemins vers d’autres possibles.

Et si la Coop Paradis se projette vers l’avenir, c’est avec la même conviction qu’en 2005 : la conviction que la culture doit avoir un toit, que ce toit doit être partagé, et que c’est ensemble qu’on le fera tenir!

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  •  LOGORRHÉE CHRONIQUARDE
    (Lettre ouverte au sujet de la plus récente chronique de Martin Forgues dans le journal. Cette chronique peut être consultée ci bas à la suite de la lettre d’Eurore Belzile) « Tout ce qui est excessif est insignifiant »                                                                                                                                                                             TALLEYRAND Sur un ton éditorial sans appel, votre chroniqueur Martin Forgues, nous prodigue un autr
     

 LOGORRHÉE CHRONIQUARDE

1 décembre 2025 à 07:58

(Lettre ouverte au sujet de la plus récente chronique de Martin Forgues dans le journal. Cette chronique peut être consultée ci bas à la suite de la lettre d’Eurore Belzile)

« Tout ce qui est excessif est insignifiant » 

                                                                                                                                                                           TALLEYRAND

Sur un ton éditorial sans appel, votre chroniqueur Martin Forgues, nous prodigue un autre sermon sur le thème de l’indépendance cette fois, mais qui ratisse beaucoup plus large pour aboutir en Palestine, destination convenue, par terre ou par mer, des représentants autorisés des « damnés de la terre ». Antisémitisme soft, déguisé en anti-sionisme. Ça va tellement mal, faut un bouc émissaire et LE juif est toujours à disposition. Quel rapport avec l’indépendance?

«  Demi-pays…Vichystes… Nazification des USA…Colonialisme canadien…Génocide…Éviscérer les syndicats, un crime contre la société… Le gland du patronat… Palestine, boussole morale et politique(!!!)… L’indépendance sera révolutionnaire, écologiste et humaniste ou ne sera pas » . Vous avez omis « féministe » Quel gloubi boulga! 

Possible de développer des idées sans cette logorrhée indigeste? Si nous vivions dans le monde que votre chronique dépeint, il serait, pour le moins, en prison. En tout cas il lui serait interdit d’écrire cette chronique, qui dans nos contrées n’est ni engagée ni révolutionnaire, mais inoffensive. C’est une construction bancale, à l’aide de maladroits agencements adolescents. Conformisme d’extrême gauche et illusion lyrique.

Possible d’écrire sans le ton des prédicateurs de jadis, avec l’Enfer à la clé? On se croyait sur les réseaux asociaux, sans modérateur.

« On monte en chaire pour…» écrit-il sans rire, sans même se rendre compte, que c’est de là précisément qu’il prêche.

Le chroniqueur est parfaitement libre d’exprimer ses idées, mais un tel charabia devrait rebuter même les révolutionnaires de salon.

CHRONIQUE : OBJECTIONS DE CONSCIENCE

L’INDÉPENDANCE, RÉVOLUTIONNAIRE OU…RÉVOLUTIONNAIRE?

Martin Forgues

Paraîtrait-il que la flamme indépendantiste se ravive au sein de la jeunesse québécoise?

Je sais, je sais, les sondages… ça vaut ce que vaut le prix chargé au client par la firme.

Mais dans notre demi-pays où l’arrivée d’un Costco est accueillie comme un projet de société, où on relègue l’urgence climatique à l’arrière-garde des enjeux pressants et où une gang de chambreurs de commerce, d’usineurs de scandales et de pense-petits arrivistes parvient à se hisser aux plus hauts échelons du pouvoir, on prend ce qu’on peut pour se remonter le moral, du moins jusqu’à ce qu’on se pose une question ma foi fort existentielle.

Quel genre d’indépendance?

Celle de laquelle Gilles Vigneault disait que « tous les humains sont de ma race » et que « ma maison est votre maison »?

Ou celle fantasmée par les nationaleux de province, les ultramontains encore accrochés au Carillon Sacré-Coeur et les vichystes à caractéristiques québécoises qui lisent le vaniteux et inutile projet de « constitution québécoise » à la lumière d’une croix qui brûle?

Une chose est certaine, Paul Saint-Maurice-Duplessis, le capitaine du « navire-amiral de l’indépendance » péquiste, est saoul à la barre et n’est clairement pas à la hauteur du défi d’un tel projet dès que le mince vernis appliqué par ses faiseurs d’image qui nous le présentent comme la réincarnation de René Lévesque se met à craquer. Il sait très bien que, comme le disait Michel Chartrand, les nationaleux lui pardonneront les pires turpitudes.

Les pauvres peuvent crever et on peut tous se faire fourrer par les capitalistes du Québec, inc. tant que ça se passe en français.

Au moment où le voisin états-unien complète sa nazification et où le grand argentier international qui nous sert de suzerain nous montre constamment pour qui il travaille vraiment, on s’attendrait à un appel à la résistance et à l’affirmation d’un Québec qui se dresse devant l’ignominie trumpienne et le renouveau colonialiste canadien.

Au moment où un génocide se déroule sous nos yeux en temps réel en Palestine occupée, au lieu d’affirmer sa solidarité envers les peuples opprimés et ceux que l’indispensable Frantz Fanon appelait les damnés de la Terre, le mainstream indépendantiste marche sur des œufs et embrasse ne serait-ce que tacitement le récit sioniste. Si la Palestine est une boussole morale et politique, ils ont non seulement perdu le nord, mais ils prennent carrément leurs azimuts collés sur un aimant!

Au moment où on ressent partout avancer la crise du capitalisme, où même se loger convenablement devient un luxe plutôt qu’un droit inaliénable, où le filet social s’effile sous les coups de l’austérité autoritaire, les grands ténors péquistes et bloquistes pointent du doigt l’immigration, une tactique qui semble directement sortie du livre de jeu d’Adrien Arcand!

« Nous avons été de mauvais voisins [par rapport aux États-Unis] », disait le chef du PQ à propos de nos enjeux migratoires – une génuflexion devant l’Amerikanischer Führer, alors qu’une manifestation d’humanisme primaire aurait plutôt valu un coup de genou!

Notre ministre du Travail travaille d’arrache-pied à éviscérer les syndicats. Où sont les indépendantistes « respectables » pour crier au crime contre la société? Trop occupés à lustrer le gland du patronat? Vous laissez aux gueux des franges radicales la responsabilité de tenir sur nos frêles épaules le poids de la lutte pour l’État social, comme d’habitude?

Au fédéral, on parle de breveter le vivant en interdisant aux cultivateurs de récupérer leurs semences et de contourner les lois environnementales pour accélérer des projets écologiquement mortifères au nom de la croissance économique. Tabarnaque, Stephen Harper a-t-il pris sa carte du PLC en cachette?

L’extrême droite pratique l’entrisme de manière complètement ouverte dans les partis indépendantistes? On les tolère, mais on monte en chaire pour dénoncer un entrisme islamique à peu près inexistant.

Tragique, tout ça?

Oui et non.

Parce que la jeunesse ne semble pas dupe face à la trahison de l’élite indépendantiste.

Elle sait, du moins je l’espère, qu’un projet d’indépendance adapté aux défis du siècle sera révolutionnaire, écologiste, socialiste et humaniste ou ne sera pas.

Un projet, qui doit germer à même le sol de nos régions, plutôt que conçu à l’ombre des portes closes des groupes d’intérêt privés.

Un rêve qui doit nous rassembler et qui doit transcender les ténèbres de notre époque claire-obscure.

La jeunesse en a la force – donnons-lui un peu de sagesse

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  • Quand le ROSEQ se fait phoquer
    Chaque automne, en octobre, le Réseau des Organisateurs de Spectacles de l’Est-du-Québec (ROSEQ) débarque à Rimouski avec ses valises pleines de cartes d’affaires, de costards-cravates et de techniques discursives. Les diffuseurs se retrouvent, les artistes se montrent sous leur meilleur jour, et la machine culturelle tourne pour le mieux dans le meilleur des mondes. Enfin… presque. Car depuis trois ans, un invité un peu plus subversif s’invite dans le décor : le Phoque OFF. Ce festival de
     

Quand le ROSEQ se fait phoquer

23 octobre 2025 à 12:10

Chaque automne, en octobre, le Réseau des Organisateurs de Spectacles de l’Est-du-Québec (ROSEQ) débarque à Rimouski avec ses valises pleines de cartes d’affaires, de costards-cravates et de techniques discursives. Les diffuseurs se retrouvent, les artistes se montrent sous leur meilleur jour, et la machine culturelle tourne pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Enfin… presque.

Car depuis trois ans, un invité un peu plus subversif s’invite dans le décor : le Phoque OFF. Ce festival de Québec, mi-vitrine mi-viking, profite du grand rassemblement pour installer ses amplis et ses idées de travers aux Bains Publics. Pas de tapis rouge ici : juste un plancher en bois magané qui vibre sous les basses, un public collé-serré, et des artistes qui se foutent bien de savoir si vous êtes directrice de prog ou étudiant à l’IMQ. 

Du 15 au 18 octobre, le Phoque OFF prend d’assaut les Bains Publics. La première salle est ouverte à toutes et à tous, mais pour les performances… disons que les places sont limitées. Les plus rapides seront collés à la scène, les autres colleront l’oreille aux murs. Ça reste quand même un bon moment pour rencontrer des musiciens étrangers qui voudront te battre à Tetris sur la vieille TV du bar.

Le Phoque OFF, c’est le genre de bête qui ne demande pas  de permission pour exister. Son but : donner la parole aux marginaux de la musique, aux styles qui ne cochent pas toutes les cases des grilles Excel des diffuseurs. Ce n’est pas une « offre culturelle », c’est un coup de coude dans les côtes du grand follow spot, un rappel que la musique vit aussi loin des circuits officiels et des pitchs d’ascenseur de gérant d’artiste en quête de signatures.

Et les Bains Publics? C’est la tanière parfaite. Ici, on ne joue pas à faire semblant d’être plus gros qu’on est. On joue pour vrai. On boit une bière avec les musiciens après le show. On rit trop fort sur de la musique qu’on aime écouter trop forte. On se serre dans une salle trop petite et on discute jusqu’aux trop petites heures du matin. Bref, on vit la musique autrement.

Trois automnes que ça dure et, chaque année, ça devient un peu plus incontournable. Certains diffuseurs passent  « juste pour voir »… et finissent par rester toute la soirée. Comme quoi, même dans le milieu culturel, découvrir la nouveauté dans un environnement déjanté, ça peut aussi faire du bien.

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  • Changement de culture: Mon moyen de transport n’est pas alternatif
    Je n’ai plus de permis de conduire. Pas qu’on me l’ait retiré à force d’infractions; j’ai choisi d’arrêter de le payer et de plutôt grossir le nombre de personnes sans ce permis au Québec. L’auto (surtout solo, surtout thermique, mais même électrique) est pour moi vestige d’une civilisation déjà morte – j’en ai déjà parlé. En tant que non-automobiliste, j’ai évidemment opté pour des transports dits « alternatifs » [sic] lors de mes voyages de l’été, dont à Montréal. La grand’ ville à bicyclet
     

Changement de culture: Mon moyen de transport n’est pas alternatif

22 octobre 2025 à 06:41

Je n’ai plus de permis de conduire. Pas qu’on me l’ait retiré à force d’infractions; j’ai choisi d’arrêter de le payer et de plutôt grossir le nombre de personnes sans ce permis au Québec. L’auto (surtout solo, surtout thermique, mais même électrique) est pour moi vestige d’une civilisation déjà morte – j’en ai déjà parlé. En tant que non-automobiliste, j’ai évidemment opté pour des transports dits « alternatifs » [sic] lors de mes voyages de l’été, dont à Montréal.

La grand’ ville à bicyclette1

Trente-cinq degrés au thermomètre à Montréal. Le seul moyen de transport qui fournit sa propre brise sans réchauffer le climat, c’est la bicyclette. Pendant quelques semaines, ma passe Bixi2 m’a donné accès à des bicyclettes en libre-service, parfois électriques mais idéalement à l’« huile de mollet3 », pour parcourir la ville, de Côte-des-Neiges jusqu’à Mercier. Je n’avais qu’à trimbaler mon casque et trouver une station pourvue en bicyclettes – et à me rabattre sur le métro en cas d’orage.

L’usage de la bicyclette en tant que moyen de locomotion (et non moyen de balade ni déco de toit de char) est entré dans les mœurs montréalaises; je l’ai constaté en parcourant ses pistes cyclables, dont le REV à deux voies sur Saint-Denis, ses rues partagées et ses raccourcis ombragés (la piste des Carrières). À chacun de mes 47 trajets (dixit Bixi; certains de plus de 45 minutes), je me suis sentie en sécurité, protégée par le grand nombre de cyclistes et légitimée par toutes ces bicyclettes avec chevrons peintes au pochoir sur la chaussée, comme on en voit à Rimouski sur la vieille Saint-Germain.

Un train (que) la nuit

Je donne une chance (et un bras…) à VIA Rail en me rendant une fois par année à Montréal en train. Férue de trains japonais et européens, je m’entête à choisir ce moyen de transport, même s’il passe à Rimouski à 1 h 29 ou à 2 h 25… du matin. Ça, c’est quand il n’a pas une ou deux heures de retard, comme mon train de retour, arrivé au lever du soleil. Le départ avait eu un retard de deux heures, annoncé à coups de demi-heures ou de quarts d’heure, nous gardant prisonnières et prisonniers de la file d’attente.

Le train reste le moyen de transport par excellence pour contempler le paysage tout en pouvant se délier les jambes, faire des rencontres. Mais Rimouski souffre de se trouver au creux de la ligne Montréal-Halifax, et la position allongée, en couchette ou cabine, coûte plus de trois cents dollars l’aller.

On fait quoi?

On se véhicule à bicyclette, et on enrichit son rapport au temps, à son corps et à son milieu.

On lutte pour une meilleure desserte ferroviaire.

On quitte le XXe siècle en vendant son char et en renonçant à son permis de la SAAQ.

On lit

France Cayouette en regardant les arbres de la fenêtre du train (ou de l’autocar) : « Ils défilent à contre-courant. On dirait qu’ils rentrent au bercail d’un commun accord4. » Suivant les arbres, on devient la voyageuse qui rentre et « doit à présent apprendre à vivre », à « aim[er] nos lieux » et à les « défend[re]5 ».

On regarde

Des séries où les personnages ne passent pas leur temps dans un VUS ni un stationnement (Doute raisonnable) et où il n’y a pas qu’un personnage à vélo (celui de Roy Dupuis dans À cœur battant). Si vous connaissez des séries québécoises qui normalisent le transport à vélo ou en train, je suis preneuse.

1. Au XXe siècle, on employait plus volontiers « bicyclette » que « vélo » au Québec en registre standard. Je tente d’en réintégrer l’emploi.

2. Le Bixi est tellement intégré au paysage que j’ai entendu un bambin, pointant un vélo personnel, l’appeler, dans sa joie de désigner le monde : « Bixi! »

3. Expression repérée dans Alex Fontaine, « Faire du Bixi à Sherbrooke, une nouvelle façon de “vivre la ville” », Le Devoir, 11 août 2025, https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/908815/faire-bixi-sherbrooke-nouvelle-facon-vivre-ville

4. Arbres debout sur nos paupières, les éditions du passage, 2025, p. 30.

5. Rodolphe Christin, Peut-on voyager encore? Réflexions pour se rapprocher du monde, Écosociété, 2025, p. 75.

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  • Une tête en boule disco ou une poésie en kaléidoscope
    « Papa Maman je vous jure si j’avais un manuel d’instruction je vous le donnerais. » C’est bien ce que semble faire la poétesse rimouskoise Noémie Pomerleau-Cloutier avec son troisième recueil de poésie publié en octobre 2024 : elle fournit un manuel d’instruction. Après Brasser le varech et La patience du lichen, l’autrice se frotte à la littérature jeunesse en signant le recueil de poésie Tête boule disco qui s’adresse aux 13 à17 ans. Dans une suite de photographies poétiques divisées en si
     

Une tête en boule disco ou une poésie en kaléidoscope

21 octobre 2025 à 12:05

« Papa Maman je vous jure si j’avais un manuel d’instruction je vous le donnerais. » C’est bien ce que semble faire la poétesse rimouskoise Noémie Pomerleau-Cloutier avec son troisième recueil de poésie publié en octobre 2024 : elle fournit un manuel d’instruction.

Après Brasser le varech et La patience du lichen, l’autrice se frotte à la littérature jeunesse en signant le recueil de poésie Tête boule disco qui s’adresse aux 13 à17 ans. Dans une suite de photographies poétiques divisées en six sections chacune intitulée « Miroir », le lecteur suivra les tribulations d’un jeune neuro-atypique dans son quotidien difficile, entre l’aventure du diagnostic et ses impacts positifs de son changement d’école. On nous donne accès à ses pensées les plus intimes alors que nous n’avons aucune information précise sur son genre, sa nationalité ou son âge. Ce flou permet justement d’atteindre un potentiel d’identification universel et à chaque lecteur de se reconnaître dans le personnage, que le lecteur ou la lectrice soit neuro-atypique ou non.

Ce n’est sans doute donc pas un hasard si Pomerleau-Cloutier a changé de public cible pour cet ouvrage. Ce recueil est un phare pour les jeunes neuro-atypiques qui cherchent à se sentir représentés. Mais c’est aussi un accès direct à leur psyché, ce qui permet aux parents et aux amis de mieux comprendre leurs proches… pardon, leurs êtres aimés. En effet, Pomerleau-Cloutier exploite plusieurs enjeux de la réalité des jeunes neuro-atypiques, notamment l’utilisation du mot juste et exact.

L’autrice elle-même l’utilise d’ailleurs diablement bien, le langage. Ce recueil se caractérise par un florilège de phrases choc et d’images poétiques qui viennent croquer et colorier la psyché d’un individu neuro-atypique, prouvant que les reflets de la boule disco ne sont pas seulement dans le titre de l’œuvre. « Si on me laisse faire mon amour est un Niagara vous ne savez pas toujours naviguer le torrent mais entendez combien je vous aime geyser », « je voudrais pouvoir exprimer toutes les pensées tornades dans ma tête tous les volcans en éruption dans mon abdomen tous les tsunamis qui m’avalent entier » ou « je ne comprends pas qu’on préfère mentir et qu’on appelle ça des mensonges blancs le blanc c’est propre et les mensonges ça tache » en sont de bons exemples.

Le ton du recueil est très juste. Les répétitions savamment dosées et le vocabulaire employé font qu’on croit tout de suite au personnage[NL1] . On sent les recherches que l’autrice a faites et sa sensibilité. Bien que l’absence de ponctuation puisse compliquer la lecture, cette particularité participe à une impression de flot intarissable et de pensées qui vont trop vite pour la narration.

Pomerleau-Cloutier signe ici une œuvre importante. Parce qu’elle permet d’initier la jeunesse à la poésie québécoise, parce qu’elle permet à toute une portion de la population souvent oubliée et en cruelle recherche d’affirmation de se sentir représentée, parce qu’elle nous permet de nous mettre un instant à la place de ces jeunes, l’espace d’une lecture. La note d’espoir sur laquelle le recueil se termine est elle aussi infiniment essentielle.

À lire pour se sentir vu, pour muscler son empathie, ou pour simplement profiter d’une poésie choc et brillante.

Noémie Pomerleau-Cloutier, Tête boule disco, Boréal,2024, 104 p.


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  • ANATOMIE D’UNE IMPOSTURE: La guerre des civilisations
    Avez-vous constaté comme moi diverses variantes de cette affirmation dans l’actualité : Nous sommes dans un conflit entre les valeurs judéo-chrétiennes de l’Occident et celles de l’Orient teinté des couleurs de la religion musulmane.Cette opposition tire son origine des ramifications religieuses, historiques, territoriales de ces deux civilisations. Mais d’où vient cette opposition, est-elle véridique? Justifie-t-elle tous ces « préjugés » envers l’autre? Cette opposition semble présentement
     

ANATOMIE D’UNE IMPOSTURE: La guerre des civilisations

20 octobre 2025 à 06:50

Avez-vous constaté comme moi diverses variantes de cette affirmation dans l’actualité : Nous sommes dans un conflit entre les valeurs judéo-chrétiennes de l’Occident et celles de l’Orient teinté des couleurs de la religion musulmane.Cette opposition tire son origine des ramifications religieuses, historiques, territoriales de ces deux civilisations. Mais d’où vient cette opposition, est-elle véridique? Justifie-t-elle tous ces « préjugés » envers l’autre?

Cette opposition semble présentement faire l’affaire du gouvernement israélien, car elle est de plus en plus instrumentalisée par ses dirigeants dans la guerre qui l’oppose au Hamas. Une guerre au départ contre « un mouvement terroriste », devenue au fil des jours le prétexte d’un conflit contre le peuple palestinien (dont la majorité est musulmane).

La branche politique et militante Hamas a obtenu en toute légitimité en 2006 la majorité absolue au parlement palestinien et, comme on le sait, a déclenché le conflit actuel par une attaque sanglante contre Israël avec de nombreux otages le 7 octobre 2023. Une attaque-surprise pour les services de renseignements d’Israël, et un assaut fortement dénoncé par l’Occident et une partie du Moyen-Orient. À la suite de cette attaque, le président Netanyahou a refusé de mener une enquête officielle sur l’effondrement de la sécurité de son pays. Il a plutôt opté pour la guerre à Gaza et dans toute la région. Mais le peuple palestinien, des civils déplacés et emprisonnés dans la bande de Gaza sous la tutelle d’Israël depuis l’édification de cet État dans ces anciens territoires ottomans du Moyen-Orient, n’est pas responsable de cette vendetta ni de cette prise d’otages par une branche du Hamas. Pourtant cette population subit toutes les conséquences du conflit : des morts et des blessés par milliers, un nombre disproportionné (environ 60 000 morts) en raison des nombreux bombardements d’Israël. (C’est David contre Goliath.) Tout aussi disproportionnées sont la destruction des villes, la violence et la haine des forces israéliennes contre un peuple affamé qui n’a droit à l’aide humanitaire qu’au compte-gouttes. Cette population semble avoir perdu son droit au respect, son statut de peuple aux yeux de certains Occidentaux et de la plupart des juifs d’Israël et de plusieurs autres à l’international. Et  Israël sera lavé de toutes ces violences parce qu’il est assuré de l’innocence éternelle que lui accorde l’Occident à cause de son passé et des violences qu’ont subies les juifs avant et surtout durant la Seconde Guerre mondiale. Est-ce antisémite de le dire? Selon la définition opérationnelle de l’antisémitisme, il est permis « de critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État1 » et surtout ses dirigeants qui dépassent les règles humanitaires qui régissent ce qui caractérise l’idée de la civilisation autant que l’interprétation des crimes de guerre. La vengeance ne justifie pas cette escalade mortifère contre tout un peuple.

« Quand tu auras fini de détruire, tu seras détruit »

– Isaïe, prophète israélite

À propos de cette opposition de valeurs qui déforment notre perception de l’autre, tout particulièrement dans ce conflit au Moyen-Orient, je suis tombé sur un article éclairant2: un compte rendu du livre de Sophie Bessis La civilisation judéo-chrétienne. Anatomie d’une imposture3. Cette spécialiste du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne démontre « qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’associer, à cette histoire occidentale, que l’Islam se rapproche plus du judaïsme que du christianisme; que la référence à Abraham est constante dans le Coran (son nom y est plus souvent cité que celui du prophète Mohammed); que l’Arabie du VIIe siècle faisait partie intégrante du monde de l’Antiquité tardive hérité de Rome; que l’Empire musulman s’est édifié en empruntant au droit chrétien […]; qu’à partir du XIIe siècle, les universités chrétiennes sont profondément influencées par la pensée d’Averroès » ce théologien et lecteur critique, spécialiste d’Aristote et l’un des grands philosophes de la civilisation islamique. Ce que l’on sait moins aussi, c’est que les érudits de cette civilisation sont ceux par qui les « livres » des savoirs de l’Antiquité (philosophie, mathématique, médecine) ont été sauvés en partie et retranscrits et commentés en langue arabe et transmis au monde occidental loin après à partir des traductions latines vers la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance.

Pour Sophie Bessis, « au lieu de l’intégrer à la longue histoire des avatars successifs du monothéisme, l’universel judéo-chrétien […] renvoie l’islam à une altérité politiquement construite et lui désigne son territoire, celui de la spécificité ». Et depuis le 11 septembre 2001, on assiste d’après elle « à une expulsion civilisationnelle. La culture chrétienne construit, depuis lors, les musulmans en ennemis ». Nous n’en sommes évidemment pas encore sortis.

Comme le souligne le compte rendu : « Alors que les sociétés ˝occidentales » se sécularisent, celles du Sud restent gouvernées par la loi divine. » Selon Sophie Bessis, « deux régimes de vérités s’affrontent et la période coloniale de l’Occident va encore les séparer en abaissant l’islam au rang de ˝mentalité primitive » surtout quand plus tard l’islam radical produit un amalgame délétère qui constitue les musulmans d’Europe et d’Amérique en ˝ennemis de l’intérieur » ».

Ces oppositions, qui servent surtout à exclure, seraient donc depuis leur origine historique une imposture comme le démontre Sophie Bessis. « « Gréco-latine˝, c’était le nom du qualificatif de la civilisation occidentale au début de son histoire, bien avant certaines abominations chrétiennes contre la culture hellénique (païenne). » « Si on avait su, on aurait gardé » ce nom, comme l’écrit l’auteur Xavier de La Porte à la fin de son article sur le livre de Bessis.

Dans le contexte de la guerre que mène Israël, tous les juifs partout dans le monde sont hélas assimilés sans nuance à ce pays qui n’est le pays que d’une petite portion d’entre eux, ou encore pire, ils sont associés à ce régime violent d’extrême droite dirigé par Benyamin Netanyahou qui appuie son pouvoir sur les religieux ultraorthodoxes. Une situation, elle aussi, de plus en plus regrettable. Dès lors, il est important de prendre le temps de déconstruire tout ce qu’on nous dit de préjudiciable.

D’ailleurs bien des personnalités juives avec une grande portion du peuple israélien et d’autres dans le monde commencent à réagir, à indiquer qu’il est grand temps que ce gouvernement « criminel » d’Israël soit isolé, banni pour ses actions violentes et inacceptables contre le peuple palestinien, même si le président Trump (acoquiné à Netanyahou) n’est probablement pas du même avis, mais telle une girouette imprévisible, sentirait-il que le vent tourne?

1. Gouvernement du Canada, Guide canadien sur l’antisémitisme selon la définition opérationnelle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (AIMH), 2024.

2. Xavier de La Porte, « Pourquoi le concept de « civilisation judéo-chrétienne » est une erreur », Nouvel Obs,  23 mars 2025.

