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  • ✇Alexandre Dumas, historien québécois
  • Vers une nouvelle nuit des longs couteaux?
    Une élue locale démocrate de l’État du Minnesota a été assassiné avec son époux à son domicile. Un autre a été victime d’une tentative de meurtre. Si on ne s’inquiétait pas déjà, ce serait le bon moment est le bon moment de commencer. Pendant sa campagne en 2024, Donald Trump s’est engagé plusieurs fois à faire un mauvais sort à ses adversaires politiques. Il a promis des enquêtes sur Joe Biden, Kamala Harris, Barack Obama et Liz Cheney. Il a laissé entendre que la garde nationale pourrait de
     

Vers une nouvelle nuit des longs couteaux?

14 juin 2025 à 11:47

Une élue locale démocrate de l’État du Minnesota a été assassiné avec son époux à son domicile. Un autre a été victime d’une tentative de meurtre. Si on ne s’inquiétait pas déjà, ce serait le bon moment est le bon moment de commencer.

Pendant sa campagne en 2024, Donald Trump s’est engagé plusieurs fois à faire un mauvais sort à ses adversaires politiques. Il a promis des enquêtes sur Joe Biden, Kamala Harris, Barack Obama et Liz Cheney. Il a laissé entendre que la garde nationale pourrait devoir sévir contre les démocrates qui allaient voler l’élection. « They are so bad and frankly, they’re evil. They’re evil. » Cette semaine, il a déclaré que la police de l’immigration devrait arrêter Gavin Newsom, le gouverneur de la Californie, qui a osé critiquer son envoi de l’armée pour arrêter les manifestations à Los Angeles. Le sénateur Alex Padilla, démocrate, a été violemment expulsé d’une conférence de presse par des agents du FBI alors qu’il posait une question à la secrétaire de la Sécurité intérieure, Kristi Noem. Est-ce qu’on se dirige vers une Nuit des longs couteaux à l’américaine?

La Nuit des longs couteaux, c’est la première série de crimes publics du gouvernement nazi. C’est l’illustration de la fin définitive de l’état de droit en Allemagne hitlérienne.

Contexte: Nous sommes en juin 1934. Adolf Hitler est chancelier (premier ministre) de l’Allemagne depuis janvier 1933, mais il partage son pouvoir avec les conservateurs, qui dirigent la plupart des ministères. Il se retrouve coincé entre les révolutionnaires nazis, qui veulent accélérer la mise en place de l’ordre nouveau, et les conservateurs, qui dénoncent la violence et le culte grandissant de la personnalité hitlérienne.

Les révolutionnaires se trouvent principalement au sein de la Sturmabteilung (SA), des sections armées qui agressaient et intimidaient les adversaires politiques, les syndicats et les Juifs. Pour faciliter l’accession d’Hitler au pouvoir, les SA provoquaient et agressaient les militants communistes. Hitler blâmait les communistes pour la violence et promettait de ramener la paix.

La SA était détestée par une grande partie de la population. Les conservateurs détestaient cette école de révolutionnaires. Les militaires soupçonnaient (avec raison) la SA de vouloir s’instaurer comme armée allemande. Plusieurs chefs de la SA étaient ouvertement homosexuels, ce qui scandalisait les puritains. De manière générale, la population n’appréciait pas la barbarie de ce groupe paramilitaire. Hitler devait éliminer ce groupe qui l’avait amené au pouvoir mais qui était devenu encombrant.

Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1934, les chefs de la SA sont arrêtés et exécutés. Les nazis ont inventé de toute pièce un complot visant à assassiner Hitler et à renverser le gouvernement. Hitler profite de l’occasion pour éliminer des adversaires politiques, des rivaux et des éléments gênants. On retrouve parmi les victimes:

