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  • Quand le ROSEQ se fait phoquer
    Chaque automne, en octobre, le Réseau des Organisateurs de Spectacles de l’Est-du-Québec (ROSEQ) débarque à Rimouski avec ses valises pleines de cartes d’affaires, de costards-cravates et de techniques discursives. Les diffuseurs se retrouvent, les artistes se montrent sous leur meilleur jour, et la machine culturelle tourne pour le mieux dans le meilleur des mondes. Enfin… presque. Car depuis trois ans, un invité un peu plus subversif s’invite dans le décor : le Phoque OFF. Ce festival de
     

Quand le ROSEQ se fait phoquer

23 octobre 2025 à 12:10

Chaque automne, en octobre, le Réseau des Organisateurs de Spectacles de l’Est-du-Québec (ROSEQ) débarque à Rimouski avec ses valises pleines de cartes d’affaires, de costards-cravates et de techniques discursives. Les diffuseurs se retrouvent, les artistes se montrent sous leur meilleur jour, et la machine culturelle tourne pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Enfin… presque.

Car depuis trois ans, un invité un peu plus subversif s’invite dans le décor : le Phoque OFF. Ce festival de Québec, mi-vitrine mi-viking, profite du grand rassemblement pour installer ses amplis et ses idées de travers aux Bains Publics. Pas de tapis rouge ici : juste un plancher en bois magané qui vibre sous les basses, un public collé-serré, et des artistes qui se foutent bien de savoir si vous êtes directrice de prog ou étudiant à l’IMQ. 

Du 15 au 18 octobre, le Phoque OFF prend d’assaut les Bains Publics. La première salle est ouverte à toutes et à tous, mais pour les performances… disons que les places sont limitées. Les plus rapides seront collés à la scène, les autres colleront l’oreille aux murs. Ça reste quand même un bon moment pour rencontrer des musiciens étrangers qui voudront te battre à Tetris sur la vieille TV du bar.

Le Phoque OFF, c’est le genre de bête qui ne demande pas  de permission pour exister. Son but : donner la parole aux marginaux de la musique, aux styles qui ne cochent pas toutes les cases des grilles Excel des diffuseurs. Ce n’est pas une « offre culturelle », c’est un coup de coude dans les côtes du grand follow spot, un rappel que la musique vit aussi loin des circuits officiels et des pitchs d’ascenseur de gérant d’artiste en quête de signatures.

Et les Bains Publics? C’est la tanière parfaite. Ici, on ne joue pas à faire semblant d’être plus gros qu’on est. On joue pour vrai. On boit une bière avec les musiciens après le show. On rit trop fort sur de la musique qu’on aime écouter trop forte. On se serre dans une salle trop petite et on discute jusqu’aux trop petites heures du matin. Bref, on vit la musique autrement.

Trois automnes que ça dure et, chaque année, ça devient un peu plus incontournable. Certains diffuseurs passent  « juste pour voir »… et finissent par rester toute la soirée. Comme quoi, même dans le milieu culturel, découvrir la nouveauté dans un environnement déjanté, ça peut aussi faire du bien.

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  • Changement de culture: Mon moyen de transport n’est pas alternatif
    Je n’ai plus de permis de conduire. Pas qu’on me l’ait retiré à force d’infractions; j’ai choisi d’arrêter de le payer et de plutôt grossir le nombre de personnes sans ce permis au Québec. L’auto (surtout solo, surtout thermique, mais même électrique) est pour moi vestige d’une civilisation déjà morte – j’en ai déjà parlé. En tant que non-automobiliste, j’ai évidemment opté pour des transports dits « alternatifs » [sic] lors de mes voyages de l’été, dont à Montréal. La grand’ ville à bicyclet
     

Changement de culture: Mon moyen de transport n’est pas alternatif

22 octobre 2025 à 06:41

Je n’ai plus de permis de conduire. Pas qu’on me l’ait retiré à force d’infractions; j’ai choisi d’arrêter de le payer et de plutôt grossir le nombre de personnes sans ce permis au Québec. L’auto (surtout solo, surtout thermique, mais même électrique) est pour moi vestige d’une civilisation déjà morte – j’en ai déjà parlé. En tant que non-automobiliste, j’ai évidemment opté pour des transports dits « alternatifs » [sic] lors de mes voyages de l’été, dont à Montréal.

La grand’ ville à bicyclette1

Trente-cinq degrés au thermomètre à Montréal. Le seul moyen de transport qui fournit sa propre brise sans réchauffer le climat, c’est la bicyclette. Pendant quelques semaines, ma passe Bixi2 m’a donné accès à des bicyclettes en libre-service, parfois électriques mais idéalement à l’« huile de mollet3 », pour parcourir la ville, de Côte-des-Neiges jusqu’à Mercier. Je n’avais qu’à trimbaler mon casque et trouver une station pourvue en bicyclettes – et à me rabattre sur le métro en cas d’orage.

L’usage de la bicyclette en tant que moyen de locomotion (et non moyen de balade ni déco de toit de char) est entré dans les mœurs montréalaises; je l’ai constaté en parcourant ses pistes cyclables, dont le REV à deux voies sur Saint-Denis, ses rues partagées et ses raccourcis ombragés (la piste des Carrières). À chacun de mes 47 trajets (dixit Bixi; certains de plus de 45 minutes), je me suis sentie en sécurité, protégée par le grand nombre de cyclistes et légitimée par toutes ces bicyclettes avec chevrons peintes au pochoir sur la chaussée, comme on en voit à Rimouski sur la vieille Saint-Germain.

Un train (que) la nuit

Je donne une chance (et un bras…) à VIA Rail en me rendant une fois par année à Montréal en train. Férue de trains japonais et européens, je m’entête à choisir ce moyen de transport, même s’il passe à Rimouski à 1 h 29 ou à 2 h 25… du matin. Ça, c’est quand il n’a pas une ou deux heures de retard, comme mon train de retour, arrivé au lever du soleil. Le départ avait eu un retard de deux heures, annoncé à coups de demi-heures ou de quarts d’heure, nous gardant prisonnières et prisonniers de la file d’attente.

Le train reste le moyen de transport par excellence pour contempler le paysage tout en pouvant se délier les jambes, faire des rencontres. Mais Rimouski souffre de se trouver au creux de la ligne Montréal-Halifax, et la position allongée, en couchette ou cabine, coûte plus de trois cents dollars l’aller.

On fait quoi?

On se véhicule à bicyclette, et on enrichit son rapport au temps, à son corps et à son milieu.

On lutte pour une meilleure desserte ferroviaire.

On quitte le XXe siècle en vendant son char et en renonçant à son permis de la SAAQ.

On lit

France Cayouette en regardant les arbres de la fenêtre du train (ou de l’autocar) : « Ils défilent à contre-courant. On dirait qu’ils rentrent au bercail d’un commun accord4. » Suivant les arbres, on devient la voyageuse qui rentre et « doit à présent apprendre à vivre », à « aim[er] nos lieux » et à les « défend[re]5 ».

On regarde

Des séries où les personnages ne passent pas leur temps dans un VUS ni un stationnement (Doute raisonnable) et où il n’y a pas qu’un personnage à vélo (celui de Roy Dupuis dans À cœur battant). Si vous connaissez des séries québécoises qui normalisent le transport à vélo ou en train, je suis preneuse.

1. Au XXe siècle, on employait plus volontiers « bicyclette » que « vélo » au Québec en registre standard. Je tente d’en réintégrer l’emploi.

2. Le Bixi est tellement intégré au paysage que j’ai entendu un bambin, pointant un vélo personnel, l’appeler, dans sa joie de désigner le monde : « Bixi! »

3. Expression repérée dans Alex Fontaine, « Faire du Bixi à Sherbrooke, une nouvelle façon de “vivre la ville” », Le Devoir, 11 août 2025, https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/908815/faire-bixi-sherbrooke-nouvelle-facon-vivre-ville

4. Arbres debout sur nos paupières, les éditions du passage, 2025, p. 30.

5. Rodolphe Christin, Peut-on voyager encore? Réflexions pour se rapprocher du monde, Écosociété, 2025, p. 75.

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  • Une tête en boule disco ou une poésie en kaléidoscope
    « Papa Maman je vous jure si j’avais un manuel d’instruction je vous le donnerais. » C’est bien ce que semble faire la poétesse rimouskoise Noémie Pomerleau-Cloutier avec son troisième recueil de poésie publié en octobre 2024 : elle fournit un manuel d’instruction. Après Brasser le varech et La patience du lichen, l’autrice se frotte à la littérature jeunesse en signant le recueil de poésie Tête boule disco qui s’adresse aux 13 à17 ans. Dans une suite de photographies poétiques divisées en si
     

Une tête en boule disco ou une poésie en kaléidoscope

21 octobre 2025 à 12:05

« Papa Maman je vous jure si j’avais un manuel d’instruction je vous le donnerais. » C’est bien ce que semble faire la poétesse rimouskoise Noémie Pomerleau-Cloutier avec son troisième recueil de poésie publié en octobre 2024 : elle fournit un manuel d’instruction.

Après Brasser le varech et La patience du lichen, l’autrice se frotte à la littérature jeunesse en signant le recueil de poésie Tête boule disco qui s’adresse aux 13 à17 ans. Dans une suite de photographies poétiques divisées en six sections chacune intitulée « Miroir », le lecteur suivra les tribulations d’un jeune neuro-atypique dans son quotidien difficile, entre l’aventure du diagnostic et ses impacts positifs de son changement d’école. On nous donne accès à ses pensées les plus intimes alors que nous n’avons aucune information précise sur son genre, sa nationalité ou son âge. Ce flou permet justement d’atteindre un potentiel d’identification universel et à chaque lecteur de se reconnaître dans le personnage, que le lecteur ou la lectrice soit neuro-atypique ou non.

Ce n’est sans doute donc pas un hasard si Pomerleau-Cloutier a changé de public cible pour cet ouvrage. Ce recueil est un phare pour les jeunes neuro-atypiques qui cherchent à se sentir représentés. Mais c’est aussi un accès direct à leur psyché, ce qui permet aux parents et aux amis de mieux comprendre leurs proches… pardon, leurs êtres aimés. En effet, Pomerleau-Cloutier exploite plusieurs enjeux de la réalité des jeunes neuro-atypiques, notamment l’utilisation du mot juste et exact.

L’autrice elle-même l’utilise d’ailleurs diablement bien, le langage. Ce recueil se caractérise par un florilège de phrases choc et d’images poétiques qui viennent croquer et colorier la psyché d’un individu neuro-atypique, prouvant que les reflets de la boule disco ne sont pas seulement dans le titre de l’œuvre. « Si on me laisse faire mon amour est un Niagara vous ne savez pas toujours naviguer le torrent mais entendez combien je vous aime geyser », « je voudrais pouvoir exprimer toutes les pensées tornades dans ma tête tous les volcans en éruption dans mon abdomen tous les tsunamis qui m’avalent entier » ou « je ne comprends pas qu’on préfère mentir et qu’on appelle ça des mensonges blancs le blanc c’est propre et les mensonges ça tache » en sont de bons exemples.

Le ton du recueil est très juste. Les répétitions savamment dosées et le vocabulaire employé font qu’on croit tout de suite au personnage[NL1] . On sent les recherches que l’autrice a faites et sa sensibilité. Bien que l’absence de ponctuation puisse compliquer la lecture, cette particularité participe à une impression de flot intarissable et de pensées qui vont trop vite pour la narration.

Pomerleau-Cloutier signe ici une œuvre importante. Parce qu’elle permet d’initier la jeunesse à la poésie québécoise, parce qu’elle permet à toute une portion de la population souvent oubliée et en cruelle recherche d’affirmation de se sentir représentée, parce qu’elle nous permet de nous mettre un instant à la place de ces jeunes, l’espace d’une lecture. La note d’espoir sur laquelle le recueil se termine est elle aussi infiniment essentielle.

À lire pour se sentir vu, pour muscler son empathie, ou pour simplement profiter d’une poésie choc et brillante.

Noémie Pomerleau-Cloutier, Tête boule disco, Boréal,2024, 104 p.


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  • ANATOMIE D’UNE IMPOSTURE: La guerre des civilisations
    Avez-vous constaté comme moi diverses variantes de cette affirmation dans l’actualité : Nous sommes dans un conflit entre les valeurs judéo-chrétiennes de l’Occident et celles de l’Orient teinté des couleurs de la religion musulmane.Cette opposition tire son origine des ramifications religieuses, historiques, territoriales de ces deux civilisations. Mais d’où vient cette opposition, est-elle véridique? Justifie-t-elle tous ces « préjugés » envers l’autre? Cette opposition semble présentement
     

ANATOMIE D’UNE IMPOSTURE: La guerre des civilisations

20 octobre 2025 à 06:50

Avez-vous constaté comme moi diverses variantes de cette affirmation dans l’actualité : Nous sommes dans un conflit entre les valeurs judéo-chrétiennes de l’Occident et celles de l’Orient teinté des couleurs de la religion musulmane.Cette opposition tire son origine des ramifications religieuses, historiques, territoriales de ces deux civilisations. Mais d’où vient cette opposition, est-elle véridique? Justifie-t-elle tous ces « préjugés » envers l’autre?

Cette opposition semble présentement faire l’affaire du gouvernement israélien, car elle est de plus en plus instrumentalisée par ses dirigeants dans la guerre qui l’oppose au Hamas. Une guerre au départ contre « un mouvement terroriste », devenue au fil des jours le prétexte d’un conflit contre le peuple palestinien (dont la majorité est musulmane).

La branche politique et militante Hamas a obtenu en toute légitimité en 2006 la majorité absolue au parlement palestinien et, comme on le sait, a déclenché le conflit actuel par une attaque sanglante contre Israël avec de nombreux otages le 7 octobre 2023. Une attaque-surprise pour les services de renseignements d’Israël, et un assaut fortement dénoncé par l’Occident et une partie du Moyen-Orient. À la suite de cette attaque, le président Netanyahou a refusé de mener une enquête officielle sur l’effondrement de la sécurité de son pays. Il a plutôt opté pour la guerre à Gaza et dans toute la région. Mais le peuple palestinien, des civils déplacés et emprisonnés dans la bande de Gaza sous la tutelle d’Israël depuis l’édification de cet État dans ces anciens territoires ottomans du Moyen-Orient, n’est pas responsable de cette vendetta ni de cette prise d’otages par une branche du Hamas. Pourtant cette population subit toutes les conséquences du conflit : des morts et des blessés par milliers, un nombre disproportionné (environ 60 000 morts) en raison des nombreux bombardements d’Israël. (C’est David contre Goliath.) Tout aussi disproportionnées sont la destruction des villes, la violence et la haine des forces israéliennes contre un peuple affamé qui n’a droit à l’aide humanitaire qu’au compte-gouttes. Cette population semble avoir perdu son droit au respect, son statut de peuple aux yeux de certains Occidentaux et de la plupart des juifs d’Israël et de plusieurs autres à l’international. Et  Israël sera lavé de toutes ces violences parce qu’il est assuré de l’innocence éternelle que lui accorde l’Occident à cause de son passé et des violences qu’ont subies les juifs avant et surtout durant la Seconde Guerre mondiale. Est-ce antisémite de le dire? Selon la définition opérationnelle de l’antisémitisme, il est permis « de critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État1 » et surtout ses dirigeants qui dépassent les règles humanitaires qui régissent ce qui caractérise l’idée de la civilisation autant que l’interprétation des crimes de guerre. La vengeance ne justifie pas cette escalade mortifère contre tout un peuple.

« Quand tu auras fini de détruire, tu seras détruit »

– Isaïe, prophète israélite

À propos de cette opposition de valeurs qui déforment notre perception de l’autre, tout particulièrement dans ce conflit au Moyen-Orient, je suis tombé sur un article éclairant2: un compte rendu du livre de Sophie Bessis La civilisation judéo-chrétienne. Anatomie d’une imposture3. Cette spécialiste du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne démontre « qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’associer, à cette histoire occidentale, que l’Islam se rapproche plus du judaïsme que du christianisme; que la référence à Abraham est constante dans le Coran (son nom y est plus souvent cité que celui du prophète Mohammed); que l’Arabie du VIIe siècle faisait partie intégrante du monde de l’Antiquité tardive hérité de Rome; que l’Empire musulman s’est édifié en empruntant au droit chrétien […]; qu’à partir du XIIe siècle, les universités chrétiennes sont profondément influencées par la pensée d’Averroès » ce théologien et lecteur critique, spécialiste d’Aristote et l’un des grands philosophes de la civilisation islamique. Ce que l’on sait moins aussi, c’est que les érudits de cette civilisation sont ceux par qui les « livres » des savoirs de l’Antiquité (philosophie, mathématique, médecine) ont été sauvés en partie et retranscrits et commentés en langue arabe et transmis au monde occidental loin après à partir des traductions latines vers la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance.

Pour Sophie Bessis, « au lieu de l’intégrer à la longue histoire des avatars successifs du monothéisme, l’universel judéo-chrétien […] renvoie l’islam à une altérité politiquement construite et lui désigne son territoire, celui de la spécificité ». Et depuis le 11 septembre 2001, on assiste d’après elle « à une expulsion civilisationnelle. La culture chrétienne construit, depuis lors, les musulmans en ennemis ». Nous n’en sommes évidemment pas encore sortis.

Comme le souligne le compte rendu : « Alors que les sociétés ˝occidentales » se sécularisent, celles du Sud restent gouvernées par la loi divine. » Selon Sophie Bessis, « deux régimes de vérités s’affrontent et la période coloniale de l’Occident va encore les séparer en abaissant l’islam au rang de ˝mentalité primitive » surtout quand plus tard l’islam radical produit un amalgame délétère qui constitue les musulmans d’Europe et d’Amérique en ˝ennemis de l’intérieur » ».

Ces oppositions, qui servent surtout à exclure, seraient donc depuis leur origine historique une imposture comme le démontre Sophie Bessis. « « Gréco-latine˝, c’était le nom du qualificatif de la civilisation occidentale au début de son histoire, bien avant certaines abominations chrétiennes contre la culture hellénique (païenne). » « Si on avait su, on aurait gardé » ce nom, comme l’écrit l’auteur Xavier de La Porte à la fin de son article sur le livre de Bessis.

Dans le contexte de la guerre que mène Israël, tous les juifs partout dans le monde sont hélas assimilés sans nuance à ce pays qui n’est le pays que d’une petite portion d’entre eux, ou encore pire, ils sont associés à ce régime violent d’extrême droite dirigé par Benyamin Netanyahou qui appuie son pouvoir sur les religieux ultraorthodoxes. Une situation, elle aussi, de plus en plus regrettable. Dès lors, il est important de prendre le temps de déconstruire tout ce qu’on nous dit de préjudiciable.

D’ailleurs bien des personnalités juives avec une grande portion du peuple israélien et d’autres dans le monde commencent à réagir, à indiquer qu’il est grand temps que ce gouvernement « criminel » d’Israël soit isolé, banni pour ses actions violentes et inacceptables contre le peuple palestinien, même si le président Trump (acoquiné à Netanyahou) n’est probablement pas du même avis, mais telle une girouette imprévisible, sentirait-il que le vent tourne?

1. Gouvernement du Canada, Guide canadien sur l’antisémitisme selon la définition opérationnelle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (AIMH), 2024.

2. Xavier de La Porte, « Pourquoi le concept de « civilisation judéo-chrétienne » est une erreur », Nouvel Obs,  23 mars 2025.

3. Sophie Bessis, La civilisation judéo-chrétienne. Anatomie d’une imposture, Les liens qui libèrent, 2025, 124 p.

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  • Regards obliques, une poésie qui résiste à l’oubli et au passé: Un héritage de l’exposition de 2024
    Regards obliques est un héritage, une trace laissée de l’exposition du même titre qui s’est tenue durant l’été 2024 à plusieurs endroits dans la Mitis : au Jardins de Métis, au Château Landry, à la bibliothèque Olivar-Asselin et à la galerie d’art Desjardins de l’UQAR.   Ce recueil de poésie publié chez Poètes de brousse rassemble une vingtaine d’œuvres des poétesses Anick Arsenault, Annie Landreville, Marie-Hélène Voyer et des photographies de Steve Leroux. Ces artistes ont exploré divers li
     

Regards obliques, une poésie qui résiste à l’oubli et au passé: Un héritage de l’exposition de 2024

19 octobre 2025 à 12:04

Regards obliques est un héritage, une trace laissée de l’exposition du même titre qui s’est tenue durant l’été 2024 à plusieurs endroits dans la Mitis : au Jardins de Métis, au Château Landry, à la bibliothèque Olivar-Asselin et à la galerie d’art Desjardins de l’UQAR.  