3. Sophie Bessis, La civilisation judéo-chrétienne. Anatomie d’une imposture, Les liens qui libèrent, 2025, 124 p.

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  • Regards obliques, une poésie qui résiste à l’oubli et au passé: Un héritage de l’exposition de 2024
    Regards obliques est un héritage, une trace laissée de l’exposition du même titre qui s’est tenue durant l’été 2024 à plusieurs endroits dans la Mitis : au Jardins de Métis, au Château Landry, à la bibliothèque Olivar-Asselin et à la galerie d’art Desjardins de l’UQAR.   Ce recueil de poésie publié chez Poètes de brousse rassemble une vingtaine d’œuvres des poétesses Anick Arsenault, Annie Landreville, Marie-Hélène Voyer et des photographies de Steve Leroux. Ces artistes ont exploré divers li
     

Regards obliques, une poésie qui résiste à l’oubli et au passé: Un héritage de l’exposition de 2024

19 octobre 2025 à 12:04

Regards obliques est un héritage, une trace laissée de l’exposition du même titre qui s’est tenue durant l’été 2024 à plusieurs endroits dans la Mitis : au Jardins de Métis, au Château Landry, à la bibliothèque Olivar-Asselin et à la galerie d’art Desjardins de l’UQAR.  

Ce recueil de poésie publié chez Poètes de brousse rassemble une vingtaine d’œuvres des poétesses Anick Arsenault, Annie Landreville, Marie-Hélène Voyer et des photographies de Steve Leroux. Ces artistes ont exploré divers lieux patrimoniaux du Bas-Saint-Laurent (Château Landry, Vieux Presbytère de Sainte-Flavie, Villa Estevan) pour puiser leur inspiration. 

C’est dans une ambiance de fantômes, de lustres poussiéreux, de planchers qui craquent et de vieux rideaux desséchés qu’on livre une poésie du passé qui traverse le temps. Les photographies de Leroux en sont la trame. Le lecteur se sent plongé dans une ambiance flottante qui mêle l’angoisse du temps perdu et du passé qui tente de résister au présent. Les photographies en noir et blanc permettent de capter la mémoire d’une autre époque. Au cœur des lieux visités, on nous rappelle que ces bâtiments regorgent d’histoires, de souvenirs qui méritent d’être soulevés.

Le patrimoine bâti, la mal-aimée du présent?

L’ouvrage nous invite à réfléchir à la mémoire collective qui nous entoure. Dans l’essai L’habitude des ruines (2021) de Marie-Hélène Voyer, il était également question de revoir avec urgence notre relation à l’histoire et au patrimoine québécois. Le rapport avec l’ancien est difficile dans un présent qui choisit le neuf au détriment de la mémoire et de la sauvegarde d’un patrimoine autrefois vivant. Ces quelques lignes de Regards obliques permettent de réfléchir à cette réalité et annoncent bien la suite du recueil : 

Nous habitons des villes

aux mémoires vacantes

qui fabriquent l’oubli

à coups de condos bègues

Regards obliques est une œuvre nécessaire qui rappelle que la mémoire collective doit rester vivante dans une époque où les condos et les constructions neuves sont choisis plutôt que la valorisation de nos maisons d’antan. Il s’agit d’une ode à notre culture et à tous ces bâtiments remplis d’histoires. Avec ce recueil, on laisse en quelque sorte une mémoire.

Anick Arsenault, Annie Landreville, Marie-Hélène Voyer, Steve Leroux (phot.) Regards obliques, Poètes de brousse, 2025.

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  • Chronique du gars en mots dits: L’espoir vaincra
    15 août 2025… Agora du Vieux-Port de Québec… Spectacle d’ouverture de la Superfrancofête. Habitué à réfréner ma fierté québécoise flétrie par trop de déceptions depuis 1995, je m’attends au mieux à une célébration polie, timide et réservée de la langue française… Comme notre époque trop lisse. Quelques chansons plus tard, je suis à la fois détrompé et renversé. Une jeunesse décomplexée et euphorique brandit ses drapeaux du Québec géants avec toute l’énergie de son âge quand un Hubert Lenoir l
     

Chronique du gars en mots dits: L’espoir vaincra

18 octobre 2025 à 10:30

15 août 2025… Agora du Vieux-Port de Québec… Spectacle d’ouverture de la Superfrancofête. Habitué à réfréner ma fierté québécoise flétrie par trop de déceptions depuis 1995, je m’attends au mieux à une célébration polie, timide et réservée de la langue française… Comme notre époque trop lisse.

Quelques chansons plus tard, je suis à la fois détrompé et renversé. Une jeunesse décomplexée et euphorique brandit ses drapeaux du Québec géants avec toute l’énergie de son âge quand un Hubert Lenoir lance en pâture à la foule un « Vive le Québec libre ! » jailli du cœur… Ou acclame une Lou-Adriane Cassidy qui porte fièrement un t-shirt blanc orné d’une fleur de lys au beau milieu du torse, sa féminité en guise d’écrin… Je revois la Diane Dufresne de 1973 qui, pour la pochette de son album À part de d’ça, j’me sens ben, s’était peint, sur fond bleu, une fleur de lys blanche sur chaque sein généreux, debout dans une ruelle de Montréal et entourée d’une centaine de fans attroupés.

Pour moi, c’est le choc. Un baume sur mes plaies d’indépendantiste. Les sondages claironnant que la jeunesse québécoise serait en train de reprendre goût à l’indépendance (à 56 % !) seraient-ils bel et bien fondés?

En 1974, lors de la mythique Superfrancofête initiale mettant en vedette les Vigneault, Leclerc et Charlebois, j’avais quatre ans. Je désespérais de ne pas être né à cette époque.

Depuis quatre ans, la nouvelle mouture de cette fête rassemble des artistes de toutes les générations, comme une Mara Tremblay chevauchant presque sa guitare électrique endiablée pendant que Lydia Képinski et Ariane Roy font office de porte-voix retentissants ; des performances époustouflantes de Mon Doux Saigneur, Ariane Moffatt ou Pierre Lapointe, et des clins d’œil aux francophones hors Québec avec un Damien Robitaille naturel et désarmant.

La « cellule Divertissement »

Cette impression magique et précieuse de vivre par procuration une époque que je n’ai pas connue, je l’ai aussi vivement ressentie en lisant Plume, Pierrot et moi, l’essai-bilan de Pierre « le Doc » Landry, mon grand frère de chronique, qui revient sur la genèse du trio de la Sainte-Trinité, dont il fut l’un des trois piliers au tournant des années 70 sous le pseudonyme de Dieu le Vice, avec Plume Latraverse (Dieu l’Amer) et Pierrot Léger (Pierrot le Fou).

Cet essai essentiel permet de mieux comprendre l’effervescence de la fin de notre révolution (pas si) tranquille; le bouillonnement des étés vécus par nos révoltés en herbe à Percé, en Gaspésie, en butte aux autorités locales obtuses; l’importance des bars contestataires et des salles de spectacle atypiques dans le Montréal de l’époque; les derniers coups d’estoc donnés à une église catholique déjà fragilisée; l’impact de la crise d’Octobre 70 sur cet élan partiellement brisé par les deux premiers enlèvements politiques survenus en Amérique du Nord, gracieuseté du FLQ.

Vous y apprendrez aussi l’origine des surnoms « Le Doc » et « Plume », ce dernier, dixit son comparse, ayant « tordu le cou de la poésie française pour la faire juter dans notre langue à nous ».

Les trois membres de la « cellule Divertissement », comme ils se décrivaient parfois, auront frayé dans des eaux proches du FLQ, et en ce sens le témoignage de Pierre Landry, truffé d’anecdotes aussi inédites que croustillantes, passionnera tous ceux qui s’intéressent à la genèse de l’identité québécoise.

L’ambition de « Landru » et de la Sainte Trinité consistait aussi à faire exploser les gangues étouffantes de l’identité canadienne-française d’une part, et l’Église catholique trop conservatrice d’autre part, à qui ils reprochaient de maintenir l’ensemble de la population « dans un giron tissé de menaces existentielles et de répression morale » et de « réfréner nos ardeurs dans des combats pourtant légitimes ».

On comprend aussi que notre Doc national traînait un peu comme un boulet son enfance bourgeoise à Jonquière, lui ayant conféré un caractère plus lisse dont on ne peut, dit-il, jamais se défaire, tout à l’opposé d’un Plume Latraverse chantre des réalités des classes défavorisées de son milieu, de la petite misère humaine quotidienne, aux chansons gouailleuses et festives.

Bravo, Pierre, d’avoir suivi ta bohème, largué les amarres de ton Saguenay natal pour oser t’acclimater à la métropole, emprunté le chemin inconfortable et caillouteux de l’art et de la création et surtout, surtout, d’avoir rendu compte de tout cela dans ce bel essai autobiographique.

Mon seul reproche : celui d’avoir douté de ton talent… C’est qu’il se trouve peut-être davantage dans l’écriture que dans la flûte, le saxophone ou les percussions, instruments moins harmoniques, plus limités que la guitare. L’écriture, là se trouvent sans doute tes cordes les plus vibrantes.

Comme ces vers inoubliables : « En ces temps-là j’écrivais des poèmes/Pour aveugles/Récités à des sourds/Et que répétaient/D’immuables muets ».

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  • Criminel∙le
    Vous êtes dans une manifestation. Disons une manifestation pour un réinvestissement massif en éducation. C’est votre droit fondamental : prendre la rue, faire du bruit. Les libertés d’expression, de rassemblement et de manifestation font partie des bases des sociétés qui se disent démocratiques. On nous assure que grâce à ces libertés, qui font contrepoids aux autorités, nous vivons dans un pays libre. Vous êtes donc en train de manifester, et fier∙ère de le faire, quand un policier dans un haut
     

Criminel∙le

16 octobre 2025 à 07:17

Vous êtes dans une manifestation. Disons une manifestation pour un réinvestissement massif en éducation. C’est votre droit fondamental : prendre la rue, faire du bruit. Les libertés d’expression, de rassemblement et de manifestation font partie des bases des sociétés qui se disent démocratiques. On nous assure que grâce à ces libertés, qui font contrepoids aux autorités, nous vivons dans un pays libre. Vous êtes donc en train de manifester, et fier∙ère de le faire, quand un policier dans un haut-parleur déclare la manifestation illégale. Vous ne savez pas pourquoi. Peut-être que quelqu’un a fait exploser un feu d’artifice non loin, ou brisé une vitre. Ou peut-être que les flics trouvent juste suspectes quelques personnes masquées.

Quoi qu’il en soit, vous êtes maintenant dans une manifestation illégale. C’est différent. Quelque chose d’immense a changé. Vous essayez de quitter la foule, luttant pour faire votre chemin contre des mouvements de masse, pour finalement vous retrouver devant une ligne d’antiémeutes. Vous vous faites frapper. Vous êtes maintenant un∙e criminel∙le. Quelqu’un qu’on a le droit de frapper. Fort. Avec des matraques. Quelqu’un qu’on peut gazer. Quelqu’un à qui on peut causer une commotion cérébrale. Quelqu’un qu’on peut tirer à bout portant avec des armes « moins que létales » qui vous cassent la mâchoire ou vous crèvent un œil.

Peut-être réalisez-vous à ce moment que ce qui vous a fait passer de l’autre côté du miroir, ce qui vous a métamorphosé∙e en une seconde de citoyen∙ne exerçant ses droits fondamentaux protégés  à criminel∙le que des hommes armés peuvent violenter impunément, n’a rien à voir avec vos actes. Vous n’avez rien commis. Ce qui a provoqué le retournement de statut, ce sont les paroles d’un policier dans un haut-parleur.

Quand on révoque en masse des visas, ou qu’on déclare qu’il y a une invasion à la frontière, on fait la même chose. On transforme des gens ordinaires qui vont travailler au Home Depot en personnes qu’on peut kidnapper et entasser dans des salles quelconques sans installations sanitaires, sans lits, sans eau. Quand un président déclare que toute personne qui s’oppose ouvertement au génocide en Palestine est en fait à la solde d’un groupe terroriste, on transforme des étudiant∙es en criminel∙les à qui on peut faire la même chose, voire les envoyer dans des camps de concentration modernes. Quand on interdit l’avortement, on transforme d’innombrables femmes et personnes queers en potentielles criminelles qu’il faut surveiller. Quand on déclare qu’on va nettoyer Washington, on déshumanise les personnes sans-abri et on justifie d’avance la violence qu’on va leur infliger.

Les abolitionnistes américaines comme Andréa J. Ritchie et Mariame Kaba soulignent depuis des années comment la criminalisation est au cœur du fascisme. Les régimes fascistes ont besoin de cette catégorie sociale de personnes déjà déshumanisées. Ils ont besoin que la croyance soit déjà largement répandue dans la population qu’il est parfois justifié de tabasser, de kidnapper, de torturer, d’humilier, voire de tuer certaines personnes : les personnes qu’on dit « criminelles ». Ce sont toutes les infrastructures construites autour de cette croyance par nos soi-disant démocraties libérales – en premier lieu la police et les prisons – qui permettent leur extrême violence. Ils n’ont qu’à élargir, petit à petit, la définition de ce qui est un crime, et donc de qui est criminel∙le.

Ce processus n’est pas nouveau. Il a été et continue d’être utilisé ici même contre les personnes autochtones, par exemple, en transformant en crime leurs actes de protection des territoires qu’elles habitent.

Revenons à la manifestation. Vous réussissez à vous faufiler et à vous enfuir de la souricière. Vous marchez sur les trottoirs, redevenu∙e soudainement un∙e citoyen∙ne ordinaire. Cette expérience vous a peut-être fait comprendre qu’il n’est pas nécessaire d’attendre que vos voisin∙es se fassent enlever par la Gestapo pour commencer à lutter contre le fascisme. Peut-être avez-vous tout à coup une pensée pour les personnes incarcérées, et germe en vous l’envie de les réhumaniser. Vous avez envie de vous rassembler avec le plus de gens possible pour en parler. Envie de trouver des solutions de rechange à la police et aux prisons. Envie de contrecarrer les discours déshumanisants contre les migrant∙es, les personnes trans, les personnes handicapées. Envie de trouver votre manière à vous de lutter contre le fascisme.

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  • RÉGÉNÉRATION: Remettre à l’heure du printemps l’horloge du temps
    Autrefois, les villages étaient habités par des gens de tous les âges, de toutes les générations, de tous les métiers de la terre, de la mer ou de la forêt, au cœur d’une immense nature au renouvellement sain et vivace. La réunion de toutes les générations agissait tel le brassage des marées, des courants marins et des vives et profondes eaux froides du Labrador qui s’engouffrent dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, permettant ainsi l’oxygénation en profondeur des eaux et la régénéresce
     

RÉGÉNÉRATION: Remettre à l’heure du printemps l’horloge du temps

15 octobre 2025 à 12:35

Autrefois, les villages étaient habités par des gens de tous les âges, de toutes les générations, de tous les métiers de la terre, de la mer ou de la forêt, au cœur d’une immense nature au renouvellement sain et vivace. La réunion de toutes les générations agissait tel le brassage des marées, des courants marins et des vives et profondes eaux froides du Labrador qui s’engouffrent dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, permettant ainsi l’oxygénation en profondeur des eaux et la régénérescence de la vie marine et aquatique jusqu’à loin en amont, au-delà de l’embouchure des rivières.

Dans un semblable brassage des générations, enfants, jeunes, adultes et vieillards s’intégraient dans un cycle de vie en accordance avec l’ordre de la nature. Dans un tel milieu de vie, on ne devient pas vieux, mais on évolue vers des âges aux mérites différents, complémentaires et utiles. L’aïeul devient éducateur et guide, il tient par la main l’enfant incertain, et aux heures de marées montantes, on l’écoute sur les quais raconter ses sagesses ou les trésors de la vie que rassemble sa souvenance. Il n’y a de légende que dans la continuité. Et il faut tout un village pour éduquer les enfants et leur transmettre un bagage culturel composé de traditions et de contes.

L’esprit des villages, voire l’esprit des quartiers, rôde avec sagesse, il inscrit un processus de régénérescence. Il serait sage de l’écouter raconter. Les âmes anciennes amalgamées aux âmes nouvelles en un faisceau fort et résistant se réunissent en communion. Sous un ciel bleu azuré infini, on ne devient pas vieux, on se perpétue. Sous ce ciel, la vie aura eu un sens, le sens du cycle de la nature, un sens existentiel en redonnant au suivant.

La tristesse des villages isolés dans un monde moderne individualisé et cybernétique provient de la cassure de la trame des générations. Paradoxal, car en zone agricole, la nature et le cycle des récoltes appellent à la joie, au renouvellement, non à la vacuité signifiée par l’absence de nouvelles générations. Les villages d’antan laissent dans leurs sillons un plein de vieilles âmes mais un vide d’âmes naissantes. On ne voit plus loin à l’horizon, mais on se heurte à des visages blafards aux teints terreux. Et à la ronde, dans les tours de condominiums pleines d’isolement sont exclus les rires lumineux des enfants moqueurs. Partout s’éteignent les feux de joie de l’enfance. Un pays s’efface peu à peu, de village en village, d’isolement en isolement.

Dans un milieu où les générations se renouvellent et s’entrecroisent, l’isolement et la solitude ne peuvent advenir tout à fait, car on y brasse et remue les braises de la régénérescence. On ne devient pas vieux dans la lumière des rires d’enfants qui éclaboussent de bleu les grisailles du temps qui passe.  Un cycle de vie se perpétue, tisse une toile de solidarité, tisse une couette de laine du pays pour se protéger du froid de l’indifférence et d’une effroyable glaciation « d’insolidaritude ».

Dans la dégénération et « l’insolidaritude », un peuple sage s’accrocherait aux valeurs de la régénérescence et à la plénitude de la renaissance.  En ces lieux équilibrés, on ne parlerait pas tant d’aide à mourir que d’aide à vivre et à se perpétuer. On entrerait souverainement dans l’espérance.

Sortir de la tristesse d’un couple affligé, entrer dans la lumière naissante d’un soleil nouveau, dans la lumière de Noël, dans la lumière du mystère du sacre de la naissance réinterprété par le sourire de la Joconde… Un enfant, un grand dérangement, cependant une joie en harmonie avec l’ordre de la nature, un sens existentiel… Dieu en la nature donne une raison existentielle par la transmission à ses enfants, à ses petits-enfants, à des gens aimés du pays. L’ordre des choses du village du temps des violons, des rigodons et des gigues conférait le potentiel de donner un sens à l’écoulement du temps. Dans une lignée paysanne, au rythme de la nature, on transmet aux suivants. Il y a un peu de soi dans la horde poussive des enfants et des petits-enfants qui jouent dans les cours familiales d’une génération à l’autre. La régénérescence confère un sens à la vie, ce qui confère un sens à la mort et libère de bien des anxiétés.

Le de dégénération inscrit un son de discordance sur un fond d’indifférence dissonante. Le de régénération, un préfixe court qui s’inscrit dans le grand mouvement des engrenages d’assonance sur l’horloge du temps, le cycle des saisons et des identités distinctives.

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  • DÉMOCRATISER LA POLITIQUE
    Les temps sont durs pour la démocratie sur notre petite planète menacée. Les crises sont multiples, et plusieurs d’entre nous croulent sous l’impuissance et le désespoir, mais cela n’est pas une raison pour ne rien faire! Un mouvement prend forme À la fin de 2023, une cinquantaine de personnes concernées par la crise globale discutent des enjeux sociaux, économiques et écologiques. La démocratie retient leur attention, car le groupe considère que pour arriver à agir sur tous les enjeux, un
     

DÉMOCRATISER LA POLITIQUE

14 octobre 2025 à 10:16

Les temps sont durs pour la démocratie sur notre petite planète menacée. Les crises sont multiples, et plusieurs d’entre nous croulent sous l’impuissance et le désespoir, mais cela n’est pas une raison pour ne rien faire!

Un mouvement prend forme

À la fin de 2023, une cinquantaine de personnes concernées par la crise globale discutent des enjeux sociaux, économiques et écologiques. La démocratie retient leur attention, car le groupe considère que pour arriver à agir sur tous les enjeux, un vide reste à combler au Québec, celui de la voie citoyenne en démocratie. Un vote aux urnes aux quatre ans ne suffit pas.

Une volonté croît alors, celle de créer un mouvement politique issu de la société civile pour occuper cet espace. Il ne s’agit pas d’un parti politique, mais plutôt d’un projet de société avec un mouvement non partisan tout d’abord citoyen et transversal issu des milieux sociaux, écologistes, communautaires et syndicaux. Le groupe accouche de Multitudes avec pour objectif de mettre une pression plus forte sur les institutions publiques en place. Exit la concentration du pouvoir, et vivement que la transition (sociale et écologique) passe en deuxième vitesse.

Un sentiment d’urgence émerge avec l’élection de Trump. L’existence de Multitudes est dévoilée en novembre 2024 lors d’un lancement officiel à Sherbrooke et par la publication d’une lettre ouverte1. L’engouement se fait sentir rapidement : le nombre de membres atteint un millier d’individus et plusieurs groupes s’associent au mouvement.

Pourquoi un autre groupe de transition?

Qu’est-ce qui différencie Multitudes des autres groupes pour la transition dans le paysage québécois? Nancy Neamtan, membre active et fondatrice du Chantier de l’économie sociale, répond que Multitudes part de la base en s’ouvrant à une multitude de citoyens et de façons de faire. Cela se traduit par une adhésion individuelle et une réflexion sur la manière de travailler ensemble, sans remplacer ce qui se fait actuellement, dans le sens de la démocratie (économique, écologique, sociale). Aucun groupe ne se penche sur la démocratie en tant que telle. Il s’agit de relier les gens et de regrouper leurs implications dans leur communauté. Sans leur implication, la transition ne se fera pas.

Agir dans l’urgence, une étape à la fois

Les besoins urgents de Multitudes se concentrent sur la mobilisation de ses membres et l’élargissement de leurs appuis en démocratie locale en vue de l’automne avec l’arrivée des élections municipales en novembre 2025.

Après un événement porteur à l’automne 2024 qui reliait une centaine des membres de la société civile et une centaine d’élus municipaux de toutes allégeances, Multitudes donne une impulsion avec la création du groupe La Nouvelle vague municipale. Un cahier de propositions2 pour nourrir les prochaines élections municipales en est ressorti, en lien avec la participation citoyenne. Ces propositions sont inspirées des initiatives d’ici et d’ailleurs pour créer de nouvelles façons de faire.

Passons à la cuisine

Le moyen choisi pour arriver à ses fins : rassembler pour transformer, comme le dit l’un des membres, Jonathan Durand Folco, professeur en innovation sociale à l’Université Saint-Paul. Les assemblées de cuisine demeurent un moyen non négligeable pour se mettre en mouvement. Au printemps dernier, la majorité des régions du Québec répondaient à l’invitation lancée par Multitudes pour tenir des assemblées de cuisine. Plus de 65 assemblées réparties dans plus de 30 municipalités ont confirmé la nécessité du dialogue.

D’un sommet à l’autre

Multitudes a participé au Sommet de l’économie sociale de mai 2025. Les jeunes y soulignaient l’importance d’une politisation de l’économie sociale avec une vision de transformation sociale arrimée au mouvement de la transition. Multitudes fait depuis partie de la nouvelle alliance pour la démocratisation économique avec laquelle il organisera l’événement rassembleur que se veut le Sommet Leadership territorial partagé (LTP) prévu pour l’hiver 2026. Le LTP vise à ce que la société civile ait un impact sur les décisions politiques dans tous les territoires (municipaux et régionaux pour l’instant). Multitudes arrivera-t-il à remporter son pari de rapprocher la démocratie des gens et de démocratiser l’économie? 

Activités à suivre

Des comités et des chantiers de travail s’activent présentement : Économies et transition, Mobilisation, Communication, Carrefour des savoirs et LTP. L’embryon qu’est Multitudes le mènera à une assemblée de fondation au printemps 2026 pour définir sa structure et préciser son mode de fonctionnement.

1. Jonathan Durand Folco, Léa Ilardo, Anouk Nadeau-Farley, Nancy Neamtan et Joël Nadeau, « Face à l’oligarchie, la démocratie des Multitudes », Le Devoir, 3 février 2025, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/838510/idees-face-oligarchie-democratie-multitudes

2. Multitudes, Cahier de propositions aux municipalités, mars 2025, https://www.multitudes.quebec/_files/ugd/b19b9b_e54e89117a19496e883f825ffb6bc1f5.pdf

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  • L’âme de l’île Saint-Barnabé
    Lire aux battures, seul endroit supportable alors que sévit cette étonnante canicule d’août. Au fil des pages, un autre siècle. Un temps sauvage. Je lève les yeux vers l’horizon. Au large, cette île où un homme a passé une partie de sa vie, seul, au XVIIIe siècle. L’île Saint-Barnabé. L’ermite Toussaint Cartier. Le roman que l’abbé Louis-Édouard Bois consacre à Toussaint Cartier n’est pas un polar qui vous fera tourner les pages à perdre haleine. C’est pourtant un témoin unique de l’histoire
     

L’âme de l’île Saint-Barnabé

9 octobre 2025 à 08:04

Lire aux battures, seul endroit supportable alors que sévit cette étonnante canicule d’août. Au fil des pages, un autre siècle. Un temps sauvage. Je lève les yeux vers l’horizon. Au large, cette île où un homme a passé une partie de sa vie, seul, au XVIIIe siècle. L’île Saint-Barnabé. L’ermite Toussaint Cartier.

Le roman que l’abbé Louis-Édouard Bois consacre à Toussaint Cartier n’est pas un polar qui vous fera tourner les pages à perdre haleine. C’est pourtant un témoin unique de l’histoire locale. Son texte sur l’ermite n’avait jamais été publié. Quand Claude La Charité l’a sorti de l’ombre, il n’a pas fait les choses à moitié.

Professeur de lettres et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire littéraire, création et patrimoine imprimé, M. La Charité a, avec son équipe, travaillé sur le texte de l’abbé Bois pendant des années, suivant chaque piste de patientes et pointues recherches. Plusieurs chapitres sur l’auteur et sur l’ermite, ainsi que des documents et une chronologie, raviront le public avide de détails, en attendant la monographie historique du même auteur, bientôt publiée.

Sur le banc de la promenade, en lutte contre le vent du fleuve enfin levé qui apporte un peu de fraîcheur, je découvre que la note de bas de page de l’abbé est longuement expliquée dans son contexte historique par une note de fin de chapitre de l’éditeur. Savoureux dialogue entre les siècles. Deux érudits bien de leur temps discutent avec passion. Trois livres en un. Le roman, les notes de l’abbé, les notes de l’éditeur. Cette fascinante conversation parcourt toute l’histoire locale, de l’exploration à la colonisation et à l’essor agricole.

