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La fausse bienveillance des groupes anti-choix

Une lettre d’opinion intitulée « Le privilège parental » a été publiée hier soir dans la Presse. C’est un exemple éloquent de l’habileté des groupes anti-avortement pour véhiculer leur message discrètement.

La lettre est signée par Jean-Christophe Jasmin, directeur de Cardus. On a parlé de l’institut Cardus la semaine dernière parce que l’ancien rédacteur de discours de François Legault s’y est joint en tant que chercheur.

Ancien pasteur baptiste, Jean-Christophe Jasmin est également directeur des affaires externes du Réseau évangélique du Québec. Ce n’est pas sans raison qu’il a choisi de se faire désigner par son poste à Cardus plutôt qu’au Réseau évangélique du Québec. Ce deuxième titre attirerait bien davantage la méfiance du lecteur, avec raison.

Vous avez probablement entendu parler de M. Jasmin dans l’actualité sans retenir son nom. Il participe à la contestation de la décision du gouvernement du Québec d’annuler la tenue d’un événement anti-avortement au Centre des congrès de Québec en 2023. Tout récemment, on a entendu M. Jasmin protester contre la décision de la Ville de Montréal d’interdire le spectacle de Sean Feucht, ce chanteur MAGA homophobe et anti-avortement. « L’État s’autorise désormais à censurer des événements religieux sur la base d’une appréciation morale de leurs contenus possibles ou des opinions religieuses ou politiques de ses promoteurs. »

À première vue, son texte est inoffensif. Le message est: Les femmes ont moins d’enfants qu’elles le souhaiteraient parce qu’avoir un enfant, ça coûte cher. Et qui pourrait lui donner tort? Mais comment réduire le fardeau financier que représente la parentalité? L’auteur ne donne aucune piste de solution, donc allons voir ce que propose l’institut qu’il dirige.

En 2019, Cardus proposait de cesser de financer directement les garderies pour plutôt verser l’argent aux parents afin qu’ils puissent choisir de rester à la maison pour prendre soin de leurs enfants. Alors quoi, on veut donner le choix aux parents. C’est bien, non? Le problème, c’est que Cardus considère que les garderies ont davantage d’effets néfastes que positifs. En 2020, on nous expliquait que l’accès universel aux garderies (Cardus vise le modèle québécois en particulier) engendre un grand nombre de problèmes pour les enfants qui les fréquentent: mauvaise relation des enfants avec les parents, troubles de comportement, problèmes de santé, taux de criminalité plus élevé une fois adultes… Bref, Cardus prétend vouloir donner le choix aux parents, mais en réalité le choix est tout désigné. Un des parents doit rester à la maison pour s’occuper de l’enfant. Je vous laisse deviner lequel. Le rapport publié en 2020 nous explique que l’accès des femmes au marché du travail est un bien petit bénéfice en comparaison des problèmes engendrés. En 2021, Cardus présentait un rapport de recherche à la Chambre des Communes expliquant que les gouvernements économiseraient des milliards en subventionnant directement les parents plutôt que les garderies.

Revenons à la lettre de M. Jasmin, qui n’explore pas vraiment le coût de la parentalité, encore moins les moyens de le réduire. Le texte joue beaucoup plus sur l’émotif que sur le factuel. « Je ne le savais pas à l’époque, mais avoir arrêté à trois sera probablement un des plus grands regrets de ma vie. » « Remettre à plus tard, je le sais bien… signifie parfois remettre à jamais. » « On élève des enfants, mais ils nous font aussi beaucoup grandir. »

Selon M. Jasmin, l’idée qu’avoir des enfants est dispendieux est principalement cela, une idée. Il mentionne plusieurs fois qu’il s’agit d’une perception. En réalité, les parents qui ont moins d’enfant (lire ici: qui s’empêchent d’avoir des enfants) doivent surtout blâmer leurs mauvais choix de vie, notamment celui d’attendre d’être parfaitement installés dans la vie avant d’avoir leur premier enfant.