Ce recueil de poésie publié chez Poètes de brousse rassemble une vingtaine d’œuvres des poétesses Anick Arsenault, Annie Landreville, Marie-Hélène Voyer et des photographies de Steve Leroux. Ces artistes ont exploré divers lieux patrimoniaux du Bas-Saint-Laurent (Château Landry, Vieux Presbytère de Sainte-Flavie, Villa Estevan) pour puiser leur inspiration. 

C’est dans une ambiance de fantômes, de lustres poussiéreux, de planchers qui craquent et de vieux rideaux desséchés qu’on livre une poésie du passé qui traverse le temps. Les photographies de Leroux en sont la trame. Le lecteur se sent plongé dans une ambiance flottante qui mêle l’angoisse du temps perdu et du passé qui tente de résister au présent. Les photographies en noir et blanc permettent de capter la mémoire d’une autre époque. Au cœur des lieux visités, on nous rappelle que ces bâtiments regorgent d’histoires, de souvenirs qui méritent d’être soulevés.

Le patrimoine bâti, la mal-aimée du présent?

L’ouvrage nous invite à réfléchir à la mémoire collective qui nous entoure. Dans l’essai L’habitude des ruines (2021) de Marie-Hélène Voyer, il était également question de revoir avec urgence notre relation à l’histoire et au patrimoine québécois. Le rapport avec l’ancien est difficile dans un présent qui choisit le neuf au détriment de la mémoire et de la sauvegarde d’un patrimoine autrefois vivant. Ces quelques lignes de Regards obliques permettent de réfléchir à cette réalité et annoncent bien la suite du recueil : 

Nous habitons des villes

aux mémoires vacantes

qui fabriquent l’oubli

à coups de condos bègues

Regards obliques est une œuvre nécessaire qui rappelle que la mémoire collective doit rester vivante dans une époque où les condos et les constructions neuves sont choisis plutôt que la valorisation de nos maisons d’antan. Il s’agit d’une ode à notre culture et à tous ces bâtiments remplis d’histoires. Avec ce recueil, on laisse en quelque sorte une mémoire.

Anick Arsenault, Annie Landreville, Marie-Hélène Voyer, Steve Leroux (phot.) Regards obliques, Poètes de brousse, 2025.

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  • Chronique du gars en mots dits: L’espoir vaincra
    15 août 2025… Agora du Vieux-Port de Québec… Spectacle d’ouverture de la Superfrancofête. Habitué à réfréner ma fierté québécoise flétrie par trop de déceptions depuis 1995, je m’attends au mieux à une célébration polie, timide et réservée de la langue française… Comme notre époque trop lisse. Quelques chansons plus tard, je suis à la fois détrompé et renversé. Une jeunesse décomplexée et euphorique brandit ses drapeaux du Québec géants avec toute l’énergie de son âge quand un Hubert Lenoir l
     

Chronique du gars en mots dits: L’espoir vaincra

18 octobre 2025 à 10:30

15 août 2025… Agora du Vieux-Port de Québec… Spectacle d’ouverture de la Superfrancofête. Habitué à réfréner ma fierté québécoise flétrie par trop de déceptions depuis 1995, je m’attends au mieux à une célébration polie, timide et réservée de la langue française… Comme notre époque trop lisse.

Quelques chansons plus tard, je suis à la fois détrompé et renversé. Une jeunesse décomplexée et euphorique brandit ses drapeaux du Québec géants avec toute l’énergie de son âge quand un Hubert Lenoir lance en pâture à la foule un « Vive le Québec libre ! » jailli du cœur… Ou acclame une Lou-Adriane Cassidy qui porte fièrement un t-shirt blanc orné d’une fleur de lys au beau milieu du torse, sa féminité en guise d’écrin… Je revois la Diane Dufresne de 1973 qui, pour la pochette de son album À part de d’ça, j’me sens ben, s’était peint, sur fond bleu, une fleur de lys blanche sur chaque sein généreux, debout dans une ruelle de Montréal et entourée d’une centaine de fans attroupés.

Pour moi, c’est le choc. Un baume sur mes plaies d’indépendantiste. Les sondages claironnant que la jeunesse québécoise serait en train de reprendre goût à l’indépendance (à 56 % !) seraient-ils bel et bien fondés?

En 1974, lors de la mythique Superfrancofête initiale mettant en vedette les Vigneault, Leclerc et Charlebois, j’avais quatre ans. Je désespérais de ne pas être né à cette époque.

Depuis quatre ans, la nouvelle mouture de cette fête rassemble des artistes de toutes les générations, comme une Mara Tremblay chevauchant presque sa guitare électrique endiablée pendant que Lydia Képinski et Ariane Roy font office de porte-voix retentissants ; des performances époustouflantes de Mon Doux Saigneur, Ariane Moffatt ou Pierre Lapointe, et des clins d’œil aux francophones hors Québec avec un Damien Robitaille naturel et désarmant.

La « cellule Divertissement »

Cette impression magique et précieuse de vivre par procuration une époque que je n’ai pas connue, je l’ai aussi vivement ressentie en lisant Plume, Pierrot et moi, l’essai-bilan de Pierre « le Doc » Landry, mon grand frère de chronique, qui revient sur la genèse du trio de la Sainte-Trinité, dont il fut l’un des trois piliers au tournant des années 70 sous le pseudonyme de Dieu le Vice, avec Plume Latraverse (Dieu l’Amer) et Pierrot Léger (Pierrot le Fou).

Cet essai essentiel permet de mieux comprendre l’effervescence de la fin de notre révolution (pas si) tranquille; le bouillonnement des étés vécus par nos révoltés en herbe à Percé, en Gaspésie, en butte aux autorités locales obtuses; l’importance des bars contestataires et des salles de spectacle atypiques dans le Montréal de l’époque; les derniers coups d’estoc donnés à une église catholique déjà fragilisée; l’impact de la crise d’Octobre 70 sur cet élan partiellement brisé par les deux premiers enlèvements politiques survenus en Amérique du Nord, gracieuseté du FLQ.

Vous y apprendrez aussi l’origine des surnoms « Le Doc » et « Plume », ce dernier, dixit son comparse, ayant « tordu le cou de la poésie française pour la faire juter dans notre langue à nous ».

Les trois membres de la « cellule Divertissement », comme ils se décrivaient parfois, auront frayé dans des eaux proches du FLQ, et en ce sens le témoignage de Pierre Landry, truffé d’anecdotes aussi inédites que croustillantes, passionnera tous ceux qui s’intéressent à la genèse de l’identité québécoise.

L’ambition de « Landru » et de la Sainte Trinité consistait aussi à faire exploser les gangues étouffantes de l’identité canadienne-française d’une part, et l’Église catholique trop conservatrice d’autre part, à qui ils reprochaient de maintenir l’ensemble de la population « dans un giron tissé de menaces existentielles et de répression morale » et de « réfréner nos ardeurs dans des combats pourtant légitimes ».

On comprend aussi que notre Doc national traînait un peu comme un boulet son enfance bourgeoise à Jonquière, lui ayant conféré un caractère plus lisse dont on ne peut, dit-il, jamais se défaire, tout à l’opposé d’un Plume Latraverse chantre des réalités des classes défavorisées de son milieu, de la petite misère humaine quotidienne, aux chansons gouailleuses et festives.

Bravo, Pierre, d’avoir suivi ta bohème, largué les amarres de ton Saguenay natal pour oser t’acclimater à la métropole, emprunté le chemin inconfortable et caillouteux de l’art et de la création et surtout, surtout, d’avoir rendu compte de tout cela dans ce bel essai autobiographique.

Mon seul reproche : celui d’avoir douté de ton talent… C’est qu’il se trouve peut-être davantage dans l’écriture que dans la flûte, le saxophone ou les percussions, instruments moins harmoniques, plus limités que la guitare. L’écriture, là se trouvent sans doute tes cordes les plus vibrantes.

Comme ces vers inoubliables : « En ces temps-là j’écrivais des poèmes/Pour aveugles/Récités à des sourds/Et que répétaient/D’immuables muets ».

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  • Criminel∙le
    Vous êtes dans une manifestation. Disons une manifestation pour un réinvestissement massif en éducation. C’est votre droit fondamental : prendre la rue, faire du bruit. Les libertés d’expression, de rassemblement et de manifestation font partie des bases des sociétés qui se disent démocratiques. On nous assure que grâce à ces libertés, qui font contrepoids aux autorités, nous vivons dans un pays libre. Vous êtes donc en train de manifester, et fier∙ère de le faire, quand un policier dans un haut
     

Criminel∙le

16 octobre 2025 à 07:17

Vous êtes dans une manifestation. Disons une manifestation pour un réinvestissement massif en éducation. C’est votre droit fondamental : prendre la rue, faire du bruit. Les libertés d’expression, de rassemblement et de manifestation font partie des bases des sociétés qui se disent démocratiques. On nous assure que grâce à ces libertés, qui font contrepoids aux autorités, nous vivons dans un pays libre. Vous êtes donc en train de manifester, et fier∙ère de le faire, quand un policier dans un haut-parleur déclare la manifestation illégale. Vous ne savez pas pourquoi. Peut-être que quelqu’un a fait exploser un feu d’artifice non loin, ou brisé une vitre. Ou peut-être que les flics trouvent juste suspectes quelques personnes masquées.

Quoi qu’il en soit, vous êtes maintenant dans une manifestation illégale. C’est différent. Quelque chose d’immense a changé. Vous essayez de quitter la foule, luttant pour faire votre chemin contre des mouvements de masse, pour finalement vous retrouver devant une ligne d’antiémeutes. Vous vous faites frapper. Vous êtes maintenant un∙e criminel∙le. Quelqu’un qu’on a le droit de frapper. Fort. Avec des matraques. Quelqu’un qu’on peut gazer. Quelqu’un à qui on peut causer une commotion cérébrale. Quelqu’un qu’on peut tirer à bout portant avec des armes « moins que létales » qui vous cassent la mâchoire ou vous crèvent un œil.

Peut-être réalisez-vous à ce moment que ce qui vous a fait passer de l’autre côté du miroir, ce qui vous a métamorphosé∙e en une seconde de citoyen∙ne exerçant ses droits fondamentaux protégés  à criminel∙le que des hommes armés peuvent violenter impunément, n’a rien à voir avec vos actes. Vous n’avez rien commis. Ce qui a provoqué le retournement de statut, ce sont les paroles d’un policier dans un haut-parleur.

Quand on révoque en masse des visas, ou qu’on déclare qu’il y a une invasion à la frontière, on fait la même chose. On transforme des gens ordinaires qui vont travailler au Home Depot en personnes qu’on peut kidnapper et entasser dans des salles quelconques sans installations sanitaires, sans lits, sans eau. Quand un président déclare que toute personne qui s’oppose ouvertement au génocide en Palestine est en fait à la solde d’un groupe terroriste, on transforme des étudiant∙es en criminel∙les à qui on peut faire la même chose, voire les envoyer dans des camps de concentration modernes. Quand on interdit l’avortement, on transforme d’innombrables femmes et personnes queers en potentielles criminelles qu’il faut surveiller. Quand on déclare qu’on va nettoyer Washington, on déshumanise les personnes sans-abri et on justifie d’avance la violence qu’on va leur infliger.

Les abolitionnistes américaines comme Andréa J. Ritchie et Mariame Kaba soulignent depuis des années comment la criminalisation est au cœur du fascisme. Les régimes fascistes ont besoin de cette catégorie sociale de personnes déjà déshumanisées. Ils ont besoin que la croyance soit déjà largement répandue dans la population qu’il est parfois justifié de tabasser, de kidnapper, de torturer, d’humilier, voire de tuer certaines personnes : les personnes qu’on dit « criminelles ». Ce sont toutes les infrastructures construites autour de cette croyance par nos soi-disant démocraties libérales – en premier lieu la police et les prisons – qui permettent leur extrême violence. Ils n’ont qu’à élargir, petit à petit, la définition de ce qui est un crime, et donc de qui est criminel∙le.

Ce processus n’est pas nouveau. Il a été et continue d’être utilisé ici même contre les personnes autochtones, par exemple, en transformant en crime leurs actes de protection des territoires qu’elles habitent.

Revenons à la manifestation. Vous réussissez à vous faufiler et à vous enfuir de la souricière. Vous marchez sur les trottoirs, redevenu∙e soudainement un∙e citoyen∙ne ordinaire. Cette expérience vous a peut-être fait comprendre qu’il n’est pas nécessaire d’attendre que vos voisin∙es se fassent enlever par la Gestapo pour commencer à lutter contre le fascisme. Peut-être avez-vous tout à coup une pensée pour les personnes incarcérées, et germe en vous l’envie de les réhumaniser. Vous avez envie de vous rassembler avec le plus de gens possible pour en parler. Envie de trouver des solutions de rechange à la police et aux prisons. Envie de contrecarrer les discours déshumanisants contre les migrant∙es, les personnes trans, les personnes handicapées. Envie de trouver votre manière à vous de lutter contre le fascisme.

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  • RÉGÉNÉRATION: Remettre à l’heure du printemps l’horloge du temps
    Autrefois, les villages étaient habités par des gens de tous les âges, de toutes les générations, de tous les métiers de la terre, de la mer ou de la forêt, au cœur d’une immense nature au renouvellement sain et vivace. La réunion de toutes les générations agissait tel le brassage des marées, des courants marins et des vives et profondes eaux froides du Labrador qui s’engouffrent dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, permettant ainsi l’oxygénation en profondeur des eaux et la régénéresce
     

RÉGÉNÉRATION: Remettre à l’heure du printemps l’horloge du temps

15 octobre 2025 à 12:35

Autrefois, les villages étaient habités par des gens de tous les âges, de toutes les générations, de tous les métiers de la terre, de la mer ou de la forêt, au cœur d’une immense nature au renouvellement sain et vivace. La réunion de toutes les générations agissait tel le brassage des marées, des courants marins et des vives et profondes eaux froides du Labrador qui s’engouffrent dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, permettant ainsi l’oxygénation en profondeur des eaux et la régénérescence de la vie marine et aquatique jusqu’à loin en amont, au-delà de l’embouchure des rivières.

Dans un semblable brassage des générations, enfants, jeunes, adultes et vieillards s’intégraient dans un cycle de vie en accordance avec l’ordre de la nature. Dans un tel milieu de vie, on ne devient pas vieux, mais on évolue vers des âges aux mérites différents, complémentaires et utiles. L’aïeul devient éducateur et guide, il tient par la main l’enfant incertain, et aux heures de marées montantes, on l’écoute sur les quais raconter ses sagesses ou les trésors de la vie que rassemble sa souvenance. Il n’y a de légende que dans la continuité. Et il faut tout un village pour éduquer les enfants et leur transmettre un bagage culturel composé de traditions et de contes.

L’esprit des villages, voire l’esprit des quartiers, rôde avec sagesse, il inscrit un processus de régénérescence. Il serait sage de l’écouter raconter. Les âmes anciennes amalgamées aux âmes nouvelles en un faisceau fort et résistant se réunissent en communion. Sous un ciel bleu azuré infini, on ne devient pas vieux, on se perpétue. Sous ce ciel, la vie aura eu un sens, le sens du cycle de la nature, un sens existentiel en redonnant au suivant.

La tristesse des villages isolés dans un monde moderne individualisé et cybernétique provient de la cassure de la trame des générations. Paradoxal, car en zone agricole, la nature et le cycle des récoltes appellent à la joie, au renouvellement, non à la vacuité signifiée par l’absence de nouvelles générations. Les villages d’antan laissent dans leurs sillons un plein de vieilles âmes mais un vide d’âmes naissantes. On ne voit plus loin à l’horizon, mais on se heurte à des visages blafards aux teints terreux. Et à la ronde, dans les tours de condominiums pleines d’isolement sont exclus les rires lumineux des enfants moqueurs. Partout s’éteignent les feux de joie de l’enfance. Un pays s’efface peu à peu, de village en village, d’isolement en isolement.

Dans un milieu où les générations se renouvellent et s’entrecroisent, l’isolement et la solitude ne peuvent advenir tout à fait, car on y brasse et remue les braises de la régénérescence. On ne devient pas vieux dans la lumière des rires d’enfants qui éclaboussent de bleu les grisailles du temps qui passe.  Un cycle de vie se perpétue, tisse une toile de solidarité, tisse une couette de laine du pays pour se protéger du froid de l’indifférence et d’une effroyable glaciation « d’insolidaritude ».

Dans la dégénération et « l’insolidaritude », un peuple sage s’accrocherait aux valeurs de la régénérescence et à la plénitude de la renaissance.  En ces lieux équilibrés, on ne parlerait pas tant d’aide à mourir que d’aide à vivre et à se perpétuer. On entrerait souverainement dans l’espérance.

Sortir de la tristesse d’un couple affligé, entrer dans la lumière naissante d’un soleil nouveau, dans la lumière de Noël, dans la lumière du mystère du sacre de la naissance réinterprété par le sourire de la Joconde… Un enfant, un grand dérangement, cependant une joie en harmonie avec l’ordre de la nature, un sens existentiel… Dieu en la nature donne une raison existentielle par la transmission à ses enfants, à ses petits-enfants, à des gens aimés du pays. L’ordre des choses du village du temps des violons, des rigodons et des gigues conférait le potentiel de donner un sens à l’écoulement du temps. Dans une lignée paysanne, au rythme de la nature, on transmet aux suivants. Il y a un peu de soi dans la horde poussive des enfants et des petits-enfants qui jouent dans les cours familiales d’une génération à l’autre. La régénérescence confère un sens à la vie, ce qui confère un sens à la mort et libère de bien des anxiétés.

Le de dégénération inscrit un son de discordance sur un fond d’indifférence dissonante. Le de régénération, un préfixe court qui s’inscrit dans le grand mouvement des engrenages d’assonance sur l’horloge du temps, le cycle des saisons et des identités distinctives.

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  • DÉMOCRATISER LA POLITIQUE
    Les temps sont durs pour la démocratie sur notre petite planète menacée. Les crises sont multiples, et plusieurs d’entre nous croulent sous l’impuissance et le désespoir, mais cela n’est pas une raison pour ne rien faire! Un mouvement prend forme À la fin de 2023, une cinquantaine de personnes concernées par la crise globale discutent des enjeux sociaux, économiques et écologiques. La démocratie retient leur attention, car le groupe considère que pour arriver à agir sur tous les enjeux, un
     

DÉMOCRATISER LA POLITIQUE

14 octobre 2025 à 10:16

Les temps sont durs pour la démocratie sur notre petite planète menacée. Les crises sont multiples, et plusieurs d’entre nous croulent sous l’impuissance et le désespoir, mais cela n’est pas une raison pour ne rien faire!

Un mouvement prend forme

À la fin de 2023, une cinquantaine de personnes concernées par la crise globale discutent des enjeux sociaux, économiques et écologiques. La démocratie retient leur attention, car le groupe considère que pour arriver à agir sur tous les enjeux, un vide reste à combler au Québec, celui de la voie citoyenne en démocratie. Un vote aux urnes aux quatre ans ne suffit pas.

Une volonté croît alors, celle de créer un mouvement politique issu de la société civile pour occuper cet espace. Il ne s’agit pas d’un parti politique, mais plutôt d’un projet de société avec un mouvement non partisan tout d’abord citoyen et transversal issu des milieux sociaux, écologistes, communautaires et syndicaux. Le groupe accouche de Multitudes avec pour objectif de mettre une pression plus forte sur les institutions publiques en place. Exit la concentration du pouvoir, et vivement que la transition (sociale et écologique) passe en deuxième vitesse.

