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Vers une nouvelle nuit des longs couteaux?

Une élue locale démocrate de l’État du Minnesota a été assassiné avec son époux à son domicile. Un autre a été victime d’une tentative de meurtre. Si on ne s’inquiétait pas déjà, ce serait le bon moment est le bon moment de commencer.

Pendant sa campagne en 2024, Donald Trump s’est engagé plusieurs fois à faire un mauvais sort à ses adversaires politiques. Il a promis des enquêtes sur Joe Biden, Kamala Harris, Barack Obama et Liz Cheney. Il a laissé entendre que la garde nationale pourrait devoir sévir contre les démocrates qui allaient voler l’élection. « They are so bad and frankly, they’re evil. They’re evil. » Cette semaine, il a déclaré que la police de l’immigration devrait arrêter Gavin Newsom, le gouverneur de la Californie, qui a osé critiquer son envoi de l’armée pour arrêter les manifestations à Los Angeles. Le sénateur Alex Padilla, démocrate, a été violemment expulsé d’une conférence de presse par des agents du FBI alors qu’il posait une question à la secrétaire de la Sécurité intérieure, Kristi Noem. Est-ce qu’on se dirige vers une Nuit des longs couteaux à l’américaine?

La Nuit des longs couteaux, c’est la première série de crimes publics du gouvernement nazi. C’est l’illustration de la fin définitive de l’état de droit en Allemagne hitlérienne.

Contexte: Nous sommes en juin 1934. Adolf Hitler est chancelier (premier ministre) de l’Allemagne depuis janvier 1933, mais il partage son pouvoir avec les conservateurs, qui dirigent la plupart des ministères. Il se retrouve coincé entre les révolutionnaires nazis, qui veulent accélérer la mise en place de l’ordre nouveau, et les conservateurs, qui dénoncent la violence et le culte grandissant de la personnalité hitlérienne.

Les révolutionnaires se trouvent principalement au sein de la Sturmabteilung (SA), des sections armées qui agressaient et intimidaient les adversaires politiques, les syndicats et les Juifs. Pour faciliter l’accession d’Hitler au pouvoir, les SA provoquaient et agressaient les militants communistes. Hitler blâmait les communistes pour la violence et promettait de ramener la paix.

La SA était détestée par une grande partie de la population. Les conservateurs détestaient cette école de révolutionnaires. Les militaires soupçonnaient (avec raison) la SA de vouloir s’instaurer comme armée allemande. Plusieurs chefs de la SA étaient ouvertement homosexuels, ce qui scandalisait les puritains. De manière générale, la population n’appréciait pas la barbarie de ce groupe paramilitaire. Hitler devait éliminer ce groupe qui l’avait amené au pouvoir mais qui était devenu encombrant.

Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1934, les chefs de la SA sont arrêtés et exécutés. Les nazis ont inventé de toute pièce un complot visant à assassiner Hitler et à renverser le gouvernement. Hitler profite de l’occasion pour éliminer des adversaires politiques, des rivaux et des éléments gênants. On retrouve parmi les victimes:

  • Franz von Papen, vice-chancelier et chef de la faction conservatrice, qui critiquait ouvertement les abus de pouvoir d’Hitler et la violence avec laquelle il exerçait son autorité. Placé en détention préventive. Il survit parce qu’il était une personnalité internationale et que son assassinat aurait eu des répercussions majeures.
  • Edgar Jung, intellectuel conservateur et rédacteur de discours pour Papen. Placé en détention préventive le 25 juin, puis assassiné.
  • Herbert von Bose, attaché de presse de Papen, assassiné lors d’une descente de la Gestapo au bureau du vice-chancelier.
  • Gregor Strasser, ancien organisateur du parti nazi qui s’est brouillé avec Hitler. Arrêté puis abattu dans sa cellule au siège de la Gestapo.
  • Kurt von Schleicher, prédécesseur d’Hitler comme chancelier d’Allemagne, politicien conservateur qui préparait son retour en politique. Assassiné avec sa femme à son domicile. Joseph Goebbels qualifie la mort d’Elisabeth von Schleicher de malheureux accident.
  • Le général Ferdinand von Bredow, qui préparait le retour en politique de Schleicher. Tiré à bout portant en répondant à la porte de sa maison.
  • Gustav Ritter von Kahr, ancien gouverneur de Bavière. Il avait quitté la politique depuis plusieurs années et s’était retiré dans l’anonymat, mais Hitler ne lui avait jamais pardonné son rôle dans l’échec du putsch de la Brasserie de Munich en 1923. Assassiné à Dachau.
  • Le journaliste Fritz Gerlich, un des principaux critiques d’Hitler dans la presse. Détenu à Dachau depuis mars 1933, il est exécuté pendant la Nuit des longs couteaux.

Toutes les victimes sont accusées de s’être impliquées dans le complot de la SA. Accusations farfelues, mais qui ont passé le test de l’opinion publique. Le président allemand, Paul von Hindenburg, adresse un télégramme à Hitler pour le remercier d’avoir « sauvé le peuple allemand d’un grave danger » (il est douteux que le président ait écrit le télégramme lui-même). La population se préoccupe peu des assassinats politiques. Elle se réjouit que la barbarie de la SA ait été mâtée. Hitler avait provoqué la violence et devenait maintenant le héros du peuple parce qu’il y avait mis fin.

Hitler incarnait désormais la nation. Ses ennemis étaient les ennemis de l’Allemagne, donc des traîtres qui ne méritaient aucun droit civil. La Nuit des longs couteaux, on le sait, n’était que le début de la violence qui allait s’emparer de l’Allemagne, puis de toute l’Europe. Ce qui est consternant, c’est l’indifférence, voire la satisfaction avec laquelle le peuple allemand a pris connaissance de ces terribles abus de pouvoir. Espérons que les Américains sachent mieux réagir.

Vers une nouvelle nuit des longs couteaux?

Une élue locale démocrate de l’État du Minnesota a été assassiné avec son époux à son domicile. Un autre a été victime d’une tentative de meurtre. Si on ne s’inquiétait pas déjà, ce serait le bon moment est le bon moment de commencer.

Pendant sa campagne en 2024, Donald Trump s’est engagé plusieurs fois à faire un mauvais sort à ses adversaires politiques. Il a promis des enquêtes sur Joe Biden, Kamala Harris, Barack Obama et Liz Cheney. Il a laissé entendre que la garde nationale pourrait devoir sévir contre les démocrates qui allaient voler l’élection. “They are so bad and frankly, they’re evil. They’re evil.” Cette semaine, il a déclaré que la police de l’immigration devrait arrêter Gavin Newsom, le gouverneur de la Californie, qui a osé critiquer son envoi de l’armée pour arrêter les manifestations à Los Angeles. Le sénateur Alex Padilla, démocrate, a été violemment expulsé d’une conférence de presse par des agents du FBI alors qu’il posait une question à la secrétaire de la Sécurité intérieure, Kristi Noem. Est-ce qu’on se dirige vers une Nuit des longs couteaux à l’américaine?

La Nuit des longs couteaux, c’est la première série de crimes publics du gouvernement nazi. C’est l’illustration de la fin définitive de l’état de droit en Allemagne hitlérienne.

Contexte: Nous sommes en juin 1934. Adolf Hitler est chancelier (premier ministre) de l’Allemagne depuis janvier 1933, mais il partage son pouvoir avec les conservateurs, qui dirigent la plupart des ministères. Il se retrouve coincé entre les révolutionnaires nazis, qui veulent accélérer la mise en place de l’ordre nouveau, et les conservateurs, qui dénoncent la violence et le culte grandissant de la personnalité hitlérienne.

Les révolutionnaires se trouvent principalement au sein de la Sturmabteilung (SA), des sections armées qui agressaient et intimidaient les adversaires politiques, les syndicats et les Juifs. Pour faciliter l’accession d’Hitler au pouvoir, les SA provoquaient et agressaient les militants communistes. Hitler blâmait les communistes pour la violence et promettait de ramener la paix.

La SA était détestée par une grande partie de la population. Les conservateurs détestaient cette école de révolutionnaires. Les militaires soupçonnaient (avec raison) la SA de vouloir s’instaurer comme armée allemande. Plusieurs chefs de la SA étaient ouvertement homosexuels, ce qui scandalisait les puritains. De manière générale, la population n’appréciait pas la barbarie de ce groupe paramilitaire. Hitler devait éliminer ce groupe qui l’avait amené au pouvoir mais qui était devenu encombrant.

Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1934, les chefs de la SA sont arrêtés et exécutés. Les nazis ont inventé de toute pièce un complot visant à assassiner Hitler et à renverser le gouvernement. Hitler profite de l’occasion pour éliminer des adversaires politiques, des rivaux et des éléments gênants. On retrouve parmi les victimes:

  • Franz von Papen, vice-chancelier et chef de la faction conservatrice, qui critiquait ouvertement les abus de pouvoir d’Hitler et la violence avec laquelle il exerçait son autorité. Placé en détention préventive. Il survit parce qu’il était une personnalité internationale et que son assassinat aurait eu des répercussions majeures.
  • Edgar Jung, intellectuel conservateur et rédacteur de discours pour Papen. Placé en détention préventive le 25 juin, puis assassiné.
  • Herbert von Bose, attaché de presse de Papen, assassiné lors d’une descente de la Gestapo au bureau du vice-chancelier.
  • Gregor Strasser, ancien organisateur du parti nazi qui s’est brouillé avec Hitler. Arrêté puis abattu dans sa cellule au siège de la Gestapo.
  • Kurt von Schleicher, prédécesseur d’Hitler comme chancelier d’Allemagne, politicien conservateur qui préparait son retour en politique. Assassiné avec sa femme à son domicile. Joseph Goebbels qualifie la mort d’Elisabeth von Schleicher de malheureux accident.
  • Le général Ferdinand von Bredow, qui préparait le retour en politique de Schleicher. Tiré à bout portant en répondant à la porte de sa maison.
  • Gustav Ritter von Kahr, ancien gouverneur de Bavière. Il avait quitté la politique depuis plusieurs années et s’était retiré dans l’anonymat, mais Hitler ne lui avait jamais pardonné son rôle dans l’échec du putsch de la Brasserie de Munich en 1923. Assassiné à Dachau.
  • Le journaliste Fritz Gerlich, un des principaux critiques d’Hitler dans la presse. Détenu à Dachau depuis mars 1933, il est exécuté pendant la Nuit des longs couteaux.

Toutes les victimes sont accusées de s’être impliquées dans le complot de la SA. Accusations farfelues, mais qui ont passé le test de l’opinion publique. Le président allemand, Paul von Hindenburg, adresse un télégramme à Hitler pour le remercier d’avoir “sauvé le peuple allemand d’un grave danger” (il est douteux que le président ait écrit le télégramme lui-même). La population se préoccupe peu des assassinats politiques. Elle se réjouit que la barbarie de la SA ait été mâtée. Hitler avait provoqué la violence et devenait maintenant le héros du peuple parce qu’il y avait mis fin.

Hitler incarnait désormais la nation. Ses ennemis étaient les ennemis de l’Allemagne, donc des traîtres qui ne méritaient aucun droit civil. La Nuit des longs couteaux, on le sait, n’était que le début de la violence qui allait s’emparer de l’Allemagne, puis de toute l’Europe. Ce qui est consternant, c’est l’indifférence, voire la satisfaction avec laquelle le peuple allemand a pris connaissance de ces terribles abus de pouvoir. Espérons que les Américains sachent mieux réagir.

Pluriparentalité et polygamie

En avril dernier, la Cour supérieure du Québec a tranché en faveur des familles pluriparentales: un enfant peut légalement avoir plus de deux parents. Le gouvernement du Québec a un an pour amender le Code civil afin de tenir compte de cette nouvelle réalité.

Excellente nouvelle pour les personnes concernées. Décision sans conséquence pour celles qui ne le sont pas. Mais des gens sont inquiets. Normand Lester et Guillaume Rousseau nous disent carrément que la décision du juge Andres C. Garin ouvre la porte à la polygamie. Rousseau se garde de viser une communauté en particulier, mais Lester attaque directement les musulmans. Présentement, la polygamie est un acte criminel au Canada. Mais Rousseau et Lester nous préviennent que nous sommes à un pas de sa légalisation.

« Certes, ce n’est pas pour tout de suite », écrit Rousseau, « car le Code criminel canadien interdit cette pratique. Mais il suffirait que le fédéral décide d’abolir cette interdiction pour que le Québec puisse être forcé d’en faire autant. » Effectivement, pratiquement tous les actes criminels peuvent être légalisés du jour au lendemain si le gouvernement le décide. Ce n’est pas un argument.

D’après Lester, c’est une question de temps avant que les tribunaux invalident la criminalisation de la polygamie au nom de la liberté de religion. Cette crainte est complètement sans fondement. Un jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique l’a d’ailleurs confirmé en 2011 (BCSC 1588). La criminalisation de la polygamie est peut-être une entrave à la liberté de religion, mais c’est une limitation acceptable et nécessaire dans un contexte de protection des droits des femmes et des enfants. Merci au juriste Louis-Philippe Lampron pour la référence.

Donc non, ce n’est pas demain qu’un tribunal va décriminaliser la polygamie au nom du respect des droits individuels. Le gouvernement pourrait en décider autrement, mais nous n’avons aucune raison de croire que le nouveau gouvernement Carney ait l’intention de légiférer en ce sens. Alors de quoi est-ce qu’on s’inquiète? Et surtout, quel est le rapport avec les familles pluriparentales?

Pourquoi la polygamie est-elle non seulement interdite au Canada, mais criminelle? Voici quelques raisons tirées du rapport « La polygynie et les obligations du Canada en vertu du droit international en matière de droits de la personne« . On comprend que le rapport adresse directement les familles appartenant à des communautés où la polygynie (un homme ayant plusieurs épouses) est une pratique culturelle ou religieuse:

  • La polygamie renforce le patriarcat
  • La compétition entre les épouses cause du tort aux enfants et aux épouses elles-mêmes
  • Risque pour la santé sexuelle (la polygynie augmente le risque de transmission des infections et maladies)
  • La polygamie est souvent synonyme de dénuement économique pour les femmes et leurs enfants
  • L’inégalité domestique est incompatible avec l’égalité économique et sociale, donc avec les valeurs canadiennes

Donc ce n’est pas seulement par principe que le Canada ne permet pas les unions polygames. C’est parce que dans plusieurs contextes, celles-ci ont causé un tort réel et documenté aux femmes et aux enfants.

On brouille les cartes lorsqu’on lie les demandes de reconnaissance parentales à la reconnaissance conjugale. Ce sont deux enjeux complètement différents. Plusieurs provinces canadiennes reconnaissent déjà légalement la pluriparentalité (la Colombie-Britannique depuis 2013, l’Ontario depuis 2016 et la Saskatchewan depuis 2021). Selon Valérie Costanzo, professeure en sciences juridiques à l’Université du Québec à Montréal, ces changements législatifs n’ont pas conduit à des campagnes juridiques pour décriminaliser la polygamie. Il n’y a pas de raison de croire qu’il en irait autrement au Québec.

Maintenant, je vous le demande: en quoi les enfants des familles pluriparentales sont menacés par leur structure atypique? Au contraire, c’est précisément en tenant compte des intérêts des enfants que les tribunaux canadiens ont accordé un statut légal aux unions pluriparentales. Imaginons une situation d’urgence où le « troisième parent », celui qui n’est pas inscrit sur le certificat de naissance, se retrouve à l’hôpital seul avec son enfant. Il n’a pas l’autorité légale de prendre une décision. On se retrouve dans une situation dangereuse pour l’enfant qui aurait pu être évitée avec un changement sur un papier.

Avant d’adopter des idées préconçues sur la pluriparentalité, je recommande vivement d’écouter l’entrevue de Sophie Paradis à l’émission de Patrick Lagacé le 7 mai 2025. Les inquiets réaliseront peut-être que les familles pluriparentales ne sont dignes ni de suspicion, ni de mépris. Si vous vous inquiétez pour le bien-être des enfants des unions à trois parents, dites-vous que les séparations complexes et les cellules familiales dysfonctionnelles ne sont pas liées au nombre d’adultes impliqués. Au contraire, un projet de pluriparentalité implique généralement un niveau de préparation qui échappe à un très grand nombre de familles dites traditionnelles. À ce jour, aucune des quelques familles pluriparentales reconnues dans les autres provinces canadiennes ne s’est retrouvée en cour pour débattre de la garde des enfants. Pour citer Valérie Costanzo encore une fois: « Cela peut s’expliquer notamment par une méfiance par rapport à la surveillance des tribunaux, où ces familles pourraient vivre des préjugés, mais également par des outils de communication et de gestion familiale plus sains. » Bref, l’expérience ne donne aucune raison de croire que reconnaître légalement la pluriparenté serait préjudiciable pour les enfants.

Associer les familles pluriparentales, comme le fait Normand Lester, à des familles ultraconservatrices mormones ou musulmanes, est non seulement injuste, mais dangereux. C’est faire courir le risque d’une stigmatisation sociale à des familles déjà marginales qui ne demandent qu’à offrir les meilleures conditions de vie possibles à leurs enfants. C’est d’autant plus absurde vu la présence importante de la communauté LGBTQ+ parmi les familles qui ne répondent pas au modèle traditionnel. Ce n’est généralement pas là qu’on retrouve les ultrareligieux.

« Face à cette atteinte à sa liberté de choisir et à son caractère distinct, le Québec doit résister », conclut Guillaume Rousseau. Résister à quoi? À des familles qui ne répondent pas au modèle traditionnel? Cette bataille juridique que Rousseau semble réclamer de ses voeux ne vise en gros qu’à empêcher des familles de vivre selon leur mode de vie choisi. Et dans quel but? Se féliciter collectivement d’avoir empêché Ottawa de nous obliger à respecter les droits d’une minorité? C’est une habitude dangereuse qu’on semble vouloir développer au Québec. Il serait temps d’arrêter de voir les droits individuels comme une menace à éliminer.

Les familles pluriparentales n’ont pas demandé à être prises en otage par un nouvel affrontement juridictionnel entre Québec et Ottawa. Si nos nationalistes se cherchent un sujet pour attiser la colère contre le régime fédéral, qu’ils s’en tiennent à des guerres de chiffres.

Pluriparentalité et polygamie

En avril dernier, la Cour supérieure du Québec a tranché en faveur des familles pluriparentales: un enfant peut légalement avoir plus de deux parents. Le gouvernement du Québec a un an pour amender le Code civil afin de tenir compte de cette nouvelle réalité.