Au final, ce qui est encouragé dans cette lettre n’est pas une intervention accrue de l’État pour aider les familles. Au contraire, nous avons vu que Cardus militait plutôt pour le contraire. La responsabilité revient aux parents, en particulier aux mères, de mieux gérer leurs affaires. L’auteur nous donne l’exemple de deux de ses amies. La première a eu la chance d’avoir un emploi qui lui permettait de s’absenter longtemps et de prendre deux congés de maternité consécutifs. La deuxième, c’est malheureux, a trop attendu pour se décider à avoir des enfants (elle voulait les accueillir dans une maison plutôt que dans un 4 et demi) et la biologie l’a empêchée d’avoir les quatre enfants qu’elle souhaitait. Autrement dit, les parents (et les mères en particulier) doivent apprendre à mettre de côté leur confort et leurs aspirations professionnelles au profit d’un plus grand nombre d’enfants, parce que c’est là que se trouve le vrai bonheur.

Encore une fois, il faut mettre la lettre en relation avec la philosophie de Cardus. L’institut défend la « liberté de conscience » des médecins qui refusent de pratiquer un avortement, de référer une patiente pour une interruption de grossesse et même de prescrire la contraception. Cardus conteste toutes les lois limitant la « liberté d’expression » des groupes anti-avortement (le refus des subventions pour les emplois étudiants, le refus d’être considéré comme organisme charitable etc.). L’opposition au libre choix des femmes d’interrompre leur grossesse est une « valeur » primordiale de cet institut. Il n’est pas question d’avortement dans cette lettre ouverte, mais l’auteur ne peut pas ne pas avoir eu cette préoccupation à l’esprit en l’écrivant.

Le vrai message de cette lettre, c’est celui qu’entendent plusieurs femmes qui appellent dans ces fausses lignes d’aide pour les femmes enceintes qui sont en réalité des hameçons pour les organisations anti-avortement: Tu penses que tu ne seras pas capable de t’occuper de cet enfant, mais tu l’es. Si tu choisis d’interrompre ta grossesse parce que tu ne te crois pas prête, tu vas le regretter toute ta vie.

Et voilà comment les organisations anti-avortement arrivent à transmettre leur message en passant par la porte arrière.

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La fausse bienveillance des groupes anti-choix

Une lettre d’opinion intitulée “Le privilège parental” a été publiée hier soir dans la Presse. C’est un exemple éloquent de l’habileté des groupes anti-avortement pour véhiculer leur message discrètement.

La lettre est signée par Jean-Christophe Jasmin, directeur de Cardus. On a parlé de l’institut Cardus la semaine dernière parce que l’ancien rédacteur de discours de François Legault s’y est joint en tant que chercheur.

Ancien pasteur baptiste, Jean-Christophe Jasmin est également directeur des affaires externes du Réseau évangélique du Québec. Ce n’est pas sans raison qu’il a choisi de se faire désigner par son poste à Cardus plutôt qu’au Réseau évangélique du Québec. Ce deuxième titre attirerait bien davantage la méfiance du lecteur, avec raison.

Vous avez probablement entendu parler de M. Jasmin dans l’actualité sans retenir son nom. Il participe à la contestation de la décision du gouvernement du Québec d’annuler la tenue d’un événement anti-avortement au Centre des congrès de Québec en 2023. Tout récemment, on a entendu M. Jasmin protester contre la décision de la Ville de Montréal d’interdire le spectacle de Sean Feucht, ce chanteur MAGA homophobe et anti-avortement. “L’État s’autorise désormais à censurer des événements religieux sur la base d’une appréciation morale de leurs contenus possibles ou des opinions religieuses ou politiques de ses promoteurs.”

À première vue, son texte est inoffensif. Le message est: Les femmes ont moins d’enfants qu’elles le souhaiteraient parce qu’avoir un enfant, ça coûte cher. Et qui pourrait lui donner tort? Mais comment réduire le fardeau financier que représente la parentalité? L’auteur ne donne aucune piste de solution, donc allons voir ce que propose l’institut qu’il dirige.

En 2019, Cardus proposait de cesser de financer directement les garderies pour plutôt verser l’argent aux parents afin qu’ils puissent choisir de rester à la maison pour prendre soin de leurs enfants. Alors quoi, on veut donner le choix aux parents. C’est bien, non? Le problème, c’est que Cardus considère que les garderies ont davantage d’effets néfastes que positifs. En 2020, on nous expliquait que l’accès universel aux garderies (Cardus vise le modèle québécois en particulier) engendre un grand nombre de problèmes pour les enfants qui les fréquentent: mauvaise relation des enfants avec les parents, troubles de comportement, problèmes de santé, taux de criminalité plus élevé une fois adultes… Bref, Cardus prétend vouloir donner le choix aux parents, mais en réalité le choix est tout désigné. Un des parents doit rester à la maison pour s’occuper de l’enfant. Je vous laisse deviner lequel. Le rapport publié en 2020 nous explique que l’accès des femmes au marché du travail est un bien petit bénéfice en comparaison des problèmes engendrés. En 2021, Cardus présentait un rapport de recherche à la Chambre des Communes expliquant que les gouvernements économiseraient des milliards en subventionnant directement les parents plutôt que les garderies.

