Doge : la fin du cloisonnement des données
A lâheure oĂč, aux Etats-Unis, le FBI, les services dâimmigration et de police se mettent Ă poursuivre les ressortissants Ă©trangers pour les reconduire aux frontiĂšres, sur Tech Policy Press, lâactiviste Dia Kayyali rappelle que les Etats-Unis ont une longue histoire de chasse aux opposants politiques et aux Ă©trangers. Du MacCarthysme au 11 septembre, les crises politiques ont toujours renforcĂ© la surveillance des citoyens et plus encore des ressortissants dâorigine Ă©trangĂšre. Le Brennan Center for Justice a publiĂ© en 2022 un rapport sur la montĂ©e de lâutilisation des rĂ©seaux sociaux dans ces activitĂ©s de surveillance et rappelle que ceux-ci sont massivement mobilisĂ©s pour la surveillance des opposants politiques, notamment depuis Occupy et depuis 2014 pour le contrĂŽle des demandes dâimmigration et les contrĂŽles aux frontiĂšres, rappelle The Verge.
Le premier projet de loi du second mandat de Donald Trump Ă©tait un texte concernant lâimmigration clandestine, nous rappelle Le Monde. Câest un texte qui propose la dĂ©tention automatique par les forces de lâordre fĂ©dĂ©rales de migrants en situation irrĂ©guliĂšre qui ont Ă©tĂ© accusĂ©s, condamnĂ©s ou inculpĂ©s pour certains dĂ©lits, mĂȘmes mineurs, comme le vol Ă lâĂ©talage.
La lutte contre lâimmigration est au cĆur de la politique du prĂ©sident amĂ©ricain, qui dĂ©nonce une âinvasionâ et annonce vouloir dĂ©porter 11 millions dâimmigrants illĂ©gaux, au risque que le tissu social des Etats-Unis, nation dâimmigrants, se dĂ©chire, rappelait The Guardian. DĂšs janvier, lâadministration Trump a mis fin Ă lâapplication CBP One, seule voie pour les demandeurs dâasile dĂ©sirant entrer lĂ©galement sur le territoire des Etats-Unis pour prendre rendez-vous avec lâadministration douaniĂšre amĂ©ricaine et rĂ©gulariser leur situation. La suppression unilatĂ©rale de lâapplication a laissĂ© tous les demandeurs dâasile en attente dâun rendez-vous sans recours, rapportait Le Monde.
Une opération de fusion des informations sans précédent
Cette politique est en train de sâaccĂ©lĂ©rer, notamment en mobilisant toutes les donnĂ©es numĂ©riques Ă sa disposition, rapporte Wired. Le Doge est en train de construire une base de donnĂ©es dĂ©diĂ©e aux Ă©trangers, collectant les donnĂ©es de plusieurs administrations, afin de crĂ©er un outil de surveillance dâune portĂ©e sans prĂ©cĂ©dent. Lâenjeu est de recouper toutes les donnĂ©es disponibles, non seulement pour mieux caractĂ©riser les situations des Ă©trangers en situation rĂ©guliĂšre comme irrĂ©guliĂšre, mais Ă©galement les gĂ©olocaliser afin dâaider les services de police chargĂ©s des arrestations et de la dĂ©portation, dâopĂ©rer.

JusquâĂ prĂ©sent, il existait dâinnombrables bases de donnĂ©es disparates entre les diffĂ©rentes agences et au sein des agences. Si certaines pouvaient ĂȘtre partagĂ©es, Ă des fins policiĂšres, celles-ci nâont jamais Ă©tĂ© regroupĂ©es par dĂ©faut, parce quâelles sont souvent utilisĂ©es Ă des fins spĂ©cifiques. Le service de lâimmigration et des douanes (ICE, Immigration and Customs Enforcement) et le dĂ©partement dâinvestigation de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure (HSI, Homeland Security Investigations), par exemple, sont des organismes chargĂ©s de lâapplication de la loi et ont parfois besoin dâordonnances du tribunal pour accĂ©der aux informations sur un individu dans le cadre dâenquĂȘtes criminelles, tandis que le service de citoyennetĂ© et dâimmigration des Ătats-Unis (USCIS, United States Citizenship and Immigration Services) des Ătats-Unis collecte des informations sensibles dans le cadre de la dĂ©livrance rĂ©guliĂšre de visas et de cartes vertes.
Des agents du Doge ont obtenu lâaccĂšs aux systĂšmes de lâUSCIS. Ces bases de donnĂ©es contiennent des informations sur les rĂ©fugiĂ©s et les demandeurs dâasile, des donnĂ©es sur les titulaires de cartes vertes, les citoyens amĂ©ricains naturalisĂ©s et les bĂ©nĂ©ficiaires du programme dâaction diffĂ©rĂ©e pour les arrivĂ©es dâenfants. Le Doge souhaite Ă©galement tĂ©lĂ©charger des informations depuis les bases de donnĂ©es de myUSCIS, le portail en ligne oĂč les immigrants peuvent dĂ©poser des demandes, communiquer avec lâUSCIS, consulter lâhistorique de leurs demandes et rĂ©pondre aux demandes de preuves Ă lâappui de leur dossier. AssociĂ©es aux informations dâadresse IP des personnes qui consultent leurs donnĂ©es, elles pourraient servir Ă gĂ©olocaliser les immigrants.