  • Franz von Papen, vice-chancelier et chef de la faction conservatrice, qui critiquait ouvertement les abus de pouvoir d’Hitler et la violence avec laquelle il exerçait son autorité. Placé en détention préventive. Il survit parce qu’il était une personnalité internationale et que son assassinat aurait eu des répercussions majeures.
  • Edgar Jung, intellectuel conservateur et rédacteur de discours pour Papen. Placé en détention préventive le 25 juin, puis assassiné.
  • Herbert von Bose, attaché de presse de Papen, assassiné lors d’une descente de la Gestapo au bureau du vice-chancelier.
  • Gregor Strasser, ancien organisateur du parti nazi qui s’est brouillé avec Hitler. Arrêté puis abattu dans sa cellule au siège de la Gestapo.
  • Kurt von Schleicher, prédécesseur d’Hitler comme chancelier d’Allemagne, politicien conservateur qui préparait son retour en politique. Assassiné avec sa femme à son domicile. Joseph Goebbels qualifie la mort d’Elisabeth von Schleicher de malheureux accident.
  • Le général Ferdinand von Bredow, qui préparait le retour en politique de Schleicher. Tiré à bout portant en répondant à la porte de sa maison.
  • Gustav Ritter von Kahr, ancien gouverneur de Bavière. Il avait quitté la politique depuis plusieurs années et s’était retiré dans l’anonymat, mais Hitler ne lui avait jamais pardonné son rôle dans l’échec du putsch de la Brasserie de Munich en 1923. Assassiné à Dachau.
  • Le journaliste Fritz Gerlich, un des principaux critiques d’Hitler dans la presse. Détenu à Dachau depuis mars 1933, il est exécuté pendant la Nuit des longs couteaux.

Toutes les victimes sont accusées de s’être impliquées dans le complot de la SA. Accusations farfelues, mais qui ont passé le test de l’opinion publique. Le président allemand, Paul von Hindenburg, adresse un télégramme à Hitler pour le remercier d’avoir « sauvé le peuple allemand d’un grave danger » (il est douteux que le président ait écrit le télégramme lui-même). La population se préoccupe peu des assassinats politiques. Elle se réjouit que la barbarie de la SA ait été mâtée. Hitler avait provoqué la violence et devenait maintenant le héros du peuple parce qu’il y avait mis fin.

Hitler incarnait désormais la nation. Ses ennemis étaient les ennemis de l’Allemagne, donc des traîtres qui ne méritaient aucun droit civil. La Nuit des longs couteaux, on le sait, n’était que le début de la violence qui allait s’emparer de l’Allemagne, puis de toute l’Europe. Ce qui est consternant, c’est l’indifférence, voire la satisfaction avec laquelle le peuple allemand a pris connaissance de ces terribles abus de pouvoir. Espérons que les Américains sachent mieux réagir.

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    Une élue locale démocrate de l’État du Minnesota a été assassiné avec son époux à son domicile. Un autre a été victime d’une tentative de meurtre. Si on ne s’inquiétait pas déjà, ce serait le bon moment est le bon moment de commencer. Pendant sa campagne en 2024, Donald Trump s’est engagé plusieurs fois à faire un mauvais sort à ses adversaires politiques. Il a promis des enquêtes sur Joe Biden, Kamala Harris, Barack Obama et Liz Cheney. Il a laissé entendre que la garde nationale pourrait de
     

Vers une nouvelle nuit des longs couteaux?

14 juin 2025 à 11:47

Une élue locale démocrate de l’État du Minnesota a été assassiné avec son époux à son domicile. Un autre a été victime d’une tentative de meurtre. Si on ne s’inquiétait pas déjà, ce serait le bon moment est le bon moment de commencer.

Pendant sa campagne en 2024, Donald Trump s’est engagé plusieurs fois à faire un mauvais sort à ses adversaires politiques. Il a promis des enquêtes sur Joe Biden, Kamala Harris, Barack Obama et Liz Cheney. Il a laissé entendre que la garde nationale pourrait devoir sévir contre les démocrates qui allaient voler l’élection. “They are so bad and frankly, they’re evil. They’re evil.” Cette semaine, il a déclaré que la police de l’immigration devrait arrêter Gavin Newsom, le gouverneur de la Californie, qui a osé critiquer son envoi de l’armée pour arrêter les manifestations à Los Angeles. Le sénateur Alex Padilla, démocrate, a été violemment expulsé d’une conférence de presse par des agents du FBI alors qu’il posait une question à la secrétaire de la Sécurité intérieure, Kristi Noem. Est-ce qu’on se dirige vers une Nuit des longs couteaux à l’américaine?

La Nuit des longs couteaux, c’est la première série de crimes publics du gouvernement nazi. C’est l’illustration de la fin définitive de l’état de droit en Allemagne hitlérienne.

Contexte: Nous sommes en juin 1934. Adolf Hitler est chancelier (premier ministre) de l’Allemagne depuis janvier 1933, mais il partage son pouvoir avec les conservateurs, qui dirigent la plupart des ministères. Il se retrouve coincé entre les révolutionnaires nazis, qui veulent accélérer la mise en place de l’ordre nouveau, et les conservateurs, qui dénoncent la violence et le culte grandissant de la personnalité hitlérienne.

