Vue lecture
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Tranquille, la révolution?
La société reste parfois figée dans l’interprétation qu’elle fait elle-même de sa propre histoire. On plaque une appellation sur une période donnée ou sur un phénomène social, un fait historique ou une série d’événements, et vogue la galère de l’analyse, une fois que tout le monde semble-t-il s’est satisfait de ce carcan interprétatif qu’on vient d’imposer à telle ou telle réalité. Ainsi en est-il de l’expression « révolution tranquille », une combinaison de deux termes antithétiques qui devrait normalement faire frissonner le moindre convaincu des esprits cartésiens. Quelle est l’image qui vous vient à l’esprit lorsqu’on évoque tel amalgame? Une bande de pépères assis sur le balcon, lesquels, en agitant leurs drapeaux, en viennent à faire changer les choses?
En fait, lorsqu’on parle de révolution tranquille au Québec, on cherche à qualifier cette période transitoire qui s’est opérée lorsque le Québec, passant d’une société obscurantiste, prise dans les affres de la Grande Noirceur et du catholicisme, s’est métamorphosé en une nation pluraliste, accédant enfin à la modernité. Mais cette transition se serait opérée sans heurts? Notre histoire, un long fleuve tranquille?
Le 24 juillet 1941, il fait une chaleur torride dans les salles des cuves où on produit l’aluminium à Arvida. Pour cette raison et pour des motifs d’ordre pécuniaire, ce sont 4 500 travailleurs qui désertent leur poste et déclarent la grève. Nous sommes en pleine guerre et on a un besoin impérieux du précieux métal : la réaction ne se fait pas attendre. En plus des agents de la police provinciale, ce sont deux compagnies de soldats qui sont dépêchées sur les lieux pour mater les grévistes. En 1949, les mineurs d’Asbestos et de Thetford Mines réagissent à leur tour soumis à des conditions de travail qui mettent notamment leur santé, voire leur vie, en danger. Maurice Duplessis prend parti pour les employeurs, on engage des scabs. Le tout dégénère en confrontations, 5 000 grévistes se mobilisent pour mater les briseurs de grève.
Le 17 mars 1955, on fait sauter une bombe au Forum à la suite de la décision de la LNH de suspendre Maurice Richard pour le reste de la saison. S’ensuit une émeute dans les rues de la ville où on causera pour cent mille dollars de dégâts. Les Montréalais devront bientôt s’habituer à ce type de détonations : entre 1963 et 1970, le FLQ a posé environ 95 bombes, lesquelles tueront sept personnes et en blesseront quantité d’autres. Cette période est particulièrement riche en affrontements de tout genre. Au cours des seules années 1968 et 1969, on a pu compter jusqu’à 109 manifestations d’envergure sur le territoire de Montréal et elles ne sont rien de moins que pacifiques : 27 février 1968, émeute à l’occasion d’une marche de solidarité en faveur des travailleurs de l’embouteilleur 7Up en grève depuis plus d’un an; Lundi de la matraque le 24 juin 1968, à l’occasion de la parade de la Saint-Jean-Baptiste on procède à l’arrestation de 292 personnes et on dénombre plus de 135 blessés; le 10 septembre, dans la foulée de la crise linguistique de Saint-Léonard, un millier de fervents nationalistes répondent à l’appel du militant Raymond Lemieux, bilan : 100 blessés, 51 arrestations, 118 vitrines fracassées, 10 incendies. Et on pourrait continuer ainsi longtemps : McGill français, Murray Hill, le Bill 63, sans oublier les événements d’Octobre, le déploiement de 12 500 militaires dans les rues de la métropole, l’arrestation de 497 citoyens québécois dont seulement 18 seront condamnés.
Et ici même dans la région, que dire de la lutte des gens de Cabano, après l’incendie de la scierie de bois Fraser, des exactions et des évacuations du BAEQ d’où sont nées les Opérations Dignité, des expropriations de Forillon?
Non, ce texte n’est pas un plaidoyer en faveur de la violence. Ce que je veux illustrer ici, c’est que l’expression « révolution tranquille » s’avère en réalité un euphémisme. On a édulcoré l’histoire en la chapeautant d’un oxymoron dans le but de la rendre plus digestible, d’en oblitérer les irritants, d’en effacer les côtés abrupts. Et ce qu’on a voulu cacher, c’est le fait que nos acquis sociaux ont été gagnés de chaude lutte. On s’est battu par le passé. Pour des conditions de travail décentes, pour le respect de la santé et de la vie humaine, pour la dignité, pour la prépondérance du français, pour la justice sociale, pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Et ces acquis sont toujours fragiles, souventes fois menacés. Regardez ce qui se passe aux États-Unis. Demeurons vigilants. D’autant plus que c’est le tapis même de l’existence sur terre qu’on est en train de tirer sous nos pieds. Comment baptisera-t-on cette période? L’extinction tranquille?
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La lente capitulation des régions
La bataille des régions périphériques, en réponse à l’infâme Plan d’aménagement du Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec (BAEQ-1968) qui voulait ni plus ni moins les réduire au rôle de sous-traitantes des grands centres urbains (régions-ressources), a laissé sa marque abondamment dans les chroniques du Mouton Noir.
On en parle moins depuis quelque temps. Sans doute parce que les populations des régions en décroissance se sont un peu stabilisées, grâce entre autres à une migration importante de jeunes urbains en région; mais surtout, je le soupçonne, parce qu’on est las de se buter au mur d’un gouvernement central jaloux de son pouvoir. Nous assistons, en réalité, depuis quelques années, à une lente capitulation des régions, ce qui est un drame national.