Un sentiment d’urgence émerge avec l’élection de Trump. L’existence de Multitudes est dévoilée en novembre 2024 lors d’un lancement officiel à Sherbrooke et par la publication d’une lettre ouverte1. L’engouement se fait sentir rapidement : le nombre de membres atteint un millier d’individus et plusieurs groupes s’associent au mouvement.

Pourquoi un autre groupe de transition?

Qu’est-ce qui différencie Multitudes des autres groupes pour la transition dans le paysage québécois? Nancy Neamtan, membre active et fondatrice du Chantier de l’économie sociale, répond que Multitudes part de la base en s’ouvrant à une multitude de citoyens et de façons de faire. Cela se traduit par une adhésion individuelle et une réflexion sur la manière de travailler ensemble, sans remplacer ce qui se fait actuellement, dans le sens de la démocratie (économique, écologique, sociale). Aucun groupe ne se penche sur la démocratie en tant que telle. Il s’agit de relier les gens et de regrouper leurs implications dans leur communauté. Sans leur implication, la transition ne se fera pas.

Agir dans l’urgence, une étape à la fois

Les besoins urgents de Multitudes se concentrent sur la mobilisation de ses membres et l’élargissement de leurs appuis en démocratie locale en vue de l’automne avec l’arrivée des élections municipales en novembre 2025.

Après un événement porteur à l’automne 2024 qui reliait une centaine des membres de la société civile et une centaine d’élus municipaux de toutes allégeances, Multitudes donne une impulsion avec la création du groupe La Nouvelle vague municipale. Un cahier de propositions2 pour nourrir les prochaines élections municipales en est ressorti, en lien avec la participation citoyenne. Ces propositions sont inspirées des initiatives d’ici et d’ailleurs pour créer de nouvelles façons de faire.

Passons à la cuisine

Le moyen choisi pour arriver à ses fins : rassembler pour transformer, comme le dit l’un des membres, Jonathan Durand Folco, professeur en innovation sociale à l’Université Saint-Paul. Les assemblées de cuisine demeurent un moyen non négligeable pour se mettre en mouvement. Au printemps dernier, la majorité des régions du Québec répondaient à l’invitation lancée par Multitudes pour tenir des assemblées de cuisine. Plus de 65 assemblées réparties dans plus de 30 municipalités ont confirmé la nécessité du dialogue.

D’un sommet à l’autre

Multitudes a participé au Sommet de l’économie sociale de mai 2025. Les jeunes y soulignaient l’importance d’une politisation de l’économie sociale avec une vision de transformation sociale arrimée au mouvement de la transition. Multitudes fait depuis partie de la nouvelle alliance pour la démocratisation économique avec laquelle il organisera l’événement rassembleur que se veut le Sommet Leadership territorial partagé (LTP) prévu pour l’hiver 2026. Le LTP vise à ce que la société civile ait un impact sur les décisions politiques dans tous les territoires (municipaux et régionaux pour l’instant). Multitudes arrivera-t-il à remporter son pari de rapprocher la démocratie des gens et de démocratiser l’économie? 

Activités à suivre

Des comités et des chantiers de travail s’activent présentement : Économies et transition, Mobilisation, Communication, Carrefour des savoirs et LTP. L’embryon qu’est Multitudes le mènera à une assemblée de fondation au printemps 2026 pour définir sa structure et préciser son mode de fonctionnement.

1. Jonathan Durand Folco, Léa Ilardo, Anouk Nadeau-Farley, Nancy Neamtan et Joël Nadeau, « Face à l’oligarchie, la démocratie des Multitudes », Le Devoir, 3 février 2025, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/838510/idees-face-oligarchie-democratie-multitudes

2. Multitudes, Cahier de propositions aux municipalités, mars 2025, https://www.multitudes.quebec/_files/ugd/b19b9b_e54e89117a19496e883f825ffb6bc1f5.pdf

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  • L’âme de l’île Saint-Barnabé
    Lire aux battures, seul endroit supportable alors que sévit cette étonnante canicule d’août. Au fil des pages, un autre siècle. Un temps sauvage. Je lève les yeux vers l’horizon. Au large, cette île où un homme a passé une partie de sa vie, seul, au XVIIIe siècle. L’île Saint-Barnabé. L’ermite Toussaint Cartier. Le roman que l’abbé Louis-Édouard Bois consacre à Toussaint Cartier n’est pas un polar qui vous fera tourner les pages à perdre haleine. C’est pourtant un témoin unique de l’histoire
     

L’âme de l’île Saint-Barnabé

9 octobre 2025 à 08:04

Lire aux battures, seul endroit supportable alors que sévit cette étonnante canicule d’août. Au fil des pages, un autre siècle. Un temps sauvage. Je lève les yeux vers l’horizon. Au large, cette île où un homme a passé une partie de sa vie, seul, au XVIIIe siècle. L’île Saint-Barnabé. L’ermite Toussaint Cartier.

Le roman que l’abbé Louis-Édouard Bois consacre à Toussaint Cartier n’est pas un polar qui vous fera tourner les pages à perdre haleine. C’est pourtant un témoin unique de l’histoire locale. Son texte sur l’ermite n’avait jamais été publié. Quand Claude La Charité l’a sorti de l’ombre, il n’a pas fait les choses à moitié.

Professeur de lettres et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire littéraire, création et patrimoine imprimé, M. La Charité a, avec son équipe, travaillé sur le texte de l’abbé Bois pendant des années, suivant chaque piste de patientes et pointues recherches. Plusieurs chapitres sur l’auteur et sur l’ermite, ainsi que des documents et une chronologie, raviront le public avide de détails, en attendant la monographie historique du même auteur, bientôt publiée.

Sur le banc de la promenade, en lutte contre le vent du fleuve enfin levé qui apporte un peu de fraîcheur, je découvre que la note de bas de page de l’abbé est longuement expliquée dans son contexte historique par une note de fin de chapitre de l’éditeur. Savoureux dialogue entre les siècles. Deux érudits bien de leur temps discutent avec passion. Trois livres en un. Le roman, les notes de l’abbé, les notes de l’éditeur. Cette fascinante conversation parcourt toute l’histoire locale, de l’exploration à la colonisation et à l’essor agricole.

Le roman lui-même est un exemple typique de la littérature patriotique religieuse de la seconde moitié du XIXe siècle. Un schéma convenu où le jeune héros s’est fait des idées de grandeur au point d’en tomber malade (avertissement divin!). Gonflé d’orgueil et en dépit de son entourage qui tente de l’en dissuader, il s’embarque tout de même comme marin afin de trouver la gloire qu’il désire par-dessus tout.

Le courroux divin s’abat sur l’expédition, qui fait naufrage. Au cœur de la tourmente, le jeune Toussaint Cartier fait le vœu de prier toute sa vie s’il est sauf. Seul survivant du désastre, il s’établit sur l’île où il a échoué, en face de Rimouski, sous les bons auspices du seigneur Lepage.

Tout cela se passe très vite au début du roman. Le reste de l’œuvre est consacrée à nommer presque tous les missionnaires qui ont fréquenté les parages, à décrire la piété de l’ermite et celle du seigneur, avec maints exemples de vertu pouvant inspirer les jeunes lecteurs et les détourner des métiers de la mer. Je ne vous dévoilerai pas la fin.

Terminé en 1867, ce texte resté inédit a circulé dans les milieux ecclésiastiques. La glorification de l’ermite cautionnera le choix d’installer le diocèse à Rimouski la même année, ce qui a entraîné tout le développement futur que l’on connaît.

Selon M. La Charité, rencontré autour d’un bon café local, l’abbé n’était pas un propagandiste religieux, mais un érudit réservé, passionné par l’histoire, les toponymes et les langues autochtones. Il n’a d’ailleurs pas publié son roman de son vivant. Ermite, lui aussi.

Il a plutôt étiré l’élastique des normes en vigueur. Si la nomenclature des seigneurs et prêtres a sa place dans le texte principal, les remarques toponymiques sur l’origine des noms autochtones des rivières et des îles se trouvent en notes de bas de page. Plaisir secret que l’abbé ose intégrer, mais en sourdine.

Bien sûr, c’est une fiction. L’abbé s’en excuse page après page, homme de religion de son époque conscient de son devoir de vérité.

Ce texte n’est pas la seule fiction consacrée à Toussaint Cartier. Était-il cet ermite pieux de l’abbé Bois, l’ermite romantique éploré décrit par Frances Brooke en 1769, ou encore l’ermite esthète de Jacques Poulain en 1970? Quel Toussaint Cartier Claude La Charité nous fait-il découvrir dans sa propre fiction L’œil de l’ermite, parue en 2023?

L’ermite est un mystère, il est l’âme de l’île Saint-Barnabé. Il appartient à la population de Rimouski, insiste M. La Charité alors que notre café est fini depuis longtemps. À nous de mettre Toussaint Cartier en valeur et de nous en inspirer.

Photo: p1-manuscrit.jpeg

Bas de vignette: Première page du manuscrit de l’abbé Bois, fournie par l’éditeur.

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  • Plume, Pierrot et moi: La véritable histoire de la Sainte-Trinité
    Ce curieux Docteur Landry n’en est pas à ses premières armes. Et l’arme en question n’est pas un bistouri, mais bien sa plume. Qu’il manie plus que bien. Plume, Pierrot et moi est le 13e ouvrage de Pierre Landry, résident du Bas-Saint-Laurent et collaborateur depuis plus de 25 ans au Mouton NOIR. Et c’est fort probablement celui des 13 qui cartonne le plus. Et pour cause. Versant souvent dans les récits historiques régionaux, Pierre Doc Landry, l’un des tiers du mythique groupe la Sainte-Trin
     

Plume, Pierrot et moi: La véritable histoire de la Sainte-Trinité

8 octobre 2025 à 10:18

Ce curieux Docteur Landry n’en est pas à ses premières armes. Et l’arme en question n’est pas un bistouri, mais bien sa plume. Qu’il manie plus que bien.

Plume, Pierrot et moi est le 13e ouvrage de Pierre Landry, résident du Bas-Saint-Laurent et collaborateur depuis plus de 25 ans au Mouton NOIR. Et c’est fort probablement celui des 13 qui cartonne le plus. Et pour cause. Versant souvent dans les récits historiques régionaux, Pierre Doc Landry, l’un des tiers du mythique groupe la Sainte-Trinité, qui a écumé la scène musicale underground du Québec, de Percé à Montréal, à l’aube des années 1970, signe ici un livre qui nous entraîne, avec moult détails, dans les sillons d’une période cruciale de l’émancipation culturelle et politique de notre demi-pays et, plus globalement, de la jeunesse de partout où cela pouvait se faire.

« C’est un lieu commun, de l’histoire contemporaine et de la sociologie que de caractériser les années 60 par l’éclatement du « phénomène jeunesse », c’est-à-dire la montée, dans l’ensemble de l’Occident, de cette nouvelle génération, dont la présence tapageuse ébranle les structures les mieux établies et dont l’esprit, les mœurs et les attentes provoquent la révision ou le déclin des codes et des traditions les mieux ancrés.
Époque charnière, époque à la fois étrange et miraculeuse,
cette décennie a pris avec le temps l’aspect d’une véritable épopée.
 »

– François Ricard, La génération lyrique,
cité par Pierre Doc Landry en ouverture de son livre.

La Sainte-Trinité, née d’une rencontre à Percé à l’été 1970, c’était Plume Latraverse, Dieu la Mère, Pierre Docteur Landry, Dieu le Vice, et Pierrot Léger, également appelé Pierrot-le-fou, Dieu le Sain d’esprit.

Mais Plume, Pierrot et moi, c’est bien plus que l’histoire de la Sainte-Trinité. C’est un véritable portrait d’époque, parsemé de photographies et d’archives, qui ravivera la mémoire de celles et de ceux qui l’ont vécue et qui les ravira, je n’en doute aucunement. Il « instruira » aussi les plus jeunes, férus d’histoire — dont celle dite « sexe, drogue et rock’n’roll» —, qui aiment savoir d’où ils viennent pour mieux voir où ils vont.

Sous forme autobiographique, souvent drôle, parfois touchante — notamment, cette carte postale envoyée de Grèce par son père, qui débute ainsi : « Ici, les ruines sont superbes. Et toi, comment vas-tu? » —, et pour sûr, toujours flyée, Doc Landry livre le récit des folles tribulations de la Sainte-Trinité, en les mettant en parallèle avec des événements phares de notre société, comme, en 1968 :

  • Le spectacle Poèmes et Chants de la Résistance, qui réunissait entre autres sur scène les Vigneault, Miron, Gauvreau, Duguay et Michèle Lalonde;
  • Le Lundi de la matraque, à la Saint-Jean, où le fendant Pierre Elliott Trudeau regardait du haut de la tribune « d’honneur » les émeutes qui provoqueront 292 arrestations et feront plus de 135 blessés, la plupart par les policiers à cheval qui chargeaient la foule, matraque en main.

En 1969 : la Maison du pêcheur, à Percé, et l’expulsion sauvage avec les boyaux des pompiers par des rednecks locaux; le Doc Landry en a pris plein la gueule, comme la cinquantaine de jeunes sur place.

L’incontournable crise d’Octobre 1970, avec, comme principaux commettants, les « tenanciers » et compagnons d’expulsion de l’été de Percé, les frères Paul et Jacques Rose et Francis Simard, qui avaient enlevé le ministre de « l’Assimilation et du Chômage », Pierre Laporte, et seraient ensuite emprisonnés pour leur responsabilité dans la mort de ce dernier. Et bien sûr, l’immonde loi sur les mesures de guerre, venue d’un autre trio, plus lugubre : Drapeau, Bourassa et Trudeau!

À cette époque, la Sainte-Trinité performait presque tous les soirs à L’Imprévu de l’hôtel Jacques-Cartier, dans le Vieux-Montréal, souvent devant quelques policiers de la GRC en civil, qu’ils saluaient gaiement en début de spectacle. Le groupe était surnommé la Cellule Divertissement. Puis, ils déménageront leurs pénates — et leur mascotte, la poule Rita Picard — au sous-sol de l’hôtel, dans un cabaret uniquement dédié à la Sainte-Trinité : « Chez Dieu ».

« Bonsoir, mesdames, mesdemoiselles et mes cieux,

Mangez d’la marde et bienvenue chez Dieu

Sortez vot’grass, on va s’faire un party organisé

Par la Sainte-Trinité »

J’en aurais bien plus long à dire sur ce livre, mais l’espace, plus que l’inspiration, me manque. Pour conclure, je reproduis la dernière phrase de la couverture arrière de Plume, Pierrot et moi dont, vous l’aurez compris, je recommande très fortement la lecture, pour plaisirs garantis. « Pierre Landry nous raconte la rocambolesque histoire de la Sainte-Trinité qui se retrouvera à l’avant-scène d’une mouvance d’où émergera un de nos grands chantres nationaux, Plume Latraverse. »

Et cela, à travers un passionnant et exhaustif portrait de cette époque épique.

Pierre Landry, Plume, Pierrot et moi. La véritable histoire de la Sainte-Trinité, Septentrion, 2025, 258 p.

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  • Un LOUPerivois dans la bergerie: Les gars, sacrament!
                J’roule déjà à 95 kilomètres à l’heure dans une zone de 90. J’pousse même un peu parce qu’on dirait que le tarla qui m’colle au cul veut manger le darrière de mon char. Dans mon rétroviseur : sa face crispée par la rage, les plis sur son front qui font comme le lit d’une rivière asséchée, ses yeux, des lance-flammes qui me passeraient au cash en deux secondes… Y m’semble même l’entendre : « Tasse-toé! Tasse-toé, pépère !» Heille, le pas d’allure, ça-tu déjà flashé dans la p’tite boul
     

Un LOUPerivois dans la bergerie: Les gars, sacrament!

7 octobre 2025 à 09:45

            J’roule déjà à 95 kilomètres à l’heure dans une zone de 90. J’pousse même un peu parce qu’on dirait que le tarla qui m’colle au cul veut manger le darrière de mon char. Dans mon rétroviseur : sa face crispée par la rage, les plis sur son front qui font comme le lit d’une rivière asséchée, ses yeux, des lance-flammes qui me passeraient au cash en deux secondes… Y m’semble même l’entendre : « Tasse-toé! Tasse-toé, pépère !» Heille, le pas d’allure, ça-tu déjà flashé dans la p’tite boule qui t’sert de tête que si mononcle est encore vivant, c’est parce qu’y chauffe pas en demeuré comme toé? Pas de rémission, le cave veut vraiment se retrouver en enfer avant moi. Dépasse sur une ligne double, la van arrive en sens inverse à une vitesse de fou elle avec…

Trois enfants, deux adultes, un gars chaud, un autre pas attaché, un qui texte à sa blonde pour savoir c’qu’y vont manger pour souper, un autre qui a décidé de défier les lois de la gravité et qui jouit quand l’aiguille de l’indicateur de vitesse franchit le chiffre magique du 200 km/h. Patience, les gars. Attendez un autre 5-6 ans, le temps qu’on prolonge la 20, pis vous allez pouvoir arriver au Costco dans un temps record. Pis si vous patientez encore quèques années, vous allez sauver trois minutes entre Lévis pis Québec, grâce à l’héritage de Mme Guilbault qui va avoir pris sa retraite depuis ben longtemps pis qui va saliver en checkant le trafic du haut du dixième étage de son condo.

Germaine est sortie pour faire l’épicerie. Qu’a dit. Germain en profite pour fouiller ses affaires. Tiens, justement, a l’a oublié son cellulaire. Trois messages d’un dénommé Patrick. Je l’savais! Ah la tabar…! Attendez qu’a r’vienne, m’a y faire ravaler, moi, son hostie de Patrick! Germaine est à l’étage des soins palliatifs, à l’hôpital Charles-Lemoyne, au chevet d’un lointain cousin qui l’a contactée parce que c’est la seule personne dans famille dont y avait les coordonnées. Pauvre Germaine. Loin de penser que le lit à côté de celui de Patrick lui est destiné…

Celui-là, y s’appelle Stéphane. Ou Hugo. Ou Lyam. Son fun à lui, c’est de s’cacher dans l’ombre de sa tablette pis de tirer sur tout ce qui bouge sur son écran. Sa cible préférée : les femmes, les filles, qu’y s’agisse de comédiennes, de politiciennes, d’influenceuses, de mannequins, de vedettes de Star Académie ou de n’importe quelle putasse qui passe dans son champ de tir. Toutes les mêmes, des salopes, des chiennes, des putes, et j’en passe. Y hésite encore pour se faire tatouer une croix gammée mais y s’est faite ben des chums au gym, même si y en a qui ont ri de lui pis de se minuscules pectoraux les premières semaines. Mais attendez dans quèques mois…

C’est James, dix-sept ans, qui a les contacts. Mille piastres pour aller crisser le feu au resto. Une affaire de rien. On pète la vitrine, on lance le cocktail, pis on s’pousse! Mille piastres, man, te rends-tu compte? Pis des offres de même, j’en ai à pelletée! Oui, mais c’est pas comme ça que Dieudonné s’est ramassé à l’hosto, dans section des grands brûlés? C’est pas pareil, un cave, man, lui y a versé du gaz à partir d’un bidon pis ça faite une explosion quand y a allumé son briquet. Envoye, maudit pissou, sans ça j’pas sûr que tu vas pouvoir rester dans gang. Pi si t’es pas dans gang…

Assis au bord de la piscine, sirotant l’un son arak, l’autre sa vodka, le troisième son Coke Diet, Netanyahou, Poutine et Trump devisent calmement en regardant le monde se noyer. « Ça marche pas pire notre affaire en? » Y a juste Donald qui est pas d’aussi bonne humeur que les autres. « C’est pas juste, vous autres vous pouvez envahir pis attaquer n’importe quel pays, tuer ou affamer comme ça vous tente, pis ça passe! Moi, chus pogné pour ménager la chèvre et le chou, faire semblant qu’on est encore une démocratie, laisser CNN débiter ses conneries à cœur de jour… » « Fais-toi s’en pas mon Donald, t’es ben parti. C’est juste une question de temps… Prends-tu de la moutarde dans ton hamburger? » Anachronisme délibéré dans cette histoire de fous, Spotify laisse subrepticement glisser ces quelques strophes d’une vieille toune de Renaud :

Palestiniens et Arméniens

Témoignent du fond de leur tombeau

Qu’un génocide c’est masculin

Comme un SS, un torero

(Miss Maggie, 1985)

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  • Le souffle et la faille, Petite géographie des courants qui traversent l’école
    L’éducation est soumise à bien des vents, parfois favorables, souvent contraires. Qu’en sera-t-il pour l’année à venir? Le défi de mettre un frein à l’indécision et à l’incohérence ministérielle sera à l’ordre du jour des discussions de corridors. Les parents, les intervenants, les enseignants ont tellement besoin de raffermir leur confiance en ce système. Lorsque la confiance est cultivée, renforcée, le rythme est soutenu, entraînant et mobilisateur. Cohérence et cohésion D’où naît-il, ce
     

Le souffle et la faille, Petite géographie des courants qui traversent l’école

6 octobre 2025 à 10:40

L’éducation est soumise à bien des vents, parfois favorables, souvent contraires. Qu’en sera-t-il pour l’année à venir? Le défi de mettre un frein à l’indécision et à l’incohérence ministérielle sera à l’ordre du jour des discussions de corridors. Les parents, les intervenants, les enseignants ont tellement besoin de raffermir leur confiance en ce système. Lorsque la confiance est cultivée, renforcée, le rythme est soutenu, entraînant et mobilisateur.