Le dĂ©partement de sĂ©curitĂ© intĂ©rieur (DHS, Department of Homeland Security) dont dĂ©pendent certaines de ces agences a toujours Ă©tĂ© trĂšs prudent en matiĂšre de partage de donnĂ©es. Ce nâest plus le cas. Le 20 mars, le prĂ©sident Trump a dâailleurs signĂ© un dĂ©cret exigeant que toutes les agences fĂ©dĂ©rales facilitent « le partage intra- et inter-agences et la consolidation des dossiers non classifiĂ©s des agences », afin dâentĂ©riner la politique de rĂ©cupĂ©ration de donnĂ©es tout azimut du Doge. JusquâĂ prĂ©sent, il Ă©tait historiquement « extrĂȘmement difficile » dâaccĂ©der aux donnĂ©es que le DHS possĂ©dait dĂ©jĂ dans ses diffĂ©rents dĂ©partements. LâagrĂ©gation de toutes les donnĂ©es disponibles « reprĂ©senterait une rupture significative dans les normes et les politiques en matiĂšre de donnĂ©es », rappelle un expert. Les agents du Doge ont eu accĂšs Ă dâinnombrables bases, comme Ă Save, un systĂšme de lâUSCIS permettant aux administrations locales et Ă©tatiques, ainsi quâau gouvernement fĂ©dĂ©ral, de vĂ©rifier le statut dâimmigration dâune personne. Le Doge a Ă©galement eu accĂšs Ă des donnĂ©es de la sĂ©curitĂ© sociale et des impĂŽts pour recouper toutes les informations disponibles.
Le problĂšme, câest que la surveillance et la protection des donnĂ©es est Ă©galement rendue plus difficile. Les coupes budgĂ©taires et les licenciements ont affectĂ© trois services clĂ©s qui constituaient des garde-fous importants contre lâutilisation abusive des donnĂ©es par les services fĂ©dĂ©raux, Ă savoir le Bureau des droits civils et des libertĂ©s civiles (CRCL, Office for Civil Rights and Civil Liberties), le Bureau du mĂ©diateur chargĂ© de la dĂ©tention des immigrants et le Bureau du mĂ©diateur des services de citoyennetĂ© et dâimmigration. Le CRCL, qui enquĂȘte sur dâĂ©ventuelles violations des droits de lâhomme par le DHS et dont la crĂ©ation a Ă©tĂ© mandatĂ©e par le CongrĂšs est depuis longtemps dans le collimateur du Doge.
Le 5 avril, le DHS a conclu un accord avec les services fiscaux (IRS) pour utiliser les donnĂ©es fiscales. Plus de sept millions de migrants travaillent et vivent aux Ătats-Unis. LâICE a Ă©galement rĂ©cemment versĂ© des millions de dollars Ă lâentreprise privĂ©e Palantir pour mettre Ă jour et modifier une base de donnĂ©es de lâICE destinĂ©e Ă traquer les immigrants, a rapportĂ© 404 Media. Le Washington Post a rapportĂ© Ă©galement que des reprĂ©sentants de Doge au sein dâagences gouvernementales â du DĂ©partement du Logement et du DĂ©veloppement urbain Ă lâAdministration de la SĂ©curitĂ© sociale â utilisent des donnĂ©es habituellement confidentielles pour identifier les immigrants sans papiers. Selon Wired, au DĂ©partement du Travail, le Doge a obtenu lâaccĂšs Ă des donnĂ©es sensibles sur les immigrants et les ouvriers agricoles. La fusion de toutes les donnĂ©es entre elles pour permettre un accĂšs panoptique aux informations est depuis lâorigine le projet mĂȘme du ministĂšre de lâefficacitĂ© amĂ©ricain, qui espĂšre que lâIA va lui permettre de rendre le traitement omniscient.
Le changement de finalitĂ©s de la collecte de donnĂ©es, moteur dâune dĂ©fiance gĂ©nĂ©ralisĂ©e
Lâadministration des impĂŽts a donc acceptĂ© un accord de partage dâinformation et de donnĂ©es avec les services dâimmigration, rapporte la NPR, permettant aux agents de lâimmigration de demander des informations sur les immigrants faisant lâobjet dâune ordonnance dâexpulsion. DerriĂšre ce qui paraĂźt comme un simple accĂšs Ă des donnĂ©es, il faut voir un changement majeur dans lâutilisation des dossiers fiscaux. Les modalitĂ©s de ce partage dâinformation ne sont pas claires puisque la communication du cadre de partage a Ă©tĂ© expurgĂ©e de trĂšs nombreuses informations. Pour Murad Awawdeh, responsable de la New York Immigration Coalition, ce partage risque dâinstaurer un haut niveau de dĂ©fiance Ă respecter ses obligations fiscales, alors que les immigrants paient des impĂŽts comme les autres et que les services fiscaux assuraient jusquâĂ prĂ©sent aux contribuables sans papiers la confidentialitĂ© de leurs informations et la sĂ©curitĂ© de leur dĂ©claration de revenus.