Les révolutionnaires se trouvent principalement au sein de la Sturmabteilung (SA), des sections armées qui agressaient et intimidaient les adversaires politiques, les syndicats et les Juifs. Pour faciliter l’accession d’Hitler au pouvoir, les SA provoquaient et agressaient les militants communistes. Hitler blâmait les communistes pour la violence et promettait de ramener la paix.

La SA était détestée par une grande partie de la population. Les conservateurs détestaient cette école de révolutionnaires. Les militaires soupçonnaient (avec raison) la SA de vouloir s’instaurer comme armée allemande. Plusieurs chefs de la SA étaient ouvertement homosexuels, ce qui scandalisait les puritains. De manière générale, la population n’appréciait pas la barbarie de ce groupe paramilitaire. Hitler devait éliminer ce groupe qui l’avait amené au pouvoir mais qui était devenu encombrant.

Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1934, les chefs de la SA sont arrêtés et exécutés. Les nazis ont inventé de toute pièce un complot visant à assassiner Hitler et à renverser le gouvernement. Hitler profite de l’occasion pour éliminer des adversaires politiques, des rivaux et des éléments gênants. On retrouve parmi les victimes:

  • Franz von Papen, vice-chancelier et chef de la faction conservatrice, qui critiquait ouvertement les abus de pouvoir d’Hitler et la violence avec laquelle il exerçait son autorité. Placé en détention préventive. Il survit parce qu’il était une personnalité internationale et que son assassinat aurait eu des répercussions majeures.
  • Edgar Jung, intellectuel conservateur et rédacteur de discours pour Papen. Placé en détention préventive le 25 juin, puis assassiné.
  • Herbert von Bose, attaché de presse de Papen, assassiné lors d’une descente de la Gestapo au bureau du vice-chancelier.
  • Gregor Strasser, ancien organisateur du parti nazi qui s’est brouillé avec Hitler. Arrêté puis abattu dans sa cellule au siège de la Gestapo.
  • Kurt von Schleicher, prédécesseur d’Hitler comme chancelier d’Allemagne, politicien conservateur qui préparait son retour en politique. Assassiné avec sa femme à son domicile. Joseph Goebbels qualifie la mort d’Elisabeth von Schleicher de malheureux accident.
  • Le général Ferdinand von Bredow, qui préparait le retour en politique de Schleicher. Tiré à bout portant en répondant à la porte de sa maison.
  • Gustav Ritter von Kahr, ancien gouverneur de Bavière. Il avait quitté la politique depuis plusieurs années et s’était retiré dans l’anonymat, mais Hitler ne lui avait jamais pardonné son rôle dans l’échec du putsch de la Brasserie de Munich en 1923. Assassiné à Dachau.
  • Le journaliste Fritz Gerlich, un des principaux critiques d’Hitler dans la presse. Détenu à Dachau depuis mars 1933, il est exécuté pendant la Nuit des longs couteaux.

Toutes les victimes sont accusées de s’être impliquées dans le complot de la SA. Accusations farfelues, mais qui ont passé le test de l’opinion publique. Le président allemand, Paul von Hindenburg, adresse un télégramme à Hitler pour le remercier d’avoir “sauvé le peuple allemand d’un grave danger” (il est douteux que le président ait écrit le télégramme lui-même). La population se préoccupe peu des assassinats politiques. Elle se réjouit que la barbarie de la SA ait été mâtée. Hitler avait provoqué la violence et devenait maintenant le héros du peuple parce qu’il y avait mis fin.

Hitler incarnait désormais la nation. Ses ennemis étaient les ennemis de l’Allemagne, donc des traîtres qui ne méritaient aucun droit civil. La Nuit des longs couteaux, on le sait, n’était que le début de la violence qui allait s’emparer de l’Allemagne, puis de toute l’Europe. Ce qui est consternant, c’est l’indifférence, voire la satisfaction avec laquelle le peuple allemand a pris connaissance de ces terribles abus de pouvoir. Espérons que les Américains sachent mieux réagir.