Cohérence et cohésion

D’où naît-il, ce rythme? D’abord par ce que fait et dit la personne qui détient l’autorité. Prôner et incarner : deux verbes trop souvent dissociés, car prôner sans incarner ce que l’on professe, c’est garantir l’incohérence; et, de même, incarner sans donner de logique à ce que l’on fait, c’est induire un manque de sens chez le personnel. Pourquoi fait-on cela? Pourquoi ne fait-on pas ce qu’on dit? Ne pas fournir des réponses claires à ces deux questions, c’est émousser la confiance dont le système a besoin, car le système éducatif se juge dans la salle des enseignants, sur le pas d’une porte, lors de discussions de corridor — entre les techniciens en éducation spécialisée et les profs, ou avec les professionnels, entre le concierge et l’enseignant épuisé qui se confie, à la fin d’une journée éprouvante, parce qu’il sait pouvoir se fier à lui.

Là où tout se joue

Vous vous souvenez du téléroman Virginie, qui se déroulait dans une école? Toute la trame reposait sur les discussions parmi le personnel de l’école Sainte-Jeanne-d’Arc. Dans la réalité, lorsque le ministre prend une décision ou fait une annonce, elle est analysée et critiquée dans la salle des profs, ou au moment d’une rencontre d’un parent avec le directeur, lors de la réunion hebdomadaire des directions d’écoles d’un centre de services, etc. Je sais que, présentement, ces discussions ont en commun le dépit et la frustration envers le ministre de l’Éducation. Je laisse de côté les médias sociaux et les journaux, où chaque chroniqueur et faiseur d’opinions se présente comme un expert — car, après tout, il connaît l’école pour s’y être assis enfant et adolescent, ou par ses propres enfants.

Une inspiration

Il n’en va pas autrement ailleurs. Regardons ensemble l’entrée en scène de Claudine Bouchard, PDG d’Hydro-Québec, le 5 juillet 2025. On parle ici d’une entreprise de 22 000 employés (comparativement à 345 000 en éducation). Les missions diffèrent — produire de l’électricité et former les citoyens — mais là n’est pas l’objet de mon texte. Je veux illustrer ce qu’est redonner confiance, ce que signifie donner du rythme, puis comment prôner et incarner. Madame Bouchard a déclaré, dix jours après sa nomination, vouloir des employés « déraisonnables », en les encourageant à prendre des risques. J’entends d’ici les  « Holà! On ne peut pas prendre de risques avec l’avenir des enfants! » Non… mais on peut innover, essayer, renouveler. Ce que je veux précisément pointer du doigt, c’est le message qu’elle livre et qui se traduit par : « Je vous fais confiance, je crois en votre créativité, et je crois aussi en votre jugement pour faire les choix qui s’imposent. » Son propos est lui-même déraisonnable jusqu’à un certain point, mais elle juge que le risque qu’elle prend vaut le coup. Elle incarne son propos. Je vous mets au défi de ne pas vous sentir interpellé si je vous dis : « Ose, je crois en toi. Allez, ose. » Or, en éducation, les intervenants ne reçoivent pas cette impulsion. Une telle impulsion serait salutaire et appréciée des gens sur le terrain. J’ai étudié durant vingt ans la gestion des organisations tout en travaillant comme directeur d’école, puis comme directeur général, et j’affirme sans détour que ce message de Mme Bouchard est riche de confiance. Voilà un manque cruel en éducation. « La femme est l’avenir de l’homme », chantait Jean Ferrat. Hydro-Québec est entre bonnes mains. Le hic : un projet ou un système qui repose sur une seule personne est voué à souffrir des qualités et des défauts de celle-ci. Ne doit-on pas protéger l’éducation des aléas des bonnes et des mauvaises nominations?

Mais encore…

Le défi de 2026 en éducation? Générer suffisamment de pression pour forcer le remplacement du ministre. D’ici les élections de 2026, la personne désignée pour prendre le relais doit insuffler cette confiance dont le système a tant besoin. Saint-Exupéry n’a-t-il pas dit très justement : « Si tu veux unir les Hommes, ne leur donne pas que du pain et de l’eau, donne-leur une tour à construire. » L’argent ne suffit pas. Il faut maintenant du sens et de l’envergure. Du personnel confiant et engagé peut combler le vide. Le meilleur chef est celui qui travaille à ce que son organisation n’ait plus besoin de lui pour bien fonctionner!

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  • L’ironie du recyclage : une illusion verte ?
    C’est à la lecture d’un des derniers textes de notre chroniqueuse, Aimée Lévesque que j’ai été inspiré pour l’éditorial qui suit. Le recyclage, une habitude que l’on suit depuis maintenant quelques décennies. Oui, c’est devenu facile voire évident. Mais est-ce LA solution à tous nos maux? Dans un monde de plus en plus conscient de l’urgence climatique, le recyclage est devenu le symbole universel de la vertu écologique. Inscrit sur nos emballages, enseigné dès l’école, érigé en geste civique
     

L’ironie du recyclage : une illusion verte ?

5 octobre 2025 à 11:49

C’est à la lecture d’un des derniers textes de notre chroniqueuse, Aimée Lévesque que j’ai été inspiré pour l’éditorial qui suit. Le recyclage, une habitude que l’on suit depuis maintenant quelques décennies. Oui, c’est devenu facile voire évident. Mais est-ce LA solution à tous nos maux?

Dans un monde de plus en plus conscient de l’urgence climatique, le recyclage est devenu le symbole universel de la vertu écologique. Inscrit sur nos emballages, enseigné dès l’école, érigé en geste civique par excellence, il est la réponse apparemment simple à la complexité de nos déchets. Pourtant, derrière cet acte routinier se cache une ironie troublante : le recyclage, loin de résoudre notre crise environnementale, sert souvent à camoufler un système fondamentalement insoutenable.

Le principe est séduisant : au lieu de jeter, on transforme. On donne une nouvelle vie à nos objets, on limite les déchets, on sauve la planète. Mais cette vision est largement idéalisée. Le recyclage, dans sa réalité industrielle, est loin d’être aussi vertueux qu’on veut bien le croire.

Prenons l’exemple du plastique. Sur les milliards de tonnes produites depuis les années 1950, seuls neuf pour-cent ont été véritablement recyclés. La majorité finit dans des décharges, incinérée ou, pire encore, dans nos océans. Le reste du plastique dit « recyclé » subit en réalité un downcycling : il est transformé en produits de moindre qualité, difficilement recyclables à leur tour. Chaque cycle rapproche donc inévitablement le matériau de la fin de sa vie utile. Le mythe du plastique éternellement recyclable est un mirage.

Mais l’ironie ne s’arrête pas là. Car le recyclage est devenu un alibi, une forme de purification morale qui permet de continuer à consommer sans culpabilité. On achète des bouteilles d’eau en plastique « recyclables », on trie nos déchets consciencieusement, et on s’imagine faire notre part. Pendant ce temps, les industries continuent de produire à outrance, de suremballer, de vendre du jetable maquillé en durable. Le recyclage, en d’autres termes, est devenu le complice d’un système linéaire – produire, consommer, jeter – qu’il prétend corriger.

Ajoutons à cela le fardeau environnemental du recyclage lui-même. Traiter les déchets nécessite de l’énergie, des transports, de l’eau, des produits chimiques. Envoyer nos déchets vers des pays du Sud pour y être traités à bas coût déplace simplement le problème, souvent dans des conditions écologiques et humaines déplorables. Le recyclage, loin d’être une solution propre, exporte parfois notre saleté vers des régions plus vulnérables.

Alors que faire ? Faut-il cesser de recycler ? Évidemment non. Le recyclage reste préférable à l’enfouissement ou à l’incinération, mais il ne doit plus être vu comme une fin en soi. L’ironie du recyclage réside précisément dans cette idée qu’il suffit de trier pour être « écologique ». C’est une illusion confortable, mais dangereuse. Il est temps de sortir de cette pensée magique.

La vraie révolution écologique ne viendra pas d’un bac de tri, mais d’une remise en question profonde de nos habitudes de consommation. Réduire à la source, réutiliser, refuser ce qui est inutile : voilà les gestes qui comptent. Des politiques publiques ambitieuses doivent encadrer la production, interdire certains matériaux, obliger les fabricants à concevoir des produits durables et réparables. Le recyclage, dans cette nouvelle logique, ne serait plus l’alpha et l’oméga, mais le dernier recours.

Il faut aussi repenser la communication autour du recyclage. Trop souvent, elle culpabilise les individus tout en déresponsabilisant les grandes entreprises. Or, ce ne sont pas les gestes individuels, aussi méritoires soient-ils, qui feront basculer l’équation climatique, mais des transformations systémiques. À force de glorifier le recyclage, on détourne l’attention de cette vérité fondamentale.

En somme, l’ironie du recyclage est celle d’un monde qui tente de réparer avec des pansements les blessures d’un système malade. Tant que nous continuerons à confondre solution de façade et changement structurel, nous resterons dans le piège. Il est temps d’ouvrir les yeux : le recyclage ne sauvera pas la planète. Seule la sobriété, le courage politique et la réinvention de nos modèles économiques pourront le faire.

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  • CHRONIQUE OBJECTIONS DE CONSCIENCE: DÉFENDRE LE TERRITOIRE PAR LA FORCE S’IL LE FAUT
    Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je crois que nous, Québécois et Québécoises, vivons dans un des racoins les plus beaux de la planète. Je ne le dis pas tant par chauvinisme – peut-être un peu – que par constat relativement objectif. Notre demi-pays, entre la majesté de son fleuve et l’immensité de ses forêts aux nuances de vert allant de l’émeraude à l’absinthe, ses montagnes façonnées par des millénaires de mouvements orogéniques, les milliers de lacs et de rivières qui forment, à
     

CHRONIQUE OBJECTIONS DE CONSCIENCE: DÉFENDRE LE TERRITOIRE PAR LA FORCE S’IL LE FAUT

3 octobre 2025 à 09:43

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je crois que nous, Québécois et Québécoises, vivons dans un des racoins les plus beaux de la planète.

Je ne le dis pas tant par chauvinisme – peut-être un peu – que par constat relativement objectif. Notre demi-pays, entre la majesté de son fleuve et l’immensité de ses forêts aux nuances de vert allant de l’émeraude à l’absinthe, ses montagnes façonnées par des millénaires de mouvements orogéniques, les milliers de lacs et de rivières qui forment, à vue de ciel, une vaste toile bleue, rayonne sur la mappemonde. Et au confluent de ces merveilles dont la beauté infinie donne presque envie de croire en une Création divine, on trouve les éléments qui permettent à la vie de s’y épanouir, incluant bien sûr la vie humaine, dont la bêtise collective empêche de saisir l’ironie que nous en sommes les principaux fossoyeurs.

Voici donc que nos larbins du Capital, notre gouvernement de chambre de commerce beauceronne, nos distributeurs de contrats en échange de dépôts dans la caisse électorale, travaillent d’arrache-souches pour vendre ce qui nous reste de trésor sylvestre aux compagnies forestières les plus offrantes à travers l’ignoble projet de loi 97.

Voici donc aussi que plus tôt cet été, en juillet, la Radio de nos Impôts diffusait un reportage dans lequel la Société des cabourons du Kamouraska sonnait l’alarme et réclamait une fois de plus un statut de protection juridique pour ces grandioses inselbergs qui, près du fleuve, donnent au Kamouraska son relief distinct et abritent une flore aussi magnifique que fragile.

Parce que les cabourons sont menacés non pas juste par les octrois de claims pour la prospection minière, mais aussi par la spéculation immobilière!  D’ailleurs le média Pivot, sous la plume de son vaillant journaliste d’enquête Sam Harper, exposait les malversations légalisées de Contigo Ressources et de « 14180666 CANADA INC. » (non, ce n’est pas louche du tout!) qui ont acheté en date de juillet 2024 des droits d’exploration le long du fleuve entre Kamouraska et Rivière-du-Loup, dont de nombreuses parcelles de terrain composées de terres agricoles, forestières et, oui, des cabourons!

Autrement dit, autant d’infâmes compagnies dirigées par des baise-la-cenne sans morale que les milliardaires baveux à la Luc Poirier de ce très bas-monde cherchent à obtenir pignon sur rue au milieu de notre paradis, histoire de le transformer en enfer, de dérober à la plèbe un peu plus d’accès aux beautés de notre demi-pays pour mieux les ravager!

Et ce, en toute légalité – l’ignominieuse Loi sur les mines permet aux détenteurs de claims d’explorer le sous-sol, peu importe à qui appartient la surface. Et il ne suffit que de quelques mamours à des administrations municipales peu scrupuleuses pour changer le zonage et permettre le développement immobilier à peu près n’importe où.

Heureusement, les Autochtones gardiens du territoire sont encore une fois montés aux barricades, ce qui a malheureusement mené à des confrontations contre des ouvriers et des ouvrières forestières qui gobent à pleine gorge la propagande et la désinformation pelletée dans leur face par leurs employeurs.

Les syndicats réclament une révision du projet de loi, mais ils devront se mettre en mode syndicalisme de combat pour à la fois sauver le territoire et bien représenter les travailleurs, ce qui ne pourra se faire qu’avec une alliance d’égal à égal avec les Premiers Peuples.

Tout cela mène à une question cruciale : jusqu’où aller pour défendre le territoire à la fois contre les multinationales et contre notre régime de Vichy à caractéristiques québécoises?

Nous en sommes malheureusement, après des années d’immobilisme, à considérer l’emploi de la force à l’encontre du monopole étatique sur la violence « acceptable », lui-même rendu moralement invalide par la corruption endémique de nos institutions.

La désobéissance civile? Oui, encore plus, et de manière encore plus affirmée et radicale, des tactiques encore plus diversifiées allant jusqu’à l’action directe, mais organisée et encadrée par une éthique bien définie.

C’est au pied de ce mur que nous ont acculés la classe gouvernante et les Médias des Gens de Bien toujours prompts à condamner toute « violence » qui ne vient pas de l’État.

Et comme je l’avais déjà écrit dans ces pages, ce sont les dirigeants et les dirigeantes qui décideront du ton adopté par la résistance.

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  • Quand le phoque devient le miroir de nos déséquilibres
    Il y a des animaux qui deviennent malgré eux les réceptacles de nos contradictions. Le phoque, dans le Saint-Laurent, est de ceux-là. Tantôt accusé de voler le poisson des pêcheurs, tantôt brandi comme victime des bouleversements climatiques, il oscille entre mascotte attendrissante et ressource économique taboue. Pourtant, lui, il n’a rien changé à sa routine : il nage, il plonge, il mange. C’est nous qui, incapables de gérer nos propres déséquilibres, lui collons sur le dos nos frustrations co
     

Quand le phoque devient le miroir de nos déséquilibres

2 octobre 2025 à 12:23

Il y a des animaux qui deviennent malgré eux les réceptacles de nos contradictions. Le phoque, dans le Saint-Laurent, est de ceux-là. Tantôt accusé de voler le poisson des pêcheurs, tantôt brandi comme victime des bouleversements climatiques, il oscille entre mascotte attendrissante et ressource économique taboue. Pourtant, lui, il n’a rien changé à sa routine : il nage, il plonge, il mange. C’est nous qui, incapables de gérer nos propres déséquilibres, lui collons sur le dos nos frustrations collectives.

Le problème, c’est que le phoque n’est pas un cas simple. Il est un acteur écologique à part entière, avec un rôle clair dans la mécanique de l’écosystème Saint-Laurent. Mais il est aussi un morceau d’histoire coloniale, un symbole de luttes internationales, une ressource culturelle pour les communautés autochtones, et une pierre d’achoppement pour les pêcheurs côtiers. Autrement dit : tout le monde a une bonne raison de parler de lui, et personne ne le regarde du même angle. Voilà pourquoi chaque conversation sur le phoque dérape aussi vite qu’une glissade sur les roches pleines d’algues de nos rivages à marée basse.

On pourrait croire que le dossier est purement biologique : compter les phoques, calculer ce qu’ils mangent, mesurer leur impact. Mais non. Le Saint-Laurent n’est pas un aquarium, c’est un système complexe où chaque changement — surpêche, réchauffement, disparition des grands prédateurs — produit une réaction en chaîne. Accuser le phoque de tous nos malheurs halieutiques, c’est pratique, mais c’est surtout un raccourci. À l’inverse, en faire un intouchable au nom de l’émotion publique est tout aussi stérile. La vérité, c’est que cet animal nous renvoie à notre incapacité chronique à penser en réseau.

Et c’est exactement pour ça que les États généraux sur le phoque sont, à mes yeux, l’un des exercices les plus nécessaires de notre temps. Depuis cet été, mémoires et consultations ont commencé à circuler. En novembre, tout ce beau monde se retrouvera à Matane. On pourrait s’attendre à une bataille digne d’une finale de hockey. Mais si l’on est honnête, l’audace est déjà là : rassembler chasseurs, pêcheurs, communautés autochtones, scientifiques, institutions et simples citoyens dans un même processus, c’est sortir du réflexe confortable du chacun-pour-soi. C’est accepter de confronter des vérités incompatibles et de chercher quand même à avancer.

Évidemment, personne n’imagine qu’on sortira de là en se donnant tous la main autour d’un feu de camp. Mais il y a une valeur immense à mettre cartes sur table, à écouter vraiment, et à faire coexister des points de vue qui autrement s’ignoreraient. Le but n’est pas de fabriquer une unanimité en papier mâché, mais de créer un socle minimal où l’on peut bâtir. Le simple fait que ce chantier ait lieu, porté par trois organisations qui auraient pu rester campées chacune sur sa légitimité – l’Association de chasseurs de phoques intra-Québec (ACPIQ), l’Agence Mamu Innu Kaikussesht de la Côte-Nord (AMIK) et Exploramer – est en soi un signal fort.

Ce qui est fascinant, c’est que ce débat sur le phoque déborde largement du Saint-Laurent. Il parle de nous, de notre rapport aux ressources, de notre difficulté à conjuguer science, culture, économie et perception publique. Il met en lumière cette manie de travailler en silos : les pêcheurs d’un côté, les scientifiques de l’autre, les communautés autochtones encore ailleurs, et les décideurs à distance, coincés dans des règlements qui ne se parlent pas entre eux. Le phoque devient ainsi le test grandeur nature de notre capacité à casser les cloisons.

Cohabiter dans la complexité

Il faut dire les choses simplement : si nous échouons à trouver une façon intelligente de gérer un dossier comme celui du phoque, comment prétendre aborder des enjeux encore plus vastes — la crise climatique, la gouvernance des océans, ou l’avenir de nos pêcheries? C’est pour ça que ce moment est si important. Ce n’est pas seulement une discussion sur un animal. C’est un laboratoire de cohabitation, où l’on voit si, enfin, on peut arrêter de se renvoyer la balle et construire ensemble quelque chose de cohérent.