La NPR revient Ă©galement sur un autre changement de finalitĂ©, particuliĂšrement problĂ©matique : celle de lâapplication CBP One. Cette application lancĂ©e en 2020 par lâadministration Biden visait Ă permettre aux immigrants de faire une demande dâasile avant de pĂ©nĂ©trer aux Etats-Unis. Avec lâarrivĂ©e de lâadministration Trump, les immigrants qui ont candidatĂ© Ă une demande dâasile ont reçu une notification les enjoignants Ă quitter les Etats-Unis et les donnĂ©es de lâapplication ont Ă©tĂ© partagĂ©es avec les services de police pour localiser les demandeurs dâasile et les arrĂȘter pour les reconduire aux frontiĂšres. Pour le dire simplement : une application de demande dâasile est dĂ©sormais utilisĂ©e par les services de police pour identifier ces mĂȘmes demandeurs et les expulser. Les finalitĂ©s sociales sont transformĂ©es en finalitĂ©s policiĂšres. La confidentialitĂ© mĂȘme des donnĂ©es est dĂ©truite.
CBP One nâest pas la seule application dont la finalitĂ© a Ă©tĂ© modifiĂ©e. Une belle enquĂȘte du New York Times Ă©voque une application administrĂ©e par Geo Group, lâun des principaux gestionnaires privĂ©s de centres pĂ©nitentiaires et dâĂ©tablissements psychiatriques aux Etats-Unis. Une application que des Ă©trangers doivent utiliser pour se localiser et sâidentifier rĂ©guliĂšrement, Ă la maniĂšre dâun bracelet Ă©lectronique. RĂ©cemment, des utilisateurs de cette application ont Ă©tĂ© convoquĂ©s Ă un centre dâimmigration pour mise Ă jour de lâapplication. En fait, ils ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s.
Geo Group a dĂ©veloppĂ© une activitĂ© lucrative dâapplications et de bracelets Ă©lectroniques pour surveiller les immigrants pour le compte du gouvernement fĂ©dĂ©ral qui ont tous Ă©tĂ© mis au service des procĂ©dures dâexpulsion lancĂ©es par lâadministration Trump, constatent nombre dâassociations dâaides aux Ă©trangers. âAlors mĂȘme que M. Trump rĂ©duit les dĂ©penses du gouvernement fĂ©dĂ©ral, ses agences ont attribuĂ© Ă Geo Group de nouveaux contrats fĂ©dĂ©raux pour hĂ©berger des immigrants sans papiers. Le DHS envisage Ă©galement de renouveler un contrat de longue date avec lâentreprise â dâune valeur dâenviron 350 millions de dollars lâan dernier â pour suivre les quelque 180 000 personnes actuellement sous surveillanceâ. Ce programme âdâalternative Ă la dĂ©tention en centre de rĂ©tention » que Noor Zafar, avocate principale Ă lâAmerican Civil Liberties Union, estime relever plutĂŽt dâune âextension Ă la dĂ©tentionâ, consiste en des applications et bracelets Ă©lectroniques. Les programmes de Geo Group, coĂ»teux, nâont pas Ă©tĂ© ouverts Ă la concurrence, rapporte le New York Times, qui explique Ă©galement que ses programmes sont en plein boom. Ces applications permettent aux employĂ©s de Geo Group de savoir en temps rĂ©el oĂč se trouvent leurs porteurs, leur permettent de dĂ©limiter des zones dont ils ne peuvent pas sortir sans dĂ©clencher des alertes.
Une confiance impossible !
Ces exemples amĂ©ricains de changement de finalitĂ©s sont emblĂ©matiques et profondĂ©ment problĂ©matiques. Ils ne se posent pourtant pas que de lâautre cĂŽtĂ© de lâAtlantique. Utiliser des donnĂ©es produites dans un contexte pour dâautres enjeux et dâautres contextes est au cĆur des fonctionnements des systĂšmes numĂ©riques, comme nous lâavions vu Ă lâĂ©poque du Covid. Les finalitĂ©s des traitements des services numĂ©riques quâon utilise sont rarement claires, notamment parce quâelles peuvent ĂȘtre mises Ă jour unilatĂ©ralement et ce, sans garantie. Et le changement de finalitĂ© peut intervenir Ă tout moment, quelque soit lâapplication que vous utilisez. Remplir un simple questionnaire dâĂ©valuation peut finalement, demain, ĂȘtre utilisĂ© par le service qui le conçoit ou dâautres pour une toute autre finalitĂ©, et notamment pour rĂ©duire les droits des utilisateurs qui y ont rĂ©pondu. RĂ©pondre Ă un questionnaire de satisfaction de votre banque ou dâun service public, qui semble anodin, peut divulguer des donnĂ©es qui seront utilisĂ©es pour dâautres enjeux. Sans renforcer la protection absolue des donnĂ©es, le risque est que ces exemples dĂ©multiplient la mĂ©fiance voire le rejet des citoyens et des administrĂ©s. A quoi va ĂȘtre utilisĂ© le questionnaire quâon me propose ? Pourra-t-il ĂȘtre utilisĂ© contre moi ? Quâest-ce qui me garantie quâil ne le sera pas ?