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  • L’État au-dessus des lois
    Une juge arrêtée. Un registre national des personnes sur le spectre de l’autisme. Des poursuites contre les médecins qui opèrent des transitions de genre et un portail web pour « dénoncer » les médecins, les cliniques et les hôpitaux qui opèrent des chirurgies de transition. Ouverture d’un camp de concentration au Salvador. Le mois d’avril a donné amplement de matériel pour comparer le trumpisme au nazisme. Je vais me contenter de vous parler de l’action T4, qui regroupe un peu tout ça. L
     

L’État au-dessus des lois

1 mai 2025 à 06:33

Une juge arrêtée. Un registre national des personnes sur le spectre de l’autisme. Des poursuites contre les médecins qui opèrent des transitions de genre et un portail web pour « dénoncer » les médecins, les cliniques et les hôpitaux qui opèrent des chirurgies de transition. Ouverture d’un camp de concentration au Salvador. Le mois d’avril a donné amplement de matériel pour comparer le trumpisme au nazisme. Je vais me contenter de vous parler de l’action T4, qui regroupe un peu tout ça.

L’obsession d’Adolf Hitler pour la pureté raciale impliquait l’élimination des personnes atteintes de maladies incurables, en particulier les maladies héréditaires. L’idée était simple: il fallait empêcher ces personnes de se reproduire pour que le peuple allemand devienne plus fort. Hitler n’était pas le seul dans les années 1920 à promouvoir la « destruction de la vie qui ne mérite pas de vivre ». Le débat avait cours au sein de la profession médicale, même si l’écrasante majorité des médecins s’y opposaient.

Après l’arrivée des nazis au pouvoir, le chef des médecins du Reich, Gerhard Wagner, demande à Hitler la permission de lancer un programme « d’euthanasie ». Hitler lui demande d’attendre le début de la guerre. Ce sera alors plus facile de rallier la population. En attendant, Wagner lance une campagne de propagande. Entre 1935 et 1939, il publie des statistiques sur le coût de l’entretien des malades mentaux et des victimes de maladies héréditaires. Des films sont produits. Wagner fait rêver à tout ce que les Allemands pourraient faire si de telles ressources n’étaient pas ainsi « gaspillées » pour entretenir des personnes qui souffrent de leur état. Difficile de ne pas faire un lien avec Robert F. Kennedy Jr. qui nous dit que les enfants autistes sont des fardeaux qui n’auront jamais d’emploi et ne paieront jamais d’impôts, qui ne joueront jamais au baseball et ne seront jamais amoureux.

Le premier meurtre a lieu en juillet 1939. Le père d’un enfant gravement handicapé (né aveugle avec un seul bras et une jambe difforme) demande la permission de « délivrer » son enfant par euthanasie. Karl Brandt, le médecin d’Hitler, examine l’enfant lui-même et autorise la mise à mort. Hitler donne la « permission » de faire de même dans d’autres situations. Les médecins, infirmières et sages-femmes sont désormais obligés de signaler les nouveaux-nés et les enfants de moins de trois ans présentant les symptômes d’un handicap physique ou mental grave. La « commission du Reich pour l’enregistrement scientifique des souffrances héréditaires et congénitales graves » aurait assassiné entre 5000 et 8000 enfants par injection.

En septembre 1939, alors que l’armée allemande envahit la Pologne, Hitler ordonne la mise en marche de l’action T4, qui consiste à identifier les malades incurables et à les transporter dans des asiles où ils seraient assassinés par les médecins. L’action T4 se déroule en-dehors de tout cadre légal. Aucune loi n’est adoptée. Aucun des ministres d’Hitler ne participe à l’élaboration du plan. Tout se fait par décret.

Le juge Lothar Kreyssig constate que les certificats de décès de personnes mentalement handicapées s’accumulent et commence à se douter de la vérité. Il proteste auprès du ministre de la Justice, Franz Gürtner, contre les prétendues euthanasies. Il lui dit que même la volonté d’Hitler ne peut transformer le mal en bien. Gürtner lui répond: « Si vous ne reconnaissez pas la volonté du Führer comme une source de loi, comme une base de la loi, vous ne sauriez rester juge. » Kreyssig est mis à la retraite peu de temps après. Encore une fois, le parallèle est facile. La volonté du chef d’État se substitue désormais à la loi et au droit. Les juges dont les décisions ne reflètent pas la vérité du Fuhrer / président sont des traîtres dont il faut se débarrasser. Pour l’anecdote, Kreyssig a caché des femmes juives sur sa ferme jusqu’à la fin de la guerre.

