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L’invasion silencieuse des espèces envahissantes

Une étude recommande de pratiquement tripler le nombre de stations de lavage des embarcations au Bas-Saint-Laurent pour freiner la propagation des espèces exotiques envahissantes. Le portrait élaboré par le Collectif régional de développement (CRD) du Bas-Saint-Laurent est inquiétant.

Les espèces envahissantes sont déjà installées dans plusieurs plans d’eau de la région. De nombreux lacs à risque de propagation ne sont pas protégés par des stations de lavage et les municipalités n’ont pas toutes la volonté d’agir.

Actuellement, la moule zébrée est présente dans le lac Témiscouata. Des tests menés en 2023 ont répertorié des traces d’ADN de moules zébrées dans huit autres plans d’eau, dont le lac des Aigles, le lac Matapédia, le lac Mitis, le lac Saint-Mathieu et le Grand Lac Squatec.

À l’est, ce sont les vivipares géorgiens et chinois, de gros escargots, qui envahissent les lacs Matapédia, du Gros-Ruisseau, Casault et Causapscal.

La présence d’ADN environnemental ne confirme pas la présence de moules zébrées, mais les risques sont élevés. Pour les autres lacs, on ne sait pas. Le portrait dressé par le CRD illustre le manque de données pour la détection des espèces envahissantes.

La mairesse de Saint-Marcellin, Julie Thériault. (Photo Facebook)

Cet été, des capteurs ont été installés dans certains lacs, comme le lac Noir à Saint-Marcellin. La mairesse, Julie Thériault, est inquiète.

« C’est un enjeu préoccupant, avec la difficulté de contrôler tout ça. Les lave-bateaux, c’est un beau projet, mais ce n’est pas facile d’avoir un vrai contrôle sur les déplacements des gens. C’est un projet qui est sur la table depuis au moins quatre ans. Il faut travailler fort! » La mairesse espère y arriver l’an prochain.

Multiplier les stations de lavage

Les plaisanciers, qui vont de lac en lac, sont le principal vecteur de propagation des espèces exotiques envahissantes.

Les larves voyagent en se collant à la coque des bateaux. La solution: laver les embarcations et les équipements à l’entrée et à la sortie du lac.

Actuellement, il y 17 stations de lavage des embarcations au Bas-Saint-Laurent, concentrées au Témiscouata et dans la Matapédia. Il en faudrait au moins 45 et non seulement autour des lacs, selon la biologiste au CRD, Océane Perillous.

« C’est irréaliste d’en mettre partout. Il faut cibler des axes routiers stratégiques, où il y a beaucoup de circulation, pour intercepter les plaisanciers et obliger le lavage des embarcations. »

Moules zébrées provenant du lac Témiscouata. (Photo prise par l’OBVNEBSL)

La prévention passe aussi par la sensibilisation des propriétaires de bateaux, explique Alexa Bérubé Deschênes de l’Organisme des bassins versants du Nord-Est du Bas-Saint-Laurent. « Il va falloir des changements de comportements. Les sensibiliser et les resensibiliser. Et ça va prendre du temps. »

Du temps qui risque de manquer, rappelle Océane Perillous. « On essaie de tout mettre en œuvre pour éviter que les espèces se propagent. La moule zébrée fait de gros dégâts et coûte très cher. Il faut éviter à tout prix qu’elle s’installe partout. »

Au total, 15 emplacements de stations ont été identifiés, dont 4 sont déjà envisagés par les municipalités. Les 11 nouvelles stations suggérées sont localisées à Trois-Pistoles, à Saint-Ulric, à Saint-Damase, dans la Zec Casault, à Mont-Joli, au parc du Bic, à Rimouski et à Saint-Narcisse.

Le CRD propose aussi des stations mobiles pour desservir les Zecs. Aucune station de lavage n’est présente sur les territoires fauniques du Bas-Saint-Laurent, alors qu’ils sont fortement fréquentés et qu’ils possèdent des sites exceptionnels.

Les coûts d’exploitation font peur

Actuellement, sept municipalités ont déposé une demande d’aide financière pour mettre en place une station de lavage, qui coûte autour de 50 000$. Huit autres ont montré un intérêt, mais n’ont pas demandé de subvention, alors qu’une dizaine n’ont aucun intérêt dans le projet, bien que les stations soient considérées comme prioritaires.