La confiance dans lâutilisation qui est faite des donnĂ©es par les services, est en train dâĂȘtre profondĂ©ment remise en question par lâexemple amĂ©ricain et pourrait avoir des rĂ©percussions sur tous les services numĂ©riques, bien au-delĂ des Etats-Unis. La spĂ©cialiste de la sĂ©curitĂ© informatique, Susan Landau, nous lâavait pourtant rappelĂ© quand elle avait Ă©tudiĂ© les dĂ©faillances des applications de suivi de contact durant la pandĂ©mie : la confidentialitĂ© est toujours critique. Elle parlait bien sĂ»r des donnĂ©es de santĂ© des gens, mais on comprend quâassurer la confidentialitĂ© des donnĂ©es personnelles que les autoritĂ©s dĂ©tiennent sur les gens est tout aussi critique. Les dĂ©faillances de confidentialitĂ© sapent la confiance des autoritĂ©s qui sont censĂ©es pourtant ĂȘtre les premiĂšres garantes des donnĂ©es personnelles des citoyens.
Aurait-on oublié pourquoi les données sont cloisonnées ?
« Ces systĂšmes sont cloisonnĂ©s pour une raison », rappelle Victoria Noble, avocate Ă lâElectronic Frontier Foundation. « Lorsque vous centralisez toutes les donnĂ©es dâune agence dans un rĂ©fĂ©rentiel central accessible Ă tous les membres de lâagence, voire Ă dâautres agences, vous augmentez considĂ©rablement le risque que ces informations soient consultĂ©es par des personnes qui nâen ont pas besoin et qui les utilisent Ă des fins inappropriĂ©es ou rĂ©pressives, pour les instrumentaliser, les utiliser contre des personnes quâelles dĂ©testent, des dissidents, surveiller des immigrants ou dâautres groupes. »
« La principale inquiĂ©tude dĂ©sormais est la crĂ©ation dâune base de donnĂ©es fĂ©dĂ©rale unique contenant tout ce que le gouvernement sait sur chaque personne de ce pays », estime Cody Venzke de lâUnion amĂ©ricaine pour les libertĂ©s civiles (ACLU). « Ce que nous voyons est probablement la premiĂšre Ă©tape vers la crĂ©ation dâun dossier centralisĂ© sur chaque habitant.» Wired rapporte dâailleurs que lâACLU a dĂ©posĂ© plainte contre lâAdministration de la SĂ©curitĂ© Sociale (SSA) et le DĂ©partement des Anciens Combattants (VA) qui ont ouvert des accĂšs de donnĂ©es sensibles au Doge en violation de la loi sur la libertĂ© dâinformation, aprĂšs en avoir dĂ©jĂ dĂ©posĂ© une en fĂ©vrier contre le TrĂ©sor amĂ©ricain pour les mĂȘmes raisons (alors que ce nâest pas nĂ©cessairement la seule maniĂšre de procĂ©der. ConfrontĂ© aux demandes du Doge, le rĂ©gulateur des marchĂ©s financiers amĂ©ricains, rapporte Reuters, a pour lâinstant pu crĂ©er une Ă©quipe de liaison spĂ©cifique pour rĂ©pondre aux demandes dâinformation du Doge, afin que ses Ă©quipes nâaient pas accĂšs aux donnĂ©es de lâautoritĂ© des marchĂ©s financiers).
En dĂ©posant plainte, lâACLU cherche notamment Ă obtenir des documents pour saisir exactement ce Ă quoi a accĂšs le Doge. âLes AmĂ©ricains mĂ©ritent de savoir qui a accĂšs Ă leurs numĂ©ros de sĂ©curitĂ© sociale, Ă leurs informations bancaires et Ă leurs dossiers mĂ©dicauxâ, explique une avocate de lâACLU.
Le cloisonnement des donnĂ©es, des bases, selon leurs finalitĂ©s et les agences qui les administrent, est un moyen non seulement dâen prĂ©server lâintĂ©gritĂ©, mais Ă©galement dâen assurer la sĂ©curitĂ© et la confidentialitĂ©. Ce sont ces verrous qui sont en train de sauter dans toutes les administrations sous la pression du Doge, posant des questions de sĂ©curitĂ© inĂ©dites, comme nous nous en inquiĂ©tons avec Jean Cattan dans une lettre du Conseil national du numĂ©rique. Ce sont les mesures de protection dâune dĂ©mocratie numĂ©rique qui sont en train de voler en Ă©clat.