Excellente nouvelle pour les personnes concernées. Décision sans conséquence pour celles qui ne le sont pas. Mais des gens sont inquiets. Normand Lester et Guillaume Rousseau nous disent carrément que la décision du juge Andres C. Garin ouvre la porte à la polygamie. Rousseau se garde de viser une communauté en particulier, mais Lester attaque directement les musulmans. Présentement, la polygamie est un acte criminel au Canada. Mais Rousseau et Lester nous préviennent que nous sommes à un pas de sa légalisation.

“Certes, ce n’est pas pour tout de suite”, écrit Rousseau, “car le Code criminel canadien interdit cette pratique. Mais il suffirait que le fédéral décide d’abolir cette interdiction pour que le Québec puisse être forcé d’en faire autant.” Effectivement, pratiquement tous les actes criminels peuvent être légalisés du jour au lendemain si le gouvernement le décide. Ce n’est pas un argument.

D’après Lester, c’est une question de temps avant que les tribunaux invalident la criminalisation de la polygamie au nom de la liberté de religion. Cette crainte est complètement sans fondement. Un jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique l’a d’ailleurs confirmé en 2011 (BCSC 1588). La criminalisation de la polygamie est peut-être une entrave à la liberté de religion, mais c’est une limitation acceptable et nécessaire dans un contexte de protection des droits des femmes et des enfants. Merci au juriste Louis-Philippe Lampron pour la référence.

Donc non, ce n’est pas demain qu’un tribunal va décriminaliser la polygamie au nom du respect des droits individuels. Le gouvernement pourrait en décider autrement, mais nous n’avons aucune raison de croire que le nouveau gouvernement Carney ait l’intention de légiférer en ce sens. Alors de quoi est-ce qu’on s’inquiète? Et surtout, quel est le rapport avec les familles pluriparentales?

Pourquoi la polygamie est-elle non seulement interdite au Canada, mais criminelle? Voici quelques raisons tirées du rapport “La polygynie et les obligations du Canada en vertu du droit international en matière de droits de la personne“. On comprend que le rapport adresse directement les familles appartenant à des communautés où la polygynie (un homme ayant plusieurs épouses) est une pratique culturelle ou religieuse:

  • La polygamie renforce le patriarcat
  • La compétition entre les épouses cause du tort aux enfants et aux épouses elles-mêmes
  • Risque pour la santé sexuelle (la polygynie augmente le risque de transmission des infections et maladies)
  • La polygamie est souvent synonyme de dénuement économique pour les femmes et leurs enfants
  • L’inégalité domestique est incompatible avec l’égalité économique et sociale, donc avec les valeurs canadiennes

Donc ce n’est pas seulement par principe que le Canada ne permet pas les unions polygames. C’est parce que dans plusieurs contextes, celles-ci ont causé un tort réel et documenté aux femmes et aux enfants.

On brouille les cartes lorsqu’on lie les demandes de reconnaissance parentales à la reconnaissance conjugale. Ce sont deux enjeux complètement différents. Plusieurs provinces canadiennes reconnaissent déjà légalement la pluriparentalité (la Colombie-Britannique depuis 2013, l’Ontario depuis 2016 et la Saskatchewan depuis 2021). Selon Valérie Costanzo, professeure en sciences juridiques à l’Université du Québec à Montréal, ces changements législatifs n’ont pas conduit à des campagnes juridiques pour décriminaliser la polygamie. Il n’y a pas de raison de croire qu’il en irait autrement au Québec.

Maintenant, je vous le demande: en quoi les enfants des familles pluriparentales sont menacés par leur structure atypique? Au contraire, c’est précisément en tenant compte des intérêts des enfants que les tribunaux canadiens ont accordé un statut légal aux unions pluriparentales. Imaginons une situation d’urgence où le “troisième parent”, celui qui n’est pas inscrit sur le certificat de naissance, se retrouve à l’hôpital seul avec son enfant. Il n’a pas l’autorité légale de prendre une décision. On se retrouve dans une situation dangereuse pour l’enfant qui aurait pu être évitée avec un changement sur un papier.

Avant d’adopter des idées préconçues sur la pluriparentalité, je recommande vivement d’écouter l’entrevue de Sophie Paradis à l’émission de Patrick Lagacé le 7 mai 2025. Les inquiets réaliseront peut-être que les familles pluriparentales ne sont dignes ni de suspicion, ni de mépris. Si vous vous inquiétez pour le bien-être des enfants des unions à trois parents, dites-vous que les séparations complexes et les cellules familiales dysfonctionnelles ne sont pas liées au nombre d’adultes impliqués. Au contraire, un projet de pluriparentalité implique généralement un niveau de préparation qui échappe à un très grand nombre de familles dites traditionnelles. À ce jour, aucune des quelques familles pluriparentales reconnues dans les autres provinces canadiennes ne s’est retrouvée en cour pour débattre de la garde des enfants. Pour citer Valérie Costanzo encore une fois: “Cela peut s’expliquer notamment par une méfiance par rapport à la surveillance des tribunaux, où ces familles pourraient vivre des préjugés, mais également par des outils de communication et de gestion familiale plus sains.” Bref, l’expérience ne donne aucune raison de croire que reconnaître légalement la pluriparenté serait préjudiciable pour les enfants.

Associer les familles pluriparentales, comme le fait Normand Lester, à des familles ultraconservatrices mormones ou musulmanes, est non seulement injuste, mais dangereux. C’est faire courir le risque d’une stigmatisation sociale à des familles déjà marginales qui ne demandent qu’à offrir les meilleures conditions de vie possibles à leurs enfants. C’est d’autant plus absurde vu la présence importante de la communauté LGBTQ+ parmi les familles qui ne répondent pas au modèle traditionnel. Ce n’est généralement pas là qu’on retrouve les ultrareligieux.

“Face à cette atteinte à sa liberté de choisir et à son caractère distinct, le Québec doit résister”, conclut Guillaume Rousseau. Résister à quoi? À des familles qui ne répondent pas au modèle traditionnel? Cette bataille juridique que Rousseau semble réclamer de ses voeux ne vise en gros qu’à empêcher des familles de vivre selon leur mode de vie choisi. Et dans quel but? Se féliciter collectivement d’avoir empêché Ottawa de nous obliger à respecter les droits d’une minorité? C’est une habitude dangereuse qu’on semble vouloir développer au Québec. Il serait temps d’arrêter de voir les droits individuels comme une menace à éliminer.

Les familles pluriparentales n’ont pas demandé à être prises en otage par un nouvel affrontement juridictionnel entre Québec et Ottawa. Si nos nationalistes se cherchent un sujet pour attiser la colère contre le régime fédéral, qu’ils s’en tiennent à des guerres de chiffres.

La « tradition » des passe-droits

Éric Duhaime aurait voulu qu’on lui laisse le champ libre dans Arthabaska, question de pouvoir profiter du salaire de député (et ainsi de ménager les finances du Parti conservateur), de la tribune de l’Assemblée nationale et éventuellement de participer aux prochains débats des chefs. Il accuse Paul St-Pierre Plamondon de « briser une tradition » en présentant un candidat contre un chef de parti qui se présente lors d’une élection complémentaire et de « vouloir absolument empêcher un Québécois sur sept d’avoir une voix à l’Assemblée nationale » (Les coulisses du pouvoir, 4 mai 2025).

Cette tradition de ne pas présenter de candidat contre un chef de parti dans une élection complémentaire existe-t-elle?

Réponse courte: Non.

Cette « tradition » a été observée cinq fois entre 1986 et 2013 par le Parti libéral, le Parti québécois et la Coalition Avenir Québec. Dans les cinq cas, les chefs se présentaient dans une circonscription laissée vacante par un député DE LEUR PROPRE PARTI. Trois de ces élections partielles ont été provoquées par le départ d’un député ayant quitté son poste expressément pour permettre à son ou sa chef(fe) de faire son entrée à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas le cas dans Arthabaska. Rappelons que la circonscription a été laissée vacante par le député caquiste Éric Lefebvre, dont le chef siège toujours à l’Assemblée nationale. Si les autres partis avaient accordé un passe-droit à Éric Duhaime, nous aurions assisté à une première historique: la classe politique imposant à une circonscription d’être représentée par un parti pour lequel elle n’a jamais voté. Duhaime y aurait vu un respect élémentaire pour les électeurs du PCQ. J’y vois un grave affront pour les électeurs d’Arthabaska.

Je vous présente l’historique complet des situations où le chef d’un parti représenté à l’Assemblée nationale s’est présenté dans une élection complémentaire. Vous jugerez ensuite.

1) Joseph-Alfred Mousseau (1882)
En 1882, le premier ministre du Québec, Joseph-Adolphe Chapleau, démissionne pour devenir ministre à Ottawa. Il est remplacé par Joseph-Alfred Mousseau, qui lui quitte son ministère à Ottawa pour devenir premier ministre du Québec. Il n’a pas de siège au Québec. C’est Narcisse Lecavalier, député de Jacques-Cartier, qui lui cède son siège en échange d’un poste de haut-fonctionnaire (c’était acceptable à l’époque). Les libéraux ne présentent aucun candidat contre Mousseau, moins par galanterie que par manque de moyens. Le comté de Jacques-Cartier était conservateur depuis 1867. En 1881, Lecavalier avait été élu par acclamation. Le seul adversaire de Mousseau sera donc un autre candidat conservateur.

2) Georges-Émile Lapalme (1953)
En 1950, Georges-Émile Lapalme quitte son siège de député d’arrière-ban à Ottawa pour devenir chef du Parti libéral du Québec. Aux élections générales de 1952, les libéraux font élire 23 députés, mais Lapalme est battu dans le comté de Joliette. La mort du député d’Outremont, Henri Groulx, vient tristement libérer un siège. Lapalme se présente, mais l’Union nationale ne lui laisse pas le champ libre. Maurice Duplessis se fait le champion de la démocratie: « M. Lapalme aurait aimé une élection par acclamation réalisant, aujourd’hui, que c’est le seul moyen pour lui d’être élu. Il n’est ni juste, ni raisonnable de penser que M. Lapalme est supérieur à tous les électeurs du comté. » (La Presse, 6 juillet 1953) Lapalme est malgré tout élu avec 56% des votes.

3) Claude Ryan (1979)
Les élections de 1976 sont remportées par le Parti québécois. Le premier ministre sortant, Robert Bourassa est remplacé comme chef du Parti libéral du Québec par Claude Ryan, qui n’est pas élu. Zoël Saindon, député d’Argenteuil, démissionne pour lui céder son siège. Choix audacieux: Saindon ne l’avait emporté que par une majorité de 1275 voix contre le candidat péquiste et le candidat de l’Union nationale les suivait de près. Le Parti québécois et l’Union nationale présentent tous deux un candidat contre Ryan, qui l’emporte malgré tout avec 64% des votes.

4) Robert Bourassa (1986)
En 1985, le Parti libéral du Québec forme un gouvernement majoritaire, mais Robert Bourassa est battu dans sa propre circonscription de Bertrand. Le député libéral Germain Leduc lui cède son siège dans Saint-Laurent. Neuf candidats s’opposent à Bourassa, mais le Parti québécois ne lui présente pas d’adversaire. Ce n’est pas un grand sacrifice puisque Germain Leduc avait reçu 74% des votes contre 20% pour Michel Larouche du PQ. Le comté était gagné d’avance. Bourassa est élu avec 80% des votes.

5) Lucien Bouchard (1996)
Jacques Parizeau a quitté la direction du Parti québécois suite à l’échec du référendum de 1995. Lucien Bouchard, chef du Bloc québécois, a quitté Ottawa pour devenir premier ministre du Québec. Francis Dufour, député de Jonquière, a quitté son siège pour permettre à Bouchard de faire son entrée à l’Assemblée nationale. Le Parti libéral ne présente aucun adversaire à Bouchard, qui est élu avec le score stalinien de 95% des votes.

6) André Boisclair (2006)
André Boisclair succède à Bernard Landry comme chef du Parti québécois en 2005, mais il ne siège pas à l’Assemblée nationale. Nicole Léger, qui avait appuyé Pauline Marois lors de la course à la chefferie, démissionne en 2006. Son comté de Pointe-aux-Trembles est relativement sûr: Nicole Léger l’avait emporté par une majorité de près de 5000 voix en 2003. Ni le Parti libéral, ni l’Action démocratique du Québec (ADQ), ne présentent de candidat contre Boisclair. Ses adversaires sont des candidats de Québec solidaire, du Parti vert et cinq indépendants. Boisclair l’emporte avec 71% des votes.

7) Pauline Marois (2007)
Pauline Marois est élue cheffe du PQ suite à la démission d’André Boisclair en 2007, mais elle a quitté l’Assemblée nationale en 2006. Rosaire Bertrand démissionne de son siège de Charlevoix pour lui céder sa place. Choix audacieux: Bertrand n’avait obtenu que 37% des votes aux élections précédentes. Jean Charest n’oppose aucun adversaire à Pauline Marois. L’ADQ présente Conrad Harvey, candidat aux précédentes élections générales. Pauline Marois l’emporte avec 59% des votes.

8) Philippe Couillard (2013)
Philippe Couillard devient chef du Parti libéral du Québec en 2013. Raymond Bachand, son principal adversaire lors de la course à la chefferie, démissionne de son siège à Outremont. Couillard se présente pour le remplacer. Le Parti québécois et la Coalition Avenir Québec ne lui opposent pas d’adversaires. Couillard l’emporte avec une majorité de 2318 voix contre sa principale adversaire, la solidaire Édith Laperle.

Faux cas: Gabriel Nadeau-Dubois (2017)
Éric Duhaime cite l’exemple de Gabriel Nadeau-Dubois puisque le Parti québécois n’avait pas présenté de candidat contre lui dans Gouin en 2017. C’est une erreur. Le PQ avait annoncé dès février son intention de ne pas présenter de candidat lors de l’élection partielle, mais ce n’est qu’en mars que GND a été élu co-porte-parole de Québec solidaire. Il est à ce moment un candidat comme les autres. C’est d’ailleurs Manon Massé qui allait briguer le poste de première ministre aux élections générales de 2018.

En résumé, si on prétend s’appuyer sur une « tradition » pour réclamer que le chef d’un parti n’ayant jamais fait élire un seul député soit élu par acclamation, il faut ignorer l’histoire politique du Québec ou souhaiter à tout prix se présenter comme une victime des « élites » et du « système ». Je vous laisse choisir quel cas s’applique ici.

La “tradition” des passe-droits

Éric Duhaime aurait voulu qu’on lui laisse le champ libre dans Arthabaska, question de pouvoir profiter du salaire de député (et ainsi de ménager les finances du Parti conservateur), de la tribune de l’Assemblée nationale et éventuellement de participer aux prochains débats des chefs. Il accuse Paul St-Pierre Plamondon de “briser une tradition” en présentant un candidat contre un chef de parti qui se présente lors d’une élection complémentaire et de “vouloir absolument empêcher un Québécois sur sept d’avoir une voix à l’Assemblée nationale” (Les coulisses du pouvoir, 4 mai 2025).

Cette tradition de ne pas présenter de candidat contre un chef de parti dans une élection complémentaire existe-t-elle?

Réponse courte: Non.

Cette “tradition” a été observée cinq fois entre 1986 et 2013 par le Parti libéral, le Parti québécois et la Coalition Avenir Québec. Dans les cinq cas, les chefs se présentaient dans une circonscription laissée vacante par un député DE LEUR PROPRE PARTI. Trois de ces élections partielles ont été provoquées par le départ d’un député ayant quitté son poste expressément pour permettre à son ou sa chef(fe) de faire son entrée à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas le cas dans Arthabaska. Rappelons que la circonscription a été laissée vacante par le député caquiste Éric Lefebvre, dont le chef siège toujours à l’Assemblée nationale. Si les autres partis avaient accordé un passe-droit à Éric Duhaime, nous aurions assisté à une première historique: la classe politique imposant à une circonscription d’être représentée par un parti pour lequel elle n’a jamais voté. Duhaime y aurait vu un respect élémentaire pour les électeurs du PCQ. J’y vois un grave affront pour les électeurs d’Arthabaska.

Je vous présente l’historique complet des situations où le chef d’un parti représenté à l’Assemblée nationale s’est présenté dans une élection complémentaire. Vous jugerez ensuite.

1) Joseph-Alfred Mousseau (1882)
En 1882, le premier ministre du Québec, Joseph-Adolphe Chapleau, démissionne pour devenir ministre à Ottawa. Il est remplacé par Joseph-Alfred Mousseau, qui lui quitte son ministère à Ottawa pour devenir premier ministre du Québec. Il n’a pas de siège au Québec. C’est Narcisse Lecavalier, député de Jacques-Cartier, qui lui cède son siège en échange d’un poste de haut-fonctionnaire (c’était acceptable à l’époque). Les libéraux ne présentent aucun candidat contre Mousseau, moins par galanterie que par manque de moyens. Le comté de Jacques-Cartier était conservateur depuis 1867. En 1881, Lecavalier avait été élu par acclamation. Le seul adversaire de Mousseau sera donc un autre candidat conservateur.

2) Georges-Émile Lapalme (1953)
En 1950, Georges-Émile Lapalme quitte son siège de député d’arrière-ban à Ottawa pour devenir chef du Parti libéral du Québec. Aux élections générales de 1952, les libéraux font élire 23 députés, mais Lapalme est battu dans le comté de Joliette. La mort du député d’Outremont, Henri Groulx, vient tristement libérer un siège. Lapalme se présente, mais l’Union nationale ne lui laisse pas le champ libre. Maurice Duplessis se fait le champion de la démocratie: “M. Lapalme aurait aimé une élection par acclamation réalisant, aujourd’hui, que c’est le seul moyen pour lui d’être élu. Il n’est ni juste, ni raisonnable de penser que M. Lapalme est supérieur à tous les électeurs du comté.” (La Presse, 6 juillet 1953) Lapalme est malgré tout élu avec 56% des votes.

3) Claude Ryan (1979)
Les élections de 1976 sont remportées par le Parti québécois. Le premier ministre sortant, Robert Bourassa est remplacé comme chef du Parti libéral du Québec par Claude Ryan, qui n’est pas élu. Zoël Saindon, député d’Argenteuil, démissionne pour lui céder son siège. Choix audacieux: Saindon ne l’avait emporté que par une majorité de 1275 voix contre le candidat péquiste et le candidat de l’Union nationale les suivait de près. Le Parti québécois et l’Union nationale présentent tous deux un candidat contre Ryan, qui l’emporte malgré tout avec 64% des votes.