Le roman lui-même est un exemple typique de la littérature patriotique religieuse de la seconde moitié du XIXe siècle. Un schéma convenu où le jeune héros s’est fait des idées de grandeur au point d’en tomber malade (avertissement divin!). Gonflé d’orgueil et en dépit de son entourage qui tente de l’en dissuader, il s’embarque tout de même comme marin afin de trouver la gloire qu’il désire par-dessus tout.

Le courroux divin s’abat sur l’expédition, qui fait naufrage. Au cœur de la tourmente, le jeune Toussaint Cartier fait le vœu de prier toute sa vie s’il est sauf. Seul survivant du désastre, il s’établit sur l’île où il a échoué, en face de Rimouski, sous les bons auspices du seigneur Lepage.

Tout cela se passe très vite au début du roman. Le reste de l’œuvre est consacrée à nommer presque tous les missionnaires qui ont fréquenté les parages, à décrire la piété de l’ermite et celle du seigneur, avec maints exemples de vertu pouvant inspirer les jeunes lecteurs et les détourner des métiers de la mer. Je ne vous dévoilerai pas la fin.

Terminé en 1867, ce texte resté inédit a circulé dans les milieux ecclésiastiques. La glorification de l’ermite cautionnera le choix d’installer le diocèse à Rimouski la même année, ce qui a entraîné tout le développement futur que l’on connaît.

Selon M. La Charité, rencontré autour d’un bon café local, l’abbé n’était pas un propagandiste religieux, mais un érudit réservé, passionné par l’histoire, les toponymes et les langues autochtones. Il n’a d’ailleurs pas publié son roman de son vivant. Ermite, lui aussi.

Il a plutôt étiré l’élastique des normes en vigueur. Si la nomenclature des seigneurs et prêtres a sa place dans le texte principal, les remarques toponymiques sur l’origine des noms autochtones des rivières et des îles se trouvent en notes de bas de page. Plaisir secret que l’abbé ose intégrer, mais en sourdine.

Bien sûr, c’est une fiction. L’abbé s’en excuse page après page, homme de religion de son époque conscient de son devoir de vérité.

Ce texte n’est pas la seule fiction consacrée à Toussaint Cartier. Était-il cet ermite pieux de l’abbé Bois, l’ermite romantique éploré décrit par Frances Brooke en 1769, ou encore l’ermite esthète de Jacques Poulain en 1970? Quel Toussaint Cartier Claude La Charité nous fait-il découvrir dans sa propre fiction L’œil de l’ermite, parue en 2023?

L’ermite est un mystère, il est l’âme de l’île Saint-Barnabé. Il appartient à la population de Rimouski, insiste M. La Charité alors que notre café est fini depuis longtemps. À nous de mettre Toussaint Cartier en valeur et de nous en inspirer.

Photo: p1-manuscrit.jpeg

Bas de vignette: Première page du manuscrit de l’abbé Bois, fournie par l’éditeur.

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  • Plume, Pierrot et moi: La véritable histoire de la Sainte-Trinité
    Ce curieux Docteur Landry n’en est pas à ses premières armes. Et l’arme en question n’est pas un bistouri, mais bien sa plume. Qu’il manie plus que bien. Plume, Pierrot et moi est le 13e ouvrage de Pierre Landry, résident du Bas-Saint-Laurent et collaborateur depuis plus de 25 ans au Mouton NOIR. Et c’est fort probablement celui des 13 qui cartonne le plus. Et pour cause. Versant souvent dans les récits historiques régionaux, Pierre Doc Landry, l’un des tiers du mythique groupe la Sainte-Trin
     

Plume, Pierrot et moi: La véritable histoire de la Sainte-Trinité

8 octobre 2025 à 10:18

Ce curieux Docteur Landry n’en est pas à ses premières armes. Et l’arme en question n’est pas un bistouri, mais bien sa plume. Qu’il manie plus que bien.

Plume, Pierrot et moi est le 13e ouvrage de Pierre Landry, résident du Bas-Saint-Laurent et collaborateur depuis plus de 25 ans au Mouton NOIR. Et c’est fort probablement celui des 13 qui cartonne le plus. Et pour cause. Versant souvent dans les récits historiques régionaux, Pierre Doc Landry, l’un des tiers du mythique groupe la Sainte-Trinité, qui a écumé la scène musicale underground du Québec, de Percé à Montréal, à l’aube des années 1970, signe ici un livre qui nous entraîne, avec moult détails, dans les sillons d’une période cruciale de l’émancipation culturelle et politique de notre demi-pays et, plus globalement, de la jeunesse de partout où cela pouvait se faire.

« C’est un lieu commun, de l’histoire contemporaine et de la sociologie que de caractériser les années 60 par l’éclatement du « phénomène jeunesse », c’est-à-dire la montée, dans l’ensemble de l’Occident, de cette nouvelle génération, dont la présence tapageuse ébranle les structures les mieux établies et dont l’esprit, les mœurs et les attentes provoquent la révision ou le déclin des codes et des traditions les mieux ancrés.
Époque charnière, époque à la fois étrange et miraculeuse,
cette décennie a pris avec le temps l’aspect d’une véritable épopée.
 »

– François Ricard, La génération lyrique,
cité par Pierre Doc Landry en ouverture de son livre.

La Sainte-Trinité, née d’une rencontre à Percé à l’été 1970, c’était Plume Latraverse, Dieu la Mère, Pierre Docteur Landry, Dieu le Vice, et Pierrot Léger, également appelé Pierrot-le-fou, Dieu le Sain d’esprit.

Mais Plume, Pierrot et moi, c’est bien plus que l’histoire de la Sainte-Trinité. C’est un véritable portrait d’époque, parsemé de photographies et d’archives, qui ravivera la mémoire de celles et de ceux qui l’ont vécue et qui les ravira, je n’en doute aucunement. Il « instruira » aussi les plus jeunes, férus d’histoire — dont celle dite « sexe, drogue et rock’n’roll» —, qui aiment savoir d’où ils viennent pour mieux voir où ils vont.

Sous forme autobiographique, souvent drôle, parfois touchante — notamment, cette carte postale envoyée de Grèce par son père, qui débute ainsi : « Ici, les ruines sont superbes. Et toi, comment vas-tu? » —, et pour sûr, toujours flyée, Doc Landry livre le récit des folles tribulations de la Sainte-Trinité, en les mettant en parallèle avec des événements phares de notre société, comme, en 1968 :

  • Le spectacle Poèmes et Chants de la Résistance, qui réunissait entre autres sur scène les Vigneault, Miron, Gauvreau, Duguay et Michèle Lalonde;
  • Le Lundi de la matraque, à la Saint-Jean, où le fendant Pierre Elliott Trudeau regardait du haut de la tribune « d’honneur » les émeutes qui provoqueront 292 arrestations et feront plus de 135 blessés, la plupart par les policiers à cheval qui chargeaient la foule, matraque en main.

En 1969 : la Maison du pêcheur, à Percé, et l’expulsion sauvage avec les boyaux des pompiers par des rednecks locaux; le Doc Landry en a pris plein la gueule, comme la cinquantaine de jeunes sur place.

L’incontournable crise d’Octobre 1970, avec, comme principaux commettants, les « tenanciers » et compagnons d’expulsion de l’été de Percé, les frères Paul et Jacques Rose et Francis Simard, qui avaient enlevé le ministre de « l’Assimilation et du Chômage », Pierre Laporte, et seraient ensuite emprisonnés pour leur responsabilité dans la mort de ce dernier. Et bien sûr, l’immonde loi sur les mesures de guerre, venue d’un autre trio, plus lugubre : Drapeau, Bourassa et Trudeau!

À cette époque, la Sainte-Trinité performait presque tous les soirs à L’Imprévu de l’hôtel Jacques-Cartier, dans le Vieux-Montréal, souvent devant quelques policiers de la GRC en civil, qu’ils saluaient gaiement en début de spectacle. Le groupe était surnommé la Cellule Divertissement. Puis, ils déménageront leurs pénates — et leur mascotte, la poule Rita Picard — au sous-sol de l’hôtel, dans un cabaret uniquement dédié à la Sainte-Trinité : « Chez Dieu ».

« Bonsoir, mesdames, mesdemoiselles et mes cieux,

Mangez d’la marde et bienvenue chez Dieu

Sortez vot’grass, on va s’faire un party organisé

Par la Sainte-Trinité »

J’en aurais bien plus long à dire sur ce livre, mais l’espace, plus que l’inspiration, me manque. Pour conclure, je reproduis la dernière phrase de la couverture arrière de Plume, Pierrot et moi dont, vous l’aurez compris, je recommande très fortement la lecture, pour plaisirs garantis. « Pierre Landry nous raconte la rocambolesque histoire de la Sainte-Trinité qui se retrouvera à l’avant-scène d’une mouvance d’où émergera un de nos grands chantres nationaux, Plume Latraverse. »

Et cela, à travers un passionnant et exhaustif portrait de cette époque épique.

Pierre Landry, Plume, Pierrot et moi. La véritable histoire de la Sainte-Trinité, Septentrion, 2025, 258 p.

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  • Un LOUPerivois dans la bergerie: Les gars, sacrament!
                J’roule déjà à 95 kilomètres à l’heure dans une zone de 90. J’pousse même un peu parce qu’on dirait que le tarla qui m’colle au cul veut manger le darrière de mon char. Dans mon rétroviseur : sa face crispée par la rage, les plis sur son front qui font comme le lit d’une rivière asséchée, ses yeux, des lance-flammes qui me passeraient au cash en deux secondes… Y m’semble même l’entendre : « Tasse-toé! Tasse-toé, pépère !» Heille, le pas d’allure, ça-tu déjà flashé dans la p’tite boul
     

Un LOUPerivois dans la bergerie: Les gars, sacrament!

7 octobre 2025 à 09:45

            J’roule déjà à 95 kilomètres à l’heure dans une zone de 90. J’pousse même un peu parce qu’on dirait que le tarla qui m’colle au cul veut manger le darrière de mon char. Dans mon rétroviseur : sa face crispée par la rage, les plis sur son front qui font comme le lit d’une rivière asséchée, ses yeux, des lance-flammes qui me passeraient au cash en deux secondes… Y m’semble même l’entendre : « Tasse-toé! Tasse-toé, pépère !» Heille, le pas d’allure, ça-tu déjà flashé dans la p’tite boule qui t’sert de tête que si mononcle est encore vivant, c’est parce qu’y chauffe pas en demeuré comme toé? Pas de rémission, le cave veut vraiment se retrouver en enfer avant moi. Dépasse sur une ligne double, la van arrive en sens inverse à une vitesse de fou elle avec…

Trois enfants, deux adultes, un gars chaud, un autre pas attaché, un qui texte à sa blonde pour savoir c’qu’y vont manger pour souper, un autre qui a décidé de défier les lois de la gravité et qui jouit quand l’aiguille de l’indicateur de vitesse franchit le chiffre magique du 200 km/h. Patience, les gars. Attendez un autre 5-6 ans, le temps qu’on prolonge la 20, pis vous allez pouvoir arriver au Costco dans un temps record. Pis si vous patientez encore quèques années, vous allez sauver trois minutes entre Lévis pis Québec, grâce à l’héritage de Mme Guilbault qui va avoir pris sa retraite depuis ben longtemps pis qui va saliver en checkant le trafic du haut du dixième étage de son condo.

Germaine est sortie pour faire l’épicerie. Qu’a dit. Germain en profite pour fouiller ses affaires. Tiens, justement, a l’a oublié son cellulaire. Trois messages d’un dénommé Patrick. Je l’savais! Ah la tabar…! Attendez qu’a r’vienne, m’a y faire ravaler, moi, son hostie de Patrick! Germaine est à l’étage des soins palliatifs, à l’hôpital Charles-Lemoyne, au chevet d’un lointain cousin qui l’a contactée parce que c’est la seule personne dans famille dont y avait les coordonnées. Pauvre Germaine. Loin de penser que le lit à côté de celui de Patrick lui est destiné…

Celui-là, y s’appelle Stéphane. Ou Hugo. Ou Lyam. Son fun à lui, c’est de s’cacher dans l’ombre de sa tablette pis de tirer sur tout ce qui bouge sur son écran. Sa cible préférée : les femmes, les filles, qu’y s’agisse de comédiennes, de politiciennes, d’influenceuses, de mannequins, de vedettes de Star Académie ou de n’importe quelle putasse qui passe dans son champ de tir. Toutes les mêmes, des salopes, des chiennes, des putes, et j’en passe. Y hésite encore pour se faire tatouer une croix gammée mais y s’est faite ben des chums au gym, même si y en a qui ont ri de lui pis de se minuscules pectoraux les premières semaines. Mais attendez dans quèques mois…

C’est James, dix-sept ans, qui a les contacts. Mille piastres pour aller crisser le feu au resto. Une affaire de rien. On pète la vitrine, on lance le cocktail, pis on s’pousse! Mille piastres, man, te rends-tu compte? Pis des offres de même, j’en ai à pelletée! Oui, mais c’est pas comme ça que Dieudonné s’est ramassé à l’hosto, dans section des grands brûlés? C’est pas pareil, un cave, man, lui y a versé du gaz à partir d’un bidon pis ça faite une explosion quand y a allumé son briquet. Envoye, maudit pissou, sans ça j’pas sûr que tu vas pouvoir rester dans gang. Pi si t’es pas dans gang…

Assis au bord de la piscine, sirotant l’un son arak, l’autre sa vodka, le troisième son Coke Diet, Netanyahou, Poutine et Trump devisent calmement en regardant le monde se noyer. « Ça marche pas pire notre affaire en? » Y a juste Donald qui est pas d’aussi bonne humeur que les autres. « C’est pas juste, vous autres vous pouvez envahir pis attaquer n’importe quel pays, tuer ou affamer comme ça vous tente, pis ça passe! Moi, chus pogné pour ménager la chèvre et le chou, faire semblant qu’on est encore une démocratie, laisser CNN débiter ses conneries à cœur de jour… » « Fais-toi s’en pas mon Donald, t’es ben parti. C’est juste une question de temps… Prends-tu de la moutarde dans ton hamburger? » Anachronisme délibéré dans cette histoire de fous, Spotify laisse subrepticement glisser ces quelques strophes d’une vieille toune de Renaud :

Palestiniens et Arméniens

Témoignent du fond de leur tombeau

Qu’un génocide c’est masculin

Comme un SS, un torero

(Miss Maggie, 1985)

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  • Le souffle et la faille, Petite géographie des courants qui traversent l’école
    L’éducation est soumise à bien des vents, parfois favorables, souvent contraires. Qu’en sera-t-il pour l’année à venir? Le défi de mettre un frein à l’indécision et à l’incohérence ministérielle sera à l’ordre du jour des discussions de corridors. Les parents, les intervenants, les enseignants ont tellement besoin de raffermir leur confiance en ce système. Lorsque la confiance est cultivée, renforcée, le rythme est soutenu, entraînant et mobilisateur. Cohérence et cohésion D’où naît-il, ce
     

Le souffle et la faille, Petite géographie des courants qui traversent l’école

6 octobre 2025 à 10:40

L’éducation est soumise à bien des vents, parfois favorables, souvent contraires. Qu’en sera-t-il pour l’année à venir? Le défi de mettre un frein à l’indécision et à l’incohérence ministérielle sera à l’ordre du jour des discussions de corridors. Les parents, les intervenants, les enseignants ont tellement besoin de raffermir leur confiance en ce système. Lorsque la confiance est cultivée, renforcée, le rythme est soutenu, entraînant et mobilisateur.

Cohérence et cohésion

D’où naît-il, ce rythme? D’abord par ce que fait et dit la personne qui détient l’autorité. Prôner et incarner : deux verbes trop souvent dissociés, car prôner sans incarner ce que l’on professe, c’est garantir l’incohérence; et, de même, incarner sans donner de logique à ce que l’on fait, c’est induire un manque de sens chez le personnel. Pourquoi fait-on cela? Pourquoi ne fait-on pas ce qu’on dit? Ne pas fournir des réponses claires à ces deux questions, c’est émousser la confiance dont le système a besoin, car le système éducatif se juge dans la salle des enseignants, sur le pas d’une porte, lors de discussions de corridor — entre les techniciens en éducation spécialisée et les profs, ou avec les professionnels, entre le concierge et l’enseignant épuisé qui se confie, à la fin d’une journée éprouvante, parce qu’il sait pouvoir se fier à lui.

Là où tout se joue

Vous vous souvenez du téléroman Virginie, qui se déroulait dans une école? Toute la trame reposait sur les discussions parmi le personnel de l’école Sainte-Jeanne-d’Arc. Dans la réalité, lorsque le ministre prend une décision ou fait une annonce, elle est analysée et critiquée dans la salle des profs, ou au moment d’une rencontre d’un parent avec le directeur, lors de la réunion hebdomadaire des directions d’écoles d’un centre de services, etc. Je sais que, présentement, ces discussions ont en commun le dépit et la frustration envers le ministre de l’Éducation. Je laisse de côté les médias sociaux et les journaux, où chaque chroniqueur et faiseur d’opinions se présente comme un expert — car, après tout, il connaît l’école pour s’y être assis enfant et adolescent, ou par ses propres enfants.

Une inspiration

Il n’en va pas autrement ailleurs. Regardons ensemble l’entrée en scène de Claudine Bouchard, PDG d’Hydro-Québec, le 5 juillet 2025. On parle ici d’une entreprise de 22 000 employés (comparativement à 345 000 en éducation). Les missions diffèrent — produire de l’électricité et former les citoyens — mais là n’est pas l’objet de mon texte. Je veux illustrer ce qu’est redonner confiance, ce que signifie donner du rythme, puis comment prôner et incarner. Madame Bouchard a déclaré, dix jours après sa nomination, vouloir des employés « déraisonnables », en les encourageant à prendre des risques. J’entends d’ici les  « Holà! On ne peut pas prendre de risques avec l’avenir des enfants! » Non… mais on peut innover, essayer, renouveler. Ce que je veux précisément pointer du doigt, c’est le message qu’elle livre et qui se traduit par : « Je vous fais confiance, je crois en votre créativité, et je crois aussi en votre jugement pour faire les choix qui s’imposent. » Son propos est lui-même déraisonnable jusqu’à un certain point, mais elle juge que le risque qu’elle prend vaut le coup. Elle incarne son propos. Je vous mets au défi de ne pas vous sentir interpellé si je vous dis : « Ose, je crois en toi. Allez, ose. » Or, en éducation, les intervenants ne reçoivent pas cette impulsion. Une telle impulsion serait salutaire et appréciée des gens sur le terrain. J’ai étudié durant vingt ans la gestion des organisations tout en travaillant comme directeur d’école, puis comme directeur général, et j’affirme sans détour que ce message de Mme Bouchard est riche de confiance. Voilà un manque cruel en éducation. « La femme est l’avenir de l’homme », chantait Jean Ferrat. Hydro-Québec est entre bonnes mains. Le hic : un projet ou un système qui repose sur une seule personne est voué à souffrir des qualités et des défauts de celle-ci. Ne doit-on pas protéger l’éducation des aléas des bonnes et des mauvaises nominations?

Mais encore…

Le défi de 2026 en éducation? Générer suffisamment de pression pour forcer le remplacement du ministre. D’ici les élections de 2026, la personne désignée pour prendre le relais doit insuffler cette confiance dont le système a tant besoin. Saint-Exupéry n’a-t-il pas dit très justement : « Si tu veux unir les Hommes, ne leur donne pas que du pain et de l’eau, donne-leur une tour à construire. » L’argent ne suffit pas. Il faut maintenant du sens et de l’envergure. Du personnel confiant et engagé peut combler le vide. Le meilleur chef est celui qui travaille à ce que son organisation n’ait plus besoin de lui pour bien fonctionner!

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  • L’ironie du recyclage : une illusion verte ?
    C’est à la lecture d’un des derniers textes de notre chroniqueuse, Aimée Lévesque que j’ai été inspiré pour l’éditorial qui suit. Le recyclage, une habitude que l’on suit depuis maintenant quelques décennies. Oui, c’est devenu facile voire évident. Mais est-ce LA solution à tous nos maux? Dans un monde de plus en plus conscient de l’urgence climatique, le recyclage est devenu le symbole universel de la vertu écologique. Inscrit sur nos emballages, enseigné dès l’école, érigé en geste civique
     

L’ironie du recyclage : une illusion verte ?

5 octobre 2025 à 11:49

C’est à la lecture d’un des derniers textes de notre chroniqueuse, Aimée Lévesque que j’ai été inspiré pour l’éditorial qui suit. Le recyclage, une habitude que l’on suit depuis maintenant quelques décennies. Oui, c’est devenu facile voire évident. Mais est-ce LA solution à tous nos maux?

Dans un monde de plus en plus conscient de l’urgence climatique, le recyclage est devenu le symbole universel de la vertu écologique. Inscrit sur nos emballages, enseigné dès l’école, érigé en geste civique par excellence, il est la réponse apparemment simple à la complexité de nos déchets. Pourtant, derrière cet acte routinier se cache une ironie troublante : le recyclage, loin de résoudre notre crise environnementale, sert souvent à camoufler un système fondamentalement insoutenable.

Le principe est séduisant : au lieu de jeter, on transforme. On donne une nouvelle vie à nos objets, on limite les déchets, on sauve la planète. Mais cette vision est largement idéalisée. Le recyclage, dans sa réalité industrielle, est loin d’être aussi vertueux qu’on veut bien le croire.

Prenons l’exemple du plastique. Sur les milliards de tonnes produites depuis les années 1950, seuls neuf pour-cent ont été véritablement recyclés. La majorité finit dans des décharges, incinérée ou, pire encore, dans nos océans. Le reste du plastique dit « recyclé » subit en réalité un downcycling : il est transformé en produits de moindre qualité, difficilement recyclables à leur tour. Chaque cycle rapproche donc inévitablement le matériau de la fin de sa vie utile. Le mythe du plastique éternellement recyclable est un mirage.

Mais l’ironie ne s’arrête pas là. Car le recyclage est devenu un alibi, une forme de purification morale qui permet de continuer à consommer sans culpabilité. On achète des bouteilles d’eau en plastique « recyclables », on trie nos déchets consciencieusement, et on s’imagine faire notre part. Pendant ce temps, les industries continuent de produire à outrance, de suremballer, de vendre du jetable maquillé en durable. Le recyclage, en d’autres termes, est devenu le complice d’un système linéaire – produire, consommer, jeter – qu’il prétend corriger.

Ajoutons à cela le fardeau environnemental du recyclage lui-même. Traiter les déchets nécessite de l’énergie, des transports, de l’eau, des produits chimiques. Envoyer nos déchets vers des pays du Sud pour y être traités à bas coût déplace simplement le problème, souvent dans des conditions écologiques et humaines déplorables. Le recyclage, loin d’être une solution propre, exporte parfois notre saleté vers des régions plus vulnérables.

Alors que faire ? Faut-il cesser de recycler ? Évidemment non. Le recyclage reste préférable à l’enfouissement ou à l’incinération, mais il ne doit plus être vu comme une fin en soi. L’ironie du recyclage réside précisément dans cette idée qu’il suffit de trier pour être « écologique ». C’est une illusion confortable, mais dangereuse. Il est temps de sortir de cette pensée magique.

La vraie révolution écologique ne viendra pas d’un bac de tri, mais d’une remise en question profonde de nos habitudes de consommation. Réduire à la source, réutiliser, refuser ce qui est inutile : voilà les gestes qui comptent. Des politiques publiques ambitieuses doivent encadrer la production, interdire certains matériaux, obliger les fabricants à concevoir des produits durables et réparables. Le recyclage, dans cette nouvelle logique, ne serait plus l’alpha et l’oméga, mais le dernier recours.

Il faut aussi repenser la communication autour du recyclage. Trop souvent, elle culpabilise les individus tout en déresponsabilisant les grandes entreprises. Or, ce ne sont pas les gestes individuels, aussi méritoires soient-ils, qui feront basculer l’équation climatique, mais des transformations systémiques. À force de glorifier le recyclage, on détourne l’attention de cette vérité fondamentale.

En somme, l’ironie du recyclage est celle d’un monde qui tente de réparer avec des pansements les blessures d’un système malade. Tant que nous continuerons à confondre solution de façade et changement structurel, nous resterons dans le piège. Il est temps d’ouvrir les yeux : le recyclage ne sauvera pas la planète. Seule la sobriété, le courage politique et la réinvention de nos modèles économiques pourront le faire.

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  • CHRONIQUE OBJECTIONS DE CONSCIENCE: DÉFENDRE LE TERRITOIRE PAR LA FORCE S’IL LE FAUT
    Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je crois que nous, Québécois et Québécoises, vivons dans un des racoins les plus beaux de la planète. Je ne le dis pas tant par chauvinisme – peut-être un peu – que par constat relativement objectif. Notre demi-pays, entre la majesté de son fleuve et l’immensité de ses forêts aux nuances de vert allant de l’émeraude à l’absinthe, ses montagnes façonnées par des millénaires de mouvements orogéniques, les milliers de lacs et de rivières qui forment, à
     

CHRONIQUE OBJECTIONS DE CONSCIENCE: DÉFENDRE LE TERRITOIRE PAR LA FORCE S’IL LE FAUT

3 octobre 2025 à 09:43

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je crois que nous, Québécois et Québécoises, vivons dans un des racoins les plus beaux de la planète.

Je ne le dis pas tant par chauvinisme – peut-être un peu – que par constat relativement objectif. Notre demi-pays, entre la majesté de son fleuve et l’immensité de ses forêts aux nuances de vert allant de l’émeraude à l’absinthe, ses montagnes façonnées par des millénaires de mouvements orogéniques, les milliers de lacs et de rivières qui forment, à vue de ciel, une vaste toile bleue, rayonne sur la mappemonde. Et au confluent de ces merveilles dont la beauté infinie donne presque envie de croire en une Création divine, on trouve les éléments qui permettent à la vie de s’y épanouir, incluant bien sûr la vie humaine, dont la bêtise collective empêche de saisir l’ironie que nous en sommes les principaux fossoyeurs.

Voici donc que nos larbins du Capital, notre gouvernement de chambre de commerce beauceronne, nos distributeurs de contrats en échange de dépôts dans la caisse électorale, travaillent d’arrache-souches pour vendre ce qui nous reste de trésor sylvestre aux compagnies forestières les plus offrantes à travers l’ignoble projet de loi 97.

Voici donc aussi que plus tôt cet été, en juillet, la Radio de nos Impôts diffusait un reportage dans lequel la Société des cabourons du Kamouraska sonnait l’alarme et réclamait une fois de plus un statut de protection juridique pour ces grandioses inselbergs qui, près du fleuve, donnent au Kamouraska son relief distinct et abritent une flore aussi magnifique que fragile.