Pour Wired, Brian Barrett estime que les donnĂ©es quâagrĂšge le Doge ne sont pas tant un outil pour produire une hypothĂ©tique efficacitĂ©, quâune arme au service des autoritĂ©s. La question de lâimmigration nâest quâun terrain dâapplication parmi dâautres. La brutalitĂ© qui sâabat sur les Ă©trangers, les plus vulnĂ©rables, les plus dĂ©munis, est bien souvent une prĂ©figuration de son extension Ă toutes les autres populations, nous disait le philosophe Achille Mbembe dans Brutalisme.
Et maintenant que les croisements de donnĂ©es sont opĂ©rationnels, que les donnĂ©es ont Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©es par les Ă©quipes du Doge, lâenjeu va ĂȘtre de les faire parler, de les mettre en pratique.
Finalement, le dĂ©part annoncĂ© ou probable de Musk de son poste en premiĂšre ligne du Doge ne signe certainement pas la fin de cette politique, toute impopulaire quâelle soit (enfin, Musk est bien plus impopulaire que les Ă©conomies dans les services publics quâil propose), mais au contraire, le passage Ă une autre phase. Le Doge a pris le contrĂŽle, et il sâagit dĂ©sormais de rendre les donnĂ©es productives. LâefficacitĂ© nâest plus de rĂ©duire les dĂ©penses publiques de 2 000 milliards de dollars, comme le promettait Musk Ă son arrivĂ©e. Il a lui-mĂȘme reconnu quâil ne visait plus que 150 milliards de dollars de coupe en 2025, soit 15 % de lâobjectif initial, comme le soulignait Le Monde. Mais le dĂ©bat sur les coupes et lâefficacitĂ©, sont dâabord un quolifichet quâon agite pour dĂ©tourner lâattention de ce qui se dĂ©roule vraiment, Ă savoir la fin de la vie privĂ©e aux Etats-Unis. En fait, la politique initiĂ©e par le Doge ne sâarrĂȘtera pas avec le retrait probable de Musk. IL nâen a Ă©tĂ© que le catalyseur.
Elizabeth Lopatto pour The Verge explique elle aussi que lâĂšre du Doge ne fait que commencer. MalgrĂ© ses Ă©checs patents et lâexplosion des plaintes judiciaires Ă son encontre (Bloomberg a dĂ©nombrĂ© plus de 300 actions en justice contre les dĂ©cisions prises par le prĂ©sident Trump : dans 128 affaires, ils ont suspendu les dĂ©cisions de lâadministration Trump). Pour elle, Musk ne va pas moins sâimmiscer dans la politique publique. Son implication risque surtout dâĂȘtre moins publique et moins visible dans ses ingĂ©rences, afin de prĂ©server son Ă©go et surtout son portefeuille. Mais surtout, estime-t-elle, les tribunaux ne sauveront pas les AmĂ©ricains des actions du Doge, notamment parce que dans la plupart des cas, les dĂ©cisions tardent Ă ĂȘtre prises et Ă ĂȘtre effectives. Pourtant, si les tribunaux Ă©taient favorables à « lâĂ©limination de la fraude et des abus », comme le dit Musk â Ă ce stade, ils devraient surtout Ćuvrer Ă âĂ©liminer le Dogeâ !
Ce nâest malgrĂ© tout pas la direction qui est prise, au contraire. MĂȘme si Musk sâen retire, lâadministration continue Ă renforcer le pouvoir du Doge quâĂ lâĂ©teindre. Câest ainsi quâil faut lire le rĂ©cent hackathon aux services fiscaux ou le projet qui sâesquisse avec Palantir. LâICE, sous la coupe du Doge, vient de demander Ă Palantir, la sulfureuse entreprise de Thiel, de construire une plateforme dĂ©diĂ©e, explique Wired : âImmigrationOSâ, « le systĂšme dâexploitation de lâimmigration » (sic). Un outil pour âchoisir les personnes Ă expulserâ, en accordant une prioritĂ© particuliĂšre aux personnes dont le visa est dĂ©passĂ© qui doivent, selon la demande de lâadministration, prendre leurs dispositions pour âsâexpulser elles-mĂȘmes des Etats-Unisâ. Lâoutil qui doit ĂȘtre livrĂ© en septembre a pour fonction de cibler et prioriser les mesures dâapplication, câest-Ă -dire dâaider Ă sĂ©lectionner les Ă©trangers en situation irrĂ©guliĂšre, les localiser pour les arrĂȘter. Il doit permettre de suivre que les Ă©trangers en situation irrĂ©guliĂšre prennent bien leur disposition pour quitter les Etats-Unis, afin de mesurer la rĂ©alitĂ© des dĂ©parts, et venir renforcer les efforts des polices locales, bras armĂ©es des mesures de dĂ©portation, comme le pointait The Markup.