4) Robert Bourassa (1986)
En 1985, le Parti libéral du Québec forme un gouvernement majoritaire, mais Robert Bourassa est battu dans sa propre circonscription de Bertrand. Le député libéral Germain Leduc lui cède son siège dans Saint-Laurent. Neuf candidats s’opposent à Bourassa, mais le Parti québécois ne lui présente pas d’adversaire. Ce n’est pas un grand sacrifice puisque Germain Leduc avait reçu 74% des votes contre 20% pour Michel Larouche du PQ. Le comté était gagné d’avance. Bourassa est élu avec 80% des votes.

5) Lucien Bouchard (1996)
Jacques Parizeau a quitté la direction du Parti québécois suite à l’échec du référendum de 1995. Lucien Bouchard, chef du Bloc québécois, a quitté Ottawa pour devenir premier ministre du Québec. Francis Dufour, député de Jonquière, a quitté son siège pour permettre à Bouchard de faire son entrée à l’Assemblée nationale. Le Parti libéral ne présente aucun adversaire à Bouchard, qui est élu avec le score stalinien de 95% des votes.

6) André Boisclair (2006)
André Boisclair succède à Bernard Landry comme chef du Parti québécois en 2005, mais il ne siège pas à l’Assemblée nationale. Nicole Léger, qui avait appuyé Pauline Marois lors de la course à la chefferie, démissionne en 2006. Son comté de Pointe-aux-Trembles est relativement sûr: Nicole Léger l’avait emporté par une majorité de près de 5000 voix en 2003. Ni le Parti libéral, ni l’Action démocratique du Québec (ADQ), ne présentent de candidat contre Boisclair. Ses adversaires sont des candidats de Québec solidaire, du Parti vert et cinq indépendants. Boisclair l’emporte avec 71% des votes.

7) Pauline Marois (2007)
Pauline Marois est élue cheffe du PQ suite à la démission d’André Boisclair en 2007, mais elle a quitté l’Assemblée nationale en 2006. Rosaire Bertrand démissionne de son siège de Charlevoix pour lui céder sa place. Choix audacieux: Bertrand n’avait obtenu que 37% des votes aux élections précédentes. Jean Charest n’oppose aucun adversaire à Pauline Marois. L’ADQ présente Conrad Harvey, candidat aux précédentes élections générales. Pauline Marois l’emporte avec 59% des votes.

8) Philippe Couillard (2013)
Philippe Couillard devient chef du Parti libéral du Québec en 2013. Raymond Bachand, son principal adversaire lors de la course à la chefferie, démissionne de son siège à Outremont. Couillard se présente pour le remplacer. Le Parti québécois et la Coalition Avenir Québec ne lui opposent pas d’adversaires. Couillard l’emporte avec une majorité de 2318 voix contre sa principale adversaire, la solidaire Édith Laperle.

Faux cas: Gabriel Nadeau-Dubois (2017)
Éric Duhaime cite l’exemple de Gabriel Nadeau-Dubois puisque le Parti québécois n’avait pas présenté de candidat contre lui dans Gouin en 2017. C’est une erreur. Le PQ avait annoncé dès février son intention de ne pas présenter de candidat lors de l’élection partielle, mais ce n’est qu’en mars que GND a été élu co-porte-parole de Québec solidaire. Il est à ce moment un candidat comme les autres. C’est d’ailleurs Manon Massé qui allait briguer le poste de première ministre aux élections générales de 2018.

En résumé, si on prétend s’appuyer sur une “tradition” pour réclamer que le chef d’un parti n’ayant jamais fait élire un seul député soit élu par acclamation, il faut ignorer l’histoire politique du Québec ou souhaiter à tout prix se présenter comme une victime des “élites” et du “système”. Je vous laisse choisir quel cas s’applique ici.

La coalition pour son propre avenir

Vous vous souvenez de janvier 2021? Pour aider à faire passer la pilule du couvre-feu, les ministres caquistes publiaient des photos et vidéos des petits bonheurs de leur quotidien dans leur immense cour ou dans leur luxueux salon grand comme mon appartement. On y voyait entre autres le ministre André Lamontagne qui joue du piano en compagnie de son chien. En compagnie de son chien. J’insiste sur le compagnon canin parce que le couvre-feu prévoyait une exception pour les propriétaires de chien. Mais pas pour les itinérants. Plus de 150 itinérants ont reçu une amende pour non-respect du couvre-feu. Les propriétaires de chiens n’ont pas eu ce problème.

C’est une anecdote (merci à Josiane Cossette qui l’analyse et en souligne le caractère indécent dans son livre Raccommodements raisonnables), mais une anecdote qui selon moi révèle comment se prennent les décisions au gouvernement de la CAQ. Je peux facilement imaginer, au moment où François Legault annonce qu’il y aura un couvre-feu, le ministre Lamontagne qui lève la main pour dire « Oui mais moi il faut que j’amène mon chien faire sa promenade le soir. » « Okay André on va prévoir une exemption pour toi. Je veux dire: On va prévoir une exemption pour les propriétaires de chien. » Mais naturellement, il n’y avait pas d’itinérant autour de la table pour faire part de sa situation personnelle. Donc pour eux, l’exemption est seulement venue plus tard en raison de la pression populaire et médiatique.

C’est ça, la CAQ. Un groupe d’individus qui gouvernent pour eux-mêmes.

Cette année, le salaire minimum a augmenté de 15.75$ à 16.10$. Une augmentation de 2.2%, inférieure à l’inflation. Il n’y a évidemment pas beaucoup de gens autour de la table du conseil des ministres qui savent ce que c’est de travailler au salaire minimum. En revanche, 30% des ministres de la CAQ viennent du milieu des affaires. Il y avait donc beaucoup de gens pour rappeler que la prospérité des entreprises dépend d’un salaire minimum aussi bas que possible. Tant pis si ceux qui en arrachent doivent s’appauvrir un peu plus. Ce gouvernement travaille pour l’économie.

Pendant que le salaire minimum augmente de 2.2%, le gouvernement recommande des augmentations de loyer de 5.9% (minimum). Les ministres de la CAQ qui sont propriétaires d’un parc immobilier valant en moyenne 1.6 millions de dollars sont là pour rappeler qu’il faut tenir compte de l’augmentation des taxes municipales, des matériaux, des coûts des travaux, des coûts d’entretien… Malheureusement, très peu de locataires sont là pour faire remarquer qu’ils s’appauvrissent d’année en année avec ces hausses de loyer supérieures aux augmentations de salaire.

Évidemment, les augmentations de salaire ne sont pas un enjeu majeur pour les députés de la CAQ, qui se sont accordés à eux-mêmes une augmentation de 30% en 2023. Une augmentation nécessaire puisque les députés travaillent fort (mention honorable à Éric Lefebvre qui s’est plaint de travailler tellement qu’il n’a plus le temps de rendre visite à sa mère). Ce n’est pas comme ces paresseuses d’infirmières ou ces fainéants d’enseignants. Comme disait Bernard Drainville, « tu compares vraiment le job d’enseignant au job de député? Tu es en train de me dire que ça se compare? »

François Legault justifiait cette augmentation en disant qu’il ne voyait pas pourquoi le secteur privé paierait mieux que la politique. Imaginez-vous comme moi les députés de la CAQ se plaindre qu’ils ne gagnent pas assez cher et rappeler qu’ils avaient un meilleur salaire dans le privé, avant que l’équipe de M. Legault vienne les recruter? Pendant ce temps, les travailleurs du secteur public reçoivent une augmentation de 17.4% sur 5 ans. Et le gouvernement offre 12.7% d’augmentation sur 5 ans aux éducatrices. Faut-il souligner qu’il n’y a aucune éducatrice au conseil des ministres?

Ajoutons à tout cela l’éthique élastique de la CAQ. Éric Caire ne laissait rien passer lorsqu’il était dans l’opposition. Le gouvernement devait être plus blanc que blanc. Une fois au pouvoir, les caquistes se sont bien accommodés des NOMBREUX conflits d’intérêt de Pierre Fitzgibbon, dont le ministère accordait des subventions aux entreprises de ses amis et qui recevait des cadeaux de la part d’entrepreneurs qui font affaire avec le gouvernement. Ça n’inquiétait pas M. Legault parce que contrairement aux libéraux et aux péquistes, les caquistes sont honnêtes. C’est ce qu’il nous disait en 2020 lorsqu’il a assoupli les règles d’attribution des contrats d’infrastructure malgré toutes les voix qui lui disaient qu’il ouvrait grand la porte à l’émergence de la corruption et de la collusion. Il rappelait qu’il y avait dans son équipe Sonia Lebel, ancienne procureure en chef de la commission Charbonneau, Christian Dubé, qui est comptable agréé, et « même du monde qui ont milité à la CAQ parce qu’ils étaient tannés de la corruption dans d’autres partis ». Bref, la transparence et l’éthique, c’est pour les autres. Les gens honnêtes n’ont pas besoin de suivre les règles.

De toute façon, quel mal y a-t-il à aider ses amis? Dans une logique bien duplessiste, la CAQ s’occupe de ses amis d’abord et des autres ensuite. Québec solidaire a fait remarquer que les projets de construction d’école semblent déterminés en fonction de l’allégeance politique du député local. D’un extrême à l’autre, les investissements varieraient entre 4189$ par enfant dans une circonscription caquiste VS 1045$ par enfant dans une circonscription péquiste. Le ministre Bernard Drainville s’est défendu d’accorder le financement en fonction de critères partisans, mais il a refusé de rendre publiques les évaluations. « On a d’autres choses à faire. » Nous sommes trop occupés pour être transparents, alors vous allez devoir nous croire sur parole.

François Legault a affirmé franchement son clientélisme politique lorsqu’il a dit que « la CAQ, c’est un parti des régions » pour justifier son refus d’investir dans l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Si les gens de Maisonneuve-Rosemont voulaient un meilleur hôpital, ils n’avaient qu’à ne pas élire un député solidaire. Le gouvernement prétend en faire une question d’équité entre Montréal et les régions. Traduction: nos électeurs vont être en colère si on investit trop d’argent dans un hôpital de Montréal pendant que leurs propres hôpitaux ont aussi besoin de travaux. Alors les patients et le personnel de HMR vont devoir s’habituer aux chauve-souris.

Pendant que le premier ministre nous dit chercher désespérément 85 millions pour l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, un contrat de 46 millions pour du soutien en ingénierie pour le troisième lien Québec – Lévis est accordé. Si le projet pharaonique que représente ce fameux pont finit par voir le jour, ce sera l’achat de votes le plus coûteux de l’histoire du Québec. Même Maurice Duplessis n’aurait jamais osé. Soyons honnêtes: la question ici n’a jamais été de mesurer les coûts VS l’utilité d’un troisième pont. La question a toujours été: qu’est-ce qui est le plus rentable électoralement, bien gérer les fonds publics ou céder aux pressions des radios de Québec? Apparemment les caquistes de la grande région de Québec ont parlé plus fort que les gestionnaires responsables et donc le troisième lien n’en finit plus d’être ressuscité.

Depuis 2018, les beaux principes de la CAQ sont tombés les uns après les autres. Vous vous souvenez de la promesse de réformer le mode de scrutin? C’était à l’époque où la CAQ obtenait 15% des sièges avec 27% des votes (élections générales de 2012). « Ce que je souhaite, c’est qu’il y ait moins de cynisme au Québec, qu’il y ait plus de confiance entre les citoyens et la classe politique. Et je pense que ça passe par un mode de scrutin proportionnel mixte », nous disait François Legault. Depuis, la CAQ a obtenu 59% des sièges avec 37% des votes (2018), ensuite 72% des sièges avec 41% des votes (2022). Réformer le mode de scrutin a sans surprise cessé d’être une priorité pour notre premier ministre. « Il n’y a personne qui se bat dans les autobus au Québec pour changer le mode de scrutin. » Traduction: « Beaucoup de mes députés ont peur de perdre leur siège si on change le mode de scrutin. »

René Lévesque disait de l’Union nationale de Maurice Duplessis que ce n’était pas un parti d’idées, mais un parti d’intérêts. Je dois faire le même constat à l’égard de la CAQ. Quand ce gouvernement prend des décisions, c’est forcément pour servir des intérêts caquistes. Intérêts électoraux, intérêts financiers ou intérêts personnels, mais intérêts tout de même.

Les seules personnes qui ont des raisons d’être satisfaites de ce gouvernement sont les millionnaires, les gros propriétaires et les patrons. Des personnes qui se sont enrichies depuis 2018 et qui vont continuer à le faire puisque la CAQ leur donne toujours davantage de moyens en plus de diminuer leur fardeau fiscal (on ne se pose pas de question sur la capacité à payer des Québécois quand vient le temps de baisser les impôts). Et comme par hasard, ces gens qui bénéficient du régime sont très bien représentés au conseil des ministres.

La « Coalition Avenir Québec » rassemble des anciens libéraux, des anciens péquistes et des anciens adéquistes. On y retrouve des indépendantistes, des nationalistes et des fédéralistes. Certains caquistes appartiennent à la droite économique pure, d’autres sont plus socio-démocrates. Qu’est-ce qui unit tous ces gens à part un appétit pour le pouvoir? Poser la question revient à y répondre. Cette coalition travaille pour un seul avenir: le sien.

La coalition pour son propre avenir

Vous vous souvenez de janvier 2021? Pour aider à faire passer la pilule du couvre-feu, les ministres caquistes publiaient des photos et vidéos des petits bonheurs de leur quotidien dans leur immense cour ou dans leur luxueux salon grand comme mon appartement. On y voyait entre autres le ministre André Lamontagne qui joue du piano en compagnie de son chien. En compagnie de son chien. J’insiste sur le compagnon canin parce que le couvre-feu prévoyait une exception pour les propriétaires de chien. Mais pas pour les itinérants. Plus de 150 itinérants ont reçu une amende pour non-respect du couvre-feu. Les propriétaires de chiens n’ont pas eu ce problème.

C’est une anecdote (merci à Josiane Cossette qui l’analyse et en souligne le caractère indécent dans son livre Raccommodements raisonnables), mais une anecdote qui selon moi révèle comment se prennent les décisions au gouvernement de la CAQ. Je peux facilement imaginer, au moment où François Legault annonce qu’il y aura un couvre-feu, le ministre Lamontagne qui lève la main pour dire “Oui mais moi il faut que j’amène mon chien faire sa promenade le soir.” “Okay André on va prévoir une exemption pour toi. Je veux dire: On va prévoir une exemption pour les propriétaires de chien.” Mais naturellement, il n’y avait pas d’itinérant autour de la table pour faire part de sa situation personnelle. Donc pour eux, l’exemption est seulement venue plus tard en raison de la pression populaire et médiatique.

C’est ça, la CAQ. Un groupe d’individus qui gouvernent pour eux-mêmes.

Cette année, le salaire minimum a augmenté de 15.75$ à 16.10$. Une augmentation de 2.2%, inférieure à l’inflation. Il n’y a évidemment pas beaucoup de gens autour de la table du conseil des ministres qui savent ce que c’est de travailler au salaire minimum. En revanche, 30% des ministres de la CAQ viennent du milieu des affaires. Il y avait donc beaucoup de gens pour rappeler que la prospérité des entreprises dépend d’un salaire minimum aussi bas que possible. Tant pis si ceux qui en arrachent doivent s’appauvrir un peu plus. Ce gouvernement travaille pour l’économie.

Pendant que le salaire minimum augmente de 2.2%, le gouvernement recommande des augmentations de loyer de 5.9% (minimum). Les ministres de la CAQ qui sont propriétaires d’un parc immobilier valant en moyenne 1.6 millions de dollars sont là pour rappeler qu’il faut tenir compte de l’augmentation des taxes municipales, des matériaux, des coûts des travaux, des coûts d’entretien… Malheureusement, très peu de locataires sont là pour faire remarquer qu’ils s’appauvrissent d’année en année avec ces hausses de loyer supérieures aux augmentations de salaire.

Évidemment, les augmentations de salaire ne sont pas un enjeu majeur pour les députés de la CAQ, qui se sont accordés à eux-mêmes une augmentation de 30% en 2023. Une augmentation nécessaire puisque les députés travaillent fort (mention honorable à Éric Lefebvre qui s’est plaint de travailler tellement qu’il n’a plus le temps de rendre visite à sa mère). Ce n’est pas comme ces paresseuses d’infirmières ou ces fainéants d’enseignants. Comme disait Bernard Drainville, “tu compares vraiment le job d’enseignant au job de député? Tu es en train de me dire que ça se compare?”

François Legault justifiait cette augmentation en disant qu’il ne voyait pas pourquoi le secteur privé paierait mieux que la politique. Imaginez-vous comme moi les députés de la CAQ se plaindre qu’ils ne gagnent pas assez cher et rappeler qu’ils avaient un meilleur salaire dans le privé, avant que l’équipe de M. Legault vienne les recruter? Pendant ce temps, les travailleurs du secteur public reçoivent une augmentation de 17.4% sur 5 ans. Et le gouvernement offre 12.7% d’augmentation sur 5 ans aux éducatrices. Faut-il souligner qu’il n’y a aucune éducatrice au conseil des ministres?

Ajoutons à tout cela l’éthique élastique de la CAQ. Éric Caire ne laissait rien passer lorsqu’il était dans l’opposition. Le gouvernement devait être plus blanc que blanc. Une fois au pouvoir, les caquistes se sont bien accommodés des NOMBREUX conflits d’intérêt de Pierre Fitzgibbon, dont le ministère accordait des subventions aux entreprises de ses amis et qui recevait des cadeaux de la part d’entrepreneurs qui font affaire avec le gouvernement. Ça n’inquiétait pas M. Legault parce que contrairement aux libéraux et aux péquistes, les caquistes sont honnêtes. C’est ce qu’il nous disait en 2020 lorsqu’il a assoupli les règles d’attribution des contrats d’infrastructure malgré toutes les voix qui lui disaient qu’il ouvrait grand la porte à l’émergence de la corruption et de la collusion. Il rappelait qu’il y avait dans son équipe Sonia Lebel, ancienne procureure en chef de la commission Charbonneau, Christian Dubé, qui est comptable agréé, et “même du monde qui ont milité à la CAQ parce qu’ils étaient tannés de la corruption dans d’autres partis”. Bref, la transparence et l’éthique, c’est pour les autres. Les gens honnêtes n’ont pas besoin de suivre les règles.