C’est un grand défi pour les organismes de bassins versants, souligne Alexa Bérubé Des-chênes. « C’est difficile en raison des frais d’exploitation, en plus de devoir embaucher du per-sonnel pour les faire fonctionner. Les municipalités sont réticentes à embarquer. On est à l’étape de les mobiliser parce qu’on a un besoin urgent de stations de lavage. »

Le CRD recommande d’ailleurs de créer un fonds régional pour aider les municipalités et les MRC à couvrir les coûts d’installation et d’exploitation. L’organisme suggère aussi aux munici-palités de partager
leurs ressources.

Les plaisanciers, qui vont de lac en lac, sont le principal vecteur de propagation des espèces exotiques envahissantes. (Photo Le Soir.ca – Bruno St-Pierre)

Au Bas-Saint-Laurent, 40% des lacs présentent un risque élevé ou très élevé d’être envahis par les espèces exotiques envahissantes.

La MRC de Rimouski-Neigette présente la proportion la plus élevée de lacs classés à haut risque, suivie par La Mitis et La Matapédia.

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L’Est-du-Québec s’enfonce davantage

Les petites localités éloignées des centres urbains poursuivent leur lent déclin. L’indice de vitalité économique des municipalités québécoises montre encore une fois que les régions de l’Est-du-Québec peinent à rivaliser avec les grands centres. 

La population des plus petites localités est vieillissante, les revenus sont faibles et l’emploi rare. Le préfet de la MRC de La Côte-de-Gaspé et maire de Gaspé, Daniel Côté, pointe du doigt la centralisation et réclame davantage de pouvoirs pour les régions afin de renverser la tendance.

L’indice de vitalité des territoires est compilé par l’Institut de la statistique du Québec. Le plus récent rapport montre que, sur les 229 municipalités affichant l’indice le plus faible, une centaine se trouvent dans l’Est-du-Québec, soit 48 au Bas-Saint-Laurent, 31 en Gaspésie et 20 sur la Côte-Nord.

Les deux tiers des localités gaspésiennes, la moitié de celles de la Côte-Nord et 40 % de celles du Bas-Saint-Laurent figurent parmi les plus dévitalisées au Québec. La municipalité qui affiche l’indice le plus faible de toute la province est La Martre, en Haute-Gaspésie.

« Ce sont des milieux vieillissants. Les jeunes partent en raison de la décomposition des services. Surtout, les personnes les plus susceptibles de bouger sont celles qui en ont les moyens. Ceux qui restent, ce sont les plus défavorisés », constate le directeur scientifique de l’Observatoire des trajectoires territoriales et régionales de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), Nicolas Devaux.

Villages frappés de plein fouet

Plusieurs enjeux échappent au contrôle des petites communautés, dont les changements climatiques qui affectent les pêches, le déclin de l’industrie forestière ou encore les bouleversements économiques mondiaux. Ces facteurs frappent de plein fouet les villages.

Le directeur scientifique de l’Observatoire des trajectoires territoriales et régionales de l’Université du Québec à Rimouski, Nicolas Devaux. (Photo courtoisie UQAR)

« Les petites localités ont un pouvoir assez limité. À l’échelle d’une MRC, il y a peut-être des choses à faire de façon coordonnée, mais un village isolé aura du mal. Il n’y a pas de solution universelle », soutient monsieur Devaux. 

Décentralisation : promesse constamment reportée

« C’est plus facile de faire monter une morue à Québec que de faire descendre un fonctionnaire à Gaspé. » Par cette boutade, l’ancien premier ministre René Lévesque illustrait déjà la difficulté de décentraliser les pouvoirs vers les régions. 

« Tant qu’on accordera plus de poids à l’opinion de fonctionnaires à Québec qu’à celle des élus régionaux, on se retrouvera avec les mêmes résultats », croit le maire de Gaspé, Daniel Côté.

En 1978, René Lévesque voulait installer la direction des pêches à Gaspé, mais il n’a jamais pu concrétiser son projet. Cinquante ans plus tard, elle est toujours à Québec.

« Il y a une forte tendance centralisatrice. On nous impose des décisions et des programmes mur à mur, loin de nos réalités. C’est là le cœur du problème », déplore monsieur Côté.