De ImmigrationOS au panoptique américain : le démantÚlement des mesures de protection de la vie privée
Dans un article pour Gizmodo qui donne la parole Ă nombre dâopposants Ă la politique de destructions des silos de donnĂ©es, plusieurs rappellent les propos du sĂ©nateur dĂ©mocrate Sam Ervin, auteur de la loi sur la protection des informations personnelles suite au scandale du Watergate, qui redoutait le caractĂšre totalitaire des informations gouvernementales sur les citoyens. Pour Victoria Noble de lâElectronic Frontier Foundation, ce contrĂŽle pourrait conduire les autoritĂ©s à « exercer des reprĂ©sailles contre les critiques adressĂ©es aux reprĂ©sentants du gouvernement, Ă affaiblir les opposants politiques ou les ennemis personnels perçus, et Ă cibler les groupes marginalisĂ©s. » Nâoubliez pas quâil sâagit du mĂȘme prĂ©sident qui a qualifiĂ© dâ« ennemis » les agents Ă©lectoraux, les journalistes, les juges et, en fait, toute personne en dĂ©saccord avec lui. Selon Reuters, le Doge a dĂ©jĂ utilisĂ© lâIA pour dĂ©tecter les cas de dĂ©loyautĂ© parmi les fonctionnaires fĂ©dĂ©raux. Pour les dĂ©fenseurs des libertĂ©s et de la confidentialitĂ©, il est encore temps de renforcer les protections citoyennes. Et de rappeler que le passage de la sĂ»retĂ© Ă la sĂ©curitĂ©, de la dĂ©fense contre lâarbitraire Ă la dĂ©fense de lâarbitraire, vient de ce que les Ă©lus ont passĂ© bien plus dâĂ©nergie Ă lĂ©gifĂ©rer pour la surveillance quâĂ Ă©tablir des garde-fous contre celle-ci, autorisant toujours plus de dĂ©rives, comme dâautoriser la surveillance des individus sans mandats de justice.
Pour The Atlantic, Ian Bogost et Charlie Warzel estiment que le Doge est en train de construire le panoptique amĂ©ricain. Ils rappellent que lâadministration est lâunivers de lâinformation, composĂ©e de constellations de bases de donnĂ©es. Des impĂŽts au travail, toutes les administrations collectent et produisent des donnĂ©es sur les AmĂ©ricains, et notamment des donnĂ©es particuliĂšrement sensibles et personnelles. JusquâĂ prĂ©sent, de vieilles lois et des normes fragiles ont empĂȘchĂ© que les dĂ©pĂŽts de donnĂ©es ne soient regroupĂ©s. Mais le Doge vient de faire voler cela en Ă©clat, prĂ©parant la construction dâun Etat de surveillance centralisĂ©. En mars, le prĂ©sident Trump a publiĂ© un dĂ©cret visant Ă Ă©liminer les silos de donnĂ©es qui maintiennent les informations sĂ©parĂ©ment.

Dans leur article, Bogost et Warzel listent dâinnombrables bases de donnĂ©es maintenues par des agences administratives : bases de donnĂ©es de revenus, bases de donnĂ©es sur les lanceurs dâalerte, bases de donnĂ©es sur la santĂ© mentale dâanciens militaires⊠LâIA promet de transformer ces masses de donnĂ©es en outils âconsultables, exploitables et rentablesâ. Mais surtout croisables, interconnectables. Les entreprises bĂ©nĂ©ficiant de prĂȘts fĂ©dĂ©raux et qui ont du mal Ă rembourser, pourraient dĂ©sormais ĂȘtre punies au-delĂ de ce qui est possible, par la rĂ©vocation de leurs licences, le gel des aides ou de leurs comptes bancaires. Une forme dâapplication universelle permettant de tout croiser et de tout inter-relier. Elles pourraient permettre de cibler la population en fonction dâattributs spĂ©cifiques. Lâutilisation actuelle par le gouvernement de ces donnĂ©es pour expulser des Ă©trangers, et son refus de fournir des preuves dâactes rĂ©prĂ©hensibles reprochĂ©es Ă certaines personnes expulsĂ©es, suggĂšre que lâadministration a dĂ©jĂ franchi la ligne rouge de lâutilisation des donnĂ©es Ă des fins politiques.
Le Doge ne se contente pas de dĂ©manteler les mesures de protection de la vie privĂ©e, il ignore quâelles ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ©es. Beaucoup de bases ont Ă©tĂ© conçues sans interconnectivitĂ© par conception, pour protĂ©ger la vie privĂ©e. âDans les cas oĂč le partage dâinformations ou de donnĂ©es est nĂ©cessaire, la loi sur la protection de la vie privĂ©e de 1974 exige un accord de correspondance informatique (Computer Matching Agreement, CMA), un contrat Ă©crit qui dĂ©finit les conditions de ce partage et assure la protection des informations personnelles. Un CMA est « un vĂ©ritable casse-tĂȘte », explique un fonctionnaire, et constitue lâun des moyens utilisĂ©s par le gouvernement pour dĂ©courager lâĂ©change dâinformations comme mode de fonctionnement par dĂ©fautâ.