Parce que les cabourons sont menacés non pas juste par les octrois de claims pour la prospection minière, mais aussi par la spéculation immobilière!  D’ailleurs le média Pivot, sous la plume de son vaillant journaliste d’enquête Sam Harper, exposait les malversations légalisées de Contigo Ressources et de « 14180666 CANADA INC. » (non, ce n’est pas louche du tout!) qui ont acheté en date de juillet 2024 des droits d’exploration le long du fleuve entre Kamouraska et Rivière-du-Loup, dont de nombreuses parcelles de terrain composées de terres agricoles, forestières et, oui, des cabourons!

Autrement dit, autant d’infâmes compagnies dirigées par des baise-la-cenne sans morale que les milliardaires baveux à la Luc Poirier de ce très bas-monde cherchent à obtenir pignon sur rue au milieu de notre paradis, histoire de le transformer en enfer, de dérober à la plèbe un peu plus d’accès aux beautés de notre demi-pays pour mieux les ravager!

Et ce, en toute légalité – l’ignominieuse Loi sur les mines permet aux détenteurs de claims d’explorer le sous-sol, peu importe à qui appartient la surface. Et il ne suffit que de quelques mamours à des administrations municipales peu scrupuleuses pour changer le zonage et permettre le développement immobilier à peu près n’importe où.

Heureusement, les Autochtones gardiens du territoire sont encore une fois montés aux barricades, ce qui a malheureusement mené à des confrontations contre des ouvriers et des ouvrières forestières qui gobent à pleine gorge la propagande et la désinformation pelletée dans leur face par leurs employeurs.

Les syndicats réclament une révision du projet de loi, mais ils devront se mettre en mode syndicalisme de combat pour à la fois sauver le territoire et bien représenter les travailleurs, ce qui ne pourra se faire qu’avec une alliance d’égal à égal avec les Premiers Peuples.

Tout cela mène à une question cruciale : jusqu’où aller pour défendre le territoire à la fois contre les multinationales et contre notre régime de Vichy à caractéristiques québécoises?

Nous en sommes malheureusement, après des années d’immobilisme, à considérer l’emploi de la force à l’encontre du monopole étatique sur la violence « acceptable », lui-même rendu moralement invalide par la corruption endémique de nos institutions.

La désobéissance civile? Oui, encore plus, et de manière encore plus affirmée et radicale, des tactiques encore plus diversifiées allant jusqu’à l’action directe, mais organisée et encadrée par une éthique bien définie.

C’est au pied de ce mur que nous ont acculés la classe gouvernante et les Médias des Gens de Bien toujours prompts à condamner toute « violence » qui ne vient pas de l’État.

Et comme je l’avais déjà écrit dans ces pages, ce sont les dirigeants et les dirigeantes qui décideront du ton adopté par la résistance.

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  • Quand le phoque devient le miroir de nos déséquilibres
    Il y a des animaux qui deviennent malgré eux les réceptacles de nos contradictions. Le phoque, dans le Saint-Laurent, est de ceux-là. Tantôt accusé de voler le poisson des pêcheurs, tantôt brandi comme victime des bouleversements climatiques, il oscille entre mascotte attendrissante et ressource économique taboue. Pourtant, lui, il n’a rien changé à sa routine : il nage, il plonge, il mange. C’est nous qui, incapables de gérer nos propres déséquilibres, lui collons sur le dos nos frustrations co
     

Quand le phoque devient le miroir de nos déséquilibres

2 octobre 2025 à 12:23

Il y a des animaux qui deviennent malgré eux les réceptacles de nos contradictions. Le phoque, dans le Saint-Laurent, est de ceux-là. Tantôt accusé de voler le poisson des pêcheurs, tantôt brandi comme victime des bouleversements climatiques, il oscille entre mascotte attendrissante et ressource économique taboue. Pourtant, lui, il n’a rien changé à sa routine : il nage, il plonge, il mange. C’est nous qui, incapables de gérer nos propres déséquilibres, lui collons sur le dos nos frustrations collectives.

Le problème, c’est que le phoque n’est pas un cas simple. Il est un acteur écologique à part entière, avec un rôle clair dans la mécanique de l’écosystème Saint-Laurent. Mais il est aussi un morceau d’histoire coloniale, un symbole de luttes internationales, une ressource culturelle pour les communautés autochtones, et une pierre d’achoppement pour les pêcheurs côtiers. Autrement dit : tout le monde a une bonne raison de parler de lui, et personne ne le regarde du même angle. Voilà pourquoi chaque conversation sur le phoque dérape aussi vite qu’une glissade sur les roches pleines d’algues de nos rivages à marée basse.

On pourrait croire que le dossier est purement biologique : compter les phoques, calculer ce qu’ils mangent, mesurer leur impact. Mais non. Le Saint-Laurent n’est pas un aquarium, c’est un système complexe où chaque changement — surpêche, réchauffement, disparition des grands prédateurs — produit une réaction en chaîne. Accuser le phoque de tous nos malheurs halieutiques, c’est pratique, mais c’est surtout un raccourci. À l’inverse, en faire un intouchable au nom de l’émotion publique est tout aussi stérile. La vérité, c’est que cet animal nous renvoie à notre incapacité chronique à penser en réseau.

Et c’est exactement pour ça que les États généraux sur le phoque sont, à mes yeux, l’un des exercices les plus nécessaires de notre temps. Depuis cet été, mémoires et consultations ont commencé à circuler. En novembre, tout ce beau monde se retrouvera à Matane. On pourrait s’attendre à une bataille digne d’une finale de hockey. Mais si l’on est honnête, l’audace est déjà là : rassembler chasseurs, pêcheurs, communautés autochtones, scientifiques, institutions et simples citoyens dans un même processus, c’est sortir du réflexe confortable du chacun-pour-soi. C’est accepter de confronter des vérités incompatibles et de chercher quand même à avancer.

Évidemment, personne n’imagine qu’on sortira de là en se donnant tous la main autour d’un feu de camp. Mais il y a une valeur immense à mettre cartes sur table, à écouter vraiment, et à faire coexister des points de vue qui autrement s’ignoreraient. Le but n’est pas de fabriquer une unanimité en papier mâché, mais de créer un socle minimal où l’on peut bâtir. Le simple fait que ce chantier ait lieu, porté par trois organisations qui auraient pu rester campées chacune sur sa légitimité – l’Association de chasseurs de phoques intra-Québec (ACPIQ), l’Agence Mamu Innu Kaikussesht de la Côte-Nord (AMIK) et Exploramer – est en soi un signal fort.

Ce qui est fascinant, c’est que ce débat sur le phoque déborde largement du Saint-Laurent. Il parle de nous, de notre rapport aux ressources, de notre difficulté à conjuguer science, culture, économie et perception publique. Il met en lumière cette manie de travailler en silos : les pêcheurs d’un côté, les scientifiques de l’autre, les communautés autochtones encore ailleurs, et les décideurs à distance, coincés dans des règlements qui ne se parlent pas entre eux. Le phoque devient ainsi le test grandeur nature de notre capacité à casser les cloisons.

Cohabiter dans la complexité

Il faut dire les choses simplement : si nous échouons à trouver une façon intelligente de gérer un dossier comme celui du phoque, comment prétendre aborder des enjeux encore plus vastes — la crise climatique, la gouvernance des océans, ou l’avenir de nos pêcheries? C’est pour ça que ce moment est si important. Ce n’est pas seulement une discussion sur un animal. C’est un laboratoire de cohabitation, où l’on voit si, enfin, on peut arrêter de se renvoyer la balle et construire ensemble quelque chose de cohérent.

Le phoque, lui, continuera de plonger dans les eaux froides du Saint-Laurent, sans se soucier de nos débats. Mais à travers lui, c’est notre capacité collective à faire de la place aux désaccords, à conjuguer les savoirs autochtones et la science moderne, à réconcilier économie locale et perceptions globales qui est mise à l’épreuve. Les États généraux ne régleront pas tout, et il serait naïf de l’attendre. Mais ils constituent une respiration, une chance rare de sortir du cercle vicieux des accusations croisées.

Alors que les premières consultations sont déjà entamées et que les participants se préparent à l’échéance de novembre, il faut reconnaître le courage de ceux qui ont accepté d’entrer dans l’arène. C’est un exercice exigeant, inconfortable, mais nécessaire. Et il mérite d’être salué non pas parce qu’il promet des solutions miracles, mais parce qu’il nous oblige à affronter ce que nous évitons trop souvent : la complexité.

Le phoque n’est pas l’ennemi ni l’allié. Il est le révélateur. Et les États généraux, amorcés cet été, sont l’occasion unique de montrer que nous sommes capables de dépasser les slogans faciles pour enfin apprendre à cohabiter.

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  • Appel de textes Mouton Noir novembre-décembre 2025
    APPEL DE TEXTES : Vol. XXXI, no 2 novembre-décembre 2025 Date de tombée : 15 octobre 2025 700 mots maximum Pour notre numéro de novembre-décembre, les élections municipales au Québec seront passées. Mais parlez-nous de vos attentes envers les gouvernements municipaux. Les enjeux, les problématiques, etc. Ces dernières années et de plus en plus, la violence mène le monde. Trump et ses milices, le génocide en Palestine et les policiers qui utilisent la coercition et leurs armes. Qu’en dit
     

Appel de textes Mouton Noir novembre-décembre 2025

29 septembre 2025 à 09:09

APPEL DE TEXTES : Vol. XXXI, no 2 novembre-décembre 2025

Date de tombée : 15 octobre 2025

700 mots maximum

Pour notre numéro de novembre-décembre, les élections municipales au Québec seront passées. Mais parlez-nous de vos attentes envers les gouvernements municipaux. Les enjeux, les problématiques, etc. Ces dernières années et de plus en plus, la violence mène le monde. Trump et ses milices, le génocide en Palestine et les policiers qui utilisent la coercition et leurs armes. Qu’en dites-vous? Parlons aussi d’économie, les prix augmentent mais les salaires ne suivent pas…Que pouvons-nous faire? Exprimez-vous aussi d’environnement et autres sujets que vous jugez pertinents.

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SECTION CULTURELLE CHAMP LIBRE

Nous vous invitons à nous envoyer vos critiques de cinéma, de livres, de musique, d’arts visuels, d’art de la scène et autres manifestations artistiques ainsi que vos réflexions sur la place de l’art et de la culture en région.

Date de tombée : 15 octobre 2025

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  • L’amour, l’art et le hasard, une philosophie de la vie en résistance
    Le dernier siècle avant l’aube est le nouveau de Jean Bédard qui sort le 15 octobre prochain. Sous la forme d’un roman historique, nous traversons l’histoire d’Akivè, jeune Juif exilé dans la tourmente du XXᵉ siècle. En  débordant largement de ce cadre, l’auteur nous fait voyager à travers plusieurs méditations incarnées par plusieurs personnages forts, comme le hasard, l’absurde, la cruauté, mais aussi l’amour, l’art et la mémoire. Le roman devient ainsi une fresque philosophique où se joue la
     

L’amour, l’art et le hasard, une philosophie de la vie en résistance

19 septembre 2025 à 14:22

Le dernier siècle avant l’aube est le nouveau de Jean Bédard qui sort le 15 octobre prochain. Sous la forme d’un roman historique, nous traversons l’histoire d’Akivè, jeune Juif exilé dans la tourmente du XXᵉ siècle. En  débordant largement de ce cadre, l’auteur nous fait voyager à travers plusieurs méditations incarnées par plusieurs personnages forts, comme le hasard, l’absurde, la cruauté, mais aussi l’amour, l’art et la mémoire. Le roman devient ainsi une fresque philosophique où se joue la possibilité d’une humanité qui arrive à maintenir sa compassion originelle grâce au respect des liens qui nous unissent. Explorons ensemble les différentes méditations du roman à travers cet article.

Le hasard et l’absurde : la dé-liaison

Chez Jean, le hasard n’a rien de libérateur. Il est « le premier péché du monde », une force de dé-liaison qui défait les liens, disperse le sens et réduit l’existence au non-lieu. L’absurde, c’est ce vide menaçant qui nous guette lorsque les pages de notre vie cessent de tenir ensemble. À cette logique du chaos, Jean oppose la permanence des vérités éternelles, comme celles des mathématiques, de la science et des grandes paroles d’amour face aux changements violents qui menacent la vie sociale et politique. Cette opposition nous offre la possibilité de constater comment les personnages arrivent à tenir au creux de leur cœur un sens à leur vie à travers ces vérités éternelles. Je pense surtout à Génia, un personnage féminin puissant, qui arrive à traverser les goulags de Russie par les vérités scientifiques, malgré la douleur et la souffrance de l’environnement direct.

L’amour comme sève vitale

Face à l’absurde, l’amour est une autre vérité éternelle. Elle apparaît comme la réponse première. « L’amour est à l’être humain ce que la sève est à l’arbre » : un lien vivant, souple, organique, qui nourrit le sens de son existence. Contrairement à la chaîne, qui attache et enferme, la sève libère et fait croître. Dans le destin d’Akivè, partagé entre la fidélité à Génia, son amour d’enfance, et la rencontre d’Elke, son épouse, se déploie une vérité paradoxale : aimer, ce n’est pas choisir, mais apprendre à habiter plusieurs fidélités, dans une circulation qui fait grandir en profondeur et en largeur.

L’art comme vérité et don de soi

L’art, lui aussi, est pour Jean une force de résistance à l’absurde. Il ne se réduit pas à n’être qu’une simple virtuosité, mais plutôt un langage qui exprime les singularités de chaque chose perçue par le cœur et par les sens. L’art véritable se tient entre interdit et révélation, pauvreté et transcendance. Il dévoile le mal en le montrant, il relie plutôt qu’il explique. Mais il se fragilise lorsqu’il devient industrie soumise au marché. Seule la sincérité — le fait de « se communiquer totalement » — garantit sa vérité. L’art demeure alors ce qui nous arrache à la torpeur, ce qui garde vivant le cri de compassion de l’humanité.

La guerre et la cruauté : perte de l’innocence

Jean n’idéalise pas l’humanité. La guerre révèle la cruauté comme moteur de l’histoire, alimentée par la perte de l’innocence. La mort d’un enfant, scandale absolu, nourrit un ressentiment qui se mue en haine et justifie la violence. Fascisme et communisme institutionnalisent cette cruauté, qui s’appuie moins sur l’adhésion que sur la passivité : « Au fond de ma conscience, je savais ; au fond de ma volonté, je cédais. » Contre cette logique, une seule voie : refuser la cruauté comme fondement, préserver la sensibilité du cœur, demeurer fidèle à l’innocence et cultiver la compassion innée au cœur de l’humanité.

Une philosophie du plein et du vide

Au cœur de cette œuvre se dessine une pensée vibrante : ni le néant, trop vide pour engendrer, ni la plénitude, trop pleine pour créer, ne peuvent fonder l’être. La vie surgit dans le jeu entre les deux, dans cette oscillation fragile qui empêche l’absurde de triompher. C’est là que prennent sens l’amour, l’art et la mémoire : non comme consolations sentimentales, mais comme puissances organiques capables de résister au hasard destructeur et capable de erelier l’humanité dans une communauté vivante.

Conclusion

Le dernier siècle avant l’aube est donc moins un récit d’exil qu’un manifeste de survie spirituelle. Jean Bédard y trace une philosophie de la résistance : résister au hasard, à la cruauté et à l’absurde par l’amour, la compassion, l’art, la vérité et la mémoire. Fidèle à une tradition philosophique de vigilance, il rappelle que l’humanité se joue dans la manière de préserver ses liens de sève, de garder sensible son cœur, et de refuser les chaînes qui l’enferment.

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  • Changement de culture: Combien d’animaux sont morts pour notre assiette?
    En janvier dernier1, dans le cahier « Plaisirs » du Devoir, j’ai lu la chronique de Josée Robitaille intitulée « Cuisiner écolo et écono ». J’y ai appris que « 60 % [des] GES liés à l’alimentation sont dus à l’élevage2 »; Robitaille propose donc de diminuer la taille de nos portions de viande ou d’en manger moins souvent. Cela tombe sous le sens de le rappeler, car c’est un des gestes individuels pour le climat que les Québécois rechignent le plus à adopter3. Elle ajoute qu’« [à] titre comparati
     

Changement de culture: Combien d’animaux sont morts pour notre assiette?

11 septembre 2025 à 11:48

En janvier dernier1, dans le cahier « Plaisirs » du Devoir, j’ai lu la chronique de Josée Robitaille intitulée « Cuisiner écolo et écono ». J’y ai appris que « 60 % [des] GES liés à l’alimentation sont dus à l’élevage2 »; Robitaille propose donc de diminuer la taille de nos portions de viande ou d’en manger moins souvent. Cela tombe sous le sens de le rappeler, car c’est un des gestes individuels pour le climat que les Québécois rechignent le plus à adopter3. Elle ajoute qu’« [à] titre comparatif, pour produire 1 kg de viande, le bœuf produit 60 kg de CO2, le porc […] en produit 7 kg et le poulet, 6 kg. Privilégions donc ces viandes moins dommageables pour l’environnement et moins gourmandes pour le portefeuille4 ».

Lisant cela, j’ai néanmoins tiqué. Combien de vies animales de plus sont-elles ôtées si on remplace tout le bœuf qu’on mange par du poulet? Ou par des poulets, si on ose écarter le déterminant partitif : dire de la viande invisibilise la mort de l’animal – on en parle « comme d’une ressource5 » au lieu d’un être vivant. Ainsi le langage participe-t-il au « monde obscurci », concept du philosophe Günther Anders, où, dans les mots d’Yves-Marie Abraham, « nous devenons incapables non seulement de percevoir les conséquences de nos actes, mais même de les imaginer ».

Ces mots proviennent de la postface de La chèvre et le chou : débat entre un artisan fermier et un militant végane6. Tout au long de ma lecture du livre, j’ai espéré en vain que les deux positions se rejoindraient; finalement Abraham, dans sa postface intitulée « Et le capitalisme? Bordel! », identifie l’ennemi commun : « les modes de vie dominants » de la civilisation industrielle qui « reposent sur l’élevage intensif de milliards d’animaux domestiques, à qui nous infligeons des souffrances atroces, avant généralement de les abattre à la chaîne7 ». Ce sont ces conditions décrites dans des livres qui m’ont détournée de la viande à dix-huit ans. Je continuais néanmoins à manger du poisson et des fruits de mer, choix que j’ai postrationalisé ainsi : « Je mange ce que je serais capable de tuer »… si j’étais mal prise, et tout en pleurant les dix milliards de poissons et crustacés tués pour notre consommation au Canada en 20228.

L’impact environnemental de l’élevage industriel est indéniable : émissions de méthane et de CO2, déforestation pour faire pousser la nourriture du bétail, pollution de l’eau, etc. Cependant, dans une perspective d’autonomie alimentaire et de sobriété, la voie des petits élevages locaux ou d’une chasse sans gaspillage a aussi sa place. Il semble à Abraham, et j’abonde dans son sens, « que la solution la plus sage consiste à appréhender ces dilemmes […] en refusant de choisir l’une de ces positions (rejeter le “ou”), pour essayer au contraire de les tenir ensemble (adopter le “et”), en dépit de ce qu’elles peuvent avoir de contradictoire9 ».

On fait quoi?

On trace sa ligne, selon sa sensibilité : viande locale uniquement, aucun produit animal (alors, faisons vérifier nos taux de fer et de vitamine B12)… On apprend à cuisiner végétal (c’est écono!) et à apprécier pleinement les produits animaux quand/si on en mange.

On lit

Avec les enfants, l’album La grande évasion de Roquette : d’après une histoire vraie, de Josée Dupuis et Camille Lavoie10. Bravo de lever le voile sur les conditions industrielles de production de la chair de poulette auprès des enfants, que plusieurs consomment régulièrement.

1. Un des plaisirs d’écrire pour un média indépendant, c’est le rapport au temps : ce texte sort plus de six mois après la chronique à laquelle je réagis, et c’est parfait.

2. Josée Robitaille, « Cuisiner écolo et écono », Le Devoir, 18 et 19 janvier 2025, p. C6.

3. Groupe de recherche sur la communication marketing climatique, Baromètre de l’action climatique 2024, p. 27.

4. Josée Robitaille, loc. cit.

5. Guillaume Meurice, Peut-on aimer les animaux et les manger?, La Martinière Jeunesse, coll. « ALT », 2023, p. 27.

6.  Dominic Lamontagne et Jean-François Dubé, La chèvre et le chou : débat entre un artisan fermier et un militant végane, Écosociété, 2022; p. 273.

7.  Ibid., p. 269.

8.  Animal Justice, https://animaljustice.ca/blog/how-many-fishes-does-canada-kill.

9.  Dominic Lamontagne et Jean-François Dubé, op. cit., p. 272.

10.  De L’Isatis, 2024.

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  • Je suis « pauvre conne »
    Pierre Desproges disait : « Argumenter avec un imbécile, c’est comme se masturber avec une râpe à fromage : beaucoup de douleur pour peu de résultat. » Vous savez ces gens vaniteux et braqués, de mauvaise foi jusqu’au trognon, qui profèrent n’importe quoi pour faire effet et défendent des positions rigides et indélogeables, n’hésitant pas à insulter, à ridiculiser, à humilier pour mettre de l’avant leur position, et leur fraise avec. Ils ont des arguments patentés, jouent de populisme et de p
     

Je suis « pauvre conne »

10 septembre 2025 à 11:19

Pierre Desproges disait : « Argumenter avec un imbécile, c’est comme se masturber avec une râpe à fromage : beaucoup de douleur pour peu de résultat. »

Vous savez ces gens vaniteux et braqués, de mauvaise foi jusqu’au trognon, qui profèrent n’importe quoi pour faire effet et défendent des positions rigides et indélogeables, n’hésitant pas à insulter, à ridiculiser, à humilier pour mettre de l’avant leur position, et leur fraise avec. Ils ont des arguments patentés, jouent de populisme et de peurs et ils parlent fort.

« Petits cons d’la dernière averse ou vieux cons des neiges d’antan », disait l’autre.

Pour les uns, c’est un trait de personnalité, pour d’autres, c’est un métier. Pour certains, une vocation. Propagateurs de colère mal dirigée.

Ces grotesques personnages, j’essaie le plus souvent de les ignorer. Je dois dire que, depuis la pandémie, je me suis désintéressé de la doxa médiatique québécoise et de son traitement de l’information. J’ai boudé aussi bien la radio d’État que les médias écrits ou le contenu Web pour des équivalents étrangers. J’écoute actuellement l’analyse des élections canadiennes sur France Inter.

Je ne me reconnaissais pas dans le narratif de nos médias, tantôt clivants, tantôt consensuels. Alignés que nous étions sur la montée de cette extrême droite mondiale qui fait peur, nous avions des discours lourds, l’horizon nous semblait sombre (pas juste à cause du smog, mais aussi).

J’avais ce sentiment que, dans les médias, nous manquions dramatiquement de réelle curiosité et de voix discordantes, que nous avions besoin d’une parole qui nous laisse entrevoir mieux au lieu de se blâmer les uns les autres. Ce sont ces voix qui disent le monde de demain.

Au Québec, on est fins, on aime le consensus, on n’aime pas trop remettre en question les choses, de peur de découvrir que notre grand-mère était raciste. Mais, à force de ne pas regarder les choses en face, on crée une doxa morne tissée d’à-peu-près et un narratif qui ne rejoindra pas les nouvelles générations. C’est pourquoi nous avons besoin de « dissensus », pour chercher à rejoindre et à représenter plus large. Évoluer? Maybe not. Mais le débat social peut se faire de façon civilisée et respectueuse.

Si je sors de mes gonds aujourd’hui, c’est que je constate que ces voix non consensuelles, on tente de les faire taire par un nouveau business de cyber-intimidation, et par la voix des « papes » de la liberté d’expression.

L’incidence

Peu à peu ont émergé, dans des médias mainstream, deux voix qui faisaient écho à mes pensées : celles de Kev Lambert et de Marie-Élaine Guay. Deux voix qui sortaient de sous le voile du consensuel et qui mettent le doigt où personne n’ose regarder; deux jeunes éduqués, sensibles et intelligents qui consacrent le bref spotlight que l’on donne à des artistes ès lettres pour parler d’une société plus juste.

Il n’en fallait pas plus pour que nos amis de la râpe à fromage les envoient rejoindre Safia Nolin dans leur collection de marottes « wokes », de punching bag pour discours clivants. 

Je n’ai même pas envie de parler des idées de Richard Martineau. Ça ne m’intéresse pas. Mais je trouve important de ne pas accepter que l’intimidation soit une business médiatique. Quand Martineau, en pleine connaissance de l’origine de l’expression « ne pas lire les commentaires », traite Marie-Élaine Guay de « pauvre conne », il sait que ce qu’il nourrit risque de nuire à l’intégrité et à la santé de quelqu’un, mais il s’en torche car ça génère de clics (il doit sécuriser sa retraite). 

En sport, c’est la stratégie qui consiste à casser un membre à celui qui te bat à coup sûr pour qu’il déclare forfait. Ben, on appelle ça de la violence et de l’intimidation, de l’incitation à la haine. En plein ce qu’elle dénonçait, avant de s’en prendre plein la gueule.

Et quand une entreprise comme Québecor ou TVA fait la business de l’intimidation en relayant la vidéo sur ses plateformes et en la mettant à la merci de sa horde de trolls, malgré les nombreux signalements, il y a quelque chose de pourri dans le royaume des médias. Je ne suis pas du genre à promouvoir la censure. Mais, je crois qu’il faut se rendre compte que l’intimidation n’est pas un « mode d’expression » ni un gagne-pain. J’en sais quelque chose :

Extrait de mon journal : « Ne plus commenter un post de Roméo Bouchard. CPT. »

Il faudra que les gens en autorité prennent acte, s’excusent et assument le cercle de violence qu’ils alimentent impunément. Il faudrait que nous nous donnions des leviers pour régir cette violence numérique et pour blâmer ceux qui exploitent ces failles réglementaires pour casser leur sucre.

Personnellement, j’aime pas mal mieux être une « pauvre conne » qu’un chroniqueur d’opinions. 