Besoins réels des régions

Comme plusieurs autres élus, il réclame plus de latitude pour investir en fonction des priorités et des besoins réels des régions. « Je pense qu’on investirait beaucoup mieux l’argent public si on décentralisait les pouvoirs. »

Aussi préfet de la MRC de la Côte-de-Gaspé, Daniel Côté ouvre aussi la réflexion sur les regroupements municipaux et le partage de services pour créer un plus grand levier économique. « Plus la localité est petite, plus elle se dévitalise. Devrait-on regrouper davantage nos forces ? »

Selon lui, de plus en plus de villages n’ont plus les moyens ni les ressources humaines nécessaires pour stimuler leur développement. 

« On perd beaucoup d’argent si on veut se regrouper, alors qu’on pourrait gagner une véritable force de frappe », déplore monsieur Côté. 

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Plus de dons au Bas-Saint-Laurent, mais l’attente persiste

La transplantation d’un nouveau cœur, la semaine dernière, pour le Rimouskois David Lauzier, met en lumière l’importance des dons d’organes pour sauver des vies. Après quelques semaines d’angoisse, l’artisan-ébéniste a pu bénéficier de la générosité d’un donneur, retrouvant ainsi l’espoir.

Inscrit en priorité absolue sur la liste de Transplant Québec dans l’attente d’un donneur compatible, monsieur Lauzier a appris la bonne nouvelle la veille de son opération.

Il était hospitalisé à l’unité de soins intensifs coronariens de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, où il avait été admis en urgence le 23 juillet dernier en état d’insuffisance cardiaque sévère.

« Le processus d’une greffe du cœur est hautement risqué et, dans ce cas-ci, les médecins estiment ses chances de réussite à environ 75%. Si tout se passe bien, une longue période de réadaptation suivra son cours pendant environ une année et David se trouvera toujours dans l’incapacité d’exercer son métier », indiquaient les instigateurs.

Chaque année, moins d’une quarantaine de patients sont greffés du cœur au Québec. Le nombre de dons d’organes est en progression.

Transplant Québec rapporte une augmentation de 89 % du nombre de références en 10 ans, ce qui a permis d’accroître le nombre de transplantations. Malgré ces progrès, la liste d’attente demeure longue.

En 2024, au Bas-Saint-Laurent seulement, 16 personnes attendaient un nouveau rein, trois pour un foie et une pour un cœur. Les délais se sont toutefois améliorés. En moyenne, ils atteignent 49 jours pour une greffe pulmonaire et 156 jours pour un cœur.

L’an dernier, 551 Québécois ont été transplantés avec la générosité des donneurs décédés et au consentement de leur famille, dont seulement 37 grâce à un nouveau cœur. 

Le Bas-Saint-Laurent progresse 

Il y a quelques années, les donneurs d’organes provenant du Bas-Saint-Laurent étaient rares. En 2023, la région a doublé le nombre de références, une remontée spectaculaire. 

« Ce fut un travail de sensibilisation auprès des médecins, inhalothérapeutes et infirmières. D’être proactifs. Ça peut sembler banal, mais identifier les donneurs potentiels n’est pas toujours évident dans le vif du sujet », explique la médecin spécialiste ainsi que coordonnatrice en don et en transplantation d’organes et de tissus à l’Hôpital régional de Rimouski, la Dre Christine Touzel. 

Parmi les façons de signifier son consentement aux dons d’organes et de tissus, les intéressés doivent signer un autocollant et de l’apposer au dos de leur carte d’assurance maladie. (Photo courtoisie)

Dans son plus récent bilan, Transplant Québec a répertorié 12 références dans la région. De ce nombre, quatre donneurs effectifs ont permis la transplantation de neuf organes, principalement des reins. L’acceptation sociale du don d’organes progresse aussi.

Quatre Québécois sur 10 ont officiellement inscrit leur volonté de donner. Malgré cette ouverture, seule une fraction des références aboutit, notamment en raison du refus des familles ou de problèmes de santé chez le donneur.

Second souffle

« Le don d’organes permet de donner une lueur dans des situations très sombres. De prendre un drame humain et d’offrir un second souffle », dit la Dre Touzel. 

Il existe trois façons de signifier son consentement au d’organes et de tissus, soit de de s’inscrire à un registre de la Régie de l’assurance maladie du Québec, de signer un autocollant et de l’apposer au dos de sa carte d’assurance maladie ou de signifier sa décision à la Chambre des notaires du Québec.