L’action T4 prend fin à l’automne 1941. Le gouvernement réalise que la guerre pourrait durer encore longtemps et on commence à craindre que l’opération ait un impact sur le moral de la population. Malgré tous les efforts pour garder l’action secrète, il commence à être difficile de cacher la mort des 70 000 à 90 000 patients « euthanasiés ». La plupart des protestations viennent des églises. Le cardinal von Galen, évêque de Münster, dénonce l’action d’euthanasie dans une série de sermons. Les nazis souhaitent le faire arrêter, mais Hitler craint de dresser les catholiques contre son gouvernement au moment où commence la guerre avec l’Union soviétique.

L’élimination systématique des personnes malades et handicapées va se poursuivre à l’extérieur du territoire allemand, dans les territoires où personne ne peut protester.

Chaque fois que je compare Donald Trump à Adolf Hitler, des trumpistes me répondent que la comparaison n’est pas valable puisque Hitler a fait tuer des millions de personnes. Comme si les chambres à gaz du camp d’Auschwitz avaient commencé à opérer le lendemain de l’accession d’Hitler au pouvoir. Il a d’abord fallu neutraliser l’État de droit et habituer toute une nation à considérer que la volonté du chef est le seul critère de ce qui est acceptable ou non. C’est bien ce qui se passe aux États-Unis depuis 100 jours.

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    Une juge arrêtée. Un registre national des personnes sur le spectre de l’autisme. Des poursuites contre les médecins qui opèrent des transitions de genre et un portail web pour “dénoncer” les médecins, les cliniques et les hôpitaux qui opèrent des chirurgies de transition. Ouverture d’un camp de concentration au Salvador. Le mois d’avril a donné amplement de matériel pour comparer le trumpisme au nazisme. Je vais me contenter de vous parler de l’action T4, qui regroupe un peu tout ça. L’o
     

L’État au-dessus des lois

1 mai 2025 à 06:33

Une juge arrêtée. Un registre national des personnes sur le spectre de l’autisme. Des poursuites contre les médecins qui opèrent des transitions de genre et un portail web pour “dénoncer” les médecins, les cliniques et les hôpitaux qui opèrent des chirurgies de transition. Ouverture d’un camp de concentration au Salvador. Le mois d’avril a donné amplement de matériel pour comparer le trumpisme au nazisme. Je vais me contenter de vous parler de l’action T4, qui regroupe un peu tout ça.

L’obsession d’Adolf Hitler pour la pureté raciale impliquait l’élimination des personnes atteintes de maladies incurables, en particulier les maladies héréditaires. L’idée était simple: il fallait empêcher ces personnes de se reproduire pour que le peuple allemand devienne plus fort. Hitler n’était pas le seul dans les années 1920 à promouvoir la “destruction de la vie qui ne mérite pas de vivre”. Le débat avait cours au sein de la profession médicale, même si l’écrasante majorité des médecins s’y opposaient.

Après l’arrivée des nazis au pouvoir, le chef des médecins du Reich, Gerhard Wagner, demande à Hitler la permission de lancer un programme “d’euthanasie”. Hitler lui demande d’attendre le début de la guerre. Ce sera alors plus facile de rallier la population. En attendant, Wagner lance une campagne de propagande. Entre 1935 et 1939, il publie des statistiques sur le coût de l’entretien des malades mentaux et des victimes de maladies héréditaires. Des films sont produits. Wagner fait rêver à tout ce que les Allemands pourraient faire si de telles ressources n’étaient pas ainsi “gaspillées” pour entretenir des personnes qui souffrent de leur état. Difficile de ne pas faire un lien avec Robert F. Kennedy Jr. qui nous dit que les enfants autistes sont des fardeaux qui n’auront jamais d’emploi et ne paieront jamais d’impôts, qui ne joueront jamais au baseball et ne seront jamais amoureux.

Le premier meurtre a lieu en juillet 1939. Le père d’un enfant gravement handicapé (né aveugle avec un seul bras et une jambe difforme) demande la permission de “délivrer” son enfant par euthanasie. Karl Brandt, le médecin d’Hitler, examine l’enfant lui-même et autorise la mise à mort. Hitler donne la “permission” de faire de même dans d’autres situations. Les médecins, infirmières et sages-femmes sont désormais obligés de signaler les nouveaux-nés et les enfants de moins de trois ans présentant les symptômes d’un handicap physique ou mental grave. La “commission du Reich pour l’enregistrement scientifique des souffrances héréditaires et congénitales graves” aurait assassiné entre 5000 et 8000 enfants par injection.