Revenons à la lettre de M. Jasmin, qui n’explore pas vraiment le coût de la parentalité, encore moins les moyens de le réduire. Le texte joue beaucoup plus sur l’émotif que sur le factuel. “Je ne le savais pas à l’époque, mais avoir arrêté à trois sera probablement un des plus grands regrets de ma vie.” “Remettre à plus tard, je le sais bien… signifie parfois remettre à jamais.” “On élève des enfants, mais ils nous font aussi beaucoup grandir.”

Selon M. Jasmin, l’idée qu’avoir des enfants est dispendieux est principalement cela, une idée. Il mentionne plusieurs fois qu’il s’agit d’une perception. En réalité, les parents qui ont moins d’enfant (lire ici: qui s’empêchent d’avoir des enfants) doivent surtout blâmer leurs mauvais choix de vie, notamment celui d’attendre d’être parfaitement installés dans la vie avant d’avoir leur premier enfant.

Au final, ce qui est encouragé dans cette lettre n’est pas une intervention accrue de l’État pour aider les familles. Au contraire, nous avons vu que Cardus militait plutôt pour le contraire. La responsabilité revient aux parents, en particulier aux mères, de mieux gérer leurs affaires. L’auteur nous donne l’exemple de deux de ses amies. La première a eu la chance d’avoir un emploi qui lui permettait de s’absenter longtemps et de prendre deux congés de maternité consécutifs. La deuxième, c’est malheureux, a trop attendu pour se décider à avoir des enfants (elle voulait les accueillir dans une maison plutôt que dans un 4 et demi) et la biologie l’a empêchée d’avoir les quatre enfants qu’elle souhaitait. Autrement dit, les parents (et les mères en particulier) doivent apprendre à mettre de côté leur confort et leurs aspirations professionnelles au profit d’un plus grand nombre d’enfants, parce que c’est là que se trouve le vrai bonheur.

Encore une fois, il faut mettre la lettre en relation avec la philosophie de Cardus. L’institut défend la “liberté de conscience” des médecins qui refusent de pratiquer un avortement, de référer une patiente pour une interruption de grossesse et même de prescrire la contraception. Cardus conteste toutes les lois limitant la “liberté d’expression” des groupes anti-avortement (le refus des subventions pour les emplois étudiants, le refus d’être considéré comme organisme charitable etc.). L’opposition au libre choix des femmes d’interrompre leur grossesse est une “valeur” primordiale de cet institut. Il n’est pas question d’avortement dans cette lettre ouverte, mais l’auteur ne peut pas ne pas avoir eu cette préoccupation à l’esprit en l’écrivant.

Le vrai message de cette lettre, c’est celui qu’entendent plusieurs femmes qui appellent dans ces fausses lignes d’aide pour les femmes enceintes qui sont en réalité des hameçons pour les organisations anti-avortement: Tu penses que tu ne seras pas capable de t’occuper de cet enfant, mais tu l’es. Si tu choisis d’interrompre ta grossesse parce que tu ne te crois pas prête, tu vas le regretter toute ta vie.

Et voilà comment les organisations anti-avortement arrivent à transmettre leur message en passant par la porte arrière.

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Mesdames, souriez et soyez douces

Mon prochain livre, « L’exode politique des femmes », explore les raisons pour lesquelles les femmes sont plus nombreuses que les hommes à quitter volontairement la politique. En voyant les réactions à l’arrivée de Ruba Ghazal comme chef parlementaire de Québec solidaire, j’observe la manifestation d’un des principaux irritants pour les femmes en politique: ce double standard qui leur demande de faire de la politique comme des hommes tout en restant « des femmes ».

Des sources internes de Québec solidaire se sont confiées au bureau parlementaire du Journal de Québec pour se plaindre de la nouvelle porte-parole: « Dès les premières heures suivant la démission de Gabriel Nadeau-Dubois, les manœuvres politiques de Ruba Ghazal ont causé un malaise à l’interne, alors qu’elle vient tout juste d’être nommée cheffe parlementaire de Québec solidaire. » Dès les premières heures. GND a été co-porte-parole de Québec solidaire pendant 6 ans et chef parlementaire pendant 2 ans avant que la première plainte sur son attitude soit rendue publique sous la forme du livre de Catherine Dorion, une plainte vivement critiquée de l’intérieur. Ruba Ghazal a été co-porte-parole 4 mois et chef parlementaire quelques heures avant que les « sources internes » étalent leur malaise sur la place publique.