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  • J’aime les gens qui doutent1: Entrevue avec Gaston Desjardins
    Aussitôt assis ensemble au Chapeau Moustache, Gaston Desjardins et moi invoquons nos grands-pères, nos pères, prenons avec eux et nos chiens une marche imaginaire en forêt. Entre des moulins à scie d’hier et d’aujourd’hui, des gorgées de lait d’or pour moi et de latté pour lui, revit une mémoire à la fois intime et collective. Nous nous retrouvons autour des lambeaux d’une culture canadienne-française démodée. À la faveur de son livre L’arrière-boutique de l’histoire, je veux l’entendre me parle
     

J’aime les gens qui doutent1: Entrevue avec Gaston Desjardins

8 septembre 2025 à 09:11

Aussitôt assis ensemble au Chapeau Moustache, Gaston Desjardins et moi invoquons nos grands-pères, nos pères, prenons avec eux et nos chiens une marche imaginaire en forêt. Entre des moulins à scie d’hier et d’aujourd’hui, des gorgées de lait d’or pour moi et de latté pour lui, revit une mémoire à la fois intime et collective. Nous nous retrouvons autour des lambeaux d’une culture canadienne-française démodée. À la faveur de son livre L’arrière-boutique de l’histoire, je veux l’entendre me parler de la moisson d’un gars qui semble encore surpris d’avoir passé le plus clair de sa vie à l’université. Rencontre avec un cascadeur de l’éducation.

Philippe Garon  Pour paraphraser Yvon Deschamps, l’histoire, « qu’ossa donne? »

Gaston Desjardins  Au fil de ma carrière, de mes recherches, je me suis évidemment beaucoup interrogé sur l’histoire, sur sa fabrication et son enseignement. J’ai accumulé plein de brouillons, d’esquisses, sans savoir quoi en faire. En prenant ma retraite, je voulais paresser. Mais ça me chicotait. Je me rendais compte qu’au-delà de la dimension intellectuelle, je voulais parler de l’expérience de la personne, du vécu de l’historien. Avec une mémoire sensible. Plus t’es vieux, plus tu peux avoir de la perspective. Cette dimension organique n’apparaît pas nécessairement dans le discours académique officiel. En me détachant des contraintes institutionnelles, je pouvais écrire d’une manière qui n’entre pas nécessairement dans le cadre de la discipline. Pour méditer au sens de mon métier. Évidemment, on entend souvent que l’histoire peut servir à dessiner l’avenir. Mais pas toujours. Les tyrans nous montrent bien qu’ils savent eux aussi se servir du passé…

P. G.  Ça me fait penser à Hegel qui disait que l’histoire nous apprend que nous n’apprenons rien de l’histoire.

G. D.  Oui, pour moi, ça entre justement dans cette croyance selon laquelle la science va tout régler. Le mythe de la scientificité, c’est un des thèmes dans lesquels je voulais plonger. Comme l’instrumentalisation de l’histoire. Les enjeux de liberté, de connaissance et de pouvoir également. Pouvoir dans le sens des multiples rapports de forces qui s’exercent en société, sur le plan politique évidemment, économique, mais aussi dans le cadre universitaire. Toute corporation revendique la valeur scientifique de ses thèses, c’est légitime. Cela dit, c’est bien beau la cueillette et l’analyse de données. Sauf que l’histoire, c’est aussi un récit. On a une relation affective avec notre passé. Peu importe l’époque, les événements, les personnages auxquels on s’intéresse, on doit rester conscient que c’est une interprétation. Qu’on est dans la subjectivité.

P. G.  Sauf que de cette manière, on arrive difficilement à des réponses définitives…

 G. D.  La certitude, c’est le pire ennemi de la connaissance. Les réponses sont sans cesse à construire. C’est une quête. Une boucle perpétuelle. Nous sommes à la fois ce qui nous brûle et ce que nous brûlons, ce que nous absorbons de partout, physiquement et symboliquement. En plus des universitaires, plein d’autres personnes s’intéressent à l’histoire : des libraires, des journalistes, des muséologues, des artistes, tout ça donne une diversité de points de vue qui peut enrichir notre questionnement. À moins que ce soit malveillant. Ce qui renforce l’idée selon laquelle, comme citoyens, on doit cultiver le doute, même si c’est exigeant.

P. G.  Dans un autre ordre d’idées, tu t’intéresses aux fantômes, mais pas nécessairement comme phénomène paranormal.

G. D.  Le travail de l’historien, c’est d’interroger des morts, d’emprunter leur regard, de vivre leurs émotions. Les historiens parlent tout le temps avec les morts et, pourtant, ils ne le disent jamais. Ils font le pont entre la vie et la mort. Converser avec les morts, ça peut nous apprendre beaucoup, nous apprendre à mourir même.

1. Merci à Anne Sylvestre.

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  • Élections municipales 2025 : Un Devoir citoyen en latence, tout le long des deux rives du Saint-Laurent!
    Élections municipales 2025 : Un Devoir citoyen en latence, tout le long des deux rives du Saint-Laurent! Je soumets cette analyse critique le plus positivement du monde, dans l’espoir d’être de quelque utilité pour la communauté et le bien-commun. Car il faudra bien reconstituer des communautés cohésives, solidaires et responsables et avancer vers une société écoresponsable prospère et cohésive. La période des élections municipales approche. Des cohortes de représentants à élire, quelques
     

Élections municipales 2025 : Un Devoir citoyen en latence, tout le long des deux rives du Saint-Laurent!

5 septembre 2025 à 13:28

Élections municipales 2025 : Un Devoir citoyen en latence, tout le long des deux rives du Saint-Laurent!

Je soumets cette analyse critique le plus positivement du monde, dans l’espoir d’être de quelque utilité pour la communauté et le bien-commun. Car il faudra bien reconstituer des communautés cohésives, solidaires et responsables et avancer vers une société écoresponsable prospère et cohésive.

La période des élections municipales approche. Des cohortes de représentants à élire, quelques fois en remplacement en raison de l’hostilité de citoyens, par effet d’usure sous la critique répétée ou les frustrations de ne détenir que des pouvoirs décisionnels et des ressources régionales limitées ou insuffisantes, ou simplement par l’incompréhension de ce que devraient être les devoirs des élus envers le bien commun et la prospérité à long terme des villages et des villes et de leurs citoyens. Il serait utile que les électeurs exercent un choix judicieux en faveur de ceux et celles qui auront à cœur l’écologie, l’Environnement, la santé environnementale et qui auront fait preuve de conscience citoyenne au-delà d’intérêts, d’aveuglements ou de raisons spécieuses.

Quel mal ronge donc notre démocratie municipale? J’avancerai, à l’essai, que le mal vient du fait que des politiciens et des intérêts partisans ou égocentriques ont usurpé le pouvoir des citoyens et l’ont concentré dans une machine bureaucratique de plus en plus lourde, méprisante et hautaine sans que ne soit respecté le devoir d’une véritable reddition des comptes : révéler la vérité en toute transparence, analyser et évaluer, consulter avant de décider, décider en collégialité, puis agir : Vérité, devoir, vaillance, conscience.

Ce que nous expérimentons de la démocratie est devenu une illusion d’un pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. C’est l’exercice du pouvoir par les partis politiques, leurs députés et un gouvernement central omniscient s’il est fortement majoritaire. Les municipalités sont officiellement des « créatures » de ce gouvernement central et on fait bien sentir la futilité de pouvoirs municipaux.   Un défi démocratique perdure.

Il faut renverser des attitudes néfastes et refonder notre démocratie sur sa base de la participation citoyenne dans les municipalités et les régions. Une image révélatrice : si déjà les sièges des élus dans les salles des conseils municipaux étaient plus modestes et ceux des citoyens plus nombreux ! Déjà par ce théâtre du pouvoir, on fait sentir que le citoyen est l’inférieur, l’écrasé, le censitaire qui doit se taire, que sa présence n’est qu’au mieux tolérée ! Le rôle de l’État central, c’est de coordonner et d’assurer l’équité sociale, l’intégration et la cohésion, la prospérité et la cohérence de l’aménagement territorial, ce n’est pas de tout contrôler par le jeu des pouvoirs exécutifs et législatifs trop amalgamés, ce n’est pas d’étendre la toile de la fonction publique, le nombre de fonctionnaires et alors d’obstacles bureaucratiques, normatifs et réglementaires. La lourdeur n’est pas garante de succès à des jeux olympiques! Un équilibre pragmatique doit s’établir entre les paliers des Pouvoirs, et toujours l’amour de la patrie doit primer sur les impulsions affairistes. La complexité et la lourdeur de l’appareil gouvernemental ne peuvent pas constituer des prétextes pour nier l’imputabilité et le devoir de transparence.

Devant un juste, nul besoin de tout contrôler, de tout policer! l’État doit créer des conditions gagnantes, orienter les grandes décisions, développer des consensus de fond, guider, mener des études validées, développer une organisation systémique capable de réaliser efficacement de grands projets et de grandes missions et de répondre à des impératifs nationaux. Cependant, tout ce que la complexité des infrastructures techniques et technologiques ou des structures organisationnelles apportent pour élaborer des plans et réaliser des actions gagnantes doit être évalué en fonction de critères de cohérence, d’efficacité, de véracité et de reddition des comptes. Aux grands défis, concentrer de grands moyens en un grand État. Cependant la vie de tous les jours relève de la vie de village et de la responsabilité individuelle et de la conscience citoyenne. Voilà globalement.

Soyons clair : la prise en charge du territoire et de la communauté peut et doit se faire d’abord au niveau municipal et régional, dans le respect des libertés individuelles : la protection des boisés, des milieux humides, des cours d’eau, des berges, l’accès à l’eau propre des rivières et des lacs, le logement, la culture, les loisirs, la famille, les transports locaux, la santé publique, l’autonomie alimentaire, la qualité de l’eau potable et de l’air, le patrimoine architectural, l’agriculture, la vie communautaire et même la gestion courante de services de santé et d’éducation et la promotion du bien-être des enfants et des personnes âgées relèvent aussi de responsabilités communautaires et citoyennes. <<Ça prend tout un village pour éduquer les enfants!>>, non une omniprésente et omnipotente fonction publique!

Dans les faits, on aura dépossédé nos villages de leurs fonctions vitales en même temps que les carrés centraux et les kiosques à musiques auront été délaissés au profit de projets de centres d’achat excentriques, et maintenant plus encore par les entrepôts des bannières multinationales américaines. Par extension, acheter local exerce une influence sur la qualité de la vie démocratique aussi bien que sur la protection de l’architecture patrimoniale!

Cependant, la conduite des affaires publiques ne peut pas se faire uniquement par les élus municipaux, même si c’est à eux que les citoyens auront délégué, un temps, le pouvoir local légitime de décider. Il est essentiel que les citoyens s’organisent pour intervenir en permanence auprès de leurs élus, pour les soutenir dans la réalisation d’objectifs communs ou les rappeler à l’ordre qu’exige le Bien commun. Une « Assemblée citoyenne locale », un Conseil indépendant, devrait pouvoir réagir, faire pression auprès des élus et faire valoir qu’il y a ou non cohérence ou acceptabilité sociale ou que le devoir de précaution et d’évaluation aura été respecté. Celle-ci devrait disposer d’un minimum de moyens pour s’informer et informer la population exercer un devoir de précaution et de consultation. Elle devrait pouvoir se servir sans entraves du mécanisme d’initiative populaire consultatif (référendum consultatif prévu dans le Code municipal). Ce mécanisme permet de soumettre à un vote populaire l’adoption ou le rejet de règlements ou de projets, si un nombre suffisant de citoyens en font la demande. Sans cette participation citoyenne à la prise en charge de leur communauté et de leur milieu, on le constate, les élus se retrouvent coincés devant une foule de « clients» intolérants ou de promoteurs qui en veulent toujours plus, ou de citoyens qui leur en veulent tout court d’attitudes méprisantes ou de conflits d’intérêt. Plus les mensonges s’accumulent, plus la frustration monte, et l’intolérance monte aussi. Les fusions municipales ou la diminution du nombre de conseillers ou le déni de responsabilités ne constituent pas des solutions heureuses.

On objectera que les élus municipaux n’ont ni les pouvoirs ni les ressources pour mettre en œuvre une prise en charge de tout et en tout. Certes. Pourtant, les devoirs de précaution, d’information et de consultation doivent prévaloir. Ainsi, eu égard à des projets qui auraient des impacts de destruction de milieux humides, de pollution de l’eau et des berges, de non-respect des bandes riveraines et ainsi de suite, un élu aurait le devoir d’oser intervenir même au-delà de balises réglementaires; oser exiger, innover, miser sur les ressources et les moyens communautaires et la mobilisation citoyenne. La précipitation à autoriser un projet de développement indiquerait déjà sa faiblesse (ainsi le cas Northvolt, et bien d’autres). Développer des consensus et valider l’acceptabilité sociale et toujours évaluer constituent des garanties de succès tant économiques que communautaires de projets, en plus encore de mégaprojets qui écrasent les citoyens. Exécuter efficacement certes, mais après une évaluation serrée et éclairée. On confond trop le développement régional à des développements financiers bénéfiques pour quelques influenceurs ou d’entrepreneurs pressés. Un projet que l’on dit pressé de réaliser, donne déjà le signe d’un mauvais projet car la précipitation cache bien des lacunes et des couleuvres! Développer en urgence n’est pas garant de progrès si des destructions pénalisent l’Environnement et les écosystèmes et l’harmonie des architectures patrimoniales et de beaux villages. Être un élu ou un citoyen responsable, serait être prêt à prendre des risques pour le bien commun, dont le risque de tout évaluer avec la participation et la consultation des citoyens. Rien de plus malsain que cette culture de la dépendance aux développements affairistes ou du désengagement envers l’environnement. La cohésion sociale en souffrirait alors. Une illustration par analogie : l’intégration linguistique et sociale relève de responsabilités des élus et de la communauté, car il n’y a pas de cohésion sans intégration, et alors entendre des élus rejeter sur un autre palier gouvernemental ces responsabilités citoyennes – (paradoxalement le préfet de MRC n’est pas élu à cette fonction par suffrage universel, mais par un jeu de coulisses où l’un enclin à accepter les projets de développements à intérêts particuliers serait favorisé. L’élection des préfets ne devrait-il pas être soumis à une sorte de droit de regard d’un comité citoyens, de sages?) – et prétexter que cela relève de tel ou tel autre ministère, ou d’un ministère de l’Environnement de plus en plus désengagé envers l’Environnement. Un tel laisser-aller moral devrait disqualifier un candidat à une élection municipale ou le livrer à une procédure de destitution s’il est trop enclin aux compromissions et ne consulte pas les citoyens. Bref, on entend trop des ‘’cela relève de l’autre palier politique’’ dans les petites municipalités et les MRC…

Le Québec constitue un immense territoire composé de grandes régions porteuses de valeurs culturelles et sociétales distinctes, et aux ressources particulières qui conditionnent la vitalité économique, sociale et écologique. Le tout forme un corps national inviolable. Et le Québec s’est construit de l’esprit du <<Fleuve aux grandes eaux ». Et cette terre est notre terre commune. Chaque région, chaque village, chaque quartier contribue à forger l’âme du peuple, à fonder sa souveraineté. Une situation de problèmes là est affaire de tous, en communion. Cependant, il n’y a pas de plan d’aménagement et d’occupation territoriale cohérent décidé par l’ensemble dans un forum social national  collectif consensuel, que des étalements, des fragmentations des terres agricoles et des bois et des champs, des sols et des sous-sols livrés à des développements aveugles, à des intérêts mercantiles ou égocentriques; et, le Fleuve aux grandes eaux jadis le paradis d’un foisonnement de poissons et de crevettes et de biodiversité serait déjà en très mauvais santé…Sous trop de développements, la beauté est nulle part, la laideur brutaliste s’étend partout. On ne partage pas assez un sentiment de la beauté des paysages et la richesse de l’eau pure, de la naturalité des sols, de la biodiversité……Un pays vaste peuplé de peu de gens mais dévasté de partout, dans ses eaux, dans ses sols, dans ses forêts, dans ses patrimoines, dans ses mémoires identificatrices…

Conséquemment, ne faudrait-il pas promouvoir un engagement à un code d’éthique qui inscrirait un devoir de précaution, un devoir d’évaluation, un devoir d’information et un devoir de consultation? Certes, pour la pérennité à long terme. Globalement, on n’a pas besoin de plus de fonctionnaires municipaux ou provinciaux, mais de plus de Lumière, de plus de référence à un éthos d’un carita patrii soli! de la conscience citoyenne et de la beauté du pays.  L’éthos confère un sens à l’action, donne un sens existentiel à sa propre vie, libère de conflits, encore qu’il faille bien se battre, même mal, pour infléchir l’action dans le sens de la Nature et de la raison de la Nature. La connaissance et l’entendement ne devraient-ils pas aider à relativiser des discordances, à résoudre des désaccords, et à rechercher la coopération pour le bien commun.

Aux prochaines élections municipales, il faudra bien encourager et appuyer les candidats qui auront fait preuve d’engagement et de foi véritable dans l’écologie, l’environnement, la santé de l’environnement. Et, qui porteront le flambeau de la vérité, du devoir et de la vaillance… Il relèverait alors du devoir et de la responsabilité de tous les citoyens de les appuyer, solidairement, ces vrais Hommes!

Michel Pagé.

Réf. Code municipal (c-27); Loi sur les compétences municipales (c-47); Voir aussi des notes sur les MRC dans architecture proposé à MRC,

Mots clé : devoir de précaution, devoir de consultation, participation citoyenne, devoir d’évaluation, Environnement, Santé de l’Environnement et santé publique. Prospérité, Naturalité. Devoir de reddition. Complexité de l’appareil bureaucratique

Seul un fou couperait la branche sur laquelle il se tient en équilibre, et pourtant bien de vains élus ne font que cela, et Ils seraient élus par des gens qui s’aveuglent aux chants des sirènes du gain à court terme, de l’égocentrisme et de raisons financières narcissiques, à courts termes. Développons, mais pour qui, pour quelques-uns et la gloire de quelques élus en mal d’être appréciés… Les grands ont de grands sentiments, les petits de petits...… Une économie écologique requiert un environnement et des systèmes écologiques sains. Cependant, on se ment tellement à soi-même pour camoufler…
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  • Le Géouïdire : la revue étudiante en géographie
    Voilà déjà 20 ans que Le Géouïdire, la revue des étudiants et des étudiantes en géographie, ouvre ses pages à la publication d’articles en science et de récits de voyage! Le premier numéro du Géouïdire a vu le jour en mars 2005 et le dix-neuvième en novembre 2019. Aucun numéro n’a été publié depuis la pandémie, mais quelques membres du Regroupement des étudiant.e.s en géographie (REEG) de l’UQAR ont décidé de reprendre le flambeau et lancent un appel de textes pour la publication en septembre du
     

Le Géouïdire : la revue étudiante en géographie

4 septembre 2025 à 08:36

Voilà déjà 20 ans que Le Géouïdire, la revue des étudiants et des étudiantes en géographie, ouvre ses pages à la publication d’articles en science et de récits de voyage! Le premier numéro du Géouïdire a vu le jour en mars 2005 et le dix-neuvième en novembre 2019. Aucun numéro n’a été publié depuis la pandémie, mais quelques membres du Regroupement des étudiant.e.s en géographie (REEG) de l’UQAR ont décidé de reprendre le flambeau et lancent un appel de textes pour la publication en septembre du 20e numéro!

La revue est un bon moyen de communiquer des idées de manière concrète et de rassembler les connaissances de plusieurs auteurs afin de les rendre accessibles. L’information abonde sur Internet, mais revenir un instant à un média écrit en format papier a ce petit quelque chose de rassembleur et de chaleureux.

Le Géouïdire est toujours imprimé en édition limitée, ce qui le rend unique et authentique. Tous les anciens numéros sont accessibles pour consultation à la bibliothèque de l’UQAR et en format PDF sur le site Internet de l’institution1. La rédaction des articles, leur correction et la mise en page ont été rendues possibles au fil des ans grâce à la contribution bénévole de plusieurs étudiants, de personnes chargées de cours, de professeurs ainsi que de chercheurs et chercheuses. Les contributeurs proviennent de différentes disciplines et ont tous un intérêt pour l’environnement et la géographie en tant que science multidisciplinaire. Le Fonds de soutien aux projets étudiants (FSPE) de l’UQAR, l’Association générale étudiante du campus à Rimouski (AGECAR) et le module de géographie permettent également l’existence de la revue depuis les tout débuts.

Les anciens numéros du Géouïdire portent sur différents sujets tels que la nordicité, le voyage en voilier, la politique, l’aménagement du territoire ou encore la cartographie participative. Les étudiants y parlent de leur expérience de stage sur le terrain, d’échange à l’international, de cours d’été ou d’emploi d’été en science de l’environnement. Certains y résument leur projet de recherche en une courte bande dessinée, simplifient un rapport remis dans un cours ou partagent un entretien avec leur professeur. D’autres encore écrivent sur un sujet de leur choix en lien avec l’environnement ou publient des photographies de nature. Des gens de tous les domaines sont bienvenus pour proposer un article puisque la pluridisciplinarité sur un tronc commun qu’est le territoire est centrale.

La presse écrite étudiante est un outil pédagogique qui permet la vulgarisation scientifique pour la communauté universitaire et la population citoyenne. La géographie est une discipline carrefour à la fois humaine et physique, ce qui en fait une science rassembleuse qui aide à la compréhension du monde sur plusieurs plans.  La revue Géouïdire permet aussi de découvrir les membres du module de géographie à l’UQAR qui offre un programme stimulant et dynamique, avec de nombreuses occasions d’apprentissages sur le terrain, en laboratoire, en stage et à l’international.

Vous avez un intérêt pour les sciences de la nature et l’environnement et vous avez envie de partager vos idées? La revue Géouïdire vous invite dès maintenant à soumettre un article pour son 20e numéro!

Pour toute question ou pour soumettre un article, écrire à geoui.dire@gmail.com

Suivez-nous sur la page Facebook de la revue!

[1]. Géouï-Dire, la revue des étudiantes et étudiants en géographie, UQAR, 2025, https://www.uqar.ca/luniversite/departements/departement-de-biologie-chimie-et-geographie/geoui-dire-la-revue-des-etudiantes-et-etudiants-de-geographie/
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  • Prendre position : l’engagement médiatique de gauche au Québec
    En novembre 2022 se tenait la première édition du Rendez-vous des médias critiques de gauche1. Les artisans et les artisanes d’une vingtaine de publications se sont rencontrés pour discuter des défis auxquels font face les médias engagés de gauche au Québec. De cet événement est né le Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)2 qui se veut un réseau de discussion, de partage et d’organisation pour nos médias au Québec. Depuis, le Regroupement rassemble des publications écrites, imprim
     

Prendre position : l’engagement médiatique de gauche au Québec

3 septembre 2025 à 10:28

En novembre 2022 se tenait la première édition du Rendez-vous des médias critiques de gauche1. Les artisans et les artisanes d’une vingtaine de publications se sont rencontrés pour discuter des défis auxquels font face les médias engagés de gauche au Québec. De cet événement est né le Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)2 qui se veut un réseau de discussion, de partage et d’organisation pour nos médias au Québec.

Depuis, le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité poli­tique progressiste. Plus particulièrement, il s’intéresse aux enjeux et aux défis que nos médias rencontrent, ainsi qu’aux stra­tégies logistiques et politiques à mettre en œuvre au bénéfice du Regroupement et de ses idées. Le RMCG compte actuellement 14 médias membres participants, auxquels s’ajoutent trois membres observateurs3, ainsi qu’un large réseau de collaborateurs et de collaboratrices. Globalement, nos médias s’appuient sur le travail collaboratif de militants, de professionnels des sciences sociales et des personnes ou de communautés directement concernées par les sujets traités, pour la plupart sur une base bénévole.

L’engagement médiatique du Regroupement

La méthode de travail de nos médias se déploie généralement en trois temps : une délibération collective en vue de sélectionner les thèmes à traiter, une restitution des faits, puis une réflexion critique, parfois prescriptive. Ce lien entre recherche objective et analyse engagée structure notre démarche médiatique. Pour le RMCG, le travail médiatique vise une transformation sociale qui implique d’abolir les différents systèmes d’exploitation et d’oppression, et d’œuvrer à l’établissement d’une société égalitaire et solidaire. Ces valeurs justifient le choix des sujets abordés, la manière dont on les traite et les personnes sollicitées pour les développer.

Nous pensons que nos médias doivent fournir les outils de compréhension nécessaires pour transformer nos sociétés. Nous constatons que le mythe de la neutralité journalistique défendu par plusieurs médias grand public contribue à faire le lit d’un système qui détruit notre environnement et reproduit les inégalités socio-écono­miques. Cette prétendue neutralité n’est pas un acte de rigueur intellectuelle. C’est plutôt un faux-fuyant pour justifier le consensus libéral, la dépolitisation des enjeux sociétaux, si ce n’est une ligne éditoriale non assumée ou des convictions idéologiques dissimulées. Nos positions transparentes permettent au lectorat de situer nos contenus sur le spectre idéologique, et donc de favoriser la pensée critique.

Notre vision de l’enquête relève du militantisme et tranche avec la vision établie d’un journalisme prétendant à la neutralité tout en suivant les cadres d’un modèle d’affaires4. Notre but est de nourrir le débat public, un principe au fondement d’une mise en œuvre concrète et directe de la démocratie. En ce sens, il nous paraît important de rappeler, à la suite de Pierre Beaudet, militant de longue date et précurseur de la convergence, qu’il « y a une discussion générale, politique, qu’il faut toujours développer, sur les médias, leur rôle dans notre société ».

Le RMCG, tourné vers l’avenir

L’existence du Regroupement a favorisé la mise en com­mun de ressources afin de promouvoir les événements des médias membres, la concertation logistique pour la réalisation de nos lancements respectifs, l’échange de réflexions sur les contenus et la mobi­lisation autour d’enjeux politiques ou de société (notamment autour de la mise à pied des camarades de la revue Relations). De plus, afin de contrer la censure du groupe Meta sur le contenu généré par les médias canadiens, le RMCG a mis sur pied un site colligeant les publications de nos membres (www.gauche.media). Il agit d’un carrefour donnant accès à l’ensemble de nos productions depuis janvier 2023.

Le Regroupement continue de se développer au gré des rencontres, suivant une philosophie d’organisation col­lective et démocratique. Depuis mars 2024, le RMCG s’appuie sur un comité de liaison constitué de quatre membres dont le mandat vise à développer et à promouvoir les activités du regroupement ainsi qu’à faci­liter les communications internes. Après ceux de 2022 et 2024, nous entrevoyons la tenue d’un troisième Rendez-vous des médias critiques de gauche à l’automne 2025. La mobilisation n’est pas terminée : le rôle de catalyseur du RMCG ne fait que commencer. Vous faites partie d’un média qui se définit comme étant de gauche? Vous vous intéressez au processus? Nous vous invitons à rejoindre le mouvement!

1. À ce propos, nous vous invitons à lire l’article « Rendez-vous des médias critiques de gauche » paru dans le numéro 95 d’À bâbord ! : www.ababord.org/Rendez-vous-des-medias-critiques-de-gauche

2.  La liste complète de nos membres est disponible sur le site www.gauche.media

3.  L’Esprit Libre, Leftwingbooks et la Gazette de la Mauricie s’ajoutent au Regroupement à titre de membres observateurs.