La centralisation des donnĂ©es pourrait peut-ĂȘtre permettre dâamĂ©liorer lâefficacitĂ© gouvernementale, disent bien trop rapidement Bogost et Warzel, alors que rien ne prouve que ces croisements de donnĂ©es produiront autre chose quâune discrimination toujours plus Ă©tendue car parfaitement granulaire. La protection de la vie privĂ©e vise Ă limiter les abus de pouvoir, notamment pour protĂ©ger les citoyens de mesures de surveillance illĂ©gales du gouvernement.
DerriĂšre les bases de donnĂ©es, rappellent encore les deux journalistes, les donnĂ©es ne sont pas toujours ce que lâon imagine. Toutes les donnĂ©es de ces bases ne sont pas nĂ©cessairement numĂ©risĂ©es. Les faire parler et les croiser ne sera pas si simple. Mais le Doge a eu accĂšs Ă des informations inĂ©dites. âCe que nous ignorons, câest ce quâils ont copiĂ©, exfiltrĂ© ou emportĂ© avec euxâ.
âDoge constitue lâaboutissement logique du mouvement Big Dataâ : les donnĂ©es sont un actif. Les collecter et les croiser est un moyen de leur donner de la valeur. Nous sommes en train de passer dâune administration pour servir les citoyens Ă une administration pour les exploiter, suggĂšrent certains agents publics. Ce renversement de perspective âcorrespond parfaitement Ă lâĂ©thique transactionnelle de Trumpâ. Ce ne sont plus les intĂ©rĂȘts des amĂ©ricains qui sont au centre de lâĂ©quation, mais ceux des intĂ©rĂȘts commerciaux des services privĂ©s, des intĂ©rĂȘts des amis et alliĂ©s de Trump et Musk.
La menace totalitaire de lâaccaparement des donnĂ©es personnelles gouvernementales
Câest la mĂȘme inquiĂ©tude quâexprime la politiste Allison Stanger dans un article pour The Conversation, qui rappelle que lâaccĂšs aux donnĂ©es gouvernementales nâa rien Ă voir avec les donnĂ©es personnelles que collectent les entreprises privĂ©es. Les rĂ©fĂ©rentiels gouvernementaux sont des enregistrements vĂ©rifiĂ©s du comportement humain rĂ©el de populations entiĂšres. « Les publications sur les rĂ©seaux sociaux et les historiques de navigation web rĂ©vĂšlent des comportements ciblĂ©s ou intentionnels, tandis que les bases de donnĂ©es gouvernementales capturent les dĂ©cisions rĂ©elles et leurs consĂ©quences. Par exemple, les dossiers Medicare rĂ©vĂšlent les choix et les rĂ©sultats en matiĂšre de soins de santĂ©. Les donnĂ©es de lâIRS et du TrĂ©sor rĂ©vĂšlent les dĂ©cisions financiĂšres et leurs impacts Ă long terme. Les statistiques fĂ©dĂ©rales sur lâemploi et lâĂ©ducation rĂ©vĂšlent les parcours scolaires et les trajectoires professionnelles. » Ces donnĂ©es lĂ , capturĂ©es pour faire tourner et entraĂźner des IA sont Ă la fois longitudinales et fiables. « Chaque versement de la SĂ©curitĂ© sociale, chaque demande de remboursement Medicare et chaque subvention fĂ©dĂ©rale constituent un point de donnĂ©es vĂ©rifiĂ© sur les comportements rĂ©els. Ces donnĂ©es nâexistent nulle part ailleurs aux Ătats-Unis avec une telle ampleur et une telle authenticitĂ©. » « Les bases de donnĂ©es gouvernementales suivent des populations entiĂšres au fil du temps, et pas seulement les utilisateurs actifs en ligne. Elles incluent les personnes qui nâutilisent jamais les rĂ©seaux sociaux, nâachĂštent pas en ligne ou Ă©vitent activement les services numĂ©riques. Pour une entreprise dâIA, cela impliquerait de former les systĂšmes Ă la diversitĂ© rĂ©elle de lâexpĂ©rience humaine, plutĂŽt quâaux simples reflets numĂ©riques que les gens projettent en ligne.« A terme, explique Stanger, ce nâest pas la mĂȘme IA Ă laquelle nous serions confrontĂ©s. « Imaginez entraĂźner un systĂšme dâIA non seulement sur les opinions concernant les soins de santĂ©, mais aussi sur les rĂ©sultats rĂ©els des traitements de millions de patients. Imaginez la diffĂ©rence entre tirer des enseignements des discussions sur les rĂ©seaux sociaux concernant les politiques Ă©conomiques et analyser leurs impacts rĂ©els sur diffĂ©rentes communautĂ©s et groupes dĂ©mographiques sur des dĂ©cennies ». Pour une entreprise dĂ©veloppant des IA, lâaccĂšs Ă ces donnĂ©es constituerait un avantage quasi insurmontable. « Un modĂšle dâIA, entraĂźnĂ© Ă partir de ces donnĂ©es gouvernementales