Les sources internes ne sont visiblement pas les seules à éprouver un malaise. Aux Mordus de politique (RDI), Michelle Courchesne nous dit que Ruba Ghazal est trop agressive. Un autre reproche typiquement adressé aux femmes. On ne se pose pas de question quand un homme politique est agressif. C’est attendu de nous. Ça fait partie de nous. Ça montre qu’on croit en nos idées. Gaétan Barrette était critiqué pour son attitude « bulldozer », mais c’était pratiquement tourné à la blague dans les médias. Ça faisait partie de son personnage. Je ne me souviens pas avoir entendu reprocher à GND, PSPP ou Yves-François Blanchet d’être trop agressifs dans leurs attaques envers le gouvernement qu’ils critiquent. Et pourtant on sait qu’ils en sont capables.

La palme revient à un autre analyste, Dimitri Soudas, qui a dit que Mme Ghazal « devrait sourire un peu ». Bien sûr. À l’image de GND et PSPP, connus pour avoir le sourire aux lèvres lorsqu’ils prennent la parole. Vous souvenez-vous avoir déjà entendu dire d’un politicien qu’il devrait sourire? Philippe Couillard et Stephen Harper étaient réputés pour leur froideur, mais ça n’a jamais été présenté comme un défaut. C’était simplement la manifestation de leur personnalité rationnelle.

Quand je pense aux personnalités publiques accusées d’être autoritaires, je pense instinctivement à Pauline Marois. Les péquistes ont beaucoup critiqué la façon dont elle et sa cheffe de cabinet, Nicole Stafford, exerçaient leur autorité. On n’a pas beaucoup entendu cette critique sur les anciens chefs du PQ, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard, Bernard Landry, qui n’étaient pourtant pas connus pour leur recherche du consensus.

Je pense aussi à Martine Ouellet, quant à elle accusée d’être « incapable de travailler en équipe ». Un autre reproche exclusif aux femmes cheffes. Les hommes n’ont pas besoin de travailler en équipe. Les hommes disent dans quelle direction avancer et on avance.

Bref, on voudrait que les femmes politiciennes se comportent « comme des femmes ». Qu’elles soient douces et agréables à regarder. Parce qu’une femme qui se fâche, c’est très laid. MAIS! On ne veut pas non plus qu’elles ne soient TROP féminines. On ne veut pas les voir pleurer: ça indique une faiblesse de caractère. Elles ne doivent pas non plus être trop belles: on les accusera de faire du charme, ou pire, d’avoir couché avec la bonne personne. Elles ne doivent pas élever la voix: On les accusera d’être hystériques. Mais elles ne doivent pas non plus être trop douces: On dira qu’elles sont incapables de s’affirmer. Par contre que je n’en vois pas une mettre le poing sur la table: On ne veut surtout pas d’une femme agressive et autoritaire.

Les femmes en politique peuvent bien ne plus savoir sur quel pied danser. Qu’est-ce qu’on attend d’elles, au juste? Quel genre de politiciennes est-ce qu’on veut? À voir toutes les critiques contradictoires qui leur sont réservées, j’aurais envie de conclure: On ne veut pas de femmes en politique. Des femmes qui exercent le pouvoir, ça nous dérange. On trouvera toujours une raison de les attaquer, même si leurs collègues masculins font pire.

C’est beau de dire qu’on veut plus de femmes en politique, qu’on veut encourager les femmes à se présenter, que les femmes doivent prendre leur place. Mais ce serait encore mieux de prendre conscience de nos biais et de faire un minimum d’effort pour les combattre.

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Les luttes en temps de crise

Le gouvernement du Canada n’aura plus de ministre des Femmes et Égalité des genres et de la Jeunesse, ni de ministre de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes en situation de handicap. Ces portefeuilles ont été attribués de manière résiduelle à d’autres ministres du nouveau cabinet minceur de Mark Carney. Quoi de plus normal? Nous sommes en pleine guerre commerciale et nous visons le retour au sacro-saint équilibre budgétaire. Donc on coupe dans le « gras ». Et pour un banquier comme Mark Carney, les droits des femmes, des minorités et des personnes en situation de handicap, c’est du gras: ça ne rapporte pas d’argent.