Le phoque, lui, continuera de plonger dans les eaux froides du Saint-Laurent, sans se soucier de nos débats. Mais à travers lui, c’est notre capacité collective à faire de la place aux désaccords, à conjuguer les savoirs autochtones et la science moderne, à réconcilier économie locale et perceptions globales qui est mise à l’épreuve. Les États généraux ne régleront pas tout, et il serait naïf de l’attendre. Mais ils constituent une respiration, une chance rare de sortir du cercle vicieux des accusations croisées.

Alors que les premières consultations sont déjà entamées et que les participants se préparent à l’échéance de novembre, il faut reconnaître le courage de ceux qui ont accepté d’entrer dans l’arène. C’est un exercice exigeant, inconfortable, mais nécessaire. Et il mérite d’être salué non pas parce qu’il promet des solutions miracles, mais parce qu’il nous oblige à affronter ce que nous évitons trop souvent : la complexité.

Le phoque n’est pas l’ennemi ni l’allié. Il est le révélateur. Et les États généraux, amorcés cet été, sont l’occasion unique de montrer que nous sommes capables de dépasser les slogans faciles pour enfin apprendre à cohabiter.

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  • Appel de textes Mouton Noir novembre-décembre 2025
    APPEL DE TEXTES : Vol. XXXI, no 2 novembre-décembre 2025 Date de tombée : 15 octobre 2025 700 mots maximum Pour notre numéro de novembre-décembre, les élections municipales au Québec seront passées. Mais parlez-nous de vos attentes envers les gouvernements municipaux. Les enjeux, les problématiques, etc. Ces dernières années et de plus en plus, la violence mène le monde. Trump et ses milices, le génocide en Palestine et les policiers qui utilisent la coercition et leurs armes. Qu’en dit
     

Appel de textes Mouton Noir novembre-décembre 2025

29 septembre 2025 à 09:09

APPEL DE TEXTES : Vol. XXXI, no 2 novembre-décembre 2025

Date de tombée : 15 octobre 2025

700 mots maximum

Pour notre numéro de novembre-décembre, les élections municipales au Québec seront passées. Mais parlez-nous de vos attentes envers les gouvernements municipaux. Les enjeux, les problématiques, etc. Ces dernières années et de plus en plus, la violence mène le monde. Trump et ses milices, le génocide en Palestine et les policiers qui utilisent la coercition et leurs armes. Qu’en dites-vous? Parlons aussi d’économie, les prix augmentent mais les salaires ne suivent pas…Que pouvons-nous faire? Exprimez-vous aussi d’environnement et autres sujets que vous jugez pertinents.

IMPORTANT : Contactez Le Mouton avant de commencer à écrire pour éviter que deux personnes ne travaillent sur la même thématique.

mouton@moutonnoir.com

Important : Nous ne garantissons pas la publication de tous les textes reçus. Et nous nous réservons le droit d’éditer votre texte.

SECTION CULTURELLE CHAMP LIBRE

Nous vous invitons à nous envoyer vos critiques de cinéma, de livres, de musique, d’arts visuels, d’art de la scène et autres manifestations artistiques ainsi que vos réflexions sur la place de l’art et de la culture en région.

Date de tombée : 15 octobre 2025

Longueur maximale : 550 mots pour la section Champ libre

Courriel : culture@moutonnoir.com

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  • L’amour, l’art et le hasard, une philosophie de la vie en résistance
    Le dernier siècle avant l’aube est le nouveau de Jean Bédard qui sort le 15 octobre prochain. Sous la forme d’un roman historique, nous traversons l’histoire d’Akivè, jeune Juif exilé dans la tourmente du XXᵉ siècle. En  débordant largement de ce cadre, l’auteur nous fait voyager à travers plusieurs méditations incarnées par plusieurs personnages forts, comme le hasard, l’absurde, la cruauté, mais aussi l’amour, l’art et la mémoire. Le roman devient ainsi une fresque philosophique où se joue la
     

L’amour, l’art et le hasard, une philosophie de la vie en résistance

19 septembre 2025 à 14:22

Le dernier siècle avant l’aube est le nouveau de Jean Bédard qui sort le 15 octobre prochain. Sous la forme d’un roman historique, nous traversons l’histoire d’Akivè, jeune Juif exilé dans la tourmente du XXᵉ siècle. En  débordant largement de ce cadre, l’auteur nous fait voyager à travers plusieurs méditations incarnées par plusieurs personnages forts, comme le hasard, l’absurde, la cruauté, mais aussi l’amour, l’art et la mémoire. Le roman devient ainsi une fresque philosophique où se joue la possibilité d’une humanité qui arrive à maintenir sa compassion originelle grâce au respect des liens qui nous unissent. Explorons ensemble les différentes méditations du roman à travers cet article.

Le hasard et l’absurde : la dé-liaison

Chez Jean, le hasard n’a rien de libérateur. Il est « le premier péché du monde », une force de dé-liaison qui défait les liens, disperse le sens et réduit l’existence au non-lieu. L’absurde, c’est ce vide menaçant qui nous guette lorsque les pages de notre vie cessent de tenir ensemble. À cette logique du chaos, Jean oppose la permanence des vérités éternelles, comme celles des mathématiques, de la science et des grandes paroles d’amour face aux changements violents qui menacent la vie sociale et politique. Cette opposition nous offre la possibilité de constater comment les personnages arrivent à tenir au creux de leur cœur un sens à leur vie à travers ces vérités éternelles. Je pense surtout à Génia, un personnage féminin puissant, qui arrive à traverser les goulags de Russie par les vérités scientifiques, malgré la douleur et la souffrance de l’environnement direct.

L’amour comme sève vitale

Face à l’absurde, l’amour est une autre vérité éternelle. Elle apparaît comme la réponse première. « L’amour est à l’être humain ce que la sève est à l’arbre » : un lien vivant, souple, organique, qui nourrit le sens de son existence. Contrairement à la chaîne, qui attache et enferme, la sève libère et fait croître. Dans le destin d’Akivè, partagé entre la fidélité à Génia, son amour d’enfance, et la rencontre d’Elke, son épouse, se déploie une vérité paradoxale : aimer, ce n’est pas choisir, mais apprendre à habiter plusieurs fidélités, dans une circulation qui fait grandir en profondeur et en largeur.

L’art comme vérité et don de soi

L’art, lui aussi, est pour Jean une force de résistance à l’absurde. Il ne se réduit pas à n’être qu’une simple virtuosité, mais plutôt un langage qui exprime les singularités de chaque chose perçue par le cœur et par les sens. L’art véritable se tient entre interdit et révélation, pauvreté et transcendance. Il dévoile le mal en le montrant, il relie plutôt qu’il explique. Mais il se fragilise lorsqu’il devient industrie soumise au marché. Seule la sincérité — le fait de « se communiquer totalement » — garantit sa vérité. L’art demeure alors ce qui nous arrache à la torpeur, ce qui garde vivant le cri de compassion de l’humanité.

La guerre et la cruauté : perte de l’innocence

Jean n’idéalise pas l’humanité. La guerre révèle la cruauté comme moteur de l’histoire, alimentée par la perte de l’innocence. La mort d’un enfant, scandale absolu, nourrit un ressentiment qui se mue en haine et justifie la violence. Fascisme et communisme institutionnalisent cette cruauté, qui s’appuie moins sur l’adhésion que sur la passivité : « Au fond de ma conscience, je savais ; au fond de ma volonté, je cédais. » Contre cette logique, une seule voie : refuser la cruauté comme fondement, préserver la sensibilité du cœur, demeurer fidèle à l’innocence et cultiver la compassion innée au cœur de l’humanité.

Une philosophie du plein et du vide

Au cœur de cette œuvre se dessine une pensée vibrante : ni le néant, trop vide pour engendrer, ni la plénitude, trop pleine pour créer, ne peuvent fonder l’être. La vie surgit dans le jeu entre les deux, dans cette oscillation fragile qui empêche l’absurde de triompher. C’est là que prennent sens l’amour, l’art et la mémoire : non comme consolations sentimentales, mais comme puissances organiques capables de résister au hasard destructeur et capable de erelier l’humanité dans une communauté vivante.

Conclusion

Le dernier siècle avant l’aube est donc moins un récit d’exil qu’un manifeste de survie spirituelle. Jean Bédard y trace une philosophie de la résistance : résister au hasard, à la cruauté et à l’absurde par l’amour, la compassion, l’art, la vérité et la mémoire. Fidèle à une tradition philosophique de vigilance, il rappelle que l’humanité se joue dans la manière de préserver ses liens de sève, de garder sensible son cœur, et de refuser les chaînes qui l’enferment.

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  • Changement de culture: Combien d’animaux sont morts pour notre assiette?
    En janvier dernier1, dans le cahier « Plaisirs » du Devoir, j’ai lu la chronique de Josée Robitaille intitulée « Cuisiner écolo et écono ». J’y ai appris que « 60 % [des] GES liés à l’alimentation sont dus à l’élevage2 »; Robitaille propose donc de diminuer la taille de nos portions de viande ou d’en manger moins souvent. Cela tombe sous le sens de le rappeler, car c’est un des gestes individuels pour le climat que les Québécois rechignent le plus à adopter3. Elle ajoute qu’« [à] titre comparati
     

Changement de culture: Combien d’animaux sont morts pour notre assiette?

11 septembre 2025 à 11:48

En janvier dernier1, dans le cahier « Plaisirs » du Devoir, j’ai lu la chronique de Josée Robitaille intitulée « Cuisiner écolo et écono ». J’y ai appris que « 60 % [des] GES liés à l’alimentation sont dus à l’élevage2 »; Robitaille propose donc de diminuer la taille de nos portions de viande ou d’en manger moins souvent. Cela tombe sous le sens de le rappeler, car c’est un des gestes individuels pour le climat que les Québécois rechignent le plus à adopter3. Elle ajoute qu’« [à] titre comparatif, pour produire 1 kg de viande, le bœuf produit 60 kg de CO2, le porc […] en produit 7 kg et le poulet, 6 kg. Privilégions donc ces viandes moins dommageables pour l’environnement et moins gourmandes pour le portefeuille4 ».

Lisant cela, j’ai néanmoins tiqué. Combien de vies animales de plus sont-elles ôtées si on remplace tout le bœuf qu’on mange par du poulet? Ou par des poulets, si on ose écarter le déterminant partitif : dire de la viande invisibilise la mort de l’animal – on en parle « comme d’une ressource5 » au lieu d’un être vivant. Ainsi le langage participe-t-il au « monde obscurci », concept du philosophe Günther Anders, où, dans les mots d’Yves-Marie Abraham, « nous devenons incapables non seulement de percevoir les conséquences de nos actes, mais même de les imaginer ».

Ces mots proviennent de la postface de La chèvre et le chou : débat entre un artisan fermier et un militant végane6. Tout au long de ma lecture du livre, j’ai espéré en vain que les deux positions se rejoindraient; finalement Abraham, dans sa postface intitulée « Et le capitalisme? Bordel! », identifie l’ennemi commun : « les modes de vie dominants » de la civilisation industrielle qui « reposent sur l’élevage intensif de milliards d’animaux domestiques, à qui nous infligeons des souffrances atroces, avant généralement de les abattre à la chaîne7 ». Ce sont ces conditions décrites dans des livres qui m’ont détournée de la viande à dix-huit ans. Je continuais néanmoins à manger du poisson et des fruits de mer, choix que j’ai postrationalisé ainsi : « Je mange ce que je serais capable de tuer »… si j’étais mal prise, et tout en pleurant les dix milliards de poissons et crustacés tués pour notre consommation au Canada en 20228.

L’impact environnemental de l’élevage industriel est indéniable : émissions de méthane et de CO2, déforestation pour faire pousser la nourriture du bétail, pollution de l’eau, etc. Cependant, dans une perspective d’autonomie alimentaire et de sobriété, la voie des petits élevages locaux ou d’une chasse sans gaspillage a aussi sa place. Il semble à Abraham, et j’abonde dans son sens, « que la solution la plus sage consiste à appréhender ces dilemmes […] en refusant de choisir l’une de ces positions (rejeter le “ou”), pour essayer au contraire de les tenir ensemble (adopter le “et”), en dépit de ce qu’elles peuvent avoir de contradictoire9 ».

On fait quoi?

On trace sa ligne, selon sa sensibilité : viande locale uniquement, aucun produit animal (alors, faisons vérifier nos taux de fer et de vitamine B12)… On apprend à cuisiner végétal (c’est écono!) et à apprécier pleinement les produits animaux quand/si on en mange.

On lit

Avec les enfants, l’album La grande évasion de Roquette : d’après une histoire vraie, de Josée Dupuis et Camille Lavoie10. Bravo de lever le voile sur les conditions industrielles de production de la chair de poulette auprès des enfants, que plusieurs consomment régulièrement.

1. Un des plaisirs d’écrire pour un média indépendant, c’est le rapport au temps : ce texte sort plus de six mois après la chronique à laquelle je réagis, et c’est parfait.

2. Josée Robitaille, « Cuisiner écolo et écono », Le Devoir, 18 et 19 janvier 2025, p. C6.

3. Groupe de recherche sur la communication marketing climatique, Baromètre de l’action climatique 2024, p. 27.

4. Josée Robitaille, loc. cit.

5. Guillaume Meurice, Peut-on aimer les animaux et les manger?, La Martinière Jeunesse, coll. « ALT », 2023, p. 27.

6.  Dominic Lamontagne et Jean-François Dubé, La chèvre et le chou : débat entre un artisan fermier et un militant végane, Écosociété, 2022; p. 273.

7.  Ibid., p. 269.

8.  Animal Justice, https://animaljustice.ca/blog/how-many-fishes-does-canada-kill.

9.  Dominic Lamontagne et Jean-François Dubé, op. cit., p. 272.

10.  De L’Isatis, 2024.

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  • Je suis « pauvre conne »
    Pierre Desproges disait : « Argumenter avec un imbécile, c’est comme se masturber avec une râpe à fromage : beaucoup de douleur pour peu de résultat. » Vous savez ces gens vaniteux et braqués, de mauvaise foi jusqu’au trognon, qui profèrent n’importe quoi pour faire effet et défendent des positions rigides et indélogeables, n’hésitant pas à insulter, à ridiculiser, à humilier pour mettre de l’avant leur position, et leur fraise avec. Ils ont des arguments patentés, jouent de populisme et de p
     

Je suis « pauvre conne »

10 septembre 2025 à 11:19

Pierre Desproges disait : « Argumenter avec un imbécile, c’est comme se masturber avec une râpe à fromage : beaucoup de douleur pour peu de résultat. »

Vous savez ces gens vaniteux et braqués, de mauvaise foi jusqu’au trognon, qui profèrent n’importe quoi pour faire effet et défendent des positions rigides et indélogeables, n’hésitant pas à insulter, à ridiculiser, à humilier pour mettre de l’avant leur position, et leur fraise avec. Ils ont des arguments patentés, jouent de populisme et de peurs et ils parlent fort.

« Petits cons d’la dernière averse ou vieux cons des neiges d’antan », disait l’autre.

Pour les uns, c’est un trait de personnalité, pour d’autres, c’est un métier. Pour certains, une vocation. Propagateurs de colère mal dirigée.

Ces grotesques personnages, j’essaie le plus souvent de les ignorer. Je dois dire que, depuis la pandémie, je me suis désintéressé de la doxa médiatique québécoise et de son traitement de l’information. J’ai boudé aussi bien la radio d’État que les médias écrits ou le contenu Web pour des équivalents étrangers. J’écoute actuellement l’analyse des élections canadiennes sur France Inter.

Je ne me reconnaissais pas dans le narratif de nos médias, tantôt clivants, tantôt consensuels. Alignés que nous étions sur la montée de cette extrême droite mondiale qui fait peur, nous avions des discours lourds, l’horizon nous semblait sombre (pas juste à cause du smog, mais aussi).

J’avais ce sentiment que, dans les médias, nous manquions dramatiquement de réelle curiosité et de voix discordantes, que nous avions besoin d’une parole qui nous laisse entrevoir mieux au lieu de se blâmer les uns les autres. Ce sont ces voix qui disent le monde de demain.

Au Québec, on est fins, on aime le consensus, on n’aime pas trop remettre en question les choses, de peur de découvrir que notre grand-mère était raciste. Mais, à force de ne pas regarder les choses en face, on crée une doxa morne tissée d’à-peu-près et un narratif qui ne rejoindra pas les nouvelles générations. C’est pourquoi nous avons besoin de « dissensus », pour chercher à rejoindre et à représenter plus large. Évoluer? Maybe not. Mais le débat social peut se faire de façon civilisée et respectueuse.

Si je sors de mes gonds aujourd’hui, c’est que je constate que ces voix non consensuelles, on tente de les faire taire par un nouveau business de cyber-intimidation, et par la voix des « papes » de la liberté d’expression.

L’incidence

Peu à peu ont émergé, dans des médias mainstream, deux voix qui faisaient écho à mes pensées : celles de Kev Lambert et de Marie-Élaine Guay. Deux voix qui sortaient de sous le voile du consensuel et qui mettent le doigt où personne n’ose regarder; deux jeunes éduqués, sensibles et intelligents qui consacrent le bref spotlight que l’on donne à des artistes ès lettres pour parler d’une société plus juste.

Il n’en fallait pas plus pour que nos amis de la râpe à fromage les envoient rejoindre Safia Nolin dans leur collection de marottes « wokes », de punching bag pour discours clivants. 

Je n’ai même pas envie de parler des idées de Richard Martineau. Ça ne m’intéresse pas. Mais je trouve important de ne pas accepter que l’intimidation soit une business médiatique. Quand Martineau, en pleine connaissance de l’origine de l’expression « ne pas lire les commentaires », traite Marie-Élaine Guay de « pauvre conne », il sait que ce qu’il nourrit risque de nuire à l’intégrité et à la santé de quelqu’un, mais il s’en torche car ça génère de clics (il doit sécuriser sa retraite). 

En sport, c’est la stratégie qui consiste à casser un membre à celui qui te bat à coup sûr pour qu’il déclare forfait. Ben, on appelle ça de la violence et de l’intimidation, de l’incitation à la haine. En plein ce qu’elle dénonçait, avant de s’en prendre plein la gueule.

Et quand une entreprise comme Québecor ou TVA fait la business de l’intimidation en relayant la vidéo sur ses plateformes et en la mettant à la merci de sa horde de trolls, malgré les nombreux signalements, il y a quelque chose de pourri dans le royaume des médias. Je ne suis pas du genre à promouvoir la censure. Mais, je crois qu’il faut se rendre compte que l’intimidation n’est pas un « mode d’expression » ni un gagne-pain. J’en sais quelque chose :

Extrait de mon journal : « Ne plus commenter un post de Roméo Bouchard. CPT. »

Il faudra que les gens en autorité prennent acte, s’excusent et assument le cercle de violence qu’ils alimentent impunément. Il faudrait que nous nous donnions des leviers pour régir cette violence numérique et pour blâmer ceux qui exploitent ces failles réglementaires pour casser leur sucre.

Personnellement, j’aime pas mal mieux être une « pauvre conne » qu’un chroniqueur d’opinions. 

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  • J’aime les gens qui doutent1: Entrevue avec Gaston Desjardins
    Aussitôt assis ensemble au Chapeau Moustache, Gaston Desjardins et moi invoquons nos grands-pères, nos pères, prenons avec eux et nos chiens une marche imaginaire en forêt. Entre des moulins à scie d’hier et d’aujourd’hui, des gorgées de lait d’or pour moi et de latté pour lui, revit une mémoire à la fois intime et collective. Nous nous retrouvons autour des lambeaux d’une culture canadienne-française démodée. À la faveur de son livre L’arrière-boutique de l’histoire, je veux l’entendre me parle
     

J’aime les gens qui doutent1: Entrevue avec Gaston Desjardins

8 septembre 2025 à 09:11

Aussitôt assis ensemble au Chapeau Moustache, Gaston Desjardins et moi invoquons nos grands-pères, nos pères, prenons avec eux et nos chiens une marche imaginaire en forêt. Entre des moulins à scie d’hier et d’aujourd’hui, des gorgées de lait d’or pour moi et de latté pour lui, revit une mémoire à la fois intime et collective. Nous nous retrouvons autour des lambeaux d’une culture canadienne-française démodée. À la faveur de son livre L’arrière-boutique de l’histoire, je veux l’entendre me parler de la moisson d’un gars qui semble encore surpris d’avoir passé le plus clair de sa vie à l’université. Rencontre avec un cascadeur de l’éducation.