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Ferme Pierho : un verger à savourer

Avec une vue imprenable sur le parc du Bic, la ferme Pierho, à la Rivière-Hatée, propose une expérience gustative de petits fruits hors du commun.

Lancé comme un projet de solidarité familiale en pleine pandémie de COVID-19, le verger abrite de nombreuses variétés d’arbres fruitiers, dont certaines sont encore peu connues des cueilleurs. Les projets se multiplient pour les frères André et Rémi St-Pierre, qui souhaitent avant tout partager leur passion et leur décor enchanteur. C’est sur la terrasse de la maison de ferme, en admirant le parc du Bic, que l’idée d’un verger consacré aux petits fruits a germé en 2021.

« D’une soirée à l’autre, le sujet revenait. Pis un moment donné, on s’est lancé », se rappelle André. 

Ce projet voit le jour lors de la deuxième vague de COVID-19, qui oblige Rémi, travaillant en événementiel, à suspendre ses activités professionnelles. André, exploitant une ferme laitière, décide d’investir dans l’idée.

« Plutôt que de le laisser dans l’incertitude face à l’avenir, je lui ai créé une job de chargé de projet ! »

Rémi se lance alors dans la recherche des meilleures variétés de fruits et de leurs méthodes de culture, tandis qu’André s’occupe des travaux aux champs pour la plantation. Le projet passionne les deux frères, qui plantent d’abord des framboises et des bleuets, qui ont produit les premiers revenus.

Planter hors des sentiers battus

« J’ai planté plein de choses que je n’avais jamais goûtées ! » Rapidement, Rémi introduit des variétés moins connues, mais qui gagnent en popularité. La camerise, par exemple, avec ses fruits bleus allongés, possède une saveur riche et complexe.

La camerise de la Ferme Pierho. (Photo Bruno St-Pierre)

« Ça a été un coup de foudre. Je voulais vraiment en avoir. Il y avait un risque, on a lancé une grosse production. Mais au final, ça fonctionne. J’ai 14 variétés différentes. On va peut-être en ajouter ! »

Le projet restera familial, saisonnier pour Rémi qui retourne à son emploi principal en automne, tandis qu’André poursuit sa production laitière. 

Projet de partage

Le verger de la ferme Pierho fait aussi participer les neveux et nièces pour accueillir les cueilleurs, une condition dès le départ. Mais l’idée principale est surtout de partager un décor exceptionnel.

« Au début, explique André, c’était “framboises avec vue”. On voyait le site autant que le fruit. »

Parmi les projets, la construction d’un kiosque d’accueil avec terrasse permettra « d’offrir une expérience à nos clients » et pas seulement de petits fruits.

« Dans mon idée, précise André, il y avait un côté vraiment social à cette aventure, pas juste agricole. La partie la plus intéressante, c’est le contact avec les gens. »

Rémi s’émerveille chaque jour.

« On a une des plus belles vues sur le parc du Bic, il fallait la partager. »

De l’amélanchier à l’argousier : saveurs à découvrir 

Les noms de fruits inconnus se succèdent au détour des espaces du verger. Les frères St-Pierre souhaitent à la fois ramener des espèces traditionnelles utilisées autrefois en cuisine et introduire de nouvelles variétés.

Certains fruits sont nouveaux en Amérique du Nord, comme l’argousier. Originaire d’Europe du Nord et d’Asie, particulièrement de Russie, l’arbuste produit des fruits jaunes à orange, très juteux, au goût rappelant l’ananas ou les fruits de la passion.

L’argousier est méconnu au Québec.(Photo Bruno St-Pierre)

Pour fructifier, il faut alterner plantes mâles et femelles. L’argousier est surtout utilisé dans les sauces et confitures.

Résistante au froid

Plus loin, une rangée de griottiers devrait commencer à produire d’ici quelques années. La griotte, la « cerise traditionnelle » autrefois présente autour des maisons, est très résistante au froid et produit un fruit plus acidulé que la cerise américaine.

Quelques mètres plus loin, des plants de caseille, hybride entre le cassis et le groseillier, offrent de gros fruits noirs et lisses, à la saveur acidulée et légèrement parfumée.

Enfin, l’amélanchier, que l’on trouve à l’état naturel dans toute l’Amérique du Nord, produit l’amélanche, surnommée la « petite poire ». Ce fruit sucré rappelle le bleuet par son goût délicat.

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