Et qu’on ne vienne pas me dire que les ministères ne sont pas « abolis » mais réorganisés ou restructurés ou tout autre euphémisme. Le gouvernement ne fait pas ce changement juste pour économiser deux salaires de ministre. Forcément il y aura moins de ressources, moins de personnel, moins d’argent et surtout moins d’attention. Le résultat sera le même. Et juste au cas, je précise que l’objectif de ces ministères n’est pas de féminiser les titres ou autre enjeu qui peut sembler banal. On parle plutôt de lutte contre les féminicides (163 au Canada en 2024, dont 24 au Québec), pour ne donner qu’un exemple. Ce n’est vraiment pas un luxe.

On doit tous faire des sacrifices en temps de crise, n’est-ce pas? « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » On a tous déjà entendu cette phrase. C’est beau. C’est patriotique. Quand on la replace dans son contexte, c’est un peu moins beau.

Cette phrase, John F. Kennedy l’a prononcée lors de son discours inaugural, le 20 janvier 1961. La Guerre froide approche de son paroxisme. Les relations avec Cuba s’enveniment. Les États-Unis vont bientôt commencer à s’impliquer sérieusement dans la guerre au Vietnam. Kennedy veut accélérer la course à l’armement. Pendant ce temps, le mouvement pour les droits civiques des Noirs prend de l’expansion. C’est en 1955 que Rosa Parks s’est fait connaître en refusant de céder sa place à un homme blanc dans un autobus de Montgomery, ce qui a mené en 1956 à la décision de la Cour suprême déclarant la ségrégation dans les transports inconstitutionnelle. Les attentes envers Kennedy sont élevées, mais lui et son frère Robert vont passer leurs années au pouvoir à essayer de temporiser les demandes du mouvement. Après tout, ils ont besoin du soutien des démocrates du Sud et ceux-ci ne sont pas enthousiastes à l’idée de donner des droits égaux aux Noirs.

La stratégie de Kennedy consiste donc à donner des miettes aux Noirs en tentant de les convaincre que demander plus jouerait le jeu des républicains qui eux ne leur donneraient rien du tout. Pendant ce temps, on encourageait les Noirs à s’enrôler dans l’armée, parce que malgré tout il faut servir leur beau pays qui les traite si bien. Quand les volontaires ne suffisent pas, on les enrôle de force. Pour l’anecdote, les Afro-Américains représentent 16% des conscrits en 1967 alors qu’ils ne composent que 11% de la population américaine. Voilà ce que veut dire « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. »

Quel est le rapport avec le nouveau gouvernement qui abolit les ministères des Femmes, de l’Égalité des genres, de la Jeunesse, de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes en situation de handicap? Le lien, c’est que les droits des femmes et des minorités seront toujours relégués au second plan. Aujourd’hui, c’est la crise budgétaire et la guerre tarifaire contre Donald Trump. Demain, ce sera une guerre militaire ou plus probablement la crise climatique.

Oui il faut faire des sacrifices en temps de guerre. Mais ce sont toujorus les mêmes à qui on les impose. Pendant les deux guerres mondiales, le gouvernement du Canada allait chercher des hommes de force pour les envoyer mourir en Europe: chacun devait faire sa part, paraît-il. Mais pensez-vous qu’on ait exigé la même chose des grandes fortunes? Bien sûr que non. On peut forcer un homme à donner sa vie, mais on ne peut quand même pas obliger un millionnaire à donner son argent. On ne vit pas en dictature! Les sacrifices seront toujours imposés aux gagne-petits – parce que nos pays sont gouvernés par les riches pour les riches.

Dans un pays où l’intérêt public est synonyme d’intérêt des banques, des agences de crédit et des grandes entreprises, les droits des femmes et des minorités seront toujours perçus comme du superflu. Ce n’est pas pour rien que ces droits ont souvent dû être arrachés de force: c’est parce que les dirigeants n’ont jamais trouvé d’intérêt à les donner.

Donc non, il n’y a pas de compromis acceptable. Si on a besoin d’argent pour gérer la crise, qu’on aille le chercher dans les poches de ceux qui en ont. Et M. Carney le banquier sait mieux que quiconque où se trouve cet argent. Ne faisons pas des économies de bouts de chandelle en privant de ressources les groupes déjà fragilisés.

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