Philippe Garon  Pour paraphraser Yvon Deschamps, l’histoire, « qu’ossa donne? »

Gaston Desjardins  Au fil de ma carrière, de mes recherches, je me suis évidemment beaucoup interrogé sur l’histoire, sur sa fabrication et son enseignement. J’ai accumulé plein de brouillons, d’esquisses, sans savoir quoi en faire. En prenant ma retraite, je voulais paresser. Mais ça me chicotait. Je me rendais compte qu’au-delà de la dimension intellectuelle, je voulais parler de l’expérience de la personne, du vécu de l’historien. Avec une mémoire sensible. Plus t’es vieux, plus tu peux avoir de la perspective. Cette dimension organique n’apparaît pas nécessairement dans le discours académique officiel. En me détachant des contraintes institutionnelles, je pouvais écrire d’une manière qui n’entre pas nécessairement dans le cadre de la discipline. Pour méditer au sens de mon métier. Évidemment, on entend souvent que l’histoire peut servir à dessiner l’avenir. Mais pas toujours. Les tyrans nous montrent bien qu’ils savent eux aussi se servir du passé…

P. G.  Ça me fait penser à Hegel qui disait que l’histoire nous apprend que nous n’apprenons rien de l’histoire.

G. D.  Oui, pour moi, ça entre justement dans cette croyance selon laquelle la science va tout régler. Le mythe de la scientificité, c’est un des thèmes dans lesquels je voulais plonger. Comme l’instrumentalisation de l’histoire. Les enjeux de liberté, de connaissance et de pouvoir également. Pouvoir dans le sens des multiples rapports de forces qui s’exercent en société, sur le plan politique évidemment, économique, mais aussi dans le cadre universitaire. Toute corporation revendique la valeur scientifique de ses thèses, c’est légitime. Cela dit, c’est bien beau la cueillette et l’analyse de données. Sauf que l’histoire, c’est aussi un récit. On a une relation affective avec notre passé. Peu importe l’époque, les événements, les personnages auxquels on s’intéresse, on doit rester conscient que c’est une interprétation. Qu’on est dans la subjectivité.

P. G.  Sauf que de cette manière, on arrive difficilement à des réponses définitives…

 G. D.  La certitude, c’est le pire ennemi de la connaissance. Les réponses sont sans cesse à construire. C’est une quête. Une boucle perpétuelle. Nous sommes à la fois ce qui nous brûle et ce que nous brûlons, ce que nous absorbons de partout, physiquement et symboliquement. En plus des universitaires, plein d’autres personnes s’intéressent à l’histoire : des libraires, des journalistes, des muséologues, des artistes, tout ça donne une diversité de points de vue qui peut enrichir notre questionnement. À moins que ce soit malveillant. Ce qui renforce l’idée selon laquelle, comme citoyens, on doit cultiver le doute, même si c’est exigeant.

P. G.  Dans un autre ordre d’idées, tu t’intéresses aux fantômes, mais pas nécessairement comme phénomène paranormal.

G. D.  Le travail de l’historien, c’est d’interroger des morts, d’emprunter leur regard, de vivre leurs émotions. Les historiens parlent tout le temps avec les morts et, pourtant, ils ne le disent jamais. Ils font le pont entre la vie et la mort. Converser avec les morts, ça peut nous apprendre beaucoup, nous apprendre à mourir même.

1. Merci à Anne Sylvestre.

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  • Élections municipales 2025 : Un Devoir citoyen en latence, tout le long des deux rives du Saint-Laurent!
    Élections municipales 2025 : Un Devoir citoyen en latence, tout le long des deux rives du Saint-Laurent! Je soumets cette analyse critique le plus positivement du monde, dans l’espoir d’être de quelque utilité pour la communauté et le bien-commun. Car il faudra bien reconstituer des communautés cohésives, solidaires et responsables et avancer vers une société écoresponsable prospère et cohésive. La période des élections municipales approche. Des cohortes de représentants à élire, quelques
     

Élections municipales 2025 : Un Devoir citoyen en latence, tout le long des deux rives du Saint-Laurent!

5 septembre 2025 à 13:28

Élections municipales 2025 : Un Devoir citoyen en latence, tout le long des deux rives du Saint-Laurent!

Je soumets cette analyse critique le plus positivement du monde, dans l’espoir d’être de quelque utilité pour la communauté et le bien-commun. Car il faudra bien reconstituer des communautés cohésives, solidaires et responsables et avancer vers une société écoresponsable prospère et cohésive.

La période des élections municipales approche. Des cohortes de représentants à élire, quelques fois en remplacement en raison de l’hostilité de citoyens, par effet d’usure sous la critique répétée ou les frustrations de ne détenir que des pouvoirs décisionnels et des ressources régionales limitées ou insuffisantes, ou simplement par l’incompréhension de ce que devraient être les devoirs des élus envers le bien commun et la prospérité à long terme des villages et des villes et de leurs citoyens. Il serait utile que les électeurs exercent un choix judicieux en faveur de ceux et celles qui auront à cœur l’écologie, l’Environnement, la santé environnementale et qui auront fait preuve de conscience citoyenne au-delà d’intérêts, d’aveuglements ou de raisons spécieuses.

Quel mal ronge donc notre démocratie municipale? J’avancerai, à l’essai, que le mal vient du fait que des politiciens et des intérêts partisans ou égocentriques ont usurpé le pouvoir des citoyens et l’ont concentré dans une machine bureaucratique de plus en plus lourde, méprisante et hautaine sans que ne soit respecté le devoir d’une véritable reddition des comptes : révéler la vérité en toute transparence, analyser et évaluer, consulter avant de décider, décider en collégialité, puis agir : Vérité, devoir, vaillance, conscience.

Ce que nous expérimentons de la démocratie est devenu une illusion d’un pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. C’est l’exercice du pouvoir par les partis politiques, leurs députés et un gouvernement central omniscient s’il est fortement majoritaire. Les municipalités sont officiellement des « créatures » de ce gouvernement central et on fait bien sentir la futilité de pouvoirs municipaux.   Un défi démocratique perdure.

Il faut renverser des attitudes néfastes et refonder notre démocratie sur sa base de la participation citoyenne dans les municipalités et les régions. Une image révélatrice : si déjà les sièges des élus dans les salles des conseils municipaux étaient plus modestes et ceux des citoyens plus nombreux ! Déjà par ce théâtre du pouvoir, on fait sentir que le citoyen est l’inférieur, l’écrasé, le censitaire qui doit se taire, que sa présence n’est qu’au mieux tolérée ! Le rôle de l’État central, c’est de coordonner et d’assurer l’équité sociale, l’intégration et la cohésion, la prospérité et la cohérence de l’aménagement territorial, ce n’est pas de tout contrôler par le jeu des pouvoirs exécutifs et législatifs trop amalgamés, ce n’est pas d’étendre la toile de la fonction publique, le nombre de fonctionnaires et alors d’obstacles bureaucratiques, normatifs et réglementaires. La lourdeur n’est pas garante de succès à des jeux olympiques! Un équilibre pragmatique doit s’établir entre les paliers des Pouvoirs, et toujours l’amour de la patrie doit primer sur les impulsions affairistes. La complexité et la lourdeur de l’appareil gouvernemental ne peuvent pas constituer des prétextes pour nier l’imputabilité et le devoir de transparence.

Devant un juste, nul besoin de tout contrôler, de tout policer! l’État doit créer des conditions gagnantes, orienter les grandes décisions, développer des consensus de fond, guider, mener des études validées, développer une organisation systémique capable de réaliser efficacement de grands projets et de grandes missions et de répondre à des impératifs nationaux. Cependant, tout ce que la complexité des infrastructures techniques et technologiques ou des structures organisationnelles apportent pour élaborer des plans et réaliser des actions gagnantes doit être évalué en fonction de critères de cohérence, d’efficacité, de véracité et de reddition des comptes. Aux grands défis, concentrer de grands moyens en un grand État. Cependant la vie de tous les jours relève de la vie de village et de la responsabilité individuelle et de la conscience citoyenne. Voilà globalement.

Soyons clair : la prise en charge du territoire et de la communauté peut et doit se faire d’abord au niveau municipal et régional, dans le respect des libertés individuelles : la protection des boisés, des milieux humides, des cours d’eau, des berges, l’accès à l’eau propre des rivières et des lacs, le logement, la culture, les loisirs, la famille, les transports locaux, la santé publique, l’autonomie alimentaire, la qualité de l’eau potable et de l’air, le patrimoine architectural, l’agriculture, la vie communautaire et même la gestion courante de services de santé et d’éducation et la promotion du bien-être des enfants et des personnes âgées relèvent aussi de responsabilités communautaires et citoyennes. <<Ça prend tout un village pour éduquer les enfants!>>, non une omniprésente et omnipotente fonction publique!

Dans les faits, on aura dépossédé nos villages de leurs fonctions vitales en même temps que les carrés centraux et les kiosques à musiques auront été délaissés au profit de projets de centres d’achat excentriques, et maintenant plus encore par les entrepôts des bannières multinationales américaines. Par extension, acheter local exerce une influence sur la qualité de la vie démocratique aussi bien que sur la protection de l’architecture patrimoniale!

Cependant, la conduite des affaires publiques ne peut pas se faire uniquement par les élus municipaux, même si c’est à eux que les citoyens auront délégué, un temps, le pouvoir local légitime de décider. Il est essentiel que les citoyens s’organisent pour intervenir en permanence auprès de leurs élus, pour les soutenir dans la réalisation d’objectifs communs ou les rappeler à l’ordre qu’exige le Bien commun. Une « Assemblée citoyenne locale », un Conseil indépendant, devrait pouvoir réagir, faire pression auprès des élus et faire valoir qu’il y a ou non cohérence ou acceptabilité sociale ou que le devoir de précaution et d’évaluation aura été respecté. Celle-ci devrait disposer d’un minimum de moyens pour s’informer et informer la population exercer un devoir de précaution et de consultation. Elle devrait pouvoir se servir sans entraves du mécanisme d’initiative populaire consultatif (référendum consultatif prévu dans le Code municipal). Ce mécanisme permet de soumettre à un vote populaire l’adoption ou le rejet de règlements ou de projets, si un nombre suffisant de citoyens en font la demande. Sans cette participation citoyenne à la prise en charge de leur communauté et de leur milieu, on le constate, les élus se retrouvent coincés devant une foule de « clients» intolérants ou de promoteurs qui en veulent toujours plus, ou de citoyens qui leur en veulent tout court d’attitudes méprisantes ou de conflits d’intérêt. Plus les mensonges s’accumulent, plus la frustration monte, et l’intolérance monte aussi. Les fusions municipales ou la diminution du nombre de conseillers ou le déni de responsabilités ne constituent pas des solutions heureuses.

On objectera que les élus municipaux n’ont ni les pouvoirs ni les ressources pour mettre en œuvre une prise en charge de tout et en tout. Certes. Pourtant, les devoirs de précaution, d’information et de consultation doivent prévaloir. Ainsi, eu égard à des projets qui auraient des impacts de destruction de milieux humides, de pollution de l’eau et des berges, de non-respect des bandes riveraines et ainsi de suite, un élu aurait le devoir d’oser intervenir même au-delà de balises réglementaires; oser exiger, innover, miser sur les ressources et les moyens communautaires et la mobilisation citoyenne. La précipitation à autoriser un projet de développement indiquerait déjà sa faiblesse (ainsi le cas Northvolt, et bien d’autres). Développer des consensus et valider l’acceptabilité sociale et toujours évaluer constituent des garanties de succès tant économiques que communautaires de projets, en plus encore de mégaprojets qui écrasent les citoyens. Exécuter efficacement certes, mais après une évaluation serrée et éclairée. On confond trop le développement régional à des développements financiers bénéfiques pour quelques influenceurs ou d’entrepreneurs pressés. Un projet que l’on dit pressé de réaliser, donne déjà le signe d’un mauvais projet car la précipitation cache bien des lacunes et des couleuvres! Développer en urgence n’est pas garant de progrès si des destructions pénalisent l’Environnement et les écosystèmes et l’harmonie des architectures patrimoniales et de beaux villages. Être un élu ou un citoyen responsable, serait être prêt à prendre des risques pour le bien commun, dont le risque de tout évaluer avec la participation et la consultation des citoyens. Rien de plus malsain que cette culture de la dépendance aux développements affairistes ou du désengagement envers l’environnement. La cohésion sociale en souffrirait alors. Une illustration par analogie : l’intégration linguistique et sociale relève de responsabilités des élus et de la communauté, car il n’y a pas de cohésion sans intégration, et alors entendre des élus rejeter sur un autre palier gouvernemental ces responsabilités citoyennes – (paradoxalement le préfet de MRC n’est pas élu à cette fonction par suffrage universel, mais par un jeu de coulisses où l’un enclin à accepter les projets de développements à intérêts particuliers serait favorisé. L’élection des préfets ne devrait-il pas être soumis à une sorte de droit de regard d’un comité citoyens, de sages?) – et prétexter que cela relève de tel ou tel autre ministère, ou d’un ministère de l’Environnement de plus en plus désengagé envers l’Environnement. Un tel laisser-aller moral devrait disqualifier un candidat à une élection municipale ou le livrer à une procédure de destitution s’il est trop enclin aux compromissions et ne consulte pas les citoyens. Bref, on entend trop des ‘’cela relève de l’autre palier politique’’ dans les petites municipalités et les MRC…

Le Québec constitue un immense territoire composé de grandes régions porteuses de valeurs culturelles et sociétales distinctes, et aux ressources particulières qui conditionnent la vitalité économique, sociale et écologique. Le tout forme un corps national inviolable. Et le Québec s’est construit de l’esprit du <<Fleuve aux grandes eaux ». Et cette terre est notre terre commune. Chaque région, chaque village, chaque quartier contribue à forger l’âme du peuple, à fonder sa souveraineté. Une situation de problèmes là est affaire de tous, en communion. Cependant, il n’y a pas de plan d’aménagement et d’occupation territoriale cohérent décidé par l’ensemble dans un forum social national  collectif consensuel, que des étalements, des fragmentations des terres agricoles et des bois et des champs, des sols et des sous-sols livrés à des développements aveugles, à des intérêts mercantiles ou égocentriques; et, le Fleuve aux grandes eaux jadis le paradis d’un foisonnement de poissons et de crevettes et de biodiversité serait déjà en très mauvais santé…Sous trop de développements, la beauté est nulle part, la laideur brutaliste s’étend partout. On ne partage pas assez un sentiment de la beauté des paysages et la richesse de l’eau pure, de la naturalité des sols, de la biodiversité……Un pays vaste peuplé de peu de gens mais dévasté de partout, dans ses eaux, dans ses sols, dans ses forêts, dans ses patrimoines, dans ses mémoires identificatrices…

Conséquemment, ne faudrait-il pas promouvoir un engagement à un code d’éthique qui inscrirait un devoir de précaution, un devoir d’évaluation, un devoir d’information et un devoir de consultation? Certes, pour la pérennité à long terme. Globalement, on n’a pas besoin de plus de fonctionnaires municipaux ou provinciaux, mais de plus de Lumière, de plus de référence à un éthos d’un carita patrii soli! de la conscience citoyenne et de la beauté du pays.  L’éthos confère un sens à l’action, donne un sens existentiel à sa propre vie, libère de conflits, encore qu’il faille bien se battre, même mal, pour infléchir l’action dans le sens de la Nature et de la raison de la Nature. La connaissance et l’entendement ne devraient-ils pas aider à relativiser des discordances, à résoudre des désaccords, et à rechercher la coopération pour le bien commun.

Aux prochaines élections municipales, il faudra bien encourager et appuyer les candidats qui auront fait preuve d’engagement et de foi véritable dans l’écologie, l’environnement, la santé de l’environnement. Et, qui porteront le flambeau de la vérité, du devoir et de la vaillance… Il relèverait alors du devoir et de la responsabilité de tous les citoyens de les appuyer, solidairement, ces vrais Hommes!

Michel Pagé.

Réf. Code municipal (c-27); Loi sur les compétences municipales (c-47); Voir aussi des notes sur les MRC dans architecture proposé à MRC,

Mots clé : devoir de précaution, devoir de consultation, participation citoyenne, devoir d’évaluation, Environnement, Santé de l’Environnement et santé publique. Prospérité, Naturalité. Devoir de reddition. Complexité de l’appareil bureaucratique

Seul un fou couperait la branche sur laquelle il se tient en équilibre, et pourtant bien de vains élus ne font que cela, et Ils seraient élus par des gens qui s’aveuglent aux chants des sirènes du gain à court terme, de l’égocentrisme et de raisons financières narcissiques, à courts termes. Développons, mais pour qui, pour quelques-uns et la gloire de quelques élus en mal d’être appréciés… Les grands ont de grands sentiments, les petits de petits...… Une économie écologique requiert un environnement et des systèmes écologiques sains. Cependant, on se ment tellement à soi-même pour camoufler…
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  • Le Géouïdire : la revue étudiante en géographie
    Voilà déjà 20 ans que Le Géouïdire, la revue des étudiants et des étudiantes en géographie, ouvre ses pages à la publication d’articles en science et de récits de voyage! Le premier numéro du Géouïdire a vu le jour en mars 2005 et le dix-neuvième en novembre 2019. Aucun numéro n’a été publié depuis la pandémie, mais quelques membres du Regroupement des étudiant.e.s en géographie (REEG) de l’UQAR ont décidé de reprendre le flambeau et lancent un appel de textes pour la publication en septembre du
     

Le Géouïdire : la revue étudiante en géographie

4 septembre 2025 à 08:36

Voilà déjà 20 ans que Le Géouïdire, la revue des étudiants et des étudiantes en géographie, ouvre ses pages à la publication d’articles en science et de récits de voyage! Le premier numéro du Géouïdire a vu le jour en mars 2005 et le dix-neuvième en novembre 2019. Aucun numéro n’a été publié depuis la pandémie, mais quelques membres du Regroupement des étudiant.e.s en géographie (REEG) de l’UQAR ont décidé de reprendre le flambeau et lancent un appel de textes pour la publication en septembre du 20e numéro!

La revue est un bon moyen de communiquer des idées de manière concrète et de rassembler les connaissances de plusieurs auteurs afin de les rendre accessibles. L’information abonde sur Internet, mais revenir un instant à un média écrit en format papier a ce petit quelque chose de rassembleur et de chaleureux.

Le Géouïdire est toujours imprimé en édition limitée, ce qui le rend unique et authentique. Tous les anciens numéros sont accessibles pour consultation à la bibliothèque de l’UQAR et en format PDF sur le site Internet de l’institution1. La rédaction des articles, leur correction et la mise en page ont été rendues possibles au fil des ans grâce à la contribution bénévole de plusieurs étudiants, de personnes chargées de cours, de professeurs ainsi que de chercheurs et chercheuses. Les contributeurs proviennent de différentes disciplines et ont tous un intérêt pour l’environnement et la géographie en tant que science multidisciplinaire. Le Fonds de soutien aux projets étudiants (FSPE) de l’UQAR, l’Association générale étudiante du campus à Rimouski (AGECAR) et le module de géographie permettent également l’existence de la revue depuis les tout débuts.