En septembre 1939, alors que l’armée allemande envahit la Pologne, Hitler ordonne la mise en marche de l’action T4, qui consiste à identifier les malades incurables et à les transporter dans des asiles où ils seraient assassinés par les médecins. L’action T4 se déroule en-dehors de tout cadre légal. Aucune loi n’est adoptée. Aucun des ministres d’Hitler ne participe à l’élaboration du plan. Tout se fait par décret.

Le juge Lothar Kreyssig constate que les certificats de décès de personnes mentalement handicapées s’accumulent et commence à se douter de la vérité. Il proteste auprès du ministre de la Justice, Franz Gürtner, contre les prétendues euthanasies. Il lui dit que même la volonté d’Hitler ne peut transformer le mal en bien. Gürtner lui répond: “Si vous ne reconnaissez pas la volonté du Führer comme une source de loi, comme une base de la loi, vous ne sauriez rester juge.” Kreyssig est mis à la retraite peu de temps après. Encore une fois, le parallèle est facile. La volonté du chef d’État se substitue désormais à la loi et au droit. Les juges dont les décisions ne reflètent pas la vérité du Fuhrer / président sont des traîtres dont il faut se débarrasser. Pour l’anecdote, Kreyssig a caché des femmes juives sur sa ferme jusqu’à la fin de la guerre.

L’action T4 prend fin à l’automne 1941. Le gouvernement réalise que la guerre pourrait durer encore longtemps et on commence à craindre que l’opération ait un impact sur le moral de la population. Malgré tous les efforts pour garder l’action secrète, il commence à être difficile de cacher la mort des 70 000 à 90 000 patients “euthanasiés”. La plupart des protestations viennent des églises. Le cardinal von Galen, évêque de Münster, dénonce l’action d’euthanasie dans une série de sermons. Les nazis souhaitent le faire arrêter, mais Hitler craint de dresser les catholiques contre son gouvernement au moment où commence la guerre avec l’Union soviétique.

L’élimination systématique des personnes malades et handicapées va se poursuivre à l’extérieur du territoire allemand, dans les territoires où personne ne peut protester.

Chaque fois que je compare Donald Trump à Adolf Hitler, des trumpistes me répondent que la comparaison n’est pas valable puisque Hitler a fait tuer des millions de personnes. Comme si les chambres à gaz du camp d’Auschwitz avaient commencé à opérer le lendemain de l’accession d’Hitler au pouvoir. Il a d’abord fallu neutraliser l’État de droit et habituer toute une nation à considérer que la volonté du chef est le seul critère de ce qui est acceptable ou non. C’est bien ce qui se passe aux États-Unis depuis 100 jours.

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  • L’Ukraine de 2025 et la Pologne de 1939
    Mes comparaisons entre Trump et Hitler heurtent beaucoup de gens, mais soyons honnêtes: Trump me sert les comparaisons sur un plateau d’argent. Donald Trump réclame 500 milliards de dollars à l’Ukraine parce qu’il considère l’aide militaire accordée par les États-Unis depuis le début de l’invasion russe comme un prêt. Disons-le d’emblée: le montant est extravagant et ne correspond pas à la réalité. Selon la source, l’aide militaire des États-Unis à l’Ukraine s’évaluerait quelque part entre 12
     

L’Ukraine de 2025 et la Pologne de 1939

1 mars 2025 à 08:38

Mes comparaisons entre Trump et Hitler heurtent beaucoup de gens, mais soyons honnêtes: Trump me sert les comparaisons sur un plateau d’argent.

Donald Trump réclame 500 milliards de dollars à l’Ukraine parce qu’il considère l’aide militaire accordée par les États-Unis depuis le début de l’invasion russe comme un prêt. Disons-le d’emblée: le montant est extravagant et ne correspond pas à la réalité. Selon la source, l’aide militaire des États-Unis à l’Ukraine s’évaluerait quelque part entre 120 et 183 milliards de dollars américains.