pourrait identifier les schĂ©mas thĂ©rapeutiques qui rĂ©ussissent lĂ oĂč dâautres Ă©chouent, et ainsi dominer le secteur de la santĂ©. Un tel modĂšle pourrait comprendre comment diffĂ©rentes interventions affectent diffĂ©rentes populations au fil du temps, en tenant compte de facteurs tels que la localisation gĂ©ographique, le statut socio-Ă©conomique et les pathologies concomitantes. » Une entreprise dâIA qui aurait accĂšs aux donnĂ©es fiscales, pourrait « dĂ©velopper des capacitĂ©s exceptionnelles de prĂ©vision Ă©conomique et de prĂ©vision des marchĂ©s. Elle pourrait modĂ©liser les effets en cascade des changements rĂ©glementaires, prĂ©dire les vulnĂ©rabilitĂ©s Ă©conomiques avant quâelles ne se transforment en crises et optimiser les stratĂ©gies dâinvestissement avec une prĂ©cision impossible Ă atteindre avec les mĂ©thodes traditionnelles ». Explique Stanger, en Ă©tant peut-ĂȘtre un peu trop dithyrambique sur les potentialitĂ©s de lâIA, quand rien ne prouve quâelles puissent faire mieux que nos approches plus classiques. Pour Stanger, la menace de lâaccĂšs aux donnĂ©es gouvernementales par une entreprise privĂ©e transcende les prĂ©occupations relatives Ă la vie privĂ©e des individus. Nous deviendrons des sujets numĂ©riques plutĂŽt que des citoyens, prĂ©dit-elle. Les donnĂ©es absolues corrompt absolument, rappelle Stanger. Oubliant peut-ĂȘtre un peu rapidement que ce pouvoir totalitaire est une menace non seulement si une entreprise privĂ©e se lâaccapare, mais Ă©galement si un Etat le dĂ©ploie. La menace dâun Etat totalitaire par le croisement de toutes les donnĂ©es ne rĂ©side pas seulement par lâaccaparement de cette puissance au profit dâune entreprise, comme celles de Musk, mais Ă©galement au profit dâun Etat.
Nombre de citoyens Ă©taient dĂ©jĂ rĂ©signĂ©s face Ă lâaccumulation de donnĂ©es du secteur privĂ©, face Ă leur exploitation sans leur consentement, concluent Bogost et Warzel. LâidĂ©e que le gouvernement cĂšde Ă son tour ses donnĂ©es Ă des fins privĂ©es est scandaleuse, mais est finalement prĂ©visible. La surveillance privĂ©e comme publique nâa cessĂ© de se dĂ©velopper et de se renforcer. La rupture du barrage, la levĂ©e des barriĂšres morales, limitant la possibilitĂ© Ă recouper lâensemble des donnĂ©es disponibles, nâĂ©tait peut-ĂȘtre quâune question de temps. Certes, le pire est dĂ©sormais devant nous, car cette rupture de barriĂšre morale en annonce dâautres. Dans la kleptocratie des donnĂ©es qui sâest ouverte, celles-ci pourront ĂȘtre utilisĂ©es contre chacun, puisquâelles permettront dĂ©sormais de trouver une justification rĂ©troactive voire de lâinventer, puisque lâintĂ©gritĂ© des bases de donnĂ©es publiques ne saurait plus ĂȘtre garantie. Bogost et Warzel peuvent imaginer des modalitĂ©s, en fait, dĂ©sormais, les systĂšmes nâont mĂȘme pas besoin de corrĂ©ler vos dons Ă des associations pro-palestiniennes pour vous refuser une demande de prĂȘt ou de subvention. Il suffit de laisser croire que dĂ©sormais, le croisement de donnĂ©es le permet.
Pire encore, âles AmĂ©ricains sont tenus de fournir de nombreuses donnĂ©es sensibles au gouvernement, comme des informations sur le divorce dâune personne pour garantir le versement dâune pension alimentaire, ou des dossiers dĂ©taillĂ©s sur son handicap pour percevoir les prestations dâassurance invaliditĂ© de la SĂ©curitĂ© socialeâ, rappelle Sarah Esty, ancienne conseillĂšre principale pour la technologie et la prestation de services au ministĂšre amĂ©ricain de la SantĂ© et des Services sociaux. âIls ont agi ainsi en Ă©tant convaincus que le gouvernement protĂ©gerait ces donnĂ©es et que seules les personnes autorisĂ©es et absolument nĂ©cessaires Ă la prestation des services y auraient accĂšs. Si ces garanties sont violĂ©es, ne serait-ce quâune seule fois, la population perdra confiance dans le gouvernement, ce qui compromettra Ă jamais sa capacitĂ© Ă gĂ©rer ces servicesâ. Câest exactement lĂ oĂč lâAmĂ©rique est plongĂ©e. Et le risque, devant nous, est que ce qui se passe aux Etats-Unis devienne un modĂšle pour saper partout les garanties et la protection des donnĂ©es personnelles.
Hubert Guillaud