De toute façon, quel mal y a-t-il à aider ses amis? Dans une logique bien duplessiste, la CAQ s’occupe de ses amis d’abord et des autres ensuite. Québec solidaire a fait remarquer que les projets de construction d’école semblent déterminés en fonction de l’allégeance politique du député local. D’un extrême à l’autre, les investissements varieraient entre 4189$ par enfant dans une circonscription caquiste VS 1045$ par enfant dans une circonscription péquiste. Le ministre Bernard Drainville s’est défendu d’accorder le financement en fonction de critères partisans, mais il a refusé de rendre publiques les évaluations. “On a d’autres choses à faire.” Nous sommes trop occupés pour être transparents, alors vous allez devoir nous croire sur parole.

François Legault a affirmé franchement son clientélisme politique lorsqu’il a dit que “la CAQ, c’est un parti des régions” pour justifier son refus d’investir dans l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Si les gens de Maisonneuve-Rosemont voulaient un meilleur hôpital, ils n’avaient qu’à ne pas élire un député solidaire. Le gouvernement prétend en faire une question d’équité entre Montréal et les régions. Traduction: nos électeurs vont être en colère si on investit trop d’argent dans un hôpital de Montréal pendant que leurs propres hôpitaux ont aussi besoin de travaux. Alors les patients et le personnel de HMR vont devoir s’habituer aux chauve-souris.

Pendant que le premier ministre nous dit chercher désespérément 85 millions pour l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, un contrat de 46 millions pour du soutien en ingénierie pour le troisième lien Québec – Lévis est accordé. Si le projet pharaonique que représente ce fameux pont finit par voir le jour, ce sera l’achat de votes le plus coûteux de l’histoire du Québec. Même Maurice Duplessis n’aurait jamais osé. Soyons honnêtes: la question ici n’a jamais été de mesurer les coûts VS l’utilité d’un troisième pont. La question a toujours été: qu’est-ce qui est le plus rentable électoralement, bien gérer les fonds publics ou céder aux pressions des radios de Québec? Apparemment les caquistes de la grande région de Québec ont parlé plus fort que les gestionnaires responsables et donc le troisième lien n’en finit plus d’être ressuscité.

Depuis 2018, les beaux principes de la CAQ sont tombés les uns après les autres. Vous vous souvenez de la promesse de réformer le mode de scrutin? C’était à l’époque où la CAQ obtenait 15% des sièges avec 27% des votes (élections générales de 2012). “Ce que je souhaite, c’est qu’il y ait moins de cynisme au Québec, qu’il y ait plus de confiance entre les citoyens et la classe politique. Et je pense que ça passe par un mode de scrutin proportionnel mixte”, nous disait François Legault. Depuis, la CAQ a obtenu 59% des sièges avec 37% des votes (2018), ensuite 72% des sièges avec 41% des votes (2022). Réformer le mode de scrutin a sans surprise cessé d’être une priorité pour notre premier ministre. “Il n’y a personne qui se bat dans les autobus au Québec pour changer le mode de scrutin.” Traduction: “Beaucoup de mes députés ont peur de perdre leur siège si on change le mode de scrutin.”

René Lévesque disait de l’Union nationale de Maurice Duplessis que ce n’était pas un parti d’idées, mais un parti d’intérêts. Je dois faire le même constat à l’égard de la CAQ. Quand ce gouvernement prend des décisions, c’est forcément pour servir des intérêts caquistes. Intérêts électoraux, intérêts financiers ou intérêts personnels, mais intérêts tout de même.

Les seules personnes qui ont des raisons d’être satisfaites de ce gouvernement sont les millionnaires, les gros propriétaires et les patrons. Des personnes qui se sont enrichies depuis 2018 et qui vont continuer à le faire puisque la CAQ leur donne toujours davantage de moyens en plus de diminuer leur fardeau fiscal (on ne se pose pas de question sur la capacité à payer des Québécois quand vient le temps de baisser les impôts). Et comme par hasard, ces gens qui bénéficient du régime sont très bien représentés au conseil des ministres.

La “Coalition Avenir Québec” rassemble des anciens libéraux, des anciens péquistes et des anciens adéquistes. On y retrouve des indépendantistes, des nationalistes et des fédéralistes. Certains caquistes appartiennent à la droite économique pure, d’autres sont plus socio-démocrates. Qu’est-ce qui unit tous ces gens à part un appétit pour le pouvoir? Poser la question revient à y répondre. Cette coalition travaille pour un seul avenir: le sien.

L’État au-dessus des lois

Une juge arrêtée. Un registre national des personnes sur le spectre de l’autisme. Des poursuites contre les médecins qui opèrent des transitions de genre et un portail web pour « dénoncer » les médecins, les cliniques et les hôpitaux qui opèrent des chirurgies de transition. Ouverture d’un camp de concentration au Salvador. Le mois d’avril a donné amplement de matériel pour comparer le trumpisme au nazisme. Je vais me contenter de vous parler de l’action T4, qui regroupe un peu tout ça.

L’obsession d’Adolf Hitler pour la pureté raciale impliquait l’élimination des personnes atteintes de maladies incurables, en particulier les maladies héréditaires. L’idée était simple: il fallait empêcher ces personnes de se reproduire pour que le peuple allemand devienne plus fort. Hitler n’était pas le seul dans les années 1920 à promouvoir la « destruction de la vie qui ne mérite pas de vivre ». Le débat avait cours au sein de la profession médicale, même si l’écrasante majorité des médecins s’y opposaient.

Après l’arrivée des nazis au pouvoir, le chef des médecins du Reich, Gerhard Wagner, demande à Hitler la permission de lancer un programme « d’euthanasie ». Hitler lui demande d’attendre le début de la guerre. Ce sera alors plus facile de rallier la population. En attendant, Wagner lance une campagne de propagande. Entre 1935 et 1939, il publie des statistiques sur le coût de l’entretien des malades mentaux et des victimes de maladies héréditaires. Des films sont produits. Wagner fait rêver à tout ce que les Allemands pourraient faire si de telles ressources n’étaient pas ainsi « gaspillées » pour entretenir des personnes qui souffrent de leur état. Difficile de ne pas faire un lien avec Robert F. Kennedy Jr. qui nous dit que les enfants autistes sont des fardeaux qui n’auront jamais d’emploi et ne paieront jamais d’impôts, qui ne joueront jamais au baseball et ne seront jamais amoureux.

Le premier meurtre a lieu en juillet 1939. Le père d’un enfant gravement handicapé (né aveugle avec un seul bras et une jambe difforme) demande la permission de « délivrer » son enfant par euthanasie. Karl Brandt, le médecin d’Hitler, examine l’enfant lui-même et autorise la mise à mort. Hitler donne la « permission » de faire de même dans d’autres situations. Les médecins, infirmières et sages-femmes sont désormais obligés de signaler les nouveaux-nés et les enfants de moins de trois ans présentant les symptômes d’un handicap physique ou mental grave. La « commission du Reich pour l’enregistrement scientifique des souffrances héréditaires et congénitales graves » aurait assassiné entre 5000 et 8000 enfants par injection.

En septembre 1939, alors que l’armée allemande envahit la Pologne, Hitler ordonne la mise en marche de l’action T4, qui consiste à identifier les malades incurables et à les transporter dans des asiles où ils seraient assassinés par les médecins. L’action T4 se déroule en-dehors de tout cadre légal. Aucune loi n’est adoptée. Aucun des ministres d’Hitler ne participe à l’élaboration du plan. Tout se fait par décret.

Le juge Lothar Kreyssig constate que les certificats de décès de personnes mentalement handicapées s’accumulent et commence à se douter de la vérité. Il proteste auprès du ministre de la Justice, Franz Gürtner, contre les prétendues euthanasies. Il lui dit que même la volonté d’Hitler ne peut transformer le mal en bien. Gürtner lui répond: « Si vous ne reconnaissez pas la volonté du Führer comme une source de loi, comme une base de la loi, vous ne sauriez rester juge. » Kreyssig est mis à la retraite peu de temps après. Encore une fois, le parallèle est facile. La volonté du chef d’État se substitue désormais à la loi et au droit. Les juges dont les décisions ne reflètent pas la vérité du Fuhrer / président sont des traîtres dont il faut se débarrasser. Pour l’anecdote, Kreyssig a caché des femmes juives sur sa ferme jusqu’à la fin de la guerre.

L’action T4 prend fin à l’automne 1941. Le gouvernement réalise que la guerre pourrait durer encore longtemps et on commence à craindre que l’opération ait un impact sur le moral de la population. Malgré tous les efforts pour garder l’action secrète, il commence à être difficile de cacher la mort des 70 000 à 90 000 patients « euthanasiés ». La plupart des protestations viennent des églises. Le cardinal von Galen, évêque de Münster, dénonce l’action d’euthanasie dans une série de sermons. Les nazis souhaitent le faire arrêter, mais Hitler craint de dresser les catholiques contre son gouvernement au moment où commence la guerre avec l’Union soviétique.

L’élimination systématique des personnes malades et handicapées va se poursuivre à l’extérieur du territoire allemand, dans les territoires où personne ne peut protester.

Chaque fois que je compare Donald Trump à Adolf Hitler, des trumpistes me répondent que la comparaison n’est pas valable puisque Hitler a fait tuer des millions de personnes. Comme si les chambres à gaz du camp d’Auschwitz avaient commencé à opérer le lendemain de l’accession d’Hitler au pouvoir. Il a d’abord fallu neutraliser l’État de droit et habituer toute une nation à considérer que la volonté du chef est le seul critère de ce qui est acceptable ou non. C’est bien ce qui se passe aux États-Unis depuis 100 jours.

L’État au-dessus des lois

Une juge arrêtée. Un registre national des personnes sur le spectre de l’autisme. Des poursuites contre les médecins qui opèrent des transitions de genre et un portail web pour “dénoncer” les médecins, les cliniques et les hôpitaux qui opèrent des chirurgies de transition. Ouverture d’un camp de concentration au Salvador. Le mois d’avril a donné amplement de matériel pour comparer le trumpisme au nazisme. Je vais me contenter de vous parler de l’action T4, qui regroupe un peu tout ça.

L’obsession d’Adolf Hitler pour la pureté raciale impliquait l’élimination des personnes atteintes de maladies incurables, en particulier les maladies héréditaires. L’idée était simple: il fallait empêcher ces personnes de se reproduire pour que le peuple allemand devienne plus fort. Hitler n’était pas le seul dans les années 1920 à promouvoir la “destruction de la vie qui ne mérite pas de vivre”. Le débat avait cours au sein de la profession médicale, même si l’écrasante majorité des médecins s’y opposaient.

Après l’arrivée des nazis au pouvoir, le chef des médecins du Reich, Gerhard Wagner, demande à Hitler la permission de lancer un programme “d’euthanasie”. Hitler lui demande d’attendre le début de la guerre. Ce sera alors plus facile de rallier la population. En attendant, Wagner lance une campagne de propagande. Entre 1935 et 1939, il publie des statistiques sur le coût de l’entretien des malades mentaux et des victimes de maladies héréditaires. Des films sont produits. Wagner fait rêver à tout ce que les Allemands pourraient faire si de telles ressources n’étaient pas ainsi “gaspillées” pour entretenir des personnes qui souffrent de leur état. Difficile de ne pas faire un lien avec Robert F. Kennedy Jr. qui nous dit que les enfants autistes sont des fardeaux qui n’auront jamais d’emploi et ne paieront jamais d’impôts, qui ne joueront jamais au baseball et ne seront jamais amoureux.

Le premier meurtre a lieu en juillet 1939. Le père d’un enfant gravement handicapé (né aveugle avec un seul bras et une jambe difforme) demande la permission de “délivrer” son enfant par euthanasie. Karl Brandt, le médecin d’Hitler, examine l’enfant lui-même et autorise la mise à mort. Hitler donne la “permission” de faire de même dans d’autres situations. Les médecins, infirmières et sages-femmes sont désormais obligés de signaler les nouveaux-nés et les enfants de moins de trois ans présentant les symptômes d’un handicap physique ou mental grave. La “commission du Reich pour l’enregistrement scientifique des souffrances héréditaires et congénitales graves” aurait assassiné entre 5000 et 8000 enfants par injection.

En septembre 1939, alors que l’armée allemande envahit la Pologne, Hitler ordonne la mise en marche de l’action T4, qui consiste à identifier les malades incurables et à les transporter dans des asiles où ils seraient assassinés par les médecins. L’action T4 se déroule en-dehors de tout cadre légal. Aucune loi n’est adoptée. Aucun des ministres d’Hitler ne participe à l’élaboration du plan. Tout se fait par décret.

Le juge Lothar Kreyssig constate que les certificats de décès de personnes mentalement handicapées s’accumulent et commence à se douter de la vérité. Il proteste auprès du ministre de la Justice, Franz Gürtner, contre les prétendues euthanasies. Il lui dit que même la volonté d’Hitler ne peut transformer le mal en bien. Gürtner lui répond: “Si vous ne reconnaissez pas la volonté du Führer comme une source de loi, comme une base de la loi, vous ne sauriez rester juge.” Kreyssig est mis à la retraite peu de temps après. Encore une fois, le parallèle est facile. La volonté du chef d’État se substitue désormais à la loi et au droit. Les juges dont les décisions ne reflètent pas la vérité du Fuhrer / président sont des traîtres dont il faut se débarrasser. Pour l’anecdote, Kreyssig a caché des femmes juives sur sa ferme jusqu’à la fin de la guerre.

L’action T4 prend fin à l’automne 1941. Le gouvernement réalise que la guerre pourrait durer encore longtemps et on commence à craindre que l’opération ait un impact sur le moral de la population. Malgré tous les efforts pour garder l’action secrète, il commence à être difficile de cacher la mort des 70 000 à 90 000 patients “euthanasiés”. La plupart des protestations viennent des églises. Le cardinal von Galen, évêque de Münster, dénonce l’action d’euthanasie dans une série de sermons. Les nazis souhaitent le faire arrêter, mais Hitler craint de dresser les catholiques contre son gouvernement au moment où commence la guerre avec l’Union soviétique.

L’élimination systématique des personnes malades et handicapées va se poursuivre à l’extérieur du territoire allemand, dans les territoires où personne ne peut protester.

Chaque fois que je compare Donald Trump à Adolf Hitler, des trumpistes me répondent que la comparaison n’est pas valable puisque Hitler a fait tuer des millions de personnes. Comme si les chambres à gaz du camp d’Auschwitz avaient commencé à opérer le lendemain de l’accession d’Hitler au pouvoir. Il a d’abord fallu neutraliser l’État de droit et habituer toute une nation à considérer que la volonté du chef est le seul critère de ce qui est acceptable ou non. C’est bien ce qui se passe aux États-Unis depuis 100 jours.

Le Parti républicain du Canada

Pierre Poilièvre aura beau critiquer Donald Trump pour flatter l’électorat canadien, il demeure que les deux chefs ont beaucoup en commun. Nous avons toutes les raisons de croire qu’un gouvernement conservateur dirigerait le Canada de la même façon que le Parti républicain dirige les États-Unis à l’heure actuelle.

L’accès à l’information
Le Parti conservateur a refusé d’admettre les journalistes dans son autobus de campagne. On comprend que l’objectif est le contrôle du message. La désinformation est mise sur un pied d’égalité avec l’information. Contrairement aux autres chefs, Pierre Poilièvre n’a aucune objection à répondre aux questions des « journalistes » de Rebel News et autres « médias » qui sont en fait des instruments de propagande. Il souhaite même que ces pseudo journalistes aient accès à la tribune de la presse au Parlement. Ajoutons à ça qu’il souhaite mettre la hache dans CBC.

Cela s’ajoute à la campagne d’intimidation qui a eu raison de Rachel Gilmore. Pour rappel, Rachel Gilmore est cette journaliste dont la vérification de faits dérangeait les conservateurs parce qu’elle faisait la lumière sur leurs mensonges. Le directeur des relations publiques de Pierre Poilièvre, Sebastian Skamski, a accusé Gilmore de faire de la « désinformation ». Les militants conservateurs ont protesté en ligne jusqu’à ce que CTV mette fin à sa collaboration avec Gilmore.

Voilà à quoi ressemble l’information dans un Canada conservateur. Quand Pierre Poilièvre dit qu’il pleut, la journaliste qui regarde par la fenêtre se fait accuser de désinformation. Et ceux qui confirment qu’il pleut sans regarder par la fenêtre sont des « médias alternatifs » auxquels il faut donner une voix.

Les contre-pouvoirs
Quand Pierre Poilièvre nous dit qu’il va utiliser la clause dérogatoire pour pouvoir imposer des peines plus lourdes aux criminels, ce qu’il nous dit réellement, c’est qu’il ne reconnaît pas la validité de la constitution canadienne. Ce qu’il nous dit, c’est que son gouvernement devrait être libre d’ignorer les lois lorsqu’il juge que c’est pour le bien commun. La Charte des droits et libertés existe précisément pour protéger les Canadiens contre leur gouvernement, mais Poilièvre prétend vouloir l’ignorer pour protéger les Canadiens contre eux-mêmes. Difficile de ne pas faire un parallèle avec Donald Trump. Un gouvernement conservateur ne se laissera contrarier ni par la constitution, ni par les journalistes, ni par les tribunaux. À bas les contre-pouvoirs.

La censure
L’avocat Neil Oberman, candidat conservateur dans Mont-Royal, a été catégorique. À l’image de Trump, il promet que son gouvernement va couper le financement des universités qui « n’en font pas assez pour combattre l’antisémitisme sur leur campus ». Il promet aussi de déporter les étudiants étrangers qui « participent activement à la destruction des minorités, des communautés ». Un langage merveilleusement flou qui ne peut que conduire aux mêmes dérives auxquelles on assiste aux États-Unis, où même Harvard est ciblée par le gouvernement. Les conservateurs ouvrent ici la porte à un Canada où les universités pourraient se voir contraindre à adhérer à l’idéologie du gouvernement ou perdre leur financement de l’État.

L’avortement
Oui, Pierre Poilièvre a affirmé et répété qu’il était en faveur de la liberté de choix pour les femmes et que la position du Parti conservateur est très claire. Mais la position du Parti conservateur, c’est aussi que les députés sont libres de déposer des projets de loi d’initiative parlementaire et que sur les questions de conscience, les votes sont libres.