4.  À ce propos, nous vous invitons à lire notre texte paru dans le numéro 47 de la revue Le Trente publiée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.

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  • Elon Musk a raison
    Elon Musk est sans doute le plus grand terroriste de notre temps : commercialisation de lance-flammes pour le plaisir, dénaturation du firmament étoilé, greenwashing de masse, implantation de puces cérébrales pour rendre désuètes les interactions, incitation à la haine et transport d’armes par fusée. Musk, c’est aussi l’homme qui a éructé au monde entier deux saluts nazis bien haineux et impétueux pour inaugurer sa courte « bromance » avec l’homme le plus virulent de la planète. Voilà nos gra
     

Elon Musk a raison

2 septembre 2025 à 09:57

Elon Musk est sans doute le plus grand terroriste de notre temps : commercialisation de lance-flammes pour le plaisir, dénaturation du firmament étoilé, greenwashing de masse, implantation de puces cérébrales pour rendre désuètes les interactions, incitation à la haine et transport d’armes par fusée. Musk, c’est aussi l’homme qui a éructé au monde entier deux saluts nazis bien haineux et impétueux pour inaugurer sa courte « bromance » avec l’homme le plus virulent de la planète.

Voilà nos grands gagnants du système capitaliste : ce jeu qui définit notre valeur à partir de notre capacité à accumuler du capital. Un jeu auquel nous jouons pourtant toutes et tous… Ce n’est pas comme si nous en avions vraiment le choix, nous sommes, hélas, enclavés dans ce système de compétition dès l’enfance. Néanmoins, nous savons pertinemment qu’il est impossible (et sans doute non souhaitable) de « gagner ». Il faudrait pour ce faire travailler pendant mille ans sans dépenser un sou pour devenir milliardaire, alors que nos grands gagnants possèdent des centaines de milliards. Mais quelle carte ont-ils dans leur jeu? Comment fait-on pour gagner quand les dés sont pipés? Eh bien, on triche! En effet, plus les autres perdent, plus nous gagnons… Croyez-vous vraiment que la pauvreté du (deux) tiers-monde et les famines meurtrières soient des effets collatéraux du système capitaliste? Elles sont au contraire, selon l’économiste Yves-Marie Abraham, les conditions nécessaires à son implantation1!

Gagner au jeu du capitalisme implique que certains perdent. Si les grands pollueurs, par exemple, étaient conséquents par rapport aux externalités négatives de leur production, ils devraient soit arrêter complètement leur activité ou l’adapter à un point tel qu’ils feraient beaucoup moins de profit. Pourtant, ce n’est pas ce qu’on constate : nos dirigeants sont englués dans un acharnement à l’accélération. On connaît les effets : destruction des conditions d’habitabilité terrestres, pauvreté, pollution, acidification des océans, perturbation des cycles biogéochimiques, famine meurtrière et extermination progressive de la vie sur Terre — puisque rappelons-le, nous sommes actuellement dans la sixième extinction massive de la vie sur Terre.

De plus, notre prédation croissante sur les « ressources » naturelles accentue le rapport de force d’ores et déjà extrêmement inique. Pour mettre cette injustice en lumière, imaginez un arbre produisant un certain nombre de fruits, donc stable d’année en année. Imaginez que cet arbre permette de nourrir l’humanité, mais que l’Occident se vautre dans la volition – considérée d’ailleurs comme méliorative – de cueillir de plus en plus de fruits chaque année pour accentuer son développement. Il est évident que pour pérenniser cette hubris, de plus en plus de gens devront se contenter de moins jusqu’à mourir de faim afin que l’Occident puisse vivre d’opulence accentuant, de facto, la disparité des castes. Toutefois, aliénés dans notre suffisance arrogante, nous ne nous rendons pas compte que nous gangrénons cet arbre avec l’espoir narcissique de jouir encore un peu dans sa chute. Notre triomphe, sacrifiant tout le Beau et le Sensé, est aussi prosaïque qu’un attentat suicide pour s’offrir une carte de membre chez Costco.

Les grands gagnants de notre système de destruction massive ont bien compris que le joker du jeu est l’égoïsme et la prédation. Manger l’autre pour ne pas être mangé est l’huile de l’engrenage. En effet, pour « gagner », il faut être individualiste : être égoïste. Musk l’a bien compris c’est pourquoi il a déclaré que la faiblesse fondamentale de la civilisation occidentale était l’empathie2.

Il a malheureusement raison. Notre système s’alimente de notre désir de vouloir compétitionner vers la « victoire », de croire que notre valeur se mesure à notre richesse, aux biens qu’on possède et au salaire qu’on gagne chaque année. Mais l’empathie, c’est justement le contraire : c’est la coopération, la réduction des externalités négatives pour ne pas nuire à autrui, le vélo plutôt que la voiture, le véganisme plutôt que le carnisme; l’empathie, c’est choisir l’être plutôt que l’avoir, l’amour plutôt que l’objet, la relation plutôt que la possession, la gauche plutôt que la droite…

« Être de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi; être de droite c’est l’inverse3. »

La droite – à laquelle Elon Musk adhère corps et âme – a très bien compris ce principe égocentrique. La haine de l’Autre (leur cheval de bataille) n’est pas que raciste ou xénophobe, elle a une vocation économique et impérialiste. Qui s’opposerait vraiment à bombarder de prétendus « terroristes », ou à envahir leur pays…? Idem avec les animaux non humains, qu’on doit rabaisser au niveau d’objets incapables d’émotion pour légitimer leur exploitation.

Nous nous rendons compte aujourd’hui de la turpitude et de la violence fascisante d’un Trump, d’un Musk ou d’un Netanyahou, et pourtant, ces terroristes, nous les méritons : ils sont, dans un sens, les archétypes exacerbés de nos aspirations. La recrudescence de l’extrême droite dans le monde met en lumière cette dérive axiologique profondément immiscée dans notre vouloir. Ces terroristes, ils sont nous, ils sont à l’image de l’Occident prédateur, et nous avons raison d’en éprouver du dégoût. Le problème n’est pas tant que les plus égoïstes soient aujourd’hui au sommet de la pyramide, mais plutôt que nous croyons qu’il est légitime de conserver cette structure qui leur permet de s’y hisser. Pour déconstruire cette tour de Babel, il ne suffit pas de tenter de gagner à notre tour. Il faut changer les règles. Redéfinir la victoire.

Il ne s’agit pas d’édulcorer nos comportements pour continuer sur la même voie et limiter un peu les dégâts. Il faut remettre en cause la légitimité même de cette quête de possession et de domination. Il faut prendre conscience que sans joueuses et joueurs personne ne perd, et que c’est en faisant équipe qu’il est possible de s’affranchir du « tu dois jouer pour devenir… » et du « tu dois gagner pour être heureux » afin de s’en émanciper. Il est impératif aujourd’hui, en tenant bien compte de la caducité de nos construits, de déconstruire les règles du jeu. Changeons-les, et plus personne ne perdra. Changeons-les, pour que l’altruisme remplace l’égoïsme comme élément qui guide le monde.

Si nous gagnons cette guerre contre le monde, alors tout le monde perd.

1. Yves-Marie Abraham, Guérir du mal de l’infini : produire moins, partager plus, décider ensemble, Écosociété, 2019.

2. Joe Rogan, Experience #2281 – Elon Musk, 2025, https://youtu.be/sSOxPJD-VNo?si=JKzb3_zRu-4rGXsI

3. Gilles Deleuze dans Pierre-André Boutang (réal.), L’Abécédaire de Gilles Deleuze, France. (Œuvre originale filmée 1988-1989, rééd. DVD 2003).

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  • L’irrigation du pouvoir
    Ça fait déjà plusieurs mois que le dude blanc est premier ministre du Canada. Ça m’a pris plusieurs semaines à comprendre. Je veux dire, le gars est assermenté le premier ministre du Canada, mais ça avait pas encore processé dans mon cerveau. Je prononce encore son nom de famille comme si c’était une pièce de viande en espagnol… et honnêtement, je ne sais pas exactement comment autrement on devrait prononcer son nom? Eh oui, dans notre système bipartite, les gens ont voté contre le candidat bleu
     

L’irrigation du pouvoir

1 septembre 2025 à 10:35

Ça fait déjà plusieurs mois que le dude blanc est premier ministre du Canada. Ça m’a pris plusieurs semaines à comprendre. Je veux dire, le gars est assermenté le premier ministre du Canada, mais ça avait pas encore processé dans mon cerveau. Je prononce encore son nom de famille comme si c’était une pièce de viande en espagnol… et honnêtement, je ne sais pas exactement comment autrement on devrait prononcer son nom? Eh oui, dans notre système bipartite, les gens ont voté contre le candidat bleu et ont élu un banquier rouge, par défaut.

Lorsque Marc, rédacteur en chef du Mouton Noir, celui-là, m’a demandé de pondre un texte sur « les premiers mois de mandat de Mark Carney », je me demandais bien ce que j’allais pouvoir raconter. J’ai à peine suivi la politique fédérale dans la dernière année, et la campagne électorale si peu. J’ai démissionné de mon poste de chef rhinocéros il y a six mois, et cela me fait le plus grand bien. Mais n’empêche, le premier ministre du Canada est une personne qui a de l’importance sur nos vies, qu’on le veuille ou non. 

Donc voilà. Un vox pop?

« – Qui ça? »

« – Euh, ouin? »

« – Trump […] est […] vraiment […] dangereux […]! »

Ok, j’abandonne le vox pop.

La politique fédérale. Le choix du tyran.

Une des choses les plus absurdes que j’ai entendues en politique fédérale de toute ma vie est la proposition de faire venir le chef d’État du Canada, le roi d’Angleterre, afin d’affirmer l’indépendance territoriale de notre colonie. Waouh, quelle incroyable et absurde nouvelle ai-je entendue là! La venue du roi du Canada, ou plutôt, devrais-je dire Charles III (insérer titre complet ici) est la preuve irréfutable que nous vivons dans une colonie britannique. Souveraineté? Autonomie? Le monde politique et le monde médiatique sont sur une mauvaise pente descendante.

Ce qui m’amène au titre de l’article : l’irrigation de l’illusion. Irrigation :  Arroser un sol par des moyens artificiels. En ce mois de juin, je m’échine à créer des jardins pendant que les clowns pathétiques du parlement travaillent sans relâche à vendre leur salade aux Canadiennes et aux Canadiens. Jamais n’a-t-on entendu parler aussi fort d’unité canadienne, on voit des rencontres entre les provinces d’où tout le monde sort souriant, mais que s’est-il passé pour que le Canada soit si uni pour la première fois depuis 1759?

L’ennemi est la grande entreprise. Multimilliardaire, elle est plus puissante que nos gouvernements. Elle crée des crises économiques à elle seule. Elle a le pouvoir de vie et de mort sur des populations entières. Elle participe à la destruction de nos économies locales, faisant du dumping à outrance le temps que nos habitudes d’achat changent et que nos petits commerces ferment, et exerce ensuite un monopole en faisant jouer les prix comme bon lui semble. C’est la grande entreprise qui a le véritable pouvoir. C’est elle qui est sortie gagnante de la pandémie. C’est elle qui sort gagnante de la division et de la peur. Et c’est celle-là qu’on garde comme alliée.

L’irrigation du pouvoir : entre les mains des grandes entreprises.

Pierre Falardeau serait fier : vive nos chaînes! Prédiction : Mark Carney pour encore trois ans et demi.

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  • La CAQ: Désastres et déceptions
    Je devais écrire un papier sur la réforme du régime forestier de la CAQ et l’échec complet qu’il a constitué. Le projet de la ministre Maïté Blanchette Vézina a reçu une volée de bois vert et, elle a pour ainsi dire frappé un nœud : tous les intervenants intéressés ont rejeté les paramètres imposés. Pire, le père du concept de « triades » dans lequel s’est drapée la ministre, le chercheur Christian Messier, a dénoncé le détournement intellectuel, à la limite frauduleux. Seule l’industrie fore
     

La CAQ: Désastres et déceptions

31 août 2025 à 12:48

Je devais écrire un papier sur la réforme du régime forestier de la CAQ et l’échec complet qu’il a constitué. Le projet de la ministre Maïté Blanchette Vézina a reçu une volée de bois vert et, elle a pour ainsi dire frappé un nœud : tous les intervenants intéressés ont rejeté les paramètres imposés. Pire, le père du concept de « triades » dans lequel s’est drapée la ministre, le chercheur Christian Messier, a dénoncé le détournement intellectuel, à la limite frauduleux.

Seule l’industrie forestière se réjouit des intentions de la ministre. Dans les corridors, on dit que cette réforme aurait été imposée par l’équipe économique que menait Pierre Fitzgibbon il y a quelques mois. Québec à vendre à bon prix!

Bref trop de choses sont incertaines pour écrire un papier cohérent que vous lirez en vacances cet été. Je vais laisser toute la place aux peuples autochtones et à leurs organisations qui ont l’intention de se faire entendre en forêt.

Alors permettez-moi d’épiloguer sur deux constats qui peuvent être tirés avec une perspective suffisante pour tenir la route.

Les deux mandats de la CAQ au Bas-Saint-Laurent auront laissé deux choses à leur fin aussi précoce puisse-t-elle être : désastres et déceptions.

Évidemment quand je dis déceptions, cela m’exclut, et a fortiori vous aussi. Mais bon, la majorité des électrices et des électeurs de nos communautés ont donné tous les pouvoirs à ce gouvernement. À quelques mois des prochaines élections, je leur souhaite de réfléchir à l’impact de leurs choix. Peut-être que cela les convaincra de ne plus voter? Mais bon, revenons au travail des trois députés de l’ouest de la région.

Maïté à composter!

L’ex-mairesse de Sainte-Luce et directrice de Centraide a été propulsée rapidement au conseil des ministres avec un dossier complexe et important : celui des ressources naturelles et des forêts. Mais elle n’a pas brillé spécifiquement à ce titre. Un peu comme son collègue à l’environnement, on a ici affaire à des politiciens qui ont une très faible connaissance des enjeux auxquels ils sont confrontés. De bons soldats pour un pouvoir centralisé.

La ministre ne semble pas porter une attention particulière à ses dossiers locaux. Des élus régionaux et plein d’intervenants ont travaillé en concertation à une stratégie pour améliorer les conditions des ouvriers sylvicoles et rendre ce travail plus attrayant. La relève de jardiniers forestiers manque cruellement et menace l’avenir de la sylviculture. Malgré des résultats intéressants, la ministre et députée a coupé le financement d’un projet pilote pour assurer l’attractivité après quatre ans.

À la moitié de son second mandat, elle a entrepris avec son ministère de préparer une nouvelle mouture du régime forestier. Une tournée de consultations a été mise en branle. J’ai participé à deux d’entre elles pour le travail et lors du lancement à Rimouski. Malgré la qualité des discussions et des intervenants réunis, elle a trouvé moyen de s’en aller après 20 minutes.

Ensuite sans aucune consultation, elle a déposé un projet de loi sur un nouveau modèle de gestion de la forêt publique qui donnerait 30 % du territoire en concession aux compagnies en échange de rien du tout!

Amélie laisse tout sans suivi

La députée de Rivière-du-Loup–Témiscouata, Amélie Dionne, ne brille pas plus. On avait un millionnaire qui ne savait pas se tenir en public lors du premier mandat de François Legault, mais sa remplaçante n’a pas vraiment amélioré le portrait.

Le dossier de l’emplacement de la traverse est dans un état désastreux. Les acteurs locaux sont divisés et le gouvernement refuse toute transparence dans sa décision de transférer le service de traversier de la pointe de Rivière-du-Loup vers le port de Cacouna. La députée n’est d’aucune utilité dans le dossier; aurait-elle pu jouer le rôle de conciliatrice? Probablement qu’elle n’en a pas les compétences. Même le maire de Rivière-du-Loup qui a pris sa carte de la CAQ ne semble plus vouloir lui parler.

La menace qui plane toujours sur les services d’urgence à Trois-Pistoles et à Pohénégamook, laissés dans les mains de Santé Québec par un ministre de la Santé incompétent, est un autre exemple de l’incapacité de cette élue à jouer le rôle qui lui a été confié. Non seulement ses rares interventions sont de nature à ne rassurer personne, mais elle semble absolument ne rien faire de concret pour sauver nos urgences. Incompétence.

Mathieu se fout de son milieu

À l’ouest, le premier mandat de la CAQ a été marqué par une ministre déléguée au développement régional, Marie-Eve Proulx, qui a été poussée à démissionner,en raison de plaintes pour harcèlement psychologique.

La réfection de la piscine du Cégep de La Pocatière a démontré que son remplaçant, Mathieu Rivest, ne fait guère mieux. Malgré la mobilisation, le gouvernement refuse toujours de fournir les sommes suffisantes au projet de rénovation de la piscine.

Une leçon à tirer

J’entends déjà les partisans de tel ou tel parti politique se revendiquer meilleur que ce que nous avons actuellement comme gouvernement. Ces partis politiques vont comme d’habitude s’intéresser au sort des régionaux avant les élections pour mieux l’oublier une fois élus. Ça, c’est une tendance multipartite, pour reprendre un terme parlementaire.

Mais pour éviter les prochains désastres et transformer les déceptions en espoirs, rien de mieux que de trouver à nous occuper nous-mêmes de nos affaires. Agir au lieu d’élire. Ce sera ma conclusion.

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  • Où est notre Top Gun?
    Depuis décembre dernier, Santé Québec exige une série sans précédent de compressions pourtant évitables d’un bout à l’autre du réseau public de la santé et des services sociaux. Alors que le gouvernement s’était engagé à éponger les déficits des CISSS et des CIUSSS – très largement attribuables au recours au privé et aux recours aux agences de placement –, Santé Québec a fait une radicale volte-face et plongé tout notre réseau public encore plus dans le rouge. On nous promettait que les coupes n
     

Où est notre Top Gun?

29 août 2025 à 11:26

Depuis décembre dernier, Santé Québec exige une série sans précédent de compressions pourtant évitables d’un bout à l’autre du réseau public de la santé et des services sociaux. Alors que le gouvernement s’était engagé à éponger les déficits des CISSS et des CIUSSS – très largement attribuables au recours au privé et aux recours aux agences de placement –, Santé Québec a fait une radicale volte-face et plongé tout notre réseau public encore plus dans le rouge. On nous promettait que les coupes n’auraient aucun impact sur les services à la population, mais force est de constater qu’on tente encore de nous passer un sapin, cette fois-ci avec les lumières et les boules.

Pire que le réforme Barette

Les coupes actuellement imposées dans le réseau de la santé et des services sociaux totalisent, pour 2024-2025 et 2025-2026, plus de 4,8 G$. C’est plus que les trois premières années de compressions de la réforme Barette en 2015 par les libéraux. Ces montants astronomiques se traduiront par des coupes de services, mais aussi par une pression accrue sur les services maintenus et le personnel déjà à bout de souffle. Dans un contexte où l’attraction et la rétention de la main-d’œuvre sont un des principaux défis de notre réseau public et où l’exode vers le privé se poursuit, il est impératif de remettre en question les décisions prises par le gouvernement de la CAQ.

Une réforme pour les gouverner toutes

Avec la création de l’agence Santé Québec, le ministre Dubé promettait plus de transparence, une indépendance entre le gouvernement et la nouvelle société d’État, une efficacité budgétaire accrue et surtout une décentralisation des processus décisionnels. Depuis décembre, c’est pourtant tout le contraire qui se produit. La Top Gun est introuvable, les décisions sont concentrées à Québec et à Montréal, bien loin des enjeux régionaux, les dépenses frivoles sont en expansion, et Santé Québec doit constamment réviser ses décisions selon l’humeur du ministre.

Pire encore, c’est le contraire de la transparence qu’on rencontre sur le terrain. Syndicats, municipalités, partis politiques, groupes sociaux et comités d’usagers tentent de recevoir de l’information de la part de Santé Québec et se heurtent au répondeur. À ce jour, le site Web de Santé Québec ne comprend aucune coordonnée pour contacter ses responsables. Santé Québec ne dispose également d’aucune plateforme sur les réseaux sociaux. Ces façons de faire sont aux antipodes des obligations démocratiques et soulèvent de graves enjeux.

Ride into the danger zone?

Un autre élément qui est important à souligner est l’absence et le mutisme de la nouvelle Top Gun Geneviève Biron au sujet des compressions budgétaires imposées d’un bout à l’autre du Québec. Au Bas-Saint-Laurent, il y a des semaines que l’on attend de ses nouvelles. L’enjeu a été repris publiquement, les députées locales et le ministre ont été directement interpellés. Des pétitions ont été déposées, l’opposition a été mobilisée et deux demandes d’accès à l’information ont été présentées au CISSS du Bas-Saint-Laurent et à Santé Québec pour en apprendre plus au sujet des scénarios projetés, sans succès.

Cette opacité  pose des enjeux de transparence et constitue un flagrant manque de redevabilité aux citoyennes et aux citoyens, qui sont pourtant les véritables actionnaires de cette nouvelle société d’État.

L’agence Santé Québec devait être le vaisseau amiral d’une modernisation du fonctionnement de notre réseau de santé et de services sociaux. Ce qu’on voit à ce jour est malheureusement tout l’inverse. On s’enfonce toujours et encore plus dans une vision strictement comptable et managériale du fonctionnement du réseau. On cherche à tout mesurer, à tout analyser, en temps réel, imposant ainsi aux travailleuses et aux travailleurs de la santé et des services sociaux de prendre toujours plus de notes, de nourrir toujours plus la bête des statistiques. On alimente ainsi un appareil bureaucratique qui mériterait plutôt d’être allégé. À preuve, les dépenses d’administration sont désormais le poste le plus en croissance dans le budget de la santé en 2025-2026! Il est question d’une augmentation de plus de 25 % du budget de l’administration en santé et services sociaux en pleine vague de compressions dans les services à la population.  

S’il est vrai que notre réseau public a besoin de changement pour mieux fonctionner, il est aussi vrai que les dernières réformes n’ont pas donné les résultats escomptés en matière d’accès aux services. Toutes ont pourtant pointé dans la même direction : plus de bureaucratie, plus de paperasse, plus de statistiques, plus de centralisation et enfin moins de démocratie. Malheureusement, la réforme en cours pointe dans la même direction. Nous devons exiger un changement de cap, et c’est urgent.

Un réseau fort, et si on osait pour vrai!

Alors que cela peut paraître difficile à lire avec des yeux de 2025, le réseau de santé du Québec était le plus performant au monde à sa création au début des années 1970. Il était fondé sur des principes démocratiques, un enracinement dans la communauté et sur une offre de soins de proximité. Et si on revenait à la base et qu’on osait vraiment se donner les moyens de nos ambitions.

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  • Le militantisme de gauche : Si on revenait à la base?
    Le militantisme de gauche, ancré dans une tradition historique riche et diverse, demeure aujourd’hui un vecteur essentiel de transformation sociale et politique. Il incarne l’engagement passionné de citoyens qui, face aux inégalités croissantes et aux dérives du capitalisme, choisissent de se mobiliser pour un monde plus juste, solidaire et égalitaire. Historiquement, la gauche s’est toujours positionnée comme la défenseuse des opprimés, des travailleurs et des minorités. Qu’il s’agisse des m
     

Le militantisme de gauche : Si on revenait à la base?

28 août 2025 à 07:55

Le militantisme de gauche, ancré dans une tradition historique riche et diverse, demeure aujourd’hui un vecteur essentiel de transformation sociale et politique. Il incarne l’engagement passionné de citoyens qui, face aux inégalités croissantes et aux dérives du capitalisme, choisissent de se mobiliser pour un monde plus juste, solidaire et égalitaire.

Historiquement, la gauche s’est toujours positionnée comme la défenseuse des opprimés, des travailleurs et des minorités. Qu’il s’agisse des mouvements ouvriers du XIXe siècle, des luttes pour les droits civiques, ou des combats féministes et écologistes contemporains, le militantisme de gauche a su se réinventer pour répondre aux défis de chaque époque. Cette capacité d’adaptation est l’une de ses forces majeures, lui permettant de rester pertinent dans un contexte politique souvent fragmenté et complexe.

Le militantisme de gauche ne se limite pas à des revendications économiques. Il embrasse une vision globale de la société, prônant la justice sociale, la redistribution des richesses, la défense des droits humains, et la protection de l’environnement. Ces combats sont intrinsèquement liés : la précarité économique ne peut être dissociée des discriminations sociales, tout comme la dégradation écologique impacte les populations les plus vulnérables. Ainsi, les militants de gauche adoptent une approche intersectionnelle, cherchant à tisser des solidarités entre différentes luttes.

Au cœur de ce militantisme se trouve une conviction profonde : la démocratie ne se réduit pas au simple exercice du vote, mais s’incarne dans une participation active et collective à la vie politique et sociale. Les militants organisent des manifestations, des campagnes de sensibilisation, des actions directes, et investissent les espaces publics pour faire entendre leurs voix. Ils créent aussi des alternatives concrètes, à travers des coopératives, des associations ou des initiatives locales, démontrant que d’autres modes de vie et d’organisation sont possibles.

Cependant, le militantisme de gauche fait face à de nombreux défis. La montée des extrêmes, la désillusion envers les partis traditionnels, et la complexité des enjeux contemporains peuvent décourager l’engagement. De plus, la stigmatisation médiatique et politique tend à réduire ce militantisme à une posture radicale ou utopiste, occultant la richesse et la diversité des idées portées par ses acteurs. Dans ce contexte, il est crucial de redonner une visibilité positive à ces engagements, en valorisant leur rôle dans la construction d’une société plus inclusive et démocratique.

Par ailleurs, le militantisme de gauche doit s’interroger sur ses propres pratiques pour rester ouvert et efficace. Cela implique une écoute attentive des nouvelles générations, une remise en question des dogmes, et une capacité à dialoguer avec d’autres courants et mouvements. La coopération entre différentes sensibilités de gauche, mais aussi avec des acteurs issus de la société civile, est essentielle pour construire des coalitions capables de peser sur les décisions politiques.

En définitive, le militantisme de gauche est bien plus qu’une simple opposition au statu quo. C’est une force vive qui porte l’espoir d’un changement profond, fondé sur la solidarité, la justice et le respect des droits de chacun. Dans un monde marqué par les crises économiques, sociales et environnementales, cet engagement citoyen est plus nécessaire que jamais pour imaginer et construire des alternatives durables.

Soutenir et encourager le militantisme de gauche, c’est donc participer à la vitalité démocratique et à la défense des valeurs humanistes. C’est reconnaître que le progrès social est le fruit d’une mobilisation collective et d’une volonté partagée de faire avancer la société vers plus d’équité et de dignité pour tous.