Puisque le remboursement en espèces est évidemment impossible (le produit intérieur brut de l’Ukraine en 2023 était de 179 milliards de dollars américains), le président américain veut se servir dans les ressources minières ukrainiennes. Plus précisément, il réclame 50% des revenus de l’extraction minière en Ukraine. Trump considère aussi que l’Ukraine doit céder des territoires à la Russie puisqu’il considère l’Ukraine responsable de la guerre et les Russes méritent une récompense pour toutes les vies de soldats sacrifiées. Vladimir Poutine revendique quatre régions de l’est et du sud de l’Ukraine en plus de la Crimée, annexée en 2014. L’Ukraine doit également renoncer à rejoindre l’OTAN, bref renoncer à compter sur l’aide militaire étrangère pour défendre les restes de son pays démembré.

Donald Trump et Vladimir Poutine se partagent l’Ukraine de la même façon qu’Adolf Hitler et Joseph Staline se sont partagé la Pologne en 1939. Les puissances occidentales se fiaient sur la rivalité entre l’Allemagne et l’Union soviétique pour contenir l’expansion territoriale de l’Allemagne vers l’est, mais dans ce cas-ci les considérations pratiques l’emportèrent sur l’idéologie. Joseph Staline avait beau être l’ennemi numéro un des nazis, Hitler ne pouvait s’empêcher d’admirer le chef soviétique, qu’il considérait comme « le Genghis Khan des temps modernes ».

Au printemps 1939 commencent des rapprochements entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Le traité de Versailles de 1919 avait accordé à la nouvelle république de Pologne le couloir de Dantzig, qui permettait à la Pologne de rejoindre la mer Baltique. Le couloir était une aberration géographique puisqu’il séparait l’Allemagne en deux. En 1939, les Allemands considéraient toujours que Dantzig leur appartenait et qu’elle devait être réintégrée à l’Allemagne. Pour ajouter du poids à ses exigences territoriales, Hitler, le ministre de la propagande Joseph Goebbels et le ministre des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop fabriquent de toute pièce des accusations de persécution de la minorité allemande par les Polonais. Hitler prétend vouloir sauver les Allemands de la tyrannie polonaise. En réalité, l’Allemagne était en difficulté économique et souhaitait surtout s’emparer des ressources naturelles et de l’industrie polonaises.

De son côté, Staline veut éviter un conflit militaire avec l’Allemagne. L’armée soviétique est désorganisée après les purges staliniennes de 1937-1938 et n’est pas prête pour un grand conflit. En revanche, elle est tout à fait prête à envahir un petit État comme la Pologne.

Le 23 août 1939 se signe le Pacte germano-soviétique ou pacte Ribbentrop-Molotov (du nom des deux ministres des Affaires étrangers, Joachim von Ribbentrop et Viatcheslav Molotov). L’Allemagne et l’Union soviétique signent un traité de non-agression, s’entendent sur le partage du territoire polonais et signent une entente commerciale. L’Union soviétique échangerait les ressources naturelles dont son immense territoire regorgeait contre des produits manufacturés par l’industrie allemande.

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit l’ouest de la Pologne. Le 17 septembre l’Union soviétique envahit l’est. Le 6 octobre, l’invasion est terminée. On connaît la suite.

Dans le scénario actuel, Poutine joue davantage le rôle d’Hitler que celui de Staline. Avec le pacte germano-soviétique, Hitler voulait empêcher le rapprochement entre l’URSS et les puissances occidentales. Aujourd’hui, c’est surtout Poutine qui utilise Trump pour empêcher l’union des forces occidentales. Sans l’URSS de leur côté, la France et la Grande-Bretagne pouvaient difficilement empêcher l’expansionisme allemand en Europe. Sans les États-Unis de leur côté, les pays de l’OTAN peuvent difficilement contenir l’expansionisme russe.

Évidemment le contexte n’est pas le même. La Russie est déjà en guerre avec l’Ukraine. Il est très peu probable que les États-Unis finissent par envahir la Russie ou inversement. L’histoire devrait au moins nous avoir appris que les tyrans ne respectent que la force. Comme Hitler et Staline, Trump et Poutine défient le reste de la planète un pas à la fois pour voir jusqu’où ils peuvent aller avant qu’on ne cherche à les arrêter. Quand la France et la Grande-Bretagne se sont décidés à intervenir, Hitler avait déjà annexé l’Autriche, démembré la Tchécoslovaquie et envahi la Pologne. Les États-Unis, rappelons-le, ne sont intervenus que lorsque la guerre s’est transportée jusqu’à eux.

Je rêve probablement, mais j’ose espérer que nous n’attendrons pas aussi longtemps que les Alliés de la Seconde Guerre mondiale avant de mettre le pied à terre.

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