Poilièvre promet qu’un gouvernement conservateur « ne soutiendra pas de loi visant à régir l’avortement ». La formulation est importante. Il ne soutiendra pas, mais il n’interdira pas non plus. Ça signifie que rien n’empêcherait les députés conservateurs de présenter des projets de loi au Parlement pour limiter le droit à l’avortement et ensuite de voter « selon leur conscience ».

En rappel:
2013: Un député conservateur ontarien demande la création d’un comité parlementaire pour examiner si la définition d’un être humain du Code criminel devrait inclure les foetus. 86 conservateurs votent pour.
2020: Une député conservatrice propose un projet de loi pour criminaliser les avortements basés sur le sexe du foetus. 80 conservateurs votent pour.
2023: La même députée conservatrice propose des peines plus sévères lorsqu’une femme enceinte est tuée. Traduction: l’assassin a tué deux personnes plutôt qu’une seule. Porte ouverte à considérer le foetus comme une personne. Tous les députés conservateurs appuient la proposition, dont Pierre Poilièvre.
2024: Un député conservateur dépose une pétition pour demander une loi protégeant la vie des foetus.

La position personnelle de Pierre Poilièvre n’a pas d’importance. Nous ne sommes pas dans un régime présidentiel. Si une majorité de députés conservateurs sont résolus à adopter une loi pour régir l’avortement, le gouvernement ne pourra pas l’empêcher. En 2004, le gouvernement de Paul Martin a failli tomber parce que des dizaines de députés libéraux n’ont pas soutenu sa proposition de participer au bouclier anti-missiles américain. Ironiquement, ce sont les conservateurs qui l’ont sauvé. Rien ne dit qu’un tel scénario ne pourrait pas se reproduire sous un gouvernement conservateur.

Et soyons honnêtes, la position personnelle pro-choix de Poilièvre ne l’empêche pas d’avoir des dizaines de personnes anti-choix parmi ses candidats. Ça donne une idée de la force de ses convictions.

Je vais m’arrêter ici, mais les exemples sont encore nombreux. Comme Trump, Poilièvre soutient l’État g é n o cidaire i s raélien. Comme Trump, il veut mettre fin à l’aide internationale pour mieux financer l’armée. Comme Trump, il soutient les manifestations violentes lorsqu’elles sont de son côté (manifestation des camionneurs à Ottawa). Il emploie le terme « woke » à outrance ». « Canada First ». Etc. Etc.

Voter conservateur, c’est voter pour le Parti républicain du Canada. Rien de plus, rien de moins.

Le Parti républicain du Canada

Pierre Poilièvre aura beau critiquer Donald Trump pour flatter l’électorat canadien, il demeure que les deux chefs ont beaucoup en commun. Nous avons toutes les raisons de croire qu’un gouvernement conservateur dirigerait le Canada de la même façon que le Parti républicain dirige les États-Unis à l’heure actuelle.

L’accès à l’information
Le Parti conservateur a refusé d’admettre les journalistes dans son autobus de campagne. On comprend que l’objectif est le contrôle du message. La désinformation est mise sur un pied d’égalité avec l’information. Contrairement aux autres chefs, Pierre Poilièvre n’a aucune objection à répondre aux questions des “journalistes” de Rebel News et autres “médias” qui sont en fait des instruments de propagande. Il souhaite même que ces pseudo journalistes aient accès à la tribune de la presse au Parlement. Ajoutons à ça qu’il souhaite mettre la hache dans CBC.

Cela s’ajoute à la campagne d’intimidation qui a eu raison de Rachel Gilmore. Pour rappel, Rachel Gilmore est cette journaliste dont la vérification de faits dérangeait les conservateurs parce qu’elle faisait la lumière sur leurs mensonges. Le directeur des relations publiques de Pierre Poilièvre, Sebastian Skamski, a accusé Gilmore de faire de la “désinformation”. Les militants conservateurs ont protesté en ligne jusqu’à ce que CTV mette fin à sa collaboration avec Gilmore.

Voilà à quoi ressemble l’information dans un Canada conservateur. Quand Pierre Poilièvre dit qu’il pleut, la journaliste qui regarde par la fenêtre se fait accuser de désinformation. Et ceux qui confirment qu’il pleut sans regarder par la fenêtre sont des “médias alternatifs” auxquels il faut donner une voix.

Les contre-pouvoirs
Quand Pierre Poilièvre nous dit qu’il va utiliser la clause dérogatoire pour pouvoir imposer des peines plus lourdes aux criminels, ce qu’il nous dit réellement, c’est qu’il ne reconnaît pas la validité de la constitution canadienne. Ce qu’il nous dit, c’est que son gouvernement devrait être libre d’ignorer les lois lorsqu’il juge que c’est pour le bien commun. La Charte des droits et libertés existe précisément pour protéger les Canadiens contre leur gouvernement, mais Poilièvre prétend vouloir l’ignorer pour protéger les Canadiens contre eux-mêmes. Difficile de ne pas faire un parallèle avec Donald Trump. Un gouvernement conservateur ne se laissera contrarier ni par la constitution, ni par les journalistes, ni par les tribunaux. À bas les contre-pouvoirs.

La censure
L’avocat Neil Oberman, candidat conservateur dans Mont-Royal, a été catégorique. À l’image de Trump, il promet que son gouvernement va couper le financement des universités qui “n’en font pas assez pour combattre l’antisémitisme sur leur campus”. Il promet aussi de déporter les étudiants étrangers qui “participent activement à la destruction des minorités, des communautés”. Un langage merveilleusement flou qui ne peut que conduire aux mêmes dérives auxquelles on assiste aux États-Unis, où même Harvard est ciblée par le gouvernement. Les conservateurs ouvrent ici la porte à un Canada où les universités pourraient se voir contraindre à adhérer à l’idéologie du gouvernement ou perdre leur financement de l’État.

L’avortement
Oui, Pierre Poilièvre a affirmé et répété qu’il était en faveur de la liberté de choix pour les femmes et que la position du Parti conservateur est très claire. Mais la position du Parti conservateur, c’est aussi que les députés sont libres de déposer des projets de loi d’initiative parlementaire et que sur les questions de conscience, les votes sont libres.

Poilièvre promet qu’un gouvernement conservateur “ne soutiendra pas de loi visant à régir l’avortement”. La formulation est importante. Il ne soutiendra pas, mais il n’interdira pas non plus. Ça signifie que rien n’empêcherait les députés conservateurs de présenter des projets de loi au Parlement pour limiter le droit à l’avortement et ensuite de voter “selon leur conscience”.

En rappel:
2013: Un député conservateur ontarien demande la création d’un comité parlementaire pour examiner si la définition d’un être humain du Code criminel devrait inclure les foetus. 86 conservateurs votent pour.
2020: Une député conservatrice propose un projet de loi pour criminaliser les avortements basés sur le sexe du foetus. 80 conservateurs votent pour.
2023: La même députée conservatrice propose des peines plus sévères lorsqu’une femme enceinte est tuée. Traduction: l’assassin a tué deux personnes plutôt qu’une seule. Porte ouverte à considérer le foetus comme une personne. Tous les députés conservateurs appuient la proposition, dont Pierre Poilièvre.
2024: Un député conservateur dépose une pétition pour demander une loi protégeant la vie des foetus.

La position personnelle de Pierre Poilièvre n’a pas d’importance. Nous ne sommes pas dans un régime présidentiel. Si une majorité de députés conservateurs sont résolus à adopter une loi pour régir l’avortement, le gouvernement ne pourra pas l’empêcher. En 2004, le gouvernement de Paul Martin a failli tomber parce que des dizaines de députés libéraux n’ont pas soutenu sa proposition de participer au bouclier anti-missiles américain. Ironiquement, ce sont les conservateurs qui l’ont sauvé. Rien ne dit qu’un tel scénario ne pourrait pas se reproduire sous un gouvernement conservateur.

Et soyons honnêtes, la position personnelle pro-choix de Poilièvre ne l’empêche pas d’avoir des dizaines de personnes anti-choix parmi ses candidats. Ça donne une idée de la force de ses convictions.

Je vais m’arrêter ici, mais les exemples sont encore nombreux. Comme Trump, Poilièvre soutient l’État g é n o cidaire i s raélien. Comme Trump, il veut mettre fin à l’aide internationale pour mieux financer l’armée. Comme Trump, il soutient les manifestations violentes lorsqu’elles sont de son côté (manifestation des camionneurs à Ottawa). Il emploie le terme “woke” à outrance”. “Canada First”. Etc. Etc.

Voter conservateur, c’est voter pour le Parti républicain du Canada. Rien de plus, rien de moins.

Gouvernement de propriétaires

France-Élaine Duranceau propose la construction de logements modulaires en région. « Il s’agit de projets de multilogements d’une densité moyenne de 24 ou 36 logements, sur deux ou trois étages, qui comprennent des studios ou des logements d’une ou deux chambres à coucher, avec des loyers dits « abordable ». » Rappelons que la définition du mot « abordable » de la ministre n’est pas forcément la même que celle des gens qui doivent payer. Parmi les personnes visées, il y a des gens qui sont propriétaires de leur maison mais qui ne peuvent plus se permettre de l’entretenir parce que le gouvernement vient de couper un programme d’aide qui leur était destiné. Pour réaliser des économies de bouts de chandelle (15 millions, donc moins de trois parties des Kings à Québec), on va forcer des propriétaires à devenir locataires.

Jusqu’où ce gouvernement va-t-il descendre la barre du strict minimum? Et jusqu’où va-t-il lever la barre de la proportion de revenu qu’il est acceptable de consacrer au logement?

Imaginez. Vous passez d’une maison à un 2 1/2. Vous passez d’un 5 1/2 à un studio. Pourtant, vos revenus n’ont pas diminué. Au contraire, vous avez même pris un deuxième emploi parce que vous n’aviez pas le choix pour payer vos factures. Et le gouvernement vous dit: Vous êtes logé. Vous êtes content, non? Que tous aient un toit au-dessus de la tête devrait être un strict minimum, pas un projet de société. Les propriétaires sont de plus en plus riches. Les locataires sont de plus en plus pauvres et leur qualité de vie diminue chaque année. Mais notre étalon de mesure est tellement bas qu’on n’y voit aucun problème. Après tout, c’est le marché! Pour notre gouvernement, l’habitation est un bien marchand comme les autres.

J’ai souvent comparé la CAQ de François Legault à l’Union nationale de Maurice Duplessis. Sur la question du logement, je les comparerais davantage au gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau. À une époque où les Québécois payaient l’électricité (produite sur leur propre territoire) deux à trois fois plus cher que les autres provinces, la société civile, les syndicats, les villes et une partie du clergé faisaient pression sur le gouvernement pour intervenir et réglementer l’industrie. Taschereau et ses ministres refusaient de s’attaquer aux compagnies d’électricité dans lesquelles ils avaient de nombreux intérêts. Pour ne donner qu’un exemple: Taschereau lui-même avait été avocat de la compagnie Quebec Power, son fils Paul a repris le mandat après lui et son frère Edmond siégeait sur le conseil d’administration de la compagnie. Les caquistes semblent pris dans un conflit d’intérêts semblable.

La CAQ a toujours été un parti de propriétaires. En 2016, l’Assemblée nationale adoptait presque à l’unanimité la loi Françoise David, ou « Loi modifiant le code civil afin de protéger les droits des locataires aînés ». Il serait dorénavant interdit à un propriétaire de reprendre le logement d’un locataire de 70 ans et plus s’il occupe le logement depuis plus de 10 ans. Ça semble être la décence humaine la plus élémentaire, mais c’était trop pour quatre députés caquistes, qui se sont abstenus au moment du vote. Parmi eux se trouvent Sébastien Schneeberger et Mario Laframboise, qui siègent toujours aujourd’hui. Laframboise disait que cette loi enlève au propriétaire au droit de propriété. Imaginez revendiquer le droit d’expulser des personnes âgées de leur logement parce que votre « droit de propriété » est plus important que leur droit de se loger.

En 2023, l’IRIS (Institut de recherche et d’informations socioéconomiques) nous apprenait que 30% des ministres du gouvernement Legault viennent du monde des affaires, comparativement à 8.7% pour le gouvernement Couillard et 4.2% pour le gouvernement Marois. Ceci explique-t-il cela? Probablement. Ce gouvernement a une vision comptable et strictement économique du devoir de l’État. Assurer un minimum de services essentiels au moindre coût et stimuler le développement économique. C’était la vision du gouvernement il y a 100 ans et c’est celle du gouverneemnt Legault.

Composition du conseil des ministres du gouvernement Legault

Côté logement, le bureau d’enquête du Journal de Montréal nous apprenait en 2023 que 90% des ministres sont propriétaires d’un parc immobilier valant en moyenne 1.6 millions de dollars. C’est quatre fois la valeur du propriétaire moyen au Québec. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement Legault a mis des années à reconnaître la crise du logement. Les caquistes ne la vivent pas: ils en tirent profit.

Évidemment, la palme revient à France-Élaine Duranceau, la ministre de la Spéculation immobilière. On ne rappellera jamais assez qu’elle a acheté sa première maison pour 770 000$ en 2006, sans hypothèque. Il est profondément révoltant de voir une personne qui a tout venir constamment nous dire qu’on doit se contenter de moins.

Bref, notre gouvernement n’a aucune idée de ce que vivent les familles qui subissent la crise du logement.

Il s’agit d’un énorme angle mort dans l’éthique de nos gouvernants. Les ministres n’ont techniquement pas le droit de favoriser une entreprise dans laquelle ils auraient des intérêts. Pierre Fitzgibbon nous l’a rappelé plusieurs fois malgré lui. Alors comment qualifier les ministres propriétaires qui s’enrichissent grâce à une crise qu’ils aident à faire perdurer? Une propriété locative est une entreprise. Alors que font les ministres propriétaires si ce n’est favoriser les intérêts de leur entreprise?

Gouvernement de propriétaires

France-Élaine Duranceau propose la construction de logements modulaires en région. “Il s’agit de projets de multilogements d’une densité moyenne de 24 ou 36 logements, sur deux ou trois étages, qui comprennent des studios ou des logements d’une ou deux chambres à coucher, avec des loyers dits « abordable ».” Rappelons que la définition du mot “abordable” de la ministre n’est pas forcément la même que celle des gens qui doivent payer. Parmi les personnes visées, il y a des gens qui sont propriétaires de leur maison mais qui ne peuvent plus se permettre de l’entretenir parce que le gouvernement vient de couper un programme d’aide qui leur était destiné. Pour réaliser des économies de bouts de chandelle (15 millions, donc moins de trois parties des Kings à Québec), on va forcer des propriétaires à devenir locataires.

Jusqu’où ce gouvernement va-t-il descendre la barre du strict minimum? Et jusqu’où va-t-il lever la barre de la proportion de revenu qu’il est acceptable de consacrer au logement?

Imaginez. Vous passez d’une maison à un 2 1/2. Vous passez d’un 5 1/2 à un studio. Pourtant, vos revenus n’ont pas diminué. Au contraire, vous avez même pris un deuxième emploi parce que vous n’aviez pas le choix pour payer vos factures. Et le gouvernement vous dit: Vous êtes logé. Vous êtes content, non? Que tous aient un toit au-dessus de la tête devrait être un strict minimum, pas un projet de société. Les propriétaires sont de plus en plus riches. Les locataires sont de plus en plus pauvres et leur qualité de vie diminue chaque année. Mais notre étalon de mesure est tellement bas qu’on n’y voit aucun problème. Après tout, c’est le marché! Pour notre gouvernement, l’habitation est un bien marchand comme les autres.

J’ai souvent comparé la CAQ de François Legault à l’Union nationale de Maurice Duplessis. Sur la question du logement, je les comparerais davantage au gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau. À une époque où les Québécois payaient l’électricité (produite sur leur propre territoire) deux à trois fois plus cher que les autres provinces, la société civile, les syndicats, les villes et une partie du clergé faisaient pression sur le gouvernement pour intervenir et réglementer l’industrie. Taschereau et ses ministres refusaient de s’attaquer aux compagnies d’électricité dans lesquelles ils avaient de nombreux intérêts. Pour ne donner qu’un exemple: Taschereau lui-même avait été avocat de la compagnie Quebec Power, son fils Paul a repris le mandat après lui et son frère Edmond siégeait sur le conseil d’administration de la compagnie. Les caquistes semblent pris dans un conflit d’intérêts semblable.

La CAQ a toujours été un parti de propriétaires. En 2016, l’Assemblée nationale adoptait presque à l’unanimité la loi Françoise David, ou “Loi modifiant le code civil afin de protéger les droits des locataires aînés”. Il serait dorénavant interdit à un propriétaire de reprendre le logement d’un locataire de 70 ans et plus s’il occupe le logement depuis plus de 10 ans. Ça semble être la décence humaine la plus élémentaire, mais c’était trop pour quatre députés caquistes, qui se sont abstenus au moment du vote. Parmi eux se trouvent Sébastien Schneeberger et Mario Laframboise, qui siègent toujours aujourd’hui. Laframboise disait que cette loi enlève au propriétaire au droit de propriété. Imaginez revendiquer le droit d’expulser des personnes âgées de leur logement parce que votre “droit de propriété” est plus important que leur droit de se loger.

En 2023, l’IRIS (Institut de recherche et d’informations socioéconomiques) nous apprenait que 30% des ministres du gouvernement Legault viennent du monde des affaires, comparativement à 8.7% pour le gouvernement Couillard et 4.2% pour le gouvernement Marois. Ceci explique-t-il cela? Probablement. Ce gouvernement a une vision comptable et strictement économique du devoir de l’État. Assurer un minimum de services essentiels au moindre coût et stimuler le développement économique. C’était la vision du gouvernement il y a 100 ans et c’est celle du gouverneemnt Legault.

Composition du conseil des ministres du gouvernement Legault

Côté logement, le bureau d’enquête du Journal de Montréal nous apprenait en 2023 que 90% des ministres sont propriétaires d’un parc immobilier valant en moyenne 1.6 millions de dollars. C’est quatre fois la valeur du propriétaire moyen au Québec. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement Legault a mis des années à reconnaître la crise du logement. Les caquistes ne la vivent pas: ils en tirent profit.

Évidemment, la palme revient à France-Élaine Duranceau, la ministre de la Spéculation immobilière. On ne rappellera jamais assez qu’elle a acheté sa première maison pour 770 000$ en 2006, sans hypothèque. Il est profondément révoltant de voir une personne qui a tout venir constamment nous dire qu’on doit se contenter de moins.