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  • CHRONIQUE OBJECTIONS DE CONSCIENCE: TOUT VA BIEN AU MÉDIOCRISTAN!
    Au moment d’écrire ces lignes, notre directeur de chambre de commerce qui pavoise occasionnellement comme premier ministre s’est encore une fois commis en tant que médiocre-en-chef de notre demi-pays, deux fois plutôt qu’une! D’une part, il a joué les révisionnistes en voulant nous expliquer, nous gens sans dents qui ne comprenons rien à rien, que le « Vive le Québec libre » clamé par le général de Gaulle depuis le balcon de l’hôtel de ville de Montréal en 1967 avait été mal compris, « au pre
     

CHRONIQUE OBJECTIONS DE CONSCIENCE: TOUT VA BIEN AU MÉDIOCRISTAN!

27 août 2025 à 11:09

Au moment d’écrire ces lignes, notre directeur de chambre de commerce qui pavoise occasionnellement comme premier ministre s’est encore une fois commis en tant que médiocre-en-chef de notre demi-pays, deux fois plutôt qu’une!

D’une part, il a joué les révisionnistes en voulant nous expliquer, nous gens sans dents qui ne comprenons rien à rien, que le « Vive le Québec libre » clamé par le général de Gaulle depuis le balcon de l’hôtel de ville de Montréal en 1967 avait été mal compris, « au premier degré », et que le vieux général voulait plutôt un Québec fort dans le Canada, à quelques mots près de l’infâme vision PETrudeauiste d’un « Québec fort dans un Canada uni ».

Quel abruti, quand même, et ce au même moment, coïncidemment, où les autorités de Toronto ont re-dévoilé la statue du Grand Fossoyeur John A. MacDonald, qui avait ordonné la pendaison de Louis Riel « même si tous les chiens du Québec aboient en sa faveur ».

D’autre part, de loin la pire des deux, il a refusé d’offrir des funérailles nationales à ce monument de la littérature que sera à tout jamais Victor-Lévy Beaulieu! Même si, comme l’a souligné mon ami l’écrivain-brasseur Nicolas Falcimaigne dans un magnifique hommage à son mentor littéraire, tel hommage rendu par un gouvernement d’affairistes avides l’aurait fait bondir de son cercueil et s’évader de sa propre cérémonie au volant de sa rutilante Fury décapotable!

C’est à se demander comment la CAQ arrive, de scandales en faux-pas se succédant plus rapidement que meurent les abeilles sous les coups des changements climatiques, arrive toujours à creuser plus creux que le fond du puits fétide d’où ils tirent leur plateforme politique.

Pris de panique devant des sondages qui se lisent comme une chronique de mort annoncée, ils ont une fois de plus – de trop, devrait-on dire – déterré le cadavre du troisième lien, qui aimerait reposer en paix dans la fange dans laquelle il patauge depuis sa conception.

Ils nous ressortent une énième variation du péril migrant pour justifier leur incompétence à gérer le système de santé, le manque de classes dans les écoles et la crise du logement qui sévissent dans tout le demi-pays, plutôt que de faire face à la réalité dérangeante du capitalisme en phase terminale qui, comme un cancer au même stade, finit de ronger ce qui reste de sain, de vivant.

Tant que le pouvoir restera entre les mains des capitalistes, qu’ils soient caquistes, péquistes, libéraux ou conservateurs, le monde naturel, le beau, le noble, continuera de succomber et de « brûler dans les feux de l’industrie », comme l’écrivait Tolkien dans Le Seigneur des Anneaux.

Le gouvernement du Québec, mené par cette gang de gérants des viandes spécialisés en jambon, maintient son bureau à Tel-Aviv, malgré le génocide mené par le régime Netanyahou à Gaza et ce qui semble être le début d’une nouvelle phase en Cisjordanie.

Ce même gouvernement est incapable de prendre une posture un tant soit peu principielle face à la tyrannie naissante aux États-Unis du fasciste Donald Trump, préférant un statu quo aux relents de plus en plus vichystes.

Les « médias des gens de bien », dans tout ça? Vous connaissez déjà l’air usé et le vieux refrain redondant, ils privilégient encore et toujours le point de vue (néo)libéral bourgeois en grands protecteurs d’un intolérable statu quo.

Victor-Lévy, comme l’appelaient ses amis et collaborateurs (dont je ne fus point, à mon grand regret), nous avait d’ailleurs enjoints à la désobéissance de masse dans un petit pamphlet sorti en 2013 et qui s’intitulait, justement, Désobéissez!. un véritable appel au soulèvement contre le pouvoir bourgeois écrit notamment dans la foulée des révoltes étudiantes de 2012 face aux kleptocrates menés par John James Charest, aujourd’hui réhabilité par Radio-Canada et entièrement refait en commentateur invité.

Le temps des bouffons, nouvelle génération.

« J’ai écrit cet ouvrage comme un cri que pousse une bête blessée avant qu’on ne l’achève d’un coup fatal à la tête », disait VLB au sujet de cet ouvrage en entrevue pour l’hebdomadaire louperivois Info-Dimanche.

Ne serait-il pas simplement logique, pour honorer la mémoire du géant littéraire des Trois-Pistoles, de répondre à son appel pour en finir avec le Médiocristan?

Désobéissons!

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  • Trump le ravageur
    Bien que mon intérêt pour l’agriculture date de l’enfance, je ne pratique ce métier que depuis 16 années. C’est peu. Je n’ai donc pas vécu de l’intérieur les grands bouleversements du monde agricole issus de son industrialisation. Militant activement pour une reconnaissance des fermes maraîchères de proximité et, plus largement, pour le déploiement d’une agriculture dite plurielle (tel que mis de l’avant dans le rapport Pronovost), je suis confronté de près aux enjeux de ce secteur et ils sont n
     

Trump le ravageur

26 août 2025 à 13:48

Bien que mon intérêt pour l’agriculture date de l’enfance, je ne pratique ce métier que depuis 16 années. C’est peu. Je n’ai donc pas vécu de l’intérieur les grands bouleversements du monde agricole issus de son industrialisation. Militant activement pour une reconnaissance des fermes maraîchères de proximité et, plus largement, pour le déploiement d’une agriculture dite plurielle (tel que mis de l’avant dans le rapport Pronovost), je suis confronté de près aux enjeux de ce secteur et ils sont nombreux. Néanmoins, s’il en est un qui n’épargne aucun secteur de production, c’est sans conteste celui des changements climatiques. À titre d’exemple (en agriculture biologique), avant 2015 au Bas-Saint-Laurent, nous n’utilisions pas de filets anti-insectes pour protéger nos cultures de crucifères (brocoli, choux, etc.). Le climat plus tempéré a permis l’arrivée d’insectes ravageurs (ex. cécidomyie du chou-fleur) en provenance des États-Unis. On s’est adapté. Pas le choix. Or, le dernier ravageur en provenance de chez nos voisins du sud fait trembler. Va-t-on réussir à s’adapter à ce dernier qui s’attaque non pas à nos cultures, mais bien à notre souveraineté? Trump le ravageur est parmi nous et il est prêt à faire du dégât.

D’abord en sol américain

Notre grande proximité avec les États-Unis est un fait. Elle n’est pas seulement géographique, mais découle de manière évidente d’une interdépendance économique. Il est souvent question d’automobiles, d’acier et d’aluminium, mais notre dépendance en matière d’alimentation est très importante notamment en produits frais. Déjà ébranlé en raison des changements climatiques, notre approvisionnement est de plus en plus incertain. Et voilà que Trump le ravageur s’attaque aux travailleurs agricoles. Ses menaces d’expulsion d’immigrants sans papiers font trembler une main-d’œuvre principalement latine et souvent illégale (42 % des effectifs)1. Elle est évaluée à plus de deux millions au sein des exploitations agricoles américaines.

Ensuite en sol canadien

Malgré cette proximité, nos modèles de production et de mise en marché sont souvent aux antipodes. Le secteur le plus évocateur est sans conteste la production laitière. Nos fermes laitières sont principalement familiales et de petite taille (environ 100 vaches en moyenne). Aux États-Unis, une ferme de taille moyenne peut compter 300 vaches et les plus grosses vont au-delà de 10 000… de vraies usines!  Quant aux mécanismes de gestion, ce qui nous distingue et permet de nous démarquer est la gestion de l’offre. Contrairement aux producteurs américains, les producteurs canadiens ont choisi de contrôler leurs productions de manière à l’arrimer à la demande. Ce mécanisme voit à ne pas inonder le marché, poussant ainsi à la baisse le prix du lait. Bien que le prix d’un litre de lait canadien soit généralement un peu plus élevé, il est plus stable au même titre que le revenu du producteur. De plus, il permet de limiter l’entrée du lait états-unien qui viendrait briser cet équilibre nécessaire à la pérennité de nos exploitations. En bon français, c’est une situation gagnant-gagnant.  À l’autre opposé du spectre, c’est le libre marché. Celui de nos voisins est sans pitié. L’absence de mécanismes de contrôle fait que le marché souvent saturé maintient un bas prix qui n’aide en rien à offrir des revenus décents aux producteurs. Les plus petites fermes tombent comme des mouches et ce contexte favorise la concentration de la production dans des mégafermes. Au plus fort la poche! C’est à la gestion de l’offre que Trump le ravageur veut s’attaquer. Il veut inonder notre marché pour créer plus de chaos.

Se tenir debout

En voulant s’attaquer à la gestion de l’offre, Trump le ravageur ne sert la cause de personne. Penser qu’il se préoccupe des nombreux enjeux nuisant à la pérennité des fermes serait une grave erreur. Son intention est idéologique. Il veut briser tout symbole de mobilisation qui renforce notre position. C’est maintenant à nos politiciens de jouer. Sachez que ce n’est pas gagné. De récentes concessions dans le cadre du dernier accord de libre-échange ont repoussé la limite permise d’importation de produits du lait en provenance des États-Unis. Elle atteint maintenant 3,5 %. Des discussions à ce sujet ont forcément eu lieu entre Trump et Carney lors du dernier sommet du G7. Les menaces de tarifs dans le but d’ébranler notre souveraineté fusaient certainement de toutes parts. Rendons à Trump ce qui appartient à Trump. M. Carney, sachez que la mobilisation du monde agricole sera impressionnante s’il advenait un moment de faiblesse de votre part. Il faut se tenir debout!

1. Paula Ramon, « En Californie, les menaces d’expulsion de Trump font trembler les travailleurs agricoles », Le Devoir, 2 mars 2025,  https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/850318/californie-menaces-expulsions-trump-font-trembler-travailleurs-agricoles

2.  Morgan Lowrie, « La gestion de l’offre inquiète davantage l’industrie laitière », La Presse, 11 mars 2025, https://www.lapresse.ca/affaires/2025-03-11/guerre-tarifaire/la-gestion-de-l-offre-inquiete-davantage-l-industrie-laitiere.php

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  • Les cochonneries
    Changement de culture Un samedi ordinaire : après avoir observé les chardonnerets jaunissants chassés par le quiscale et sa bande de carouges pour picorer les graines de tournesol dans la cour, je pars explorer la plage et ce qu’elle recèle d’incongru, ou ce qui devrait l’être : panneaux de styromousse, plastiques à tous niveaux de fragmentation, mégots à profusion. Ma pince à déchets et mon sac à pain réutilisé ne suffiront pas à la tâche; mais c’est dans la visibilité du travail et de la ré
     

Les cochonneries

23 août 2025 à 11:44

Changement de culture

Un samedi ordinaire : après avoir observé les chardonnerets jaunissants chassés par le quiscale et sa bande de carouges pour picorer les graines de tournesol dans la cour, je pars explorer la plage et ce qu’elle recèle d’incongru, ou ce qui devrait l’être : panneaux de styromousse, plastiques à tous niveaux de fragmentation, mégots à profusion. Ma pince à déchets et mon sac à pain réutilisé ne suffiront pas à la tâche; mais c’est dans la visibilité du travail et de la récolte que l’acte de ramasser prend davantage sens. Les bras chargés, je m’arrête devant la poissonnerie pour jaser : mon interlocuteur tient un sac de crabes, et moi un sac de tout ce qui cohabite avec eux.

Ma présence semble troubler d’autres clients; est-ce parce que je normalise les déchets en les intégrant à ma conversation? Ce faisant, je rappelle que nous cohabitons aussi avec nos rejets, alors que nous avons plutôt envie de nous aménager une bulle qui serait hygiénique, laissant même à d’autres le soin de faire disparaître nos « corps morts » : bouteilles de vin, carapaces de crabes, verres de plastique qui n’auront été fabriqués que pour une soirée… Puis nous n’y repensons jamais.

Tout ce que nous achetons est déchet en devenir – combien de déchets en devenir dans notre chez-nous? Pensons aux gens qui doivent vider la maison de leurs parents décédés ou partis en CHSLD. Le coût écologique de ces objets, l’acheteur ne le paie pas immédiatement; plutôt, il l’impose à tout le monde.

Nous achetons sans penser à qui a fabriqué cet objet trop peu cher (car son prix n’inclut pas ce que d’aucuns nomment de façon barbare ses « externalités »), dans quel atelier de misère (le terme reconnu par l’OQLF pour sweatshop), si ses ouvrières y ont travaillé 60, 72 ou 80 heures cette semaine, si elles ont été obligées d’uriner dans un sac sous leur machine à coudre1, si elles sont mortes au travail de ce que les Japonais appellent karôshi, au bout du rouleau.

Je me rappelle l’expression atterrée de travailleuses chinoises lorsqu’on leur a montré, dans le documentaire Mardi Gras : Made in China2 (que j’ai ironiquement visionné dans un avion, à la fois accélérateur de la mondialisation délétère et symbole des inégalités flagrantes), que les colliers qu’elles fabriquaient étaient offerts, dans une orgie de boisson déguisée en festivités, à des femmes qui dénudaient leur poitrine… puis qu’ils se retrouvaient noyés dans le flot d’ordures couvrant les rues de La Nouvelle-Orléans.

On fait quoi?

On considère la trajectoire de chaque objet dans nos achats et ceux de nos organisations – et on refuse d’acheter. On travaille à changer la culture pour que de ne pas manufacturer quelque chose, même si on peut le faire, soit considéré comme le geste sensé. On rend désirables la sobriété matérielle et la « suffisance intensive », concept de Nathan Ben Kemoun3, tissant des liens intenses avec l’objet (et l’activité qu’il nous permet de faire et les gens qui la pratiquent avec nous) plutôt qu’avec la multiplication des objets; ainsi un instrument de musique, un jeu de cartes ou un livre (pas cinquante…) deviennent-ils sources de nos moments précieux.

On lit

Les choses, de Georges Perec, récit encore d’actualité d’une quête de bonheur inassouvie : « [D]e nos jours et sous nos climats, de plus en plus de gens ne sont ni riches ni pauvres : ils rêvent de richesse et pourraient s’enrichir : c’est ici que leurs malheurs commencent4. »

On regarde

Pourquoi on se bat, de Solal Moisan et Camille Étienne (2023), sur Tou.tv et TV5 unis, pour la suffisance intensive illustrée : amitié, danse devant la mer, observation de la vie des animaux – qui nous enseignent à nous perdre.

1.  Le pire dans cette situation n’est évidemment pas que notre produit manufacturé ait cohabité avec l’urine de quelqu’une d’autre. Cet exemple et le précédent proviennent de No logo : la tyrannie des marques de Naomi Klein (Leméac / Actes Sud, 2001 [2000], chapitre 9).

2. David Redmon, 2005.

3.  Alexandre Monnin explique le concept dans une entrevue du 23 février 2024 avec Laure Coromines sur le site de L’ADN : https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/futur-proche-comment-vivre-a-8-milliards-sur-terre/

4. Georges Perec, Les choses, Julliard, 1965, p. 71.

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  • La fuite : nouvelle sortie éponyme
    Bon j’avoue, j’avais hâte d’écouter ce premier opus du quatuor rimouskois : un microalbum de trois pièces soudées à l’acier mixolydable. Sortie indépendante en mars dernier, La fuite propose un voyage intimiste saupoudré de virtuosité dans un environnement introspectif. Ça sent définitivement la randonnée boréale à la mi-automne, avec vent de face. Si vous connaissez déjà le duo Plant Neige, vous pourrez facilement reconnaître le style mais surtout la voix du chanteur Gabriel Dufour Langlois
     

La fuite : nouvelle sortie éponyme

22 août 2025 à 08:08

Bon j’avoue, j’avais hâte d’écouter ce premier opus du quatuor rimouskois : un microalbum de trois pièces soudées à l’acier mixolydable. Sortie indépendante en mars dernier, La fuite propose un voyage intimiste saupoudré de virtuosité dans un environnement introspectif. Ça sent définitivement la randonnée boréale à la mi-automne, avec vent de face.

Si vous connaissez déjà le duo Plant Neige, vous pourrez facilement reconnaître le style mais surtout la voix du chanteur Gabriel Dufour Langlois qui signe les compositions. Cette fois, il s’entoure d’une instrumentation complète, humble et résolument contemporaine.

On comprend rapidement la ligne directrice des textes : une série de réflexion à voix haute, floutée, sensible, presque onirique. On aime écouter les tentatives de réponses aux questions qui chavirent entre les dérèglements saisonniers, nos écarts émotionnels et les conversations intérieures. Malgré la profondeur que peut parfois prendre le propos du texte, son interprétation nous laisse souvent avec un sentiment de légèreté. Dans l’ensemble, c’est évident que les textes dégagent une certaine inquiétude, mais ils semblent toujours trouver un chemin vers un réconfort, une résolution à travers les progressions harmoniques et les images inspirantes.  J’apprécie particulièrement les quelques expressions du quotidien pour tenter d’expliquer l’indicible. J’en prendrais plus personnellement, ce qui est bon signe, me semble.

Sans haute voltige de signature rythmique ni envolée de mélodie complexe et expéditive, l’ambiance musicale nous en dit tout de même beaucoup sur les influences jazz des musiciens. On discerne un heureux mélange entre le jazz fusion des années 70 et la méthode de la chanson populaire actuelle. Rien d’extrême. Tout est là pour accompagner les textes avec parcimonie. De courtes interventions sporadiques viennent marquer les passages importants en guise de ponctuation. On entend à quelques reprises des textures subtiles aux synthétiseurs (Olivier Gosselin), des rythmes complexes à la batterie (Jean-Étienne Joubert), des ornementations à la basse (Médéryc Turgeon Chamelot) pour amener la dynamique texte/musique vers une autre dimension. Ça peut surprendre, je dois l’avouer, lors d’une première écoute, mais le tout reste cohésif et bien construit. Ensemble, l’alternance entre les différentes sonorités de basse, les effets bien choisis à la guitare et les textures variées des claviers contribuent à révéler la complicité entre les musiciens. C’est intéressant à voir évoluer. Ajoutez à ça des harmonies vocales concises et empreintes d’humilité, et vous obtenez la recette.  

Il est recommandé d’écouter l’album seul, mi-fort, avec un bon casque d’écoute – idéalement un vent salin au visage.

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  • L’art de l’enfance: Entrevue avec Nicole Testa
    Il était une fois une Nicole Testa qui passait son temps à lire aux enfants. Après avoir joué du théâtre au Collège LaSalle et obtenu un bac en animation et recherche culturelle à l’UQAM, elle entre sur le marché du travail. Communication-Jeunesse cherche du monde pour former une escouade d’animation du livre dans les écoles. Les années passent. Elle arrive au Bas-Saint-Laurent. Son bénévolat à la bibliothèque de Sainte-Blandine se transforme en emploi. Le plaisir de lire l’obsède. Elle pousse s
     

L’art de l’enfance: Entrevue avec Nicole Testa

20 août 2025 à 10:29

Il était une fois une Nicole Testa qui passait son temps à lire aux enfants. Après avoir joué du théâtre au Collège LaSalle et obtenu un bac en animation et recherche culturelle à l’UQAM, elle entre sur le marché du travail. Communication-Jeunesse cherche du monde pour former une escouade d’animation du livre dans les écoles. Les années passent. Elle arrive au Bas-Saint-Laurent. Son bénévolat à la bibliothèque de Sainte-Blandine se transforme en emploi. Le plaisir de lire l’obsède. Elle pousse sa réflexion jusqu’à la maîtrise, puis monte un cours en littérature jeunesse à l’UQAR. Pour enfin se mettre à l’écriture. Le Gros Méchant Quelque Chose est son quinzième livre depuis 1998. Rencontre avec une éternelle petite fille de quatre ans.

Philippe Garon – Qu’est-ce qui t’a servi de poudre à pâte pour ce nouvel album?

Nicole Testa – C’est la même que pour Papi Noël. Il y a une dizaine d’années, une bourse du CALQ m’a permis de recueillir des histoires auprès de parents. Des papas en fait. Les mamans lisent. Les hommes, eux, inventent. J’avais beaucoup de matériel, mais ça dormait dans mon ordinateur. C’est la source d’inspiration pour ma série Les contes de l’oreiller. Là, on prépare le troisième volume, qui va s’intituler Le hoquet du petit poisson.

P. G. – La lecture à voix haute, c’est une vraie croisade pour toi. Pourquoi?

N. T. – Parce que c’est un partage. Ça rapproche. Quand j’arrive dans une école, je suis une étrangère, puis quinze minutes après, le lien est créé, et ça, juste parce que je lis à voix haute. Depuis 30 ans que je fais ça, à mon avis, c’est la meilleure façon de mettre en scène le plaisir de lire. De partager avec les enfants ce qu’est l’expérience d’un lecteur, peu importe qui on est, peu importe les difficultés. Avec son livre Comme un roman, Daniel Pennac a complètement changé ma vision de la lecture. Parce qu’il dit qu’une fois que t’as éprouvé le plaisir de lire, ça se perd pas. Puis quand le plaisir est là, la motivation pour le reste vient plus facilement.

P. G. – Dans un autre ordre d’idées, le festival littéraire Métropolis bleu t’a invitée…

N. T. – Depuis trois ans, ils veulent se rapprocher des régions. Il fallait que je choisisse un lieu que j’aime et que j’écrive un texte de cinq pages maximum. J’ai pris l’île Saint-Barnabé. Ç’a donné un dialogue entre un grand-père et son petit-fils. Le comédien Sylvain Massé a prêté sa voix à mon histoire. On trouve l’enregistrement sur leur site Internet. Après, je devais aller dans une classe de 3e cycle. N’importe laquelle. J’ai choisi l’école de mon quartier. Je leur ai proposé de vivre un peu la même expérience d’écriture que moi, à partir d’un lieu qu’ils aiment et d’une anecdote, mais en ajoutant un élément imaginaire.

Quand j’approche les enseignantes, je leur demande : « Me prêtes-tu ta classe pour une période? » Des fois, c’est pour trouver des réponses à des questions qui me viennent en écrivant. En général, plus les questions sont saugrenues, plus les discussions sont intéressantes. À quel âge on est grand? À quoi ça sert un papi? Comme ça, je reste connectée sur l’enfance.

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  • 30 ans de YOGA DU RIRE
    Je suis revenue dans ma belle région l’été dernier. Ceux qui me connaissent savent qu’il y a eu de la houle dans ma vie depuis mon retour! Par chance, j’ai su garder l’horizon et j’ai amarré un club de yoga du rire du Bas-Saint-Laurent en mars dernier à Pointe-au-Père. L’idée est de rassembler des participants, une heure par semaine, autour d’exercices de respiration profonde, de détente et d’exercices de rire! Oui ça existe! Ayant reçu la formation de leader en yoga du rire, je peux aussi an
     

30 ans de YOGA DU RIRE

19 août 2025 à 09:42

Je suis revenue dans ma belle région l’été dernier. Ceux qui me connaissent savent qu’il y a eu de la houle dans ma vie depuis mon retour! Par chance, j’ai su garder l’horizon et j’ai amarré un club de yoga du rire du Bas-Saint-Laurent en mars dernier à Pointe-au-Père. L’idée est de rassembler des participants, une heure par semaine, autour d’exercices de respiration profonde, de détente et d’exercices de rire!

Oui ça existe! Ayant reçu la formation de leader en yoga du rire, je peux aussi animer des rencontres pour des organismes et des entreprises désireuses de faire vivre un moment de vitalité, de joie et de libération du stress à leurs bénévoles ou employés.

Je ne suis pas la seule dans ce joyeux bateau : on décompte plus de 1 000 clubs de yoga du rire dans plus de 120 pays! Et comme cette année marque les 30 ans d’existence du yoga du rire, il est nécessaire de le souligner ici! C’est ma façon de contribuer à un monde meilleur et d’aider à la vitalité des gens.

Le rire augmente l’apport d’oxygène, il nettoie et libère les poumons. Rire avant de manger permet de sécréter des enzymes, ce qui aide à mieux assimiler les aliments. Le rire agit sur la constipation, la douleur et l’immunité. Il est bénéfique pour la santé du cœur et permet de sécréter les hormones du bonheur!

Vous voulez rire? « En 1939, les gens riaient en moyenne 19 minutes par jour, pour 6 minutes seulement en 1982! Et à peine plus de 4 minutes en 19901. »

Qu’en est-il en 2025? Quelques secondes de haha de temps à autre? Une ou deux minutes de hihi en regardant des scènes socialement comiques? En s’accordant un rire calculé lors des spectacles avec les blagues des humoristes?! Est-ce que le sérieux sérieux du quotidien sérieux a gagné sur notre époque sérieuse?!

Ne trouvez-vous pas que les mots angoisse, anxiété, déprime, détresse, insomnie, nervosité, tension, stress ont pris le dessus et sont devenus la norme de nos jours? Il y a certainement un équilibre à restaurer avec les mots bonheur, détente, enjouement, espoir, gaieté, joie, légèreté, sommeil? Le yoga du rire met ces mots en action dans notre corps, nous fait prendre du recul sur nos drames et nous fait ramer d’une manière rigolote!! Hourra!

Le yoga du rire a été créé en 1995 en Inde par le docteur Madan Kataria et sa conjointe Madhuri. À la suite de la rédaction d’un article portant sur le rire, il a eu l’inspiration de réunir chaque matin un groupe de gens dans un parc. Au fil des jours, de cinq personnes qui se racontaient des blagues, on est passé à 55. Sauf qu’au bout d’un certain temps, les comiques ne trouvaient plus de nouvelles histoires drôles. Même que tous ne s’entendaient pas sur ce qui était drôle ou non… Ça s’étiolait, il fallait agir!

En faisant des recherches, le médecin est tombé sur un article affirmant que le cerveau ne peut faire la distinction entre faire comme si on est content et être une personne contente : les réactions chimiques sont les mêmes. Le lendemain, Madan Kataria a présenté ce principe aux participants qui ont tenté ceci : ils ont fait semblant de rire pendant une minute. À force de rire, ce ne fut pas bien long qu’ils ont ri pour vrai. Le rire s’est propagé, il a même rejoint les plus sceptiques. C’était l’euphorie totale!