Les anciens numéros du Géouïdire portent sur différents sujets tels que la nordicité, le voyage en voilier, la politique, l’aménagement du territoire ou encore la cartographie participative. Les étudiants y parlent de leur expérience de stage sur le terrain, d’échange à l’international, de cours d’été ou d’emploi d’été en science de l’environnement. Certains y résument leur projet de recherche en une courte bande dessinée, simplifient un rapport remis dans un cours ou partagent un entretien avec leur professeur. D’autres encore écrivent sur un sujet de leur choix en lien avec l’environnement ou publient des photographies de nature. Des gens de tous les domaines sont bienvenus pour proposer un article puisque la pluridisciplinarité sur un tronc commun qu’est le territoire est centrale.

La presse écrite étudiante est un outil pédagogique qui permet la vulgarisation scientifique pour la communauté universitaire et la population citoyenne. La géographie est une discipline carrefour à la fois humaine et physique, ce qui en fait une science rassembleuse qui aide à la compréhension du monde sur plusieurs plans.  La revue Géouïdire permet aussi de découvrir les membres du module de géographie à l’UQAR qui offre un programme stimulant et dynamique, avec de nombreuses occasions d’apprentissages sur le terrain, en laboratoire, en stage et à l’international.

Vous avez un intérêt pour les sciences de la nature et l’environnement et vous avez envie de partager vos idées? La revue Géouïdire vous invite dès maintenant à soumettre un article pour son 20e numéro!

Pour toute question ou pour soumettre un article, écrire à geoui.dire@gmail.com

Suivez-nous sur la page Facebook de la revue!

[1]. Géouï-Dire, la revue des étudiantes et étudiants en géographie, UQAR, 2025, https://www.uqar.ca/luniversite/departements/departement-de-biologie-chimie-et-geographie/geoui-dire-la-revue-des-etudiantes-et-etudiants-de-geographie/
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  • Prendre position : l’engagement médiatique de gauche au Québec
    En novembre 2022 se tenait la première édition du Rendez-vous des médias critiques de gauche1. Les artisans et les artisanes d’une vingtaine de publications se sont rencontrés pour discuter des défis auxquels font face les médias engagés de gauche au Québec. De cet événement est né le Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)2 qui se veut un réseau de discussion, de partage et d’organisation pour nos médias au Québec. Depuis, le Regroupement rassemble des publications écrites, imprim
     

Prendre position : l’engagement médiatique de gauche au Québec

3 septembre 2025 à 10:28

En novembre 2022 se tenait la première édition du Rendez-vous des médias critiques de gauche1. Les artisans et les artisanes d’une vingtaine de publications se sont rencontrés pour discuter des défis auxquels font face les médias engagés de gauche au Québec. De cet événement est né le Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)2 qui se veut un réseau de discussion, de partage et d’organisation pour nos médias au Québec.

Depuis, le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité poli­tique progressiste. Plus particulièrement, il s’intéresse aux enjeux et aux défis que nos médias rencontrent, ainsi qu’aux stra­tégies logistiques et politiques à mettre en œuvre au bénéfice du Regroupement et de ses idées. Le RMCG compte actuellement 14 médias membres participants, auxquels s’ajoutent trois membres observateurs3, ainsi qu’un large réseau de collaborateurs et de collaboratrices. Globalement, nos médias s’appuient sur le travail collaboratif de militants, de professionnels des sciences sociales et des personnes ou de communautés directement concernées par les sujets traités, pour la plupart sur une base bénévole.

L’engagement médiatique du Regroupement

La méthode de travail de nos médias se déploie généralement en trois temps : une délibération collective en vue de sélectionner les thèmes à traiter, une restitution des faits, puis une réflexion critique, parfois prescriptive. Ce lien entre recherche objective et analyse engagée structure notre démarche médiatique. Pour le RMCG, le travail médiatique vise une transformation sociale qui implique d’abolir les différents systèmes d’exploitation et d’oppression, et d’œuvrer à l’établissement d’une société égalitaire et solidaire. Ces valeurs justifient le choix des sujets abordés, la manière dont on les traite et les personnes sollicitées pour les développer.

Nous pensons que nos médias doivent fournir les outils de compréhension nécessaires pour transformer nos sociétés. Nous constatons que le mythe de la neutralité journalistique défendu par plusieurs médias grand public contribue à faire le lit d’un système qui détruit notre environnement et reproduit les inégalités socio-écono­miques. Cette prétendue neutralité n’est pas un acte de rigueur intellectuelle. C’est plutôt un faux-fuyant pour justifier le consensus libéral, la dépolitisation des enjeux sociétaux, si ce n’est une ligne éditoriale non assumée ou des convictions idéologiques dissimulées. Nos positions transparentes permettent au lectorat de situer nos contenus sur le spectre idéologique, et donc de favoriser la pensée critique.

Notre vision de l’enquête relève du militantisme et tranche avec la vision établie d’un journalisme prétendant à la neutralité tout en suivant les cadres d’un modèle d’affaires4. Notre but est de nourrir le débat public, un principe au fondement d’une mise en œuvre concrète et directe de la démocratie. En ce sens, il nous paraît important de rappeler, à la suite de Pierre Beaudet, militant de longue date et précurseur de la convergence, qu’il « y a une discussion générale, politique, qu’il faut toujours développer, sur les médias, leur rôle dans notre société ».

Le RMCG, tourné vers l’avenir

L’existence du Regroupement a favorisé la mise en com­mun de ressources afin de promouvoir les événements des médias membres, la concertation logistique pour la réalisation de nos lancements respectifs, l’échange de réflexions sur les contenus et la mobi­lisation autour d’enjeux politiques ou de société (notamment autour de la mise à pied des camarades de la revue Relations). De plus, afin de contrer la censure du groupe Meta sur le contenu généré par les médias canadiens, le RMCG a mis sur pied un site colligeant les publications de nos membres (www.gauche.media). Il agit d’un carrefour donnant accès à l’ensemble de nos productions depuis janvier 2023.

Le Regroupement continue de se développer au gré des rencontres, suivant une philosophie d’organisation col­lective et démocratique. Depuis mars 2024, le RMCG s’appuie sur un comité de liaison constitué de quatre membres dont le mandat vise à développer et à promouvoir les activités du regroupement ainsi qu’à faci­liter les communications internes. Après ceux de 2022 et 2024, nous entrevoyons la tenue d’un troisième Rendez-vous des médias critiques de gauche à l’automne 2025. La mobilisation n’est pas terminée : le rôle de catalyseur du RMCG ne fait que commencer. Vous faites partie d’un média qui se définit comme étant de gauche? Vous vous intéressez au processus? Nous vous invitons à rejoindre le mouvement!

1. À ce propos, nous vous invitons à lire l’article « Rendez-vous des médias critiques de gauche » paru dans le numéro 95 d’À bâbord ! : www.ababord.org/Rendez-vous-des-medias-critiques-de-gauche

2.  La liste complète de nos membres est disponible sur le site www.gauche.media

3.  L’Esprit Libre, Leftwingbooks et la Gazette de la Mauricie s’ajoutent au Regroupement à titre de membres observateurs.

4.  À ce propos, nous vous invitons à lire notre texte paru dans le numéro 47 de la revue Le Trente publiée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.

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  • Elon Musk a raison
    Elon Musk est sans doute le plus grand terroriste de notre temps : commercialisation de lance-flammes pour le plaisir, dénaturation du firmament étoilé, greenwashing de masse, implantation de puces cérébrales pour rendre désuètes les interactions, incitation à la haine et transport d’armes par fusée. Musk, c’est aussi l’homme qui a éructé au monde entier deux saluts nazis bien haineux et impétueux pour inaugurer sa courte « bromance » avec l’homme le plus virulent de la planète. Voilà nos gra
     

Elon Musk a raison

2 septembre 2025 à 09:57

Elon Musk est sans doute le plus grand terroriste de notre temps : commercialisation de lance-flammes pour le plaisir, dénaturation du firmament étoilé, greenwashing de masse, implantation de puces cérébrales pour rendre désuètes les interactions, incitation à la haine et transport d’armes par fusée. Musk, c’est aussi l’homme qui a éructé au monde entier deux saluts nazis bien haineux et impétueux pour inaugurer sa courte « bromance » avec l’homme le plus virulent de la planète.

Voilà nos grands gagnants du système capitaliste : ce jeu qui définit notre valeur à partir de notre capacité à accumuler du capital. Un jeu auquel nous jouons pourtant toutes et tous… Ce n’est pas comme si nous en avions vraiment le choix, nous sommes, hélas, enclavés dans ce système de compétition dès l’enfance. Néanmoins, nous savons pertinemment qu’il est impossible (et sans doute non souhaitable) de « gagner ». Il faudrait pour ce faire travailler pendant mille ans sans dépenser un sou pour devenir milliardaire, alors que nos grands gagnants possèdent des centaines de milliards. Mais quelle carte ont-ils dans leur jeu? Comment fait-on pour gagner quand les dés sont pipés? Eh bien, on triche! En effet, plus les autres perdent, plus nous gagnons… Croyez-vous vraiment que la pauvreté du (deux) tiers-monde et les famines meurtrières soient des effets collatéraux du système capitaliste? Elles sont au contraire, selon l’économiste Yves-Marie Abraham, les conditions nécessaires à son implantation1!

Gagner au jeu du capitalisme implique que certains perdent. Si les grands pollueurs, par exemple, étaient conséquents par rapport aux externalités négatives de leur production, ils devraient soit arrêter complètement leur activité ou l’adapter à un point tel qu’ils feraient beaucoup moins de profit. Pourtant, ce n’est pas ce qu’on constate : nos dirigeants sont englués dans un acharnement à l’accélération. On connaît les effets : destruction des conditions d’habitabilité terrestres, pauvreté, pollution, acidification des océans, perturbation des cycles biogéochimiques, famine meurtrière et extermination progressive de la vie sur Terre — puisque rappelons-le, nous sommes actuellement dans la sixième extinction massive de la vie sur Terre.

De plus, notre prédation croissante sur les « ressources » naturelles accentue le rapport de force d’ores et déjà extrêmement inique. Pour mettre cette injustice en lumière, imaginez un arbre produisant un certain nombre de fruits, donc stable d’année en année. Imaginez que cet arbre permette de nourrir l’humanité, mais que l’Occident se vautre dans la volition – considérée d’ailleurs comme méliorative – de cueillir de plus en plus de fruits chaque année pour accentuer son développement. Il est évident que pour pérenniser cette hubris, de plus en plus de gens devront se contenter de moins jusqu’à mourir de faim afin que l’Occident puisse vivre d’opulence accentuant, de facto, la disparité des castes. Toutefois, aliénés dans notre suffisance arrogante, nous ne nous rendons pas compte que nous gangrénons cet arbre avec l’espoir narcissique de jouir encore un peu dans sa chute. Notre triomphe, sacrifiant tout le Beau et le Sensé, est aussi prosaïque qu’un attentat suicide pour s’offrir une carte de membre chez Costco.

Les grands gagnants de notre système de destruction massive ont bien compris que le joker du jeu est l’égoïsme et la prédation. Manger l’autre pour ne pas être mangé est l’huile de l’engrenage. En effet, pour « gagner », il faut être individualiste : être égoïste. Musk l’a bien compris c’est pourquoi il a déclaré que la faiblesse fondamentale de la civilisation occidentale était l’empathie2.

Il a malheureusement raison. Notre système s’alimente de notre désir de vouloir compétitionner vers la « victoire », de croire que notre valeur se mesure à notre richesse, aux biens qu’on possède et au salaire qu’on gagne chaque année. Mais l’empathie, c’est justement le contraire : c’est la coopération, la réduction des externalités négatives pour ne pas nuire à autrui, le vélo plutôt que la voiture, le véganisme plutôt que le carnisme; l’empathie, c’est choisir l’être plutôt que l’avoir, l’amour plutôt que l’objet, la relation plutôt que la possession, la gauche plutôt que la droite…

« Être de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi; être de droite c’est l’inverse3. »

La droite – à laquelle Elon Musk adhère corps et âme – a très bien compris ce principe égocentrique. La haine de l’Autre (leur cheval de bataille) n’est pas que raciste ou xénophobe, elle a une vocation économique et impérialiste. Qui s’opposerait vraiment à bombarder de prétendus « terroristes », ou à envahir leur pays…? Idem avec les animaux non humains, qu’on doit rabaisser au niveau d’objets incapables d’émotion pour légitimer leur exploitation.

Nous nous rendons compte aujourd’hui de la turpitude et de la violence fascisante d’un Trump, d’un Musk ou d’un Netanyahou, et pourtant, ces terroristes, nous les méritons : ils sont, dans un sens, les archétypes exacerbés de nos aspirations. La recrudescence de l’extrême droite dans le monde met en lumière cette dérive axiologique profondément immiscée dans notre vouloir. Ces terroristes, ils sont nous, ils sont à l’image de l’Occident prédateur, et nous avons raison d’en éprouver du dégoût. Le problème n’est pas tant que les plus égoïstes soient aujourd’hui au sommet de la pyramide, mais plutôt que nous croyons qu’il est légitime de conserver cette structure qui leur permet de s’y hisser. Pour déconstruire cette tour de Babel, il ne suffit pas de tenter de gagner à notre tour. Il faut changer les règles. Redéfinir la victoire.

Il ne s’agit pas d’édulcorer nos comportements pour continuer sur la même voie et limiter un peu les dégâts. Il faut remettre en cause la légitimité même de cette quête de possession et de domination. Il faut prendre conscience que sans joueuses et joueurs personne ne perd, et que c’est en faisant équipe qu’il est possible de s’affranchir du « tu dois jouer pour devenir… » et du « tu dois gagner pour être heureux » afin de s’en émanciper. Il est impératif aujourd’hui, en tenant bien compte de la caducité de nos construits, de déconstruire les règles du jeu. Changeons-les, et plus personne ne perdra. Changeons-les, pour que l’altruisme remplace l’égoïsme comme élément qui guide le monde.

Si nous gagnons cette guerre contre le monde, alors tout le monde perd.

1. Yves-Marie Abraham, Guérir du mal de l’infini : produire moins, partager plus, décider ensemble, Écosociété, 2019.

2. Joe Rogan, Experience #2281 – Elon Musk, 2025, https://youtu.be/sSOxPJD-VNo?si=JKzb3_zRu-4rGXsI

3. Gilles Deleuze dans Pierre-André Boutang (réal.), L’Abécédaire de Gilles Deleuze, France. (Œuvre originale filmée 1988-1989, rééd. DVD 2003).

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  • L’irrigation du pouvoir
    Ça fait déjà plusieurs mois que le dude blanc est premier ministre du Canada. Ça m’a pris plusieurs semaines à comprendre. Je veux dire, le gars est assermenté le premier ministre du Canada, mais ça avait pas encore processé dans mon cerveau. Je prononce encore son nom de famille comme si c’était une pièce de viande en espagnol… et honnêtement, je ne sais pas exactement comment autrement on devrait prononcer son nom? Eh oui, dans notre système bipartite, les gens ont voté contre le candidat bleu
     

L’irrigation du pouvoir

1 septembre 2025 à 10:35

Ça fait déjà plusieurs mois que le dude blanc est premier ministre du Canada. Ça m’a pris plusieurs semaines à comprendre. Je veux dire, le gars est assermenté le premier ministre du Canada, mais ça avait pas encore processé dans mon cerveau. Je prononce encore son nom de famille comme si c’était une pièce de viande en espagnol… et honnêtement, je ne sais pas exactement comment autrement on devrait prononcer son nom? Eh oui, dans notre système bipartite, les gens ont voté contre le candidat bleu et ont élu un banquier rouge, par défaut.

Lorsque Marc, rédacteur en chef du Mouton Noir, celui-là, m’a demandé de pondre un texte sur « les premiers mois de mandat de Mark Carney », je me demandais bien ce que j’allais pouvoir raconter. J’ai à peine suivi la politique fédérale dans la dernière année, et la campagne électorale si peu. J’ai démissionné de mon poste de chef rhinocéros il y a six mois, et cela me fait le plus grand bien. Mais n’empêche, le premier ministre du Canada est une personne qui a de l’importance sur nos vies, qu’on le veuille ou non. 

Donc voilà. Un vox pop?

« – Qui ça? »

« – Euh, ouin? »

« – Trump […] est […] vraiment […] dangereux […]! »

Ok, j’abandonne le vox pop.

La politique fédérale. Le choix du tyran.

Une des choses les plus absurdes que j’ai entendues en politique fédérale de toute ma vie est la proposition de faire venir le chef d’État du Canada, le roi d’Angleterre, afin d’affirmer l’indépendance territoriale de notre colonie. Waouh, quelle incroyable et absurde nouvelle ai-je entendue là! La venue du roi du Canada, ou plutôt, devrais-je dire Charles III (insérer titre complet ici) est la preuve irréfutable que nous vivons dans une colonie britannique. Souveraineté? Autonomie? Le monde politique et le monde médiatique sont sur une mauvaise pente descendante.

Ce qui m’amène au titre de l’article : l’irrigation de l’illusion. Irrigation :  Arroser un sol par des moyens artificiels. En ce mois de juin, je m’échine à créer des jardins pendant que les clowns pathétiques du parlement travaillent sans relâche à vendre leur salade aux Canadiennes et aux Canadiens. Jamais n’a-t-on entendu parler aussi fort d’unité canadienne, on voit des rencontres entre les provinces d’où tout le monde sort souriant, mais que s’est-il passé pour que le Canada soit si uni pour la première fois depuis 1759?

L’ennemi est la grande entreprise. Multimilliardaire, elle est plus puissante que nos gouvernements. Elle crée des crises économiques à elle seule. Elle a le pouvoir de vie et de mort sur des populations entières. Elle participe à la destruction de nos économies locales, faisant du dumping à outrance le temps que nos habitudes d’achat changent et que nos petits commerces ferment, et exerce ensuite un monopole en faisant jouer les prix comme bon lui semble. C’est la grande entreprise qui a le véritable pouvoir. C’est elle qui est sortie gagnante de la pandémie. C’est elle qui sort gagnante de la division et de la peur. Et c’est celle-là qu’on garde comme alliée.

L’irrigation du pouvoir : entre les mains des grandes entreprises.

Pierre Falardeau serait fier : vive nos chaînes! Prédiction : Mark Carney pour encore trois ans et demi.

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  • La CAQ: Désastres et déceptions
    Je devais écrire un papier sur la réforme du régime forestier de la CAQ et l’échec complet qu’il a constitué. Le projet de la ministre Maïté Blanchette Vézina a reçu une volée de bois vert et, elle a pour ainsi dire frappé un nœud : tous les intervenants intéressés ont rejeté les paramètres imposés. Pire, le père du concept de « triades » dans lequel s’est drapée la ministre, le chercheur Christian Messier, a dénoncé le détournement intellectuel, à la limite frauduleux. Seule l’industrie fore
     

La CAQ: Désastres et déceptions

31 août 2025 à 12:48

Je devais écrire un papier sur la réforme du régime forestier de la CAQ et l’échec complet qu’il a constitué. Le projet de la ministre Maïté Blanchette Vézina a reçu une volée de bois vert et, elle a pour ainsi dire frappé un nœud : tous les intervenants intéressés ont rejeté les paramètres imposés. Pire, le père du concept de « triades » dans lequel s’est drapée la ministre, le chercheur Christian Messier, a dénoncé le détournement intellectuel, à la limite frauduleux.

Seule l’industrie forestière se réjouit des intentions de la ministre. Dans les corridors, on dit que cette réforme aurait été imposée par l’équipe économique que menait Pierre Fitzgibbon il y a quelques mois. Québec à vendre à bon prix!

Bref trop de choses sont incertaines pour écrire un papier cohérent que vous lirez en vacances cet été. Je vais laisser toute la place aux peuples autochtones et à leurs organisations qui ont l’intention de se faire entendre en forêt.

Alors permettez-moi d’épiloguer sur deux constats qui peuvent être tirés avec une perspective suffisante pour tenir la route.

Les deux mandats de la CAQ au Bas-Saint-Laurent auront laissé deux choses à leur fin aussi précoce puisse-t-elle être : désastres et déceptions.

Évidemment quand je dis déceptions, cela m’exclut, et a fortiori vous aussi. Mais bon, la majorité des électrices et des électeurs de nos communautés ont donné tous les pouvoirs à ce gouvernement. À quelques mois des prochaines élections, je leur souhaite de réfléchir à l’impact de leurs choix. Peut-être que cela les convaincra de ne plus voter? Mais bon, revenons au travail des trois députés de l’ouest de la région.