Lente capitulation
Au cours des 50 dernières années, on a vu défiler en région,
– du côté citoyen, les Opérations Dignité (manifeste des 19 curés en colère-1970), le JAL (1972), la Coalition urgence rurale (1989), le Rassemblementgaspésien et madelinot (1991), les États généraux du monde rural (1991), des opérations similaires en Abitibi et au Saguenay–Lac-Saint-Jean, des tentatives multiples de développement local dans les villages en décroissance, Solidarité rurale (1992), les rendez-vous Rebâtir les campagnes (1996) et Sauver les campagnes (1998), l’Union paysanne (2001), la Coalition pour un Québec des régions (2006), etc.
– et du côté gouvernemental, la création de 12, puis de 17 régions administratives (1966), l’Office de planification et de développement du Québec (OPDQ-1967), les conseils régionaux de développement (CRD-1974) et les conférences administratives régionales (CAR-1974) , la création de la Commission de protection du territoire agricole (PTAQ-1978) et des MRC (1979), un Secrétariat des régions (1992), un ministère des Régions (1997), des dizaines de politiques de développement régional, la Politique de la ruralité (2001), un sommet des régions (2003), les Conférences régionales des Élus (CRÉ, créées en 2003 et abolies en 2017), la commission Coulombe sur la forêt (2004) et la commission Pronovost sur l’agriculture (2008) : des politiques et structures à peu près toutes disparues ou oubliées.
Au terme de ce dialogue de sourds qui dure depuis plus de 50 ans entre les régions périphériques et le gouvernement du Québec, rien n’a été gagné. Les initiatives gouvernementales n’ont jamais dépassé une certaine déconcentration administrative. Les régions ne sont toujours pas des entités politiques, dotées d’un président ou même d’un gouvernement élu. Même les organismes de concertation régionale, comme les CRÉ, qui permettaient une certaine planification des infrastructures régionales de développement des ressources et des services régionaux, ont été abolis. Le sort réservé aux municipalités, de plus en plus sollicitées, est navrant. La centralisation et la bureaucratisation des décisions et de la gestion des ressources et des services à Québec sont plus que jamais scandaleuses.
L’idée même de développement régional n’existe plus : celui-ci se réduit, d’une part, à des grands projets privés parachutés en région avec plus ou moins de succès et de dégâts (les parcs éoliens, la cimenterie de Port-Daniel, les mines d’or en Abitibi et d’acier sur la Côte-Nord, les projets heureusement bloqués d’oléoducs et de ports méthaniers, les alumineries au Saguenay, les projets hydroélectriques sur la Côte-Nord) et, d’autre part, à des petits programmes à la semaine et sans lendemains structurants dans les MRC pour aider les organismes communautaires et certaines PME. Certains villages ici et là tirent leur épingle du jeu, grâce souvent à quelques néo-ruraux visionnaires. Le réseau des cégeps et des filiales de l’Université du Québec demeure peut-être la seule colonne vertébrale d’une certaine vitalité et identité régionale.
La plupart des défenseurs des régions, notamment les universitaires du réseau de l’Université du Québec, ont disparu ou se sont tus : Bernard Vachon à Montréal, Mario Carrier et les frères Guy à Rouyn-Noranda; Bruno Jean, Clermont Dugas, Hugo Dionne, Gilles Roy, Victor-Lévy Beaulieu au Bas-Saint-Laurent; Louis Favreau en Outaouais; Marc-Urbain Proulx, Charles Côté, Denis Trottier au Saguenay–Lac-Saint-Jean; Paul-Louis Martin en Mauricie; Jacques Proulx en Estrie. Et où est la relève?
Culture de dépendance
Quant aux élus locaux et intervenants régionaux, ils ont capitulé et se sont installés dans une sorte de culture de dépendance. Ils se consolent avec le succès touristique de leur coin de pays, la créativité de leurs organismes communautaires, leur réseau de PME et l’éclosion de jeunes agriculteurs de proximité, appréciés mais marginalisés par les politiques agricoles défendues par l’UPA et le ministère de l’Agriculture.
À part leur succès touristique et migratoire, nos régions périphériques sont bel et bien redevenues des régions-ressources, fournisseuses de richesses naturelles (forêt, minerais, énergie, agriculture, érable, pêche, sites naturels) et de main-d’œuvre, des sous-traitantes des métropoles et de la grande entreprise.
Démocratie territoriale
On attend toujours des politiques d’aménagement du territoire, de gestion de la forêt, de l’énergie, de l’agriculture, des municipalités qui fassent place à une véritable décentralisation et à une démocratie territoriale, voire à ce que certains appellent le concept des biorégions, c’est-à-dire de régions-territoires comme milieu naturel de vie et d’organisation sociale, économique et politique, comme base d’une démocratie citoyenne.
L’autonomie régionale et locale devrait en effet faire partie d’un plan pour réinventer notre démocratie, minée par les partis politiques et l’échec de notre État-providence, et permettre une prise en charge collective de notre écosystème en péril.
Pour faire des régions ce lieu de prise en charge collective, incluant les communautés autochtones présentes sur le territoire, il va de soi qu’il faudrait revoir le découpage des territoires régionaux en fonction du concept de biorégion et d’une démocratie de type communautaire et consensuelle, à l’exemple de celle du gouvernement du Nunavik (Makivvik), plutôt que déléguée à des partis qui usurpent la représentation et la délibération des citoyens.
Mais c’est une autre histoire…