Bref, notre gouvernement n’a aucune idée de ce que vivent les familles qui subissent la crise du logement.

Il s’agit d’un énorme angle mort dans l’éthique de nos gouvernants. Les ministres n’ont techniquement pas le droit de favoriser une entreprise dans laquelle ils auraient des intérêts. Pierre Fitzgibbon nous l’a rappelé plusieurs fois malgré lui. Alors comment qualifier les ministres propriétaires qui s’enrichissent grâce à une crise qu’ils aident à faire perdurer? Une propriété locative est une entreprise. Alors que font les ministres propriétaires si ce n’est favoriser les intérêts de leur entreprise?

Mesdames, souriez et soyez douces

Mon prochain livre, « L’exode politique des femmes », explore les raisons pour lesquelles les femmes sont plus nombreuses que les hommes à quitter volontairement la politique. En voyant les réactions à l’arrivée de Ruba Ghazal comme chef parlementaire de Québec solidaire, j’observe la manifestation d’un des principaux irritants pour les femmes en politique: ce double standard qui leur demande de faire de la politique comme des hommes tout en restant « des femmes ».

Des sources internes de Québec solidaire se sont confiées au bureau parlementaire du Journal de Québec pour se plaindre de la nouvelle porte-parole: « Dès les premières heures suivant la démission de Gabriel Nadeau-Dubois, les manœuvres politiques de Ruba Ghazal ont causé un malaise à l’interne, alors qu’elle vient tout juste d’être nommée cheffe parlementaire de Québec solidaire. » Dès les premières heures. GND a été co-porte-parole de Québec solidaire pendant 6 ans et chef parlementaire pendant 2 ans avant que la première plainte sur son attitude soit rendue publique sous la forme du livre de Catherine Dorion, une plainte vivement critiquée de l’intérieur. Ruba Ghazal a été co-porte-parole 4 mois et chef parlementaire quelques heures avant que les « sources internes » étalent leur malaise sur la place publique.

Les sources internes ne sont visiblement pas les seules à éprouver un malaise. Aux Mordus de politique (RDI), Michelle Courchesne nous dit que Ruba Ghazal est trop agressive. Un autre reproche typiquement adressé aux femmes. On ne se pose pas de question quand un homme politique est agressif. C’est attendu de nous. Ça fait partie de nous. Ça montre qu’on croit en nos idées. Gaétan Barrette était critiqué pour son attitude « bulldozer », mais c’était pratiquement tourné à la blague dans les médias. Ça faisait partie de son personnage. Je ne me souviens pas avoir entendu reprocher à GND, PSPP ou Yves-François Blanchet d’être trop agressifs dans leurs attaques envers le gouvernement qu’ils critiquent. Et pourtant on sait qu’ils en sont capables.

La palme revient à un autre analyste, Dimitri Soudas, qui a dit que Mme Ghazal « devrait sourire un peu ». Bien sûr. À l’image de GND et PSPP, connus pour avoir le sourire aux lèvres lorsqu’ils prennent la parole. Vous souvenez-vous avoir déjà entendu dire d’un politicien qu’il devrait sourire? Philippe Couillard et Stephen Harper étaient réputés pour leur froideur, mais ça n’a jamais été présenté comme un défaut. C’était simplement la manifestation de leur personnalité rationnelle.

Quand je pense aux personnalités publiques accusées d’être autoritaires, je pense instinctivement à Pauline Marois. Les péquistes ont beaucoup critiqué la façon dont elle et sa cheffe de cabinet, Nicole Stafford, exerçaient leur autorité. On n’a pas beaucoup entendu cette critique sur les anciens chefs du PQ, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard, Bernard Landry, qui n’étaient pourtant pas connus pour leur recherche du consensus.

Je pense aussi à Martine Ouellet, quant à elle accusée d’être « incapable de travailler en équipe ». Un autre reproche exclusif aux femmes cheffes. Les hommes n’ont pas besoin de travailler en équipe. Les hommes disent dans quelle direction avancer et on avance.

Bref, on voudrait que les femmes politiciennes se comportent « comme des femmes ». Qu’elles soient douces et agréables à regarder. Parce qu’une femme qui se fâche, c’est très laid. MAIS! On ne veut pas non plus qu’elles ne soient TROP féminines. On ne veut pas les voir pleurer: ça indique une faiblesse de caractère. Elles ne doivent pas non plus être trop belles: on les accusera de faire du charme, ou pire, d’avoir couché avec la bonne personne. Elles ne doivent pas élever la voix: On les accusera d’être hystériques. Mais elles ne doivent pas non plus être trop douces: On dira qu’elles sont incapables de s’affirmer. Par contre que je n’en vois pas une mettre le poing sur la table: On ne veut surtout pas d’une femme agressive et autoritaire.

Les femmes en politique peuvent bien ne plus savoir sur quel pied danser. Qu’est-ce qu’on attend d’elles, au juste? Quel genre de politiciennes est-ce qu’on veut? À voir toutes les critiques contradictoires qui leur sont réservées, j’aurais envie de conclure: On ne veut pas de femmes en politique. Des femmes qui exercent le pouvoir, ça nous dérange. On trouvera toujours une raison de les attaquer, même si leurs collègues masculins font pire.

C’est beau de dire qu’on veut plus de femmes en politique, qu’on veut encourager les femmes à se présenter, que les femmes doivent prendre leur place. Mais ce serait encore mieux de prendre conscience de nos biais et de faire un minimum d’effort pour les combattre.

La CAQ et la Presse contre les syndicats

Un mot sur la « Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out » du ministre Jean Boulet, ou loi 89. Sous prétexte de protéger la population et les personnes vulnérables, le gouvernement Legault veut réduire le droit de grève. En cas de conflit de travail, le gouvernement pourra exiger que les services soient au moins partiellement maintenus et éventuellement nommer un arbitre qui déterminera à lui seul les salaires et les conditions de travail. Le gouvernement se donne donc un pouvoir arbitraire immense tout en privant les syndicats de leur principal levier de négociation.

Dans la Presse, Stéphanie Grammond fait remarquer, avec raison, que le Québec peut revendiquer à lui seul 90% des arrêts de travail au Canada en 2024. La conclusion de l’éditorialiste, qui est évidemment celle du patronat: Les syndicats abusent. S’il y a beaucoup d’arrêts de travail, c’est forcément parce que les travailleurs en demandent trop. Ce n’est pas parce que les augmentations de salaire ne suivent pas l’augmentation du coût de la vie et encore moins l’augmentation des profits.

Faut-il s’étonner de voir les conflits de travail se multiplier dans le contexte économique actuel? Quand un travailleur à temps plein doit se trouver un deuxième emploi pour payer son logement et son épicerie, on peut comprendre qu’il soit enclin à employer des mesures extrêmes pour améliorer son sort. Il a très peu à perdre.

Toutes les centrales syndicales demandent le retrait du projet de loi 89. Pendant ce temps, le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante applaudissent l’initiative et demandent au gouvernement d’aller plus loin. C’est peut-être un signe que la proposition n’est pas équilibrée?

L’immense majorité des négociations de travail se règlent sans grève et sans lock-out, principalement parce que les parties négocient de bonne foi. Un effet pervers de cette loi serait de retirer à la partie patronale tout incitatif à négocier de bonne foi. Il suffirait d’attendre que la situation devienne explosive pour renvoyer le dossier sur le bureau du ministre du Travail, à qui reviendrait alors le fardeau de couper la poire en deux. Je n’ai pas l’impression que les travailleurs sortiraient souvent gagnants de cet exercice.

Stéphanie Grammond nous explique que la loi 89 ne va pas supprimer le droit de grève, mais plutôt offrir un « mode de résolution de conflit alternatif ». En théorie, c’est très beau. Dans un monde idéal, les travailleurs pourraient faire confiance au gouvernement pour prendre une décision juste et équitable. Présentement, ce lien de confiance n’existe pas. François Legault n’a pas raté une occasion de montrer tout le mal qu’il pense des syndicats.

En 2019, Legault a pris ouvertement le parti de l’employeur dans le cadre du lock-out à l’ABI. En 2020, il a blâmé les syndicats de la fonction publique pour la crise dans les CHSLD en affirmant que les syndicats l’auraient empêché d’augmenter les salaires des préposés aux bénéficiaires. Plus récemment, il blâme volontiers les nouvelles conventions collectives signées avec le secteur publique pour son déficit historique. On pourrait ajouter la désinvolture avec laquelle il a accueilli la nouvelle de la fermeture des entrepôts d’Amazon en janvier dernier.

Peut-on en vouloir aux syndicats de craindre que sous Legault, le gouvernement jugerait toujours les revendications syndicales excessives et les positions patronales acceptables?

Le gouvernement prendrait un risque énorme en adoptant cette loi injuste. Quand on rend la résistance illégale, on ne fait pas disparaître la résistance. On fait seulement disparaître la ligne entre la résistance modérée et la résistance radicale. Personne ne veut voir ça au Québec.

Les luttes en temps de crise

Le gouvernement du Canada n’aura plus de ministre des Femmes et Égalité des genres et de la Jeunesse, ni de ministre de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes en situation de handicap. Ces portefeuilles ont été attribués de manière résiduelle à d’autres ministres du nouveau cabinet minceur de Mark Carney. Quoi de plus normal? Nous sommes en pleine guerre commerciale et nous visons le retour au sacro-saint équilibre budgétaire. Donc on coupe dans le « gras ». Et pour un banquier comme Mark Carney, les droits des femmes, des minorités et des personnes en situation de handicap, c’est du gras: ça ne rapporte pas d’argent.

Et qu’on ne vienne pas me dire que les ministères ne sont pas « abolis » mais réorganisés ou restructurés ou tout autre euphémisme. Le gouvernement ne fait pas ce changement juste pour économiser deux salaires de ministre. Forcément il y aura moins de ressources, moins de personnel, moins d’argent et surtout moins d’attention. Le résultat sera le même. Et juste au cas, je précise que l’objectif de ces ministères n’est pas de féminiser les titres ou autre enjeu qui peut sembler banal. On parle plutôt de lutte contre les féminicides (163 au Canada en 2024, dont 24 au Québec), pour ne donner qu’un exemple. Ce n’est vraiment pas un luxe.

On doit tous faire des sacrifices en temps de crise, n’est-ce pas? « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » On a tous déjà entendu cette phrase. C’est beau. C’est patriotique. Quand on la replace dans son contexte, c’est un peu moins beau.

Cette phrase, John F. Kennedy l’a prononcée lors de son discours inaugural, le 20 janvier 1961. La Guerre froide approche de son paroxisme. Les relations avec Cuba s’enveniment. Les États-Unis vont bientôt commencer à s’impliquer sérieusement dans la guerre au Vietnam. Kennedy veut accélérer la course à l’armement. Pendant ce temps, le mouvement pour les droits civiques des Noirs prend de l’expansion. C’est en 1955 que Rosa Parks s’est fait connaître en refusant de céder sa place à un homme blanc dans un autobus de Montgomery, ce qui a mené en 1956 à la décision de la Cour suprême déclarant la ségrégation dans les transports inconstitutionnelle. Les attentes envers Kennedy sont élevées, mais lui et son frère Robert vont passer leurs années au pouvoir à essayer de temporiser les demandes du mouvement. Après tout, ils ont besoin du soutien des démocrates du Sud et ceux-ci ne sont pas enthousiastes à l’idée de donner des droits égaux aux Noirs.

La stratégie de Kennedy consiste donc à donner des miettes aux Noirs en tentant de les convaincre que demander plus jouerait le jeu des républicains qui eux ne leur donneraient rien du tout. Pendant ce temps, on encourageait les Noirs à s’enrôler dans l’armée, parce que malgré tout il faut servir leur beau pays qui les traite si bien. Quand les volontaires ne suffisent pas, on les enrôle de force. Pour l’anecdote, les Afro-Américains représentent 16% des conscrits en 1967 alors qu’ils ne composent que 11% de la population américaine. Voilà ce que veut dire « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. »

Quel est le rapport avec le nouveau gouvernement qui abolit les ministères des Femmes, de l’Égalité des genres, de la Jeunesse, de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes en situation de handicap? Le lien, c’est que les droits des femmes et des minorités seront toujours relégués au second plan. Aujourd’hui, c’est la crise budgétaire et la guerre tarifaire contre Donald Trump. Demain, ce sera une guerre militaire ou plus probablement la crise climatique.

Oui il faut faire des sacrifices en temps de guerre. Mais ce sont toujorus les mêmes à qui on les impose. Pendant les deux guerres mondiales, le gouvernement du Canada allait chercher des hommes de force pour les envoyer mourir en Europe: chacun devait faire sa part, paraît-il. Mais pensez-vous qu’on ait exigé la même chose des grandes fortunes? Bien sûr que non. On peut forcer un homme à donner sa vie, mais on ne peut quand même pas obliger un millionnaire à donner son argent. On ne vit pas en dictature! Les sacrifices seront toujours imposés aux gagne-petits – parce que nos pays sont gouvernés par les riches pour les riches.

Dans un pays où l’intérêt public est synonyme d’intérêt des banques, des agences de crédit et des grandes entreprises, les droits des femmes et des minorités seront toujours perçus comme du superflu. Ce n’est pas pour rien que ces droits ont souvent dû être arrachés de force: c’est parce que les dirigeants n’ont jamais trouvé d’intérêt à les donner.

Donc non, il n’y a pas de compromis acceptable. Si on a besoin d’argent pour gérer la crise, qu’on aille le chercher dans les poches de ceux qui en ont. Et M. Carney le banquier sait mieux que quiconque où se trouve cet argent. Ne faisons pas des économies de bouts de chandelle en privant de ressources les groupes déjà fragilisés.

Pourquoi je ne vote pas pour le Bloc

Un texte un peu plus personnel qu’à l’habitude. À chaque élection on me demande de me justifier, donc cette fois je prends les devants.

La prochaine élection fédérale va vraisemblablement suivre le même scénario que toutes les autres:
1) Le Bloc lance un appel à tous les indépendantistes
2) Le Bloc flatte les nationalistes conservateurs pour obtenir leur vote
3) Les indépendantistes progressistes sont dégoûtés et choisissent de ne pas voter pour le Bloc
4) Le Bloc et le PQ passent les 4 années suivantes à se plaindre des progressistes (en particulier Québec solidaire) qui ne sont pas de « vrais » indépendantistes

Voici donc pourquoi, personnellement, je ne voterai pas pour le Bloc aux élections fédérales de 2025.

Le passif du Bloc
À chaque élection, on déterre des publications islamophobes de candidats du Bloc québécois. On peut se demander si les arbres cachent la forêt. De plates excuses de la part du chef et des principaux concernés ne changent rien au fait que les textes en question ont été publiés et qu’ils nous en disent long sur la vision qu’ont les auteurs de leurs concitoyen(ne)s musulman(e)s.

En 2019, Yves-François Blanchet a présenté des excuses pour les « propos inappropriés » présentés par plusieurs bloquistes, mais a refusé de les exclure parce que « la décision appartient aux électeurs ». On peut en déduire que Blanchet est un démocrate et qu’il sait pardonner. Mais souvenons-nous qu’en 2023, Blanchet a réclamé la démission d’Amira Elghawaby, responsable fédérale de la lutte à l’islamophobie, en raison d’une publication sur la loi 21. Ce que je comprends de ce double standard, c’est que des excuses suffisent pour se faire pardonner d’avoir dit craindre que les femmes « soient bientôt obligées de se mettre un voile sur la tête pour aller faire des courses au IGA sous peine de se voir jeter en prison » (Caroline Desbiens) ou que « l’islam est une maladie » (Claude Forgues), mais en revanche affirmer que la majorité des Québécois sont influencés par un « sentiment antimusulman » est impardonnable et doit conduire à une démission. Autrement dit, l’islamophobie exacerbée est pardonnable, mais dénoncer l’islamophobie de façon exacerbée ne l’est pas.

Ça s’ajoute au discours qui présente souvent l’immigration comme une menace. J’ai encore en travers de la gorge la publicité du Bloc de 2023 et le discours d’Alexis Brunelle-Duceppe qui présentaient le chemin Roxham comme un « tout inclus » et les réfugiés comme des gens qui viennent au Québec pour profiter des services gratuits. Un discours condamné unanimement par l’Assemblée nationale, mais on ne peut pas toujours pardonner et oublier. Le passé est garant de l’avenir et rien ne me permet de croire que la philosophie du Bloc a changé.

L’épiderme sensible du Bloc
À l’instar de son grand frère provincial, le Bloc voit partout des attaques ciblées contre le Québec, ce qui le rend complètement insensible à tout ce que peuvent vivre d’autres groupes. En 2021, le Bloc était le seul parti fédéral à refuser de reconnaître l’existence du racisme systémique… dans la GRC. La GRC, cette fière institution québécoise. Idem pour le féminisme intersectionnel, approche officielle du secrétariat de la Condition féminine depuis 2007, mais que Blanchet considère comme « une arme d’Ottawa contre le Québec« . L’ironie c’est que même le gouvernement Marois, auquel appartenait Blanchet, n’avait pas désavoué l’approche intersectionnelle. Et le poste de responsable de la lutte contre l’islamophobie? « Une dénonciation de l’identité et des valeurs québécoises« .

Quand j’entends ce genre de discours, je pense à un enfant jaloux qui s’imagine perdre quelque chose chaque fois qu’un adulte accorde de l’attention à un autre enfant. Manifestement le Bloc considère que tout intérêt accordé à une minorité autre que les francophones est une attaque contre le Québec.

Je vais quand même donner un bon point au chef du Bloc: Il n’affiche pas l’anti-wokisme primaire de son homologue péquiste. Reste que dans la lutte contre les nombreuses formes de discrimination, il fait plus souvent partie du problème que de la solution. Si les nationalistes conservateurs veulent nous convaincre qu’ils ne sont pas racistes, islamophobes ou homophobes, il faudrait peut-être arrêter d’être les premiers à japper chaque fois qu’on parle de lutter contre le racisme, l’islamophobie ou l’homophobie.

La loi 21
Oui, encore la loi 21. Je le disais en 2019 et je le redis encore aujourd’hui. Une position cohérente avec la prétention du Bloc de défendre les intérêts du Québec et celle de réunir tous les indépendantistes aurait été de simplement défendre le droit du Québec de faire ses propres lois. Voilà une position que j’aurais pu endosser. Mais du moment où le Bloc choisit de défendre la loi 21 sur le fonds et d’en faire un fondement de notre identité culturelle, je refuse de l’appuyer. Les enseignantes qui portent le voile ne menacent pas ma culture et je refuse de les identifier comme de mauvaises citoyennes. Le parti qui tient ce discours n’aura jamais mon appui.