Dans les semaines qui suivirent, Madan Kataria et sa femme, enseignante de yoga, créèrent des exercices de rire et de respiration, entrelacés de temps de méditation.

En s’entraînant à rire sans raison 15 ou 20 minutes par jour et de façon soutenue, on peut constater les effets bénéfiques sur notre bien-être. Cette pratique provoque un effet tangible sur notre façon d’approcher notre vie et le monde. On peut rire bien plus que ça évidemment!

Vive la communauté du yoga du rire!! Ha ha!

1. Christian Tal Schaller, Rire pour gai-rire, Éditions Vivez Soleil, 1994, p. 147.

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  • Choisir l’humain
    Nicolas Falcimaigne-Wuattier, écrivain-brasseur Fondateur et dernier propriétaire de la microbrasserie Le Caveau des Trois-Pistoles Vous l’aurez peut-être entendu : une brasserie a fait faillite au Bas-Saint-Laurent. Une parmi tant d’autres. La mienne. Transparence totale : je n’y ai plus aucun rôle ni intérêt. La faillite est signée. Ma proposition personnelle aux créanciers est acceptée. Je vais bien, merci de demander. La page est tournée. Retour à l’écriture et à l’enseignement. Je
     

Choisir l’humain

17 août 2025 à 09:13

Nicolas Falcimaigne-Wuattier, écrivain-brasseur

Fondateur et dernier propriétaire de la microbrasserie Le Caveau des Trois-Pistoles

Vous l’aurez peut-être entendu : une brasserie a fait faillite au Bas-Saint-Laurent. Une parmi tant d’autres. La mienne. Transparence totale : je n’y ai plus aucun rôle ni intérêt. La faillite est signée. Ma proposition personnelle aux créanciers est acceptée. Je vais bien, merci de demander. La page est tournée. Retour à l’écriture et à l’enseignement. Je peux en parler à tête reposée, à l’occasion de cette brève analyse qui trace un lien du personnel à l’universel.

Tout au long de cette saga, j’ai voulu saisir l’occasion de marteler un message dans les médias, celui de l’achat local. Cliché? Non, moins que jamais. En 2025, ce n’est plus un vœu pieux. C’est une question de vie ou de mort pour ce que nous aimons dans notre quotidien, dans notre centre-ville, dans notre village. Acheter, c’est voter. Le titre de Laure Waridel est passé dans le langage courant, signe d’une prise de conscience. Mais il faut enclencher la vitesse supérieure. L’enjeu est maintenant devenu critique.

La pandémie a gonflé les voiles des multinationales tout en cassant les jambes des entreprises locales. Les années suivantes ont été un cauchemar pour les petites entreprises. Inflation, hausse des taux d’intérêt, perte de pouvoir d’achat de la population, rupture des chaînes d’approvisionnement, pénurie de main-d’œuvre. Pour les multinationales, qui ne sont pas au service de l’humain, toutes ces catastrophes sont plutôt de bonnes nouvelles.

Ce contexte ouvre la voie à l’automatisation à grande vitesse, largement financée par des programmes gouvernementaux hors de portée des petites entreprises, avec à la clé des économies d’échelle importantes qui permettent de casser les prix pour faire tomber les indépendants, les artisans, les entreprises familiales. Bientôt, ce phénomène sera amplifié par le développement de l’intelligence artificielle.

Le plus ancien algorithme, bien avant l’IA, c’est la « main invisible du marché ». Depuis plus d’un siècle, le fonctionnement des places boursières s’impose comme un véritable logiciel qui gère de façon presque autonome notre économie. Parfois, une intervention humaine, comme une hausse du taux directeur, tente d’infléchir la tendance d’un système qui par sa complexité et son automatisation échappe de plus en plus à l’humain.

Face à l’inhumain des multinationales et de l’économie de marché mondialisée, l’artisan est bien souvent seul. Seul devant la responsabilité d’offrir un produit local, de le promouvoir et de le rendre accessible, alors que la population le perçoit plutôt comme un riche, comme quelqu’un qui exploite des employés ou qui fait un coup d’argent.

Oubliez ça! Votre artisan local, c’est un prolétaire comme vous et moi. C’est un prolétaire qui n’a pas de patron. Aucun intermédiaire entre lui ou elle et les autorités bancaires, financières et gouvernementales. C’est un prolétaire au front qui se bat chaque jour pour que vous puissiez aller acheter du bon pain au coin de la rue, prendre une bière de qualité à la micro, un bon repas au resto, acheter un vrai fromage fait localement, une charcuterie saine, être conseillé avec passion sur un disque ou un livre, offrir un bouquet composé avec art, et lire un journal de qualité depuis trente ans.

Votre artisan local, il est au service de l’humain. C’est quelqu’un qui a accepté de mettre sa passion sur la table, d’y ajouter les tâches ingrates de la gestion, et de prendre des risques financiers qui peuvent à tout moment le mettre à la rue. C’est quelqu’un qui maintient à bout de bras plusieurs emplois signifiants qui font vivre des familles dans votre communauté, plutôt que des robots d’entrepôt à l’autre bout du monde.

Sur ce front, c’est vous qui fournissez les munitions. Chaque choix, chaque achat, chaque décision, peut sauver notre camp, celui des humains, …ou nourrir la bête multinationale. Un resto ou une boîte HelloFresh? Netflix ou un spectacle au bistro du coin? Une commande Amazon ou magasiner dans les environs? Un voyage dans le sud ou un spa en Gaspésie? Annoncer dans Le Mouton Noir ou sur Facebook?

C’est plus cher, dites-vous? Eh bien, consommez moins! Ou plutôt, consommez mieux. Échangez un sourire, obtenez un conseil, tissez votre tissu social. Oui, le choix de l’humain est souvent plus cher, moins facile. Mais le jour où il n’y aura plus rien, tout sera plus cher. Chérissons l’humain.

Photo : 231115entonnage.jpg

Bas de vignette : Une partie de l’équipe du Caveau

Crédit Photo : NFW

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  • Dérive sociale : un point de non-retour?
    Traverser le Rubicon, c’est une expression qu’on hérite de la chute de la Rome antique; c’est franchir le point de non-retour. En foulant la berge sud, César provoque une guerre civile qui sonne la mort de la République. Au Québec, ça fait un moment que la montée du nationalisme identitaire empeste l’air. Déjà avant l’élection de la CAQ, la Meute paradait avec protection policière, et une prière tournait à la tragédie dans la grande mosquée de Québec. On a déjà les pieds dans l’eau. Comme pour t
     

Dérive sociale : un point de non-retour?

12 août 2025 à 11:25

Traverser le Rubicon, c’est une expression qu’on hérite de la chute de la Rome antique; c’est franchir le point de non-retour. En foulant la berge sud, César provoque une guerre civile qui sonne la mort de la République. Au Québec, ça fait un moment que la montée du nationalisme identitaire empeste l’air. Déjà avant l’élection de la CAQ, la Meute paradait avec protection policière, et une prière tournait à la tragédie dans la grande mosquée de Québec. On a déjà les pieds dans l’eau. Comme pour tourner le fer dans la plaie, une maison d’édition (financée par la SODEC et le Gouvernement du Canada) publie un livre écrit par le père du tireur visant essentiellement à peindre son fils comme une victime poussée à l’acte par l’intimidation1. Heureusement, ça n’arrivera plus; la Meute s’est dissoute, satisfaite de la victoire caquiste. D’ailleurs, la Cour supérieure a tranché : le terroriste pourra sortir de prison plus tôt que prévu2.

Quand nous traversons la rivière, chaque pas nous rapproche de la berge sud. Pour un temps, on a l’eau aux chevilles, mais on peut reculer. Quand est-ce qu’il devient trop tard? À quel moment déclarons-nous que nos dirigeants sont autoritaires et que le fascisme n’est plus un risque à éviter, mais une réalité à combattre?

Intégrer la violence à petites doses

C’est peut-être la distance historique ou les films de guerre sensationnalistes, mais plusieurs semblent avoir une idée caricaturale de cette dérive sociale. Il n’y a pas de grand soir. C’est graduellement que les politiques racistes deviennent courantes et que la violence étatique se normalise. Est-ce que soutenir inconditionnellement des régimes génocidaires, dont les dirigeants sont recherchés par la Cour internationale, c’est traverser le Rubicon? Est-ce que la répression des personnes qui dénoncent la complicité de nos gouvernements, c’est le pas de trop? Qu’en est-il des centres de détention pour les personnes migrantes ou de l’impunité des employeurs qui confisquent les papiers de leurs employées? On a l’eau à la taille, mais d’où on est, la berge nord est encore bien visible, derrière nous.

Les dernières années ne sont pas celles qui nous rendent le plus fiers du Canada, ni du Québec de qui j’aurais espéré mieux. Il semble que le plus qu’on puisse espérer des élites politiques, c’est de valoriser les personnes selon leur rendement économique. Les Anges Gardiens d’hier sont devenus les boucs émissaires pour l’avarice des propriétaires. Il y a quelques années, on les félicitait d’assumer les emplois les plus dangereux, aujourd’hui on leur dit de se contenter des permis de travail fermés. Dans les deux cas, le message est clair : au Canada, les travailleuses et travailleurs migrants sont jetables. Une préposée aux bénéficiaires qui a des séquelles de la COVID, c’est du dommage collatéral; un agriculteur obligé par un permis de travail fermé à travailler pour un employeur abusif, c’est de la main-d’œuvre saisonnière. Lorsque Tomoya Obokata, rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, dit que le Programme des travailleurs étrangers normalise les abus de pouvoir et alimente l’esclavage contemporain3, nos gouvernements ne lèvent pas le petit doigt. N’est-ce pas cautionner une violence que de la laisser arriver quand on a le pouvoir de l’arrêter?  Quand est-ce que l’inaction devient complicité?

J’imagine que la ligne est poreuse. Selon nos affinités politiques et nos milieux, nous sommes plus ou moins sensibles aux politiques régressives qui cultivent la division entre travailleuses et travailleurs. Il doit quand même y avoir des limites, quelle est la vôtre? Quand on restreint le droit de grève?  Quand le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres sera aboli du jour au lendemain? Avant de continuer votre journée, prenez un temps pour y penser et l’écrire quelque part, un post-it devrait faire l’affaire. Mettez-le quelque part, à un endroit que vous verrez souvent, sur un miroir ou un frigo. Quand ce point arrivera, s’il n’est pas déjà passé, souvenez-vous qu’à un moment, il n’y a pas si longtemps, c’était ça, votre limite personnelle. Atteindre la rive sud devient la seule option, l’autre est trop loin. D’ici là, je vous invite à porter une attention particulière aux personnes les plus vulnérables autour de vous. J’espère surtout que le post-it ne se fondra pas dans le décor, à force de faire partie de votre quotidien.

1. Raymond Bissonnette, Quand il n’y a pas de mots, Éditions JCL, 2025, 216 p.

2. Cour suprême du Canada, « La cause en bref », 2022, https://www.scc-csc.ca/fr/judgments-jugements/cb/2022/39544/

3. Tomoya Obokata, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, Nations Unies, 2024, 26 p., https://documents.un.org/doc/undoc/gen/g24/120/98/pdf/g2412098.pdf

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  • Combattre l’austérité un village à la fois  
    Ces dernières semaines, nous avons été les témoins privilégiés des conséquences dramatiques des coupes actuelles sur les soins et services en santé et services sociaux. Après avoir passé des mois à nous faire répéter machinalement par nos élus de la CAQ que « les coupes n’auront aucun impact sur les services à la population », le chat sort du sac. Si nous savons que nous vivrons une nouvelle vague de compressions budgétaires, nous ne savons encore que bien peu de choses au sujet des coupes à
     

Combattre l’austérité un village à la fois  

11 août 2025 à 12:51

Ces dernières semaines, nous avons été les témoins privilégiés des conséquences dramatiques des coupes actuelles sur les soins et services en santé et services sociaux. Après avoir passé des mois à nous faire répéter machinalement par nos élus de la CAQ que « les coupes n’auront aucun impact sur les services à la population », le chat sort du sac.

Si nous savons que nous vivrons une nouvelle vague de compressions budgétaires, nous ne savons encore que bien peu de choses au sujet des coupes à venir dans notre région. Le plan de retour à l’équilibre budgétaire (PEB), présenté à Santé Québec par le CISSS du Bas-Saint-Laurent, a été élaboré en silo, loin des regards des partenaires de la région (comités des usagers, travailleuses et travailleurs, élus, municipalités, organismes communautaires). En février dernier, Radio-Canada nous informait d’ailleurs que les administrateurs du CISSSBSL ne savaient rien de ce plan alors qu’il était déjà déposé1. Qualifier ces travaux d’opaques serait un euphémisme.

Un déficit économique et démocratique

Le déficit budgétaire à combler pour l’année financière 2024-2025 serait de 34 millions de dollars. Selon les informations dont nous disposons, mais qui demeurent toutefois à confirmer, le PEB comprendrait toutefois plus de 45 millions de dollars de coupes. La démarche viserait à identifier les secteurs ou éléments qui pourraient être coupés au niveau régional, puis à laisser Santé Québec le loisir de prendre les décisions finales au sujet des compressions à effectuer.

Ce processus confirme les risques de centralisation extrême posés par Santé Québec. Comment justifier que ce soient des bureaucrates et des fonctionnaires de Québec ou de Montréal qui décident ce qui est le plus urgent à couper dans notre région?

La manière dont on s’y prend pour redresser le budget de notre réseau de santé et de services sociaux à l’échelle de la région révèle également un grave manque de transparence. Comment expliquer le manque de consultation des partenaires des milieux concernés? Comment se fait-il que nous n’ayons toujours pas plus d’information au sujet des mesures comprises dans ce plan alors que l’inquiétude grandit dans les villes et villages d’un bout à l’autre du Bas-Saint-Laurent? Il est grand temps de remettre les gens de notre région au cœur de l’élaboration des stratégies de développement de notre réseau public de santé et de services sociaux, pas l’inverse.

Pour l’instant, nous savons que 183 postes sont abolis chez des personnes salariées. Les informations entrent au compte-gouttes tandis que de nombreux services à la population sont en jeu. Nous avons par exemple récemment appris que certains services de l’unité mobile de dépistage du cancer du sein, la roulotte SARA (Service Ambulatoire Radiologique Accessible), seraient en péril. Mise sur pied en 2007 pour favoriser l’accès à des services de prévention de proximité dans les MRC rurales du territoire, l’unité mobile devrait voir ses services diminuer au Témiscouata et dans La Matapédia à compter de ce printemps. Une situation aussi absurde qu’inacceptable pour la santé des femmes de notre région.

Une riposte populaire en marche

À la suite de fuites informelles, nous avons appris cet hiver que les urgences de Trois-Pistoles et de Pohénégamook étaient identifiées comme potentiels « services à couper » dans le PEB présenté à Santé Québec. Pour l’instant, il demeure impossible de confirmer ces informations comme le CISSS du Bas Saint-Laurent refuse de se prononcer à ce sujet avant d’avoir eu le verdict final de Santé Québec.

En attendant que le couperet tombe, les communautés des Basques et du Témiscouata prennent les choses en main pour éviter le pire. Se sont ainsi enclenchées des mobilisations populaires massives, qui ont permis de réunir des centaines de citoyens et de citoyennes dans ces deux communautés autour d’un discours commun : « Sauvons nos soins et services de proximité ». En plein hiver, des mobilisations massives ont eu lieu à Trois-Pistoles comme à Pohénégamook. Des pétitions circulent, l’heure est à l’action.

Ces mobilisations témoignent de l’attachement de nos communautés pour un modèle local de dispensation de soins et de services et doivent en inspirer d’autres. Elles appellent à nous unir sur une base régionale pour refuser le dessein mortifère auquel Santé Québec cherche à nous condamner. Pour bien vivre, travailler, grandir et se faire soigner au Bas-Saint-Laurent, organisons-nous ensemble dès aujourd’hui.

1. Sophie Martin, « Le CA du CISSS ne sait rien du plan de retour à l’équilibre budgétaire », Radio-Canada, 25 février 2025, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2143413/sante-bas-saint-laurent-coupes-deficit

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  • EN CES TEMPS TROUBLES POUR l’ENVIRONNEMENT
    En ces temps troubles qui se profilent, les craintes citoyennes sont palpables. Lesimpacts environnementaux et les réchauffements climatiques sont toujours les mêmes. Malheureusement les dénis et les aveuglements le sont aussi, et le désengagement du ministère de l’Environnement n’annonce rien de bon, sinon plus de dégradations des écosystèmes et de la biodiversité, par plus d’autorisations ou de dérogations à des pollueurs, plus de permis de détruire des milieux humides et hydriques vitaux et d
     

EN CES TEMPS TROUBLES POUR l’ENVIRONNEMENT

9 août 2025 à 08:46

En ces temps troubles qui se profilent, les craintes citoyennes sont palpables. Lesimpacts environnementaux et les réchauffements climatiques sont toujours les mêmes. Malheureusement les dénis et les aveuglements le sont aussi, et le désengagement du ministère de l’Environnement n’annonce rien de bon, sinon plus de dégradations des écosystèmes et de la biodiversité, par plus d’autorisations ou de dérogations à des pollueurs, plus de permis de détruire des milieux humides et hydriques vitaux et de dénaturaliser les berges, les battures et les paysages.

On carbure encore au développement tous azimuts tout le long du fleuve Saint-Laurent, voire de rivières patrimoniales, de Montréal au lac Saint-Pierre, réserve mondiale de la biodiversité que l’on contamine et ensevelit définitivement. Pourtant on s’étonne de la disparition des perchaudes, des poulamons, des crevettes, et on accuse les cormorans, les sébastes, les bars, les phoques. On absout cependant  la folie des hommes et de leur course au développement désormais confondu avec le progrès, une course vers l’anéantissement de la nature, du Fleuve aux grandes eaux et des rivières, tout cela menant, par impacts cumulatifs, au déclin des ressources aquatiques, de la pêche fluviale jadis nourricière.

Ce qui s’établit maintenant conditionne ce qui pourrait advenir demain vers l’estuaire. Ces spoliations détruisent peu à peu les ressources et contaminent les eaux, et feront à terme la détresse des pêcheurs. De plus, des terres agricoles fertiles sont plantées d’éoliennes, de structures de béton armé. Il y a eu et y aura encore plus de quais industriels et de zones industrialo-portuaires en bordure du fleuve, voire d’usines au profil environnemental incertain qui n’annoncent rien de bon pour la santé environnementale et la santé des écosystèmes, ni pour une véritable économie écologique durable. Cependant, des élus de MRC ferment les yeux, se droguent d’illusions de développement économique, jouent le jeu des développeurs, prétendent que la surveillance des impacts environnementaux relève du ministère de l’Environnement, qu’ils peuvent taire, voire cacher l’ampleur des impacts cumulatifs d’un ensemble de projets entérinés à la pièce mais qui contribuent à terme à des désastres écologiques et écosystémiques et à une détérioration de la santé de l’environnement et éventuellement de la santé de la population. Pourtant, il n’y a pas d’économie prospère sans écologie en santé  ni population en santé!

Cela étant, la conscience citoyenne est indéniablement muselée, manipulée, voire évacuée. Cependant, un défi démocratique émerge et se déploie contre ce qui hypothèque la qualité de vie et la prospérité d’une société distincte… Si la course au développement est bien utile pour soigner l’ego de quelques-uns, elle évacue le devoir de mener des évaluations environnementales et mâte la conscience citoyenne. Ces évaluations environnementales seraient pourtant aussi indispensables que contributrices à la définition et à la réalisation de projets à succès bénéfiques pour la société.  Ainsi, on obvie les critères de la beauté de l’aménagement territorial, qui ne peut être sans harmonie et cohérence, pour plonger dans un brutalisme désolant.

On est mal barré, littéralement. Bien des malheurs sont à craindre à moins que la conscience citoyenne ne donne un coup de barre et oriente les projets industriels et les développements vers la voie d’une économie écologique, et que cessent la pollution de l’air, de l’eau, des sols, la destruction des écosystèmes et de la biodiversité, que cesse l’étalement tant urbain qu’industriel sans respect pour la cohérence de l’aménagement territorial. Prions pour que le sens de la beauté guide les citoyens d’une société qui se voudrait remarquable, et que le temps des dévastations soit révolu!

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  • Caribous montagnards« On aime ce qu’on connaît et on protège ce qu’on aime. »
    La trentaine de caribous montagnards de la Gaspésie est le vestige de l’immense harde qui peuplait tout le nord-est de l’Amérique avant l’arrivée des Blancs. Dernier troupeau au sud du Saint-Laurent, il a subi une baisse de 80 % de ses effectifs en 15 ans et porte le triste titre d’espèce en voie de disparition. Comme Nature Québec l’énonce sur son site Internet, les causes de ce problème sont bien connues : dégradation de l’habitat causée principalement par les coupes forestières et augmentatio
     

Caribous montagnards« On aime ce qu’on connaît et on protège ce qu’on aime. »

8 août 2025 à 11:29

La trentaine de caribous montagnards de la Gaspésie est le vestige de l’immense harde qui peuplait tout le nord-est de l’Amérique avant l’arrivée des Blancs. Dernier troupeau au sud du Saint-Laurent, il a subi une baisse de 80 % de ses effectifs en 15 ans et porte le triste titre d’espèce en voie de disparition. Comme Nature Québec l’énonce sur son site Internet, les causes de ce problème sont bien connues : dégradation de l’habitat causée principalement par les coupes forestières et augmentation de la prédation qui en découle1. Entrevue avec Alice-Anne Simard, directrice générale de l’organisme.

Philippe Garon – Ça fait longtemps qu’on est au courant de la situation. Comment expliquer qu’on a tant pelleté par en avant?

Alice-Anne Simard – Dans de telles situations, on oppose souvent économie et protection de l’environnement. Pour le caribou, cet équilibre-là n’a jamais été atteint ni même recherché. On reste vraiment dans une économie d’industrie primaire, donc d’exploitation des ressources, alors qu’il existe un potentiel de développement dans la région basé plus sur les secteurs secondaire et tertiaire. Comme pour la crise climatique, on connaît les causes de la perte de biodiversité depuis longtemps. C’est bien documenté, étudié, les scientifiques sont unanimes, mais ça prend de la volonté politique pour qu’on ne considère plus le territoire juste comme quelque chose à exploiter et à gruger.

P. G. – Si les solutions sont connues, pourquoi ne sont-elles pas mises en application?

A. A. S. – Il y a une grosse résistance de la part de certains élus et d’acteurs économiques dans la MRC. J’insiste sur le mot « certains » parce que ce n’est pas tout le monde. Sauf que ceux qui s’opposent à toute forme de protection veulent continuer à faire du développement basé uniquement sur l’extraction des ressources. Là, c’est le caribou qui en subit les conséquences, mais si on croit qu’on peut continuer comme ça à l’infini, non seulement la situation économique de la Haute-Gaspésie va empirer, mais d’autres espèces vont décliner. Les écosystèmes vont s’affaiblir, puis ils seront moins efficaces pour nous rendre des services comme la production de l’eau potable, de l’air qu’on respire, etc. Le gouvernement doit donc écouter l’autre point de vue. Il faut changer de vision et non juste s’opposer au changement.

P. G. – Avez-vous le sentiment que les élus et les représentants économiques sont prêts à faire des concessions?

A. A. S. – Quand tu négocies, tu pars avec un extrême pour essayer d’arriver à un terrain d’entente. C’est une technique que l’on comprend bien. Certains s’opposent à toute forme de protection, voulant même qu’on enlève les mesures intérimaires. Mais il faut qu’ils acceptent de mettre de l’eau dans leur vin. Le gouvernement ne peut pas dire : « On ne protège plus le caribou de la Gaspésie. » C’est une obligation légale. De toute façon, il doit aussi écouter les citoyens et les nombreuses organisations qui demandent qu’on protège le caribou2. Nous, on ne laissera pas le caribou disparaître. C’est au gouvernement de faire de l’arbitrage et d’arriver à un compromis. Tous les élus doivent reconnaître qu’il faut sortir de l’exploitation primaire, qui n’est pas une voie d’avenir. On ne peut plus refuser d’entrer dans le XXIe siècle. Oui, il va y avoir des impacts, mais des mesures de compensation peuvent être adoptées dans un esprit de justice sociale.

P. G. – Quelles sont les conséquences de l’extinction de cette espèce?

A. A. S. – Le caribou est un animal génétiquement distinct. Il fait partie de notre patrimoine naturel, tel que reconnu par le gouvernement. Dans l’identité québécoise, mais aussi dans celle des communautés autochtones, il revêt une grande importance. Il est aussi le canari dans la mine, c’est-à-dire qu’il agit comme un témoin de l’état de la forêt. Il a besoin d’une forêt en bonne santé, alors quand il ne va pas bien, ça nous démontre que la forêt aussi ne va pas bien. On observe d’ailleurs un appauvrissement généralisé de la forêt. Ça a des impacts fauniques, oui, mais aussi économiques. Le caribou est également une espèce parapluie. Si on en prend soin, d’autres espèces vont aller mieux. Dernier point, plus émotif : c’est impossible de mettre un prix sur le fait de sauver une espèce, de lui permettre de continuer à vivre dans son habitat naturel. Comme maman, j’aimerais que mes enfants puissent les observer. Je trouverais ça terrible comme biologiste qu’on n’arrive pas à assurer la survie du troupeau. Ce serait une perte inestimable, un immense échec de l’espèce humaine.

P. G. – Qu’est-ce que vous aimeriez dire aux personnes qui s’opposent à la protection du caribou?

A. A. S. – Je les invite à écouter ce que disent la science et toute la population qui se mobilise pour protéger les caribous. En continuant à tout miser sur le développement économique primaire, on va arriver aux mêmes résultats dans quelques années; non seulement on va avoir perdu le caribou, mais la région va continuer à se dévitaliser. Il faut miser sur une transition vers une économie d’avenir, innovante, durable.

1. Nature Québec, « Une population unique en train de disparaître », 2025 https://naturequebec.org/projets/caribou_gaspesie/?fbclid=IwY2xjawJjdedleHRuA2FlbQIxMAABHq9ET3hVnry6oLssw5UMCo2M459LENUv1TxsvG8mFiWJGuK5jXvmd1kHjJ5R_aem_cF2y_JiTOWNsvZkgiU-ILw

2. Lire la lettre ouverte du 11 avril 2025 : « Une mobilisation régionale à la défense du caribou et du territoire de la Gaspésie », https://www.hautrement.org/une-mobilisation-regionale-a-la-defense-du-caribou/?fbclid=IwY2xjawJqRfdleHRuA2FlbQIxMQABHtS7GPzX32xdwrp3FsOTAkk9KYR1KfYCJHsMe3SDw0HoQNoGtSWarrCLLd4a_aem_yFBBMTAEOPhELyejzJtf7A

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