Le petit frère du Parti québécois
Ce n’est pas un secret pour les gens qui me connaissent. Je vote pour Québec solidaire depuis 2014. Pourquoi est-ce que j’appuierais un parti fédéral qui va travailler contre mon candidat aux prochaines élections provinciales?

Stratégiquement pour le Bloc, le choix se défend. Les sondages donnent beaucoup plus d’appuis au PQ et à la CAQ qu’à QS, donc ça semble logique de courtiser l’électorat des deux premiers. Mais si le Bloc choisit d’être l’aile fédérale du Parti québécois, il ne faut pas s’étonner que les électeurs solidaires ne l’appuient pas. On ne peut pas être à la fois le parti de tous les indépendantistes ET le porte-voix du PQ.

« Oui mais le Bloc est le seul parti à défendre les valeurs québécoises! »
Je ne sais si les valeurs du Bloc sont les valeurs québécoises, mais ce ne sont pas les miennes. Ma culture n’est menacée ni par les enseignantes voilées, ni par les réfugiés, ni par le féminisme intersectionnel, ni par la lutte au racisme systémique ou à l’islamophobie. « Votez pour un parti qui vous ressemble », disait le Bloc en 2019, une attaque à peine voilée contre Jagmeet Singh. Le Bloc ne me ressemble pas.

Personnellement, je vote avec mes convictions. Et le Bloc contredit beaucoup trop d’entre elles pour que je lui accorde mon vote.

PSPP VS les « idéologues »

Hier le chef du Parti québécois m’a adressé le commentaire suivant: « Le microcosme de votre page est l’un des plus symptomatiques de la malhonnêteté, de la faiblesse intellectuelle et du militantisme à outrance chez certains universitaires, et de la perte de crédibilité qu’elles pourront engendrer à moyen terme. » Cette phrase illustre une dérive qui m’inquiète profondément et qui s’affirme un peu plus chaque jour dans le discours de M. Plamondon. En gros, toutes les personnes qui osent le contredire sont malhonnêtes et militantes. Sa dernière controverse en ligne le montre bien.

Le 6 mars, Rima Elkouri publiait une chronique sur la lutte contre les politiques d’équité, diversité et inclusion (EDI) qui font la fierté de la nouvelle administration Trump, qui sert évidemment de prétexte pour concentrer le pouvoir entre les mains d’une petite clique de milliardaires amis du nouveau président tout en prétendant rendre le pouvoir aux hommes blancs qui ont été « brimés ». La deuxième moitié de la chronique détaille la recrudescence du mouvement anti-EDI au Québec. Rima Elkouri mentionne que le chef du PQ et le chroniqueur Joseph Facal font partie de ceux qui discréditent l’EDI comme une « politique woke » qui créerait de l’exclusion et exacerbe l’intolérance.

Plamondon a réagi en accusant Elkouri de l’associer à Donald Trump et à l’extrême droite. J’ai beau relire la chronique dans tous les sens, je ne vois pas comment on peut arriver à cette conclusion. Le sujet de la chronique n’était ni Donald Trump, ni Paul St-Pierre Plamondon, mais l’opposition idéologique à l’EDI. Ou comme dit Plamondon, aux « charlatans de l’EDI ». Comprendre ici qu’on ne peut pas défendre l’EDI sans être malhonnête ou militant.

Plamondon se défend en citant Joseph Facal. Facal, ce diplômé en sciences politiques et en sociologie qui s’est improvisé endocrinologue et expert en boxe olympique pour s’acharner sur la boxeuse Imane Khelif l’été dernier, cet anti-woke qui s’invente des amis imaginaires noirs pour critiquer l’anti-racisme (« Un courriel surgi de nulle part », JdeM, 6 mai 2021), est visiblement une caution intellectuelle pour le chef du PQ. Son utilisation dans ce cas-ci est particulièrement risible. Comme Plamondon, Facal prétend défendre « la réalité ». Il cite Olivier Sibony, professeur à HEC Paris et Oxford, pour montrer que les politiques d’EDI sont inefficaces et utilise cet exemple pour montrer qu’Elkouri et les autres personnes défendant l’EDI sont des idéologues. Vanessa Destiné, qui est allée se renseigner à la source contrairement à PSPP et Facal, montre qu’au contraire Sibony défend les politiques d’EDI. Je me demande si Sibony vient de passer de référence sérieuse à idéologue dogmatique dans l’estime de Plamondon et Facal.

Je le redis: PSPP fait absolument tout ce qu’il reproche aux « wokes », en particulier lorsqu’il emploie des étiquettes comme wokes, idéologues et charlatans. Je pourrais aussi ajouter l’étiquette « militant », qui est infamante à ses yeux dès qu’elle ne concerne pas un militant du Parti québécois. Son discours est problématique parce qu’il discrédite d’emblée toute contradiction. Plamondon se présente comme un chef posé, rationnel et attaché aux faits tandis que tous les journalistes, intellectuels et chercheurs qui le contredisent sont des militants et des idéologues.

Plamondon rejoint Éric Duhaime et Pierre Poilièvre parmi les chefs politiques où la Vérité avec un grand V se limite à ce qui confirme leur discours. Dans un article publié dans Pivot le mois dernier, Sam Harper a bien montré comment le chef du PQ accepte comme étant vraies des informations sans aucun fondement glanées sur le web à propos de prétendues dérives du wokisme.

Plamondon promet que son gouvernement « va se réapproprier démocratiquement le contenu en éducation ». Comment est-ce qu’on se réapproprie « démocratiquement » le contenu en éducation? En mettant sur un pied d’égalité le citoyen moyen et le professeur d’université qui a passé 20 ans à étudier un sujet spécifique? Sur ce point le PQ rejoint le gouvernement de la CAQ, qui considère que le développement urbain devrait se baser sur les sondages plutôt que sur les études de firmes d’urbanisme. Mais le mandat d’un chercheur n’est pas d’obtenir des résultats conformes à l’opinion publique ou au programme du gouvernement. Et soyons honnêtes, un projet de recherche mené par une chaire universitaire devrait avoir plus de valeur qu’un mémoire de citoyen qui a fait ses recherches sur Youtube. Quand je suis malade, je préfère être soigné par un médecin d’expérience que par mon voisin qui me dit que « Voyons c’est évident ton problème! »

Il n’y a pas si longtemps, tous les partis vantaient l’importance de la liberté académique. Aujourd’hui on a un chef qui promet d’encadrer davantage les universités et de s’attaquer au « monopole » des « idéologues ». Le terme « idéologue » ayant une définition aussi vague que le terme « woke » dans la bouche du chef péquiste, il y a de quoi s’inquiéter.

Le chef du Parti québécois s’enfonce chaque jour un peu plus dans un sectarisme inquiétant. En discréditant d’emblée toute contradiction comme le fait d’idéologues, Plamondon empêche le débat démocratique. Il n’est pas possible d’avoir un débat d’idées sain lorsqu’on considère que la seule vérité est celle du chef.

Le défi du ministre Drainville

Bernard Drainville fait face à un énorme défi. Il doit empêcher la montée du communautarisme dans les écoles de Montréal pour éviter d’autres cas comme celui de l’école Bedford. C’est une situation complexe en soi, mais en plus il doit le faire en pleine course vers l’équilibre budgétaire. Or, comme notre gouvernement nous a déjà montré qu’aucun service ne serait épargné, on peut s’attendre à ce que nos écoles perdent des ressources dans les prochaines années. Autrement dit, le ministre devra chercher à faire plus avec moins, voire beaucoup moins.

La solution du ministre? Interdire le port de signes religieux pour le personnel non-enseignant. Une solution qui présente plusieurs avantages:
1) C’est gratuit
2) Ça flatte la base nationaliste conservatrice de la CAQ
3) Ça va attirer l’attention du débat public et par conséquent éviter qu’on parle trop de l’immense échec du gouvernement Legault en matière d’éducation

Difficile de ne pas être cynique devant une pareille comédie. Qu’est-ce qu’on pense régler, exactement? Aucun des enseignants suspendus à l’école Bedford ne porte un signe religieux ostentatoire. En quoi l’interdiction du voile pour les éducatrices en service de garde aurait changé quelque chose à ce qui s’est passé dans cette école? « Le gouvernement a interdit le port du voile au service de garde. Nous allons devoir arrêter de pratiquer la ségrégation des sexes dans nos classes. » Non, je ne pense pas que ça fonctionne comme ça.

Le problème n’est pas que les lois existantes ne sont pas assez sévères. Dans le cas de Bedford, le problème est que:
1) Les lois existantes n’ont pas été appliquées par la direction ou par le centre de service scolaire
2) Les enseignants n’ont pas été suivis après leur entrée en poste (faute de moyens, probablement)
3) La formation des maîtres est déficiente.

Pour combler la pénurie d’enseignants, on abaisse les standards. Il est donc très possible que les nouveaux enseignants se retrouvent en poste mal préparés. Mal préparés à s’intégrer au système d’éducation et mal préparés à tenir tête à des collègues ayant un agenda. Si en plus les directions des écoles et des CSS laissent les enseignants à eux-mêmes, on met en place toutes les conditions pour que l’histoire de Bedford se reproduise.

Le ministre se plaint également des congés pour motif religieux: « Quand vous avez le quart des enseignants qui partent en même temps en congé religieux, imaginez l’impact que ça a sur la qualité de l’enseignement pour les élèves dans l’école. » Si les congés de Noël et de Pâques n’étaient pas institutionnels, combien de demandes de congé y aurait-il pendant ces périodes? Soyons honnêtes: on ne peut pas conserver les congés de Pâques et de Noël et ensuite se plaindre que des enseignants musulmans prennent des congés pour des fêtes religieuses. Si on veut être cohérent, il faudrait au minimum remplacer le congé de Pâques par un congé fixe qui ne dépendrait pas du calendrier des fêtes chrétiennes. Autrement, qu’on arrête de se faire croire que la laïcité signifie la neutralité religieuse. Le premier ministre pourrait donner l’exemple en cessant de transmettre ses voeux à Pâques tout en ignorant la Pessa’h et le Ramadan.

Si on veut éviter le communautarisme et la radicalisation, commençons par faire ce qu’il faut pour garder les enseignants dans le réseau et pour en recruter des nouveaux. Avec plus d’élèves par classe chaque année, les enseignants ont de moins en moins l’occasion de nouer une relation avec leurs élèves. Ça ne doit sûrement pas aider. Donnons des ressources aux écoles. Depuis le gouvernement Couillard, les psychologues, les psychoéducateurs, les techniciens en éducation spécialisée et autres ressources d’aide à l’enseignement sont considérés comme un luxe dont idéalement les écoles doivent se passer.

Je sais que je formule ici un voeu pieux. Le gouvernement est en mode réduction de dépenses. Et l’éducation est une dépense (contrairement aux baisses d’impôts et au financement des multinationales, qui sont des investissements, comme chacun sait). Ce n’est pas demain que le gouvernement va injecter de l’argent neuf dans notre système d’éducation. Au contraire il faut s’attendre à ce que les ressources des écoles diminuent encore dans les prochaines années.

M. Drainville n’est pas un imbécile. Il sait bien qu’empêcher une éducatrice ou une bibliothécaire de porter un foulard ne va rien changer (excepté pour les principales concernées). Pire, comme préviennent les syndicats, on va probablement agraver le problème déjà criant de la pénurie de main d’oeuvre. Mais le gouvernement voit venir la prochaine campagne électorale et il faut attirer l’attention ailleurs. Et ce gouvernement est devenu expert dans l’art d’attirer l’attention sur « l’autre ».

L’Ukraine de 2025 et la Pologne de 1939

Mes comparaisons entre Trump et Hitler heurtent beaucoup de gens, mais soyons honnêtes: Trump me sert les comparaisons sur un plateau d’argent.

Donald Trump réclame 500 milliards de dollars à l’Ukraine parce qu’il considère l’aide militaire accordée par les États-Unis depuis le début de l’invasion russe comme un prêt. Disons-le d’emblée: le montant est extravagant et ne correspond pas à la réalité. Selon la source, l’aide militaire des États-Unis à l’Ukraine s’évaluerait quelque part entre 120 et 183 milliards de dollars américains.

Puisque le remboursement en espèces est évidemment impossible (le produit intérieur brut de l’Ukraine en 2023 était de 179 milliards de dollars américains), le président américain veut se servir dans les ressources minières ukrainiennes. Plus précisément, il réclame 50% des revenus de l’extraction minière en Ukraine. Trump considère aussi que l’Ukraine doit céder des territoires à la Russie puisqu’il considère l’Ukraine responsable de la guerre et les Russes méritent une récompense pour toutes les vies de soldats sacrifiées. Vladimir Poutine revendique quatre régions de l’est et du sud de l’Ukraine en plus de la Crimée, annexée en 2014. L’Ukraine doit également renoncer à rejoindre l’OTAN, bref renoncer à compter sur l’aide militaire étrangère pour défendre les restes de son pays démembré.

Donald Trump et Vladimir Poutine se partagent l’Ukraine de la même façon qu’Adolf Hitler et Joseph Staline se sont partagé la Pologne en 1939. Les puissances occidentales se fiaient sur la rivalité entre l’Allemagne et l’Union soviétique pour contenir l’expansion territoriale de l’Allemagne vers l’est, mais dans ce cas-ci les considérations pratiques l’emportèrent sur l’idéologie. Joseph Staline avait beau être l’ennemi numéro un des nazis, Hitler ne pouvait s’empêcher d’admirer le chef soviétique, qu’il considérait comme « le Genghis Khan des temps modernes ».

Au printemps 1939 commencent des rapprochements entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Le traité de Versailles de 1919 avait accordé à la nouvelle république de Pologne le couloir de Dantzig, qui permettait à la Pologne de rejoindre la mer Baltique. Le couloir était une aberration géographique puisqu’il séparait l’Allemagne en deux. En 1939, les Allemands considéraient toujours que Dantzig leur appartenait et qu’elle devait être réintégrée à l’Allemagne. Pour ajouter du poids à ses exigences territoriales, Hitler, le ministre de la propagande Joseph Goebbels et le ministre des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop fabriquent de toute pièce des accusations de persécution de la minorité allemande par les Polonais. Hitler prétend vouloir sauver les Allemands de la tyrannie polonaise. En réalité, l’Allemagne était en difficulté économique et souhaitait surtout s’emparer des ressources naturelles et de l’industrie polonaises.

De son côté, Staline veut éviter un conflit militaire avec l’Allemagne. L’armée soviétique est désorganisée après les purges staliniennes de 1937-1938 et n’est pas prête pour un grand conflit. En revanche, elle est tout à fait prête à envahir un petit État comme la Pologne.

Le 23 août 1939 se signe le Pacte germano-soviétique ou pacte Ribbentrop-Molotov (du nom des deux ministres des Affaires étrangers, Joachim von Ribbentrop et Viatcheslav Molotov). L’Allemagne et l’Union soviétique signent un traité de non-agression, s’entendent sur le partage du territoire polonais et signent une entente commerciale. L’Union soviétique échangerait les ressources naturelles dont son immense territoire regorgeait contre des produits manufacturés par l’industrie allemande.

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit l’ouest de la Pologne. Le 17 septembre l’Union soviétique envahit l’est. Le 6 octobre, l’invasion est terminée. On connaît la suite.

Dans le scénario actuel, Poutine joue davantage le rôle d’Hitler que celui de Staline. Avec le pacte germano-soviétique, Hitler voulait empêcher le rapprochement entre l’URSS et les puissances occidentales. Aujourd’hui, c’est surtout Poutine qui utilise Trump pour empêcher l’union des forces occidentales. Sans l’URSS de leur côté, la France et la Grande-Bretagne pouvaient difficilement empêcher l’expansionisme allemand en Europe. Sans les États-Unis de leur côté, les pays de l’OTAN peuvent difficilement contenir l’expansionisme russe.

Évidemment le contexte n’est pas le même. La Russie est déjà en guerre avec l’Ukraine. Il est très peu probable que les États-Unis finissent par envahir la Russie ou inversement. L’histoire devrait au moins nous avoir appris que les tyrans ne respectent que la force. Comme Hitler et Staline, Trump et Poutine défient le reste de la planète un pas à la fois pour voir jusqu’où ils peuvent aller avant qu’on ne cherche à les arrêter. Quand la France et la Grande-Bretagne se sont décidés à intervenir, Hitler avait déjà annexé l’Autriche, démembré la Tchécoslovaquie et envahi la Pologne. Les États-Unis, rappelons-le, ne sont intervenus que lorsque la guerre s’est transportée jusqu’à eux.

Je rêve probablement, mais j’ose espérer que nous n’attendrons pas aussi longtemps que les Alliés de la Seconde Guerre mondiale avant de mettre le pied à terre.

Le rêve des conservateurs, partie 2

Voilà déjà longtemps que les conservateurs se plaignent des médias traditionnels. Pas seulement des médias publics comme Radio-Canada et CBC. Tous les médias traditionnels. « Petite cabale de porte-voix approuvés par le gouvernement », nous dit Pierre Poilièvre en nous parlant de la tribune de la presse au Parlement canadien. Éric Duhaime est du même avis, lui qui l’automne dernier accusait les médias traditionnels de « diaboliser Pierre Poilièvre ». À travers leur participation à des « médias alternatifs », soient des podcasteurs d’influenceurs de droite, les chefs conservateurs montrent leur mépris envers les journalistes, c’est-à-dire les gens formés à rapporter l’information en respectant un code de déontologie, ce que ne sont pas les influenceurs. Les chefs conservateurs préfèrent des gens d’emblée sympathiques à leurs idées et qui leur permettent de les transmettre sans intermédiaire.

L’automne dernier, Éric Duhaime disait souhaiter pouvoir transmettre les idées conservatrices « sans filtre médiatique ». « Sans filtre ». Lire ici: sans vérification des faits, sans risque de contradiction.

Encore une fois, les conservateurs voudraient revenir 100 ans en arrière. Parce que nous avons connu cette époque où l’information était une marchandise. Quand les journalistes étaient avant tout de bons auteurs et qu’il n’existait aucune norme pour les accréditer. C’était l’époque où un grand quotidien pouvait rapporter beaucoup d’argent à ses actionnaires simplement avec ses abonnements et sa publicité. On attirait les lecteurs avec des sports et des scandales, puis on en profitait pour leur vendre de la salade.

Le meilleur exemple au Québec, c’est le journal le Soleil, qui pendant longtemps a été l’organe officiel du Parti libéral. On ne faisait aucun effort pour paraître objectif. Le journal au complet était un éditorial. Et comme c’était le quotidien le plus lu de la capitale, c’était un puissant instrument de propagande. En soi, il n’avait rien d’unique. Tous les journaux québécois étaient d’allégeance libérale, conservatrice ou catholique. Quand on ne nous mentait pas carrément, les faits et les paroles étaient minutieusement triés pour tracer un portrait qui arrangeait le parti que le journal servait.

Première page du journal Le Soleil de Québec, 3 février 1923

Où se trouvait la vérité? Ça dépendait du du lecteur. Si j’étais conservateur, je me fiais au journal qui me disait que l’assemblée de M. Duplessis a été un grand succès, qu’il a été vivement applaudi et que les partisans ont dû être refusés à la porte parce que la salle avait atteint sa pleine capacité. Si j’étais libéral, je me fiais au journal qui me disait que la même assemblée avait été un échec, que la salle était à moitié vide et que les spectateurs baillaient à s’en décrocher la mâchoire. Mais ce n’était pas de l’information. Le citoyen ne devrait pas avoir à choisir entre deux mensonges celui qui lui convient. C’est pourtant là que les conservateurs veulent nous amener.

Le Soleil de Québec, 1er février 1923

Une information objective, ça ne signifie pas de donner autant d’importance au météorologue qui nous dit qu’il pleut qu’au podcasteur dans son sous-sol qui nous dit que le soleil brille. Le travail du journaliste n’est pas de rapporter les paroles des politiciens sans les commenter pour laisser les citoyens se faire leur propre opinion. Un site web pourrait faire ce travail facilement. Le mandat du journaliste, c’est de confronter les déclarations des politiciens à la réalité objective des faits. Quand un politicien dit que le mur est noir et un autre nous dit que le mur est blanc, le rôle du journaliste est d’aller vérifier la couleur du mur. Il nous dira probablement que le mur est gris.

Les avis sont subjectifs et doivent être équilibrés. Les faits, eux, sont objectifs et doivent être vérifiés.
« Pour combattre les crimes, il faut des sentences plus sévères. » Ceci est un avis. Si on veut être objectif, on va lui accorder autant d’importance qu’à l’avis disant qu’on combat mieux la criminalité en s’attaquant à la pauvreté. Surtout si les avis sont appuyés par des études vérifiables.
« La criminalité a atteint un sommet sans précédent à cause du gouvernement Trudeau. » Ce n’est pas un avis. L’évolution du taux de criminalité dans le temps est un fait vérifiable. Si un média véhicule cette déclaration sans la vérifier ou pire en sachant qu’elle est fausse, ce média désinforme. Il sape les fondements de la démocratie. Les citoyens ne sont pas libres de choisir leur gouvernement quand on ne peut pas distinguer les faits de la propagande.

Si les journalistes contrarient les politiciens, ça signifie qu’ils font bien leur travail. J’aime utiliser l’exemple de Radio-Canada parce que c’est un très bon exemple du média qui ne flatte personne. Au fil des années, j’ai vu Radio-Canada être attaquée par des gens de toutes les allégeances. « Radio-Cadenas », aiment dire péquistes et bloquistes. Un repaire de souverainistes, préfèrent dire les libéraux. La gauche woke, se plaignent les conservateurs. Les défenseurs du grand capital, rétorquent les militants solidaires et néo-démocrates.

Radio-Canada n’est pas parfait. J’en aurais beaucoup à dire sur la composition des panels. Sur le traitement du génocide à Gaza. Sur le feu croisé dont a été victime Haroun Bouazzi l’automne dernier. Mais avant de me dire que Radio-Canada manipule consciemment les faits et que les journalistes suivent un plan concerté, je me rappelle que tellement de gens qui se trouvent de l’autre côté du spectre politique ont autant, sinon davantage de reproches à lui adresser.

On peut se plaindre des sujets couverts, on peut se plaindre de la façon dont l’information est traitée, on peut se plaindre du commentariat qui prend de plus en plus de place par rapport à l’information. Mais accorder à des militants autant de crédibilité qu’à des journalistes professionnels n’est pas une solution.

À l’heure où les États-Unis sont dirigés par un menteur pathologique qui cherche consciemment à faire disparaître la notion de vérité, nous devrions travailler plus que jamais à encourager l’objectivité. Comme l’explique la journaliste Marie-Ève Martel, un bon moyen d’y arriver serait d’encourager nos médias locaux. On peut plus difficilement accuser ces derniers d’être des organes partisans.

Le jour où l’information deviendra officiellement une marchandise, il n’y aura plus d’information. Il n’y aura plus que de la propagande et du spectacle. Et c’en sera fini de nos démocraties. C’est ça, le rêve des conservateurs.

Le rêve des conservateurs, partie 1

Ces derniers jours, la Presse publiait un dossier sur l’État-providence québécois. Le constat est simple: Le modèle québécois coûte cher et on ne peut plus se le permettre en raison d’une économie défaillante. Pas une seule critique à l’égard des gouvernements des 30 dernières années qui ont coupé à répétition dans nos revenus, de l’évasion fiscale ou des milliards donnés en cadeau aux grandes entreprises. Ça, ça fait partie de l’ordre naturel des choses. Ce qui est remis en question, ce sont les services de santé, d’éducation et le filet social.

Faut-il rappeler pourquoi nous avons mis en place ce filet social? Alerte au divulgacheur: Ça n’a rien à voir avec la charité chrétienne. Dans les années 1930, l’Occident a connu la pire crise économique de son histoire. Le chômage atteint des sommets jamais vu, plus de 25% au Canada. Les ouvriers ont dû accepter des baisses de salaire drastiques pour conserver leur emploi. Constat des mondes politique et économique: Quand les gens n’ont qu’un revenu de subsistance ou pire aucun revenu, ils ne consomment pas. Et des millions de gens qui ne consomment pas, c’est mauvais pour l’économie. Donc la solution pour garder viable un modèle économique basé sur la consommation, ce sont des programmes gouvernementaux qui permettront aux consommateurs de rester des consommateurs. Ainsi sont nés l’assurance-chômage, l’assurance santé, les allocations familiales, l’aide de dernier recours…

Aujourd’hui, les conservateurs veulent revenir en arrière. Ils rêvent de la société d’avant la Seconde Guerre mondiale, celle du laisser-faire économique, de la liberté individuelle, bref celle qui a conduit à la Grande Dépression des années 1930. À l’époque, quand votre patron vous donnait 100$, il vous donnait 100$. Mais quand il coupait votre poste, la société vous laissait vous débrouiller avec votre misère. C’était à vous de vous mettre de l’argent de côté pour les temps difficiles ou d’aller à la soupe populaire. On vous demandait aussi de payer le plein prix pour vos soins de santé ou l’éducation de vos enfants. Mais au moins vous aviez moins de taxes à payer. Et ça c’est merveilleux, n’est-ce pas?

Évidemment, l’expérience nous donne des raisons de douter. Depuis Ronald Reagan et Margaret Thatcher, nos gouvernements ont constamment coupé dans le filet social, ce qui naturellement lui fait perdre de son efficacité. Le laisser-faire économique a conduit à l’affaissement de la classe moyenne, qui doit consacrer chaque année une portion plus grande de son budget à combler les besoins essentiels. À force de désinvestir dans les services, ceux-ci ont naturellement perdu en qualité. On comprend qu’il soit facile de dire aux gens que le filet social coûte trop cher pour ce qu’il rapporte.

Les conservateurs se plaignent constamment de payer pour des services qu’ils n’utilisent pas. Pourquoi est-ce que je dois payer pour des pistes cyclables alors que je me déplace en voiture? Pourquoi est-ce que je paie des taxes scolaires alors que je n’ai pas d’enfant? Pourquoi est-ce que je paie pour des CHSLD et une assurance santé alors que je suis jeune et en pleine forme?

Les conservateurs rêvent d’une citoyenneté à la carte où ils ne paieraient que pour des services qui leur profitent personnellement. Mais comme un tel modèle ne sera jamais viable, ce dont ils rêvent réellement, c’est d’un État qui disparaîtrait pratiquement. Une privatisation générale de tout ce qui peut l’être. Les champs de compétence du gouvernement se limiteraient à ceux qui ne peuvent pas relever du privé parce qu’ils ne seraient jamais rentables: la voirie, l’armée, la police… Tout le reste serait laissé à la charge de l’individu. Les conservateurs appellent ça le gros bon sens. Moi, j’appelle ça le 19e siècle. Un modèle de société qu’on a fini par rejeter quand on s’est rendu compte qu’il nous dirigeait dans un mur.

Les conservateurs aiment accuser la gauche de croire aux licornes. « Arrêtez de vivre au pays des merveilles! » disait François Legault à Gabriel Nadeau-Dubois en 2022. C’est ironique, parce qu’en réalité ce sont les conservateurs qui vivent dans un monde fictif. À quel moment est-ce que les promesses de la droite capitaliste ont fonctionné?
« Baissons les impôts des entreprises et elles vont augmenter le salaire de leurs travailleurs! »
« Diminuons les taxes et les commerces vont baisser leurs prix! »
« Déréglementons l’économie et le marché va s’ajuster de lui-même en fonction du bien commun! »
« Déréglementons les banques et elles vont contrôler l’inflation! »
« Abolissons les syndicats et fions-nous à la bonne volonté des patrons pour gérer leur entreprise dans l’intérêt des travailleurs! »
Ça, ce sont des licornes. À aucun moment de l’histoire ces idées n’ont fonctionné. Mais c’est le rêve que continuent à nous vendre les larbins du 1%.

Retour à la réalité: Les milliardaires ne veulent pas notre bien. Les multinationales ne veulent pas notre bien. Les banques ne veulent pas notre bien. On ne devient pas très très riche en se préoccupant du bien commun. On devient très très riche en se préoccupant uniquement de ses profits. Si les états démocratiques sont devenus interventionnistes, si des entreprises ont été nationalisées, si nous avons construit un État-providence, c’est précisément parce qu’on s’est rendu compte qu’on ne pouvait pas se fier sur l’entreprise privée. Qu’une économie entièrement libre conduit à des krachs boursiers et à des grandes dépressions. Et aujourd’hui on aimerait nous faire croire que revenir 100 ans en arrière rendrait nos vies meilleures. Que toute la société profiterait du démantèlement du gouvernement et d’un plus grand pouvoir pour les grandes entreprises, comme si les GAFAM, les pétrolières et les banques n’étaient pas déjà démesurément puissants.

Le jour où les électeurs conservateurs réaliseraient ce que leur coûterait réellement de payer le plein prix pour tous les services dont ils ont besoin, ils constateraient à quel point ils ont perdu. Plus de déduction sur leur paie pour le système de santé, mais une facture de 50000$ en sortant de l’hôpital. Plus de taxe scolaire, mais des milliers de dollars en frais de scolarité pour chaque enfant. Plus de cotisation d’Assurance-Emploi, mais la misère noire le jour où la shoppe ferme. C’est ça, le rêve conservateur. Ça donne le goût, non?

P. S. : Aujourd’hui la Presse nous apprend qu’un cégepien sur deux est touché par l’insécurité alimentaire.

Pour en finir avec le wokisme

Dans ma présentation sur Facebook, j’ai écrit « Woke tant qu’il faudra ». C’est surtout pour faire un pied de nez à ceux qui emploient ce terme comme une insulte. Ce n’est pas pour me revendiquer d’une idéologie ou d’une façon de faire. Les gens qui emploient l’étiquette « woke » ne le font pas pour désigner une réalité. Ils l’utilisent pour stigmatiser, pour rendre les personnes qu’ils désignent infréquentables et leurs valeurs honteuses.

« Woke » est le mot épouvantail des années 2020. Dans les années 1950, les conservateurs utilisaient volontiers l’étiquette « communiste » pour placer les militants syndicaux et la gauche politique dans le même panier que Joseph Staline et Mao Zedong. Vous voulez des vacances payées et des allocations familiales? Donc vous voulez un État totalitaire où toutes les voix dissidentes sont emprisonnées ou tuées. En France et dans une moindre mesure au Québec, la droite aime bien employer le terme « islamo-gauchisme », une autre imposture intellectuelle, pour placer les gens qui défendent la liberté de religion dans le même panier que l’État islamique et les Frères musulmans. Vous voulez que des femmes portant le voile islamique aient le droit d’enseigner? Donc vous voulez d’un État totalitaire où on lapide les femmes sur la place publique.

L’étiquette woke ne renvoie pas à une horreur du même niveau que le stalinisme ou l’islamisme. On pourrait penser que c’est un inconvénient, mais c’est plutôt un avantage. Le terme « woke » ne veut tellement rien dire qu’Éric Duhaime peut l’employer pour désigner la CAQ. Et Pierre Poilièvre pour désigner le Bloc québécois. Alors que ce sont deux partis antiwokes. À force d’être employé pour désigner tout et son contraire, le wokisme est devenu un mot caméléon dont le sens varie en fonction de la personne qui l’emploie. Paul St-Pierre Plamondon a raison lorsqu’il dit que « Ce n’est pas tant la définition du wokisme qui importe » (Tout le monde en parle, 24 novembre 2024). Plus on reste vague sur le concept qu’on prétend combattre, plus on peut rejoindre un large public.

Il y a deux ensembles de définitions possibles lorsqu’on parle du wokisme: Des principes et des méthodes.

Les principes d’abord. Quelles sont les valeurs qu’on associe au wokisme? À peu près toutes les valeurs dites progressistes. Le féminisme. La diversité. L’inclusion. Et de façon plus générale, l’empathie. Le simple fait de se préoccuper des sentiments d’autrui est devenu suspect. En soi, les valeurs associées au wokisme n’ont rien de condamnable. Elles sont même plutôt universelles. Parce que peu de gens se feraient une fierté de se dire misogynes, racistes ou homophobes.

Par conséquent, la seule façon d’avilir le discours dit « woke », c’est de le pousser à l’extrême pour le rendre abusif et outrancier.
« J’aimerais que les humoristes arrêtent de faire des blagues homophobes ou transphobes. » Bon les wokes veulent abolir la liberté d’expression!
« J’aimerais qu’il y ait une meilleure représentation des personnes noires / autochtones / arabes à la télévision. » Bon les wokes veulent bannir les acteurs blancs!
« J’aimerais qu’on arrête de sexualiser la profession d’infirmière. » Bon les wokes veulent interdire le sexe hétérosexuel! (Véritable discours que tenait Mathieu Bock-Côté à l’automne 2022)

Bref, le « wokisme » sert à attribuer un agenda extrémiste caché à toute personne qui défend des valeurs dites de gauche. Derrière la sensibilisation, on croit flairer l’imposition et l’interdiction.

Les méthodes ensuite. C’est ici qu’on se perd complètement. Bien sûr qu’il y a des excès condamnables, souvent montés en épingle. Un événement où on voulait facturer un supplément aux personnes blanches. Un centre de yoga qu’on a accusé d’appropriation culturelle. Mais puisque ces dérives sont l’exception plutôt que la règle, c’est rarement de ça dont il est question quand on parle de wokisme.

La censure. L’intimidation. La victimisation. Ce sont les méthodes généralement associées au wokisme. Les livres qu’on souhaite interdire parce qu’ils contiennent des propos choquants. Des enseignants dénoncés par leurs étudiants pour avoir cité un texte jugé offensant dans un cadre pédagogique. La carte de la discrimination utilisée à toutes les sauces pour justifier un échec. C’est vrai qu’il y a des excès et c’est vrai qu’on a raison de s’y opposer.

Or, est-ce qu’on croit vraiment que tout cela est propre aux « wokes »? Ce ne sont pas les wokes qui veulent empêcher d’employer le terme « génocide » pour désigner ce qui se passe à Gaza ou qui congédient les professeurs pro-palestiniens. Ce ne sont pas les wokes qui s’acharnent depuis des années sur des artistes comme Safia Nolin ou Roxane Bruneau. Ce ne sont pas les wokes qui sont présentement en cour pour demander le droit de manifester devant les cliniques d’avortement afin d’intimider les femmes qui veulent y avoir recours. Et ce ne sont évidemment pas les wokes qui sont sur toutes les tribunes pour se plaindre que « on ne peut plus rien dire » et que notre société est raciste envers les hommes blancs.

Non seulement la droite est autant capable que la gauche de censure, d’intimidation et de victimisation, mais elle a beaucoup plus de pouvoir pour le faire. Les militants « wokes » sont dans la rue, dans les classes d’université et sur les réseaux sociaux. Les militants antiwokes sont payés par des empires médiatiques pour déverser leur fiel quotidiennement.

Quels que soient les reproches qu’on peut adresser aux « wokes », on peut les adresser aussi à la droite. Donc qu’est-ce qu’on fait? On reconnaît qu’il existe un « wokisme de droite »? Ou on admet que le terme wokisme n’a simplement aucun sens et on arrête de l’employer?

Les antiwokes utilisent l’étiquette « woke » pour deux raisons:
1) Discréditer les valeurs progressistes en les associant aux extrêmes
2) Faire croire à une menace imaginaire qui planerait sur les droits et libertés de l’homme blanc hétérosexuel cisgenre.
Je dis menace imaginaire parce que dans 95% des cas, les personnes qui dénoncent la censure et l’intimidation venant de la gauche n’ont rien à dire lorsqu’elle vient de la droite. On le voit bien avec les débuts de l’administration Trump. Ici la censure est présentée comme un retour « à la normale » ou « au gros bon sens ». En qualifiant de « woke » la censure et l’intimidation lorsque ça vient de la gauche, on laisse croire que c’est différent, que c’est pire. Par conséquent, c’est la gauche qu’il faut combattre, parce que toute la gauche est « woke » jusqu’à un certain point.

L’étiquette woke entre dans la même catégorie que communiste ou islamogauchiste. Elle discrédite d’emblée et dispense de débattre. L’antiwokisme pollue le débat public parce qu’il empêche toute discussion sur les idées. Ironiquement, c’est justement ce que les antiwokes reprochent aux wokes: empêcher la discussion. Alors si on est honnête dans notre volonté d’assainir le débat, arrêtons d’utiliser ce terme fourre-tout qui a perdu tout son sens.

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