Maïté à composter!

L’ex-mairesse de Sainte-Luce et directrice de Centraide a été propulsée rapidement au conseil des ministres avec un dossier complexe et important : celui des ressources naturelles et des forêts. Mais elle n’a pas brillé spécifiquement à ce titre. Un peu comme son collègue à l’environnement, on a ici affaire à des politiciens qui ont une très faible connaissance des enjeux auxquels ils sont confrontés. De bons soldats pour un pouvoir centralisé.

La ministre ne semble pas porter une attention particulière à ses dossiers locaux. Des élus régionaux et plein d’intervenants ont travaillé en concertation à une stratégie pour améliorer les conditions des ouvriers sylvicoles et rendre ce travail plus attrayant. La relève de jardiniers forestiers manque cruellement et menace l’avenir de la sylviculture. Malgré des résultats intéressants, la ministre et députée a coupé le financement d’un projet pilote pour assurer l’attractivité après quatre ans.

À la moitié de son second mandat, elle a entrepris avec son ministère de préparer une nouvelle mouture du régime forestier. Une tournée de consultations a été mise en branle. J’ai participé à deux d’entre elles pour le travail et lors du lancement à Rimouski. Malgré la qualité des discussions et des intervenants réunis, elle a trouvé moyen de s’en aller après 20 minutes.

Ensuite sans aucune consultation, elle a déposé un projet de loi sur un nouveau modèle de gestion de la forêt publique qui donnerait 30 % du territoire en concession aux compagnies en échange de rien du tout!

Amélie laisse tout sans suivi

La députée de Rivière-du-Loup–Témiscouata, Amélie Dionne, ne brille pas plus. On avait un millionnaire qui ne savait pas se tenir en public lors du premier mandat de François Legault, mais sa remplaçante n’a pas vraiment amélioré le portrait.

Le dossier de l’emplacement de la traverse est dans un état désastreux. Les acteurs locaux sont divisés et le gouvernement refuse toute transparence dans sa décision de transférer le service de traversier de la pointe de Rivière-du-Loup vers le port de Cacouna. La députée n’est d’aucune utilité dans le dossier; aurait-elle pu jouer le rôle de conciliatrice? Probablement qu’elle n’en a pas les compétences. Même le maire de Rivière-du-Loup qui a pris sa carte de la CAQ ne semble plus vouloir lui parler.

La menace qui plane toujours sur les services d’urgence à Trois-Pistoles et à Pohénégamook, laissés dans les mains de Santé Québec par un ministre de la Santé incompétent, est un autre exemple de l’incapacité de cette élue à jouer le rôle qui lui a été confié. Non seulement ses rares interventions sont de nature à ne rassurer personne, mais elle semble absolument ne rien faire de concret pour sauver nos urgences. Incompétence.

Mathieu se fout de son milieu

À l’ouest, le premier mandat de la CAQ a été marqué par une ministre déléguée au développement régional, Marie-Eve Proulx, qui a été poussée à démissionner,en raison de plaintes pour harcèlement psychologique.

La réfection de la piscine du Cégep de La Pocatière a démontré que son remplaçant, Mathieu Rivest, ne fait guère mieux. Malgré la mobilisation, le gouvernement refuse toujours de fournir les sommes suffisantes au projet de rénovation de la piscine.

Une leçon à tirer

J’entends déjà les partisans de tel ou tel parti politique se revendiquer meilleur que ce que nous avons actuellement comme gouvernement. Ces partis politiques vont comme d’habitude s’intéresser au sort des régionaux avant les élections pour mieux l’oublier une fois élus. Ça, c’est une tendance multipartite, pour reprendre un terme parlementaire.

Mais pour éviter les prochains désastres et transformer les déceptions en espoirs, rien de mieux que de trouver à nous occuper nous-mêmes de nos affaires. Agir au lieu d’élire. Ce sera ma conclusion.

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  • Où est notre Top Gun?
    Depuis décembre dernier, Santé Québec exige une série sans précédent de compressions pourtant évitables d’un bout à l’autre du réseau public de la santé et des services sociaux. Alors que le gouvernement s’était engagé à éponger les déficits des CISSS et des CIUSSS – très largement attribuables au recours au privé et aux recours aux agences de placement –, Santé Québec a fait une radicale volte-face et plongé tout notre réseau public encore plus dans le rouge. On nous promettait que les coupes n
     

Où est notre Top Gun?

29 août 2025 à 11:26

Depuis décembre dernier, Santé Québec exige une série sans précédent de compressions pourtant évitables d’un bout à l’autre du réseau public de la santé et des services sociaux. Alors que le gouvernement s’était engagé à éponger les déficits des CISSS et des CIUSSS – très largement attribuables au recours au privé et aux recours aux agences de placement –, Santé Québec a fait une radicale volte-face et plongé tout notre réseau public encore plus dans le rouge. On nous promettait que les coupes n’auraient aucun impact sur les services à la population, mais force est de constater qu’on tente encore de nous passer un sapin, cette fois-ci avec les lumières et les boules.

Pire que le réforme Barette

Les coupes actuellement imposées dans le réseau de la santé et des services sociaux totalisent, pour 2024-2025 et 2025-2026, plus de 4,8 G$. C’est plus que les trois premières années de compressions de la réforme Barette en 2015 par les libéraux. Ces montants astronomiques se traduiront par des coupes de services, mais aussi par une pression accrue sur les services maintenus et le personnel déjà à bout de souffle. Dans un contexte où l’attraction et la rétention de la main-d’œuvre sont un des principaux défis de notre réseau public et où l’exode vers le privé se poursuit, il est impératif de remettre en question les décisions prises par le gouvernement de la CAQ.

Une réforme pour les gouverner toutes

Avec la création de l’agence Santé Québec, le ministre Dubé promettait plus de transparence, une indépendance entre le gouvernement et la nouvelle société d’État, une efficacité budgétaire accrue et surtout une décentralisation des processus décisionnels. Depuis décembre, c’est pourtant tout le contraire qui se produit. La Top Gun est introuvable, les décisions sont concentrées à Québec et à Montréal, bien loin des enjeux régionaux, les dépenses frivoles sont en expansion, et Santé Québec doit constamment réviser ses décisions selon l’humeur du ministre.

Pire encore, c’est le contraire de la transparence qu’on rencontre sur le terrain. Syndicats, municipalités, partis politiques, groupes sociaux et comités d’usagers tentent de recevoir de l’information de la part de Santé Québec et se heurtent au répondeur. À ce jour, le site Web de Santé Québec ne comprend aucune coordonnée pour contacter ses responsables. Santé Québec ne dispose également d’aucune plateforme sur les réseaux sociaux. Ces façons de faire sont aux antipodes des obligations démocratiques et soulèvent de graves enjeux.

Ride into the danger zone?

Un autre élément qui est important à souligner est l’absence et le mutisme de la nouvelle Top Gun Geneviève Biron au sujet des compressions budgétaires imposées d’un bout à l’autre du Québec. Au Bas-Saint-Laurent, il y a des semaines que l’on attend de ses nouvelles. L’enjeu a été repris publiquement, les députées locales et le ministre ont été directement interpellés. Des pétitions ont été déposées, l’opposition a été mobilisée et deux demandes d’accès à l’information ont été présentées au CISSS du Bas-Saint-Laurent et à Santé Québec pour en apprendre plus au sujet des scénarios projetés, sans succès.

Cette opacité  pose des enjeux de transparence et constitue un flagrant manque de redevabilité aux citoyennes et aux citoyens, qui sont pourtant les véritables actionnaires de cette nouvelle société d’État.

L’agence Santé Québec devait être le vaisseau amiral d’une modernisation du fonctionnement de notre réseau de santé et de services sociaux. Ce qu’on voit à ce jour est malheureusement tout l’inverse. On s’enfonce toujours et encore plus dans une vision strictement comptable et managériale du fonctionnement du réseau. On cherche à tout mesurer, à tout analyser, en temps réel, imposant ainsi aux travailleuses et aux travailleurs de la santé et des services sociaux de prendre toujours plus de notes, de nourrir toujours plus la bête des statistiques. On alimente ainsi un appareil bureaucratique qui mériterait plutôt d’être allégé. À preuve, les dépenses d’administration sont désormais le poste le plus en croissance dans le budget de la santé en 2025-2026! Il est question d’une augmentation de plus de 25 % du budget de l’administration en santé et services sociaux en pleine vague de compressions dans les services à la population.  

S’il est vrai que notre réseau public a besoin de changement pour mieux fonctionner, il est aussi vrai que les dernières réformes n’ont pas donné les résultats escomptés en matière d’accès aux services. Toutes ont pourtant pointé dans la même direction : plus de bureaucratie, plus de paperasse, plus de statistiques, plus de centralisation et enfin moins de démocratie. Malheureusement, la réforme en cours pointe dans la même direction. Nous devons exiger un changement de cap, et c’est urgent.

Un réseau fort, et si on osait pour vrai!

Alors que cela peut paraître difficile à lire avec des yeux de 2025, le réseau de santé du Québec était le plus performant au monde à sa création au début des années 1970. Il était fondé sur des principes démocratiques, un enracinement dans la communauté et sur une offre de soins de proximité. Et si on revenait à la base et qu’on osait vraiment se donner les moyens de nos ambitions.

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  • Le militantisme de gauche : Si on revenait à la base?
    Le militantisme de gauche, ancré dans une tradition historique riche et diverse, demeure aujourd’hui un vecteur essentiel de transformation sociale et politique. Il incarne l’engagement passionné de citoyens qui, face aux inégalités croissantes et aux dérives du capitalisme, choisissent de se mobiliser pour un monde plus juste, solidaire et égalitaire. Historiquement, la gauche s’est toujours positionnée comme la défenseuse des opprimés, des travailleurs et des minorités. Qu’il s’agisse des m
     

Le militantisme de gauche : Si on revenait à la base?

28 août 2025 à 07:55

Le militantisme de gauche, ancré dans une tradition historique riche et diverse, demeure aujourd’hui un vecteur essentiel de transformation sociale et politique. Il incarne l’engagement passionné de citoyens qui, face aux inégalités croissantes et aux dérives du capitalisme, choisissent de se mobiliser pour un monde plus juste, solidaire et égalitaire.

Historiquement, la gauche s’est toujours positionnée comme la défenseuse des opprimés, des travailleurs et des minorités. Qu’il s’agisse des mouvements ouvriers du XIXe siècle, des luttes pour les droits civiques, ou des combats féministes et écologistes contemporains, le militantisme de gauche a su se réinventer pour répondre aux défis de chaque époque. Cette capacité d’adaptation est l’une de ses forces majeures, lui permettant de rester pertinent dans un contexte politique souvent fragmenté et complexe.

Le militantisme de gauche ne se limite pas à des revendications économiques. Il embrasse une vision globale de la société, prônant la justice sociale, la redistribution des richesses, la défense des droits humains, et la protection de l’environnement. Ces combats sont intrinsèquement liés : la précarité économique ne peut être dissociée des discriminations sociales, tout comme la dégradation écologique impacte les populations les plus vulnérables. Ainsi, les militants de gauche adoptent une approche intersectionnelle, cherchant à tisser des solidarités entre différentes luttes.

Au cœur de ce militantisme se trouve une conviction profonde : la démocratie ne se réduit pas au simple exercice du vote, mais s’incarne dans une participation active et collective à la vie politique et sociale. Les militants organisent des manifestations, des campagnes de sensibilisation, des actions directes, et investissent les espaces publics pour faire entendre leurs voix. Ils créent aussi des alternatives concrètes, à travers des coopératives, des associations ou des initiatives locales, démontrant que d’autres modes de vie et d’organisation sont possibles.

Cependant, le militantisme de gauche fait face à de nombreux défis. La montée des extrêmes, la désillusion envers les partis traditionnels, et la complexité des enjeux contemporains peuvent décourager l’engagement. De plus, la stigmatisation médiatique et politique tend à réduire ce militantisme à une posture radicale ou utopiste, occultant la richesse et la diversité des idées portées par ses acteurs. Dans ce contexte, il est crucial de redonner une visibilité positive à ces engagements, en valorisant leur rôle dans la construction d’une société plus inclusive et démocratique.

Par ailleurs, le militantisme de gauche doit s’interroger sur ses propres pratiques pour rester ouvert et efficace. Cela implique une écoute attentive des nouvelles générations, une remise en question des dogmes, et une capacité à dialoguer avec d’autres courants et mouvements. La coopération entre différentes sensibilités de gauche, mais aussi avec des acteurs issus de la société civile, est essentielle pour construire des coalitions capables de peser sur les décisions politiques.

En définitive, le militantisme de gauche est bien plus qu’une simple opposition au statu quo. C’est une force vive qui porte l’espoir d’un changement profond, fondé sur la solidarité, la justice et le respect des droits de chacun. Dans un monde marqué par les crises économiques, sociales et environnementales, cet engagement citoyen est plus nécessaire que jamais pour imaginer et construire des alternatives durables.

Soutenir et encourager le militantisme de gauche, c’est donc participer à la vitalité démocratique et à la défense des valeurs humanistes. C’est reconnaître que le progrès social est le fruit d’une mobilisation collective et d’une volonté partagée de faire avancer la société vers plus d’équité et de dignité pour tous.

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  • CHRONIQUE OBJECTIONS DE CONSCIENCE: TOUT VA BIEN AU MÉDIOCRISTAN!
    Au moment d’écrire ces lignes, notre directeur de chambre de commerce qui pavoise occasionnellement comme premier ministre s’est encore une fois commis en tant que médiocre-en-chef de notre demi-pays, deux fois plutôt qu’une! D’une part, il a joué les révisionnistes en voulant nous expliquer, nous gens sans dents qui ne comprenons rien à rien, que le « Vive le Québec libre » clamé par le général de Gaulle depuis le balcon de l’hôtel de ville de Montréal en 1967 avait été mal compris, « au pre
     

CHRONIQUE OBJECTIONS DE CONSCIENCE: TOUT VA BIEN AU MÉDIOCRISTAN!

27 août 2025 à 11:09

Au moment d’écrire ces lignes, notre directeur de chambre de commerce qui pavoise occasionnellement comme premier ministre s’est encore une fois commis en tant que médiocre-en-chef de notre demi-pays, deux fois plutôt qu’une!

D’une part, il a joué les révisionnistes en voulant nous expliquer, nous gens sans dents qui ne comprenons rien à rien, que le « Vive le Québec libre » clamé par le général de Gaulle depuis le balcon de l’hôtel de ville de Montréal en 1967 avait été mal compris, « au premier degré », et que le vieux général voulait plutôt un Québec fort dans le Canada, à quelques mots près de l’infâme vision PETrudeauiste d’un « Québec fort dans un Canada uni ».

Quel abruti, quand même, et ce au même moment, coïncidemment, où les autorités de Toronto ont re-dévoilé la statue du Grand Fossoyeur John A. MacDonald, qui avait ordonné la pendaison de Louis Riel « même si tous les chiens du Québec aboient en sa faveur ».

D’autre part, de loin la pire des deux, il a refusé d’offrir des funérailles nationales à ce monument de la littérature que sera à tout jamais Victor-Lévy Beaulieu! Même si, comme l’a souligné mon ami l’écrivain-brasseur Nicolas Falcimaigne dans un magnifique hommage à son mentor littéraire, tel hommage rendu par un gouvernement d’affairistes avides l’aurait fait bondir de son cercueil et s’évader de sa propre cérémonie au volant de sa rutilante Fury décapotable!

C’est à se demander comment la CAQ arrive, de scandales en faux-pas se succédant plus rapidement que meurent les abeilles sous les coups des changements climatiques, arrive toujours à creuser plus creux que le fond du puits fétide d’où ils tirent leur plateforme politique.

Pris de panique devant des sondages qui se lisent comme une chronique de mort annoncée, ils ont une fois de plus – de trop, devrait-on dire – déterré le cadavre du troisième lien, qui aimerait reposer en paix dans la fange dans laquelle il patauge depuis sa conception.

Ils nous ressortent une énième variation du péril migrant pour justifier leur incompétence à gérer le système de santé, le manque de classes dans les écoles et la crise du logement qui sévissent dans tout le demi-pays, plutôt que de faire face à la réalité dérangeante du capitalisme en phase terminale qui, comme un cancer au même stade, finit de ronger ce qui reste de sain, de vivant.

Tant que le pouvoir restera entre les mains des capitalistes, qu’ils soient caquistes, péquistes, libéraux ou conservateurs, le monde naturel, le beau, le noble, continuera de succomber et de « brûler dans les feux de l’industrie », comme l’écrivait Tolkien dans Le Seigneur des Anneaux.

Le gouvernement du Québec, mené par cette gang de gérants des viandes spécialisés en jambon, maintient son bureau à Tel-Aviv, malgré le génocide mené par le régime Netanyahou à Gaza et ce qui semble être le début d’une nouvelle phase en Cisjordanie.

Ce même gouvernement est incapable de prendre une posture un tant soit peu principielle face à la tyrannie naissante aux États-Unis du fasciste Donald Trump, préférant un statu quo aux relents de plus en plus vichystes.

Les « médias des gens de bien », dans tout ça? Vous connaissez déjà l’air usé et le vieux refrain redondant, ils privilégient encore et toujours le point de vue (néo)libéral bourgeois en grands protecteurs d’un intolérable statu quo.

Victor-Lévy, comme l’appelaient ses amis et collaborateurs (dont je ne fus point, à mon grand regret), nous avait d’ailleurs enjoints à la désobéissance de masse dans un petit pamphlet sorti en 2013 et qui s’intitulait, justement, Désobéissez!. un véritable appel au soulèvement contre le pouvoir bourgeois écrit notamment dans la foulée des révoltes étudiantes de 2012 face aux kleptocrates menés par John James Charest, aujourd’hui réhabilité par Radio-Canada et entièrement refait en commentateur invité.

Le temps des bouffons, nouvelle génération.

« J’ai écrit cet ouvrage comme un cri que pousse une bête blessée avant qu’on ne l’achève d’un coup fatal à la tête », disait VLB au sujet de cet ouvrage en entrevue pour l’hebdomadaire louperivois Info-Dimanche.

Ne serait-il pas simplement logique, pour honorer la mémoire du géant littéraire des Trois-Pistoles, de répondre à son appel pour en finir avec le Médiocristan?

Désobéissons!

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  • Trump le ravageur
    Bien que mon intérêt pour l’agriculture date de l’enfance, je ne pratique ce métier que depuis 16 années. C’est peu. Je n’ai donc pas vécu de l’intérieur les grands bouleversements du monde agricole issus de son industrialisation. Militant activement pour une reconnaissance des fermes maraîchères de proximité et, plus largement, pour le déploiement d’une agriculture dite plurielle (tel que mis de l’avant dans le rapport Pronovost), je suis confronté de près aux enjeux de ce secteur et ils sont n
     

Trump le ravageur

26 août 2025 à 13:48

Bien que mon intérêt pour l’agriculture date de l’enfance, je ne pratique ce métier que depuis 16 années. C’est peu. Je n’ai donc pas vécu de l’intérieur les grands bouleversements du monde agricole issus de son industrialisation. Militant activement pour une reconnaissance des fermes maraîchères de proximité et, plus largement, pour le déploiement d’une agriculture dite plurielle (tel que mis de l’avant dans le rapport Pronovost), je suis confronté de près aux enjeux de ce secteur et ils sont nombreux. Néanmoins, s’il en est un qui n’épargne aucun secteur de production, c’est sans conteste celui des changements climatiques. À titre d’exemple (en agriculture biologique), avant 2015 au Bas-Saint-Laurent, nous n’utilisions pas de filets anti-insectes pour protéger nos cultures de crucifères (brocoli, choux, etc.). Le climat plus tempéré a permis l’arrivée d’insectes ravageurs (ex. cécidomyie du chou-fleur) en provenance des États-Unis. On s’est adapté. Pas le choix. Or, le dernier ravageur en provenance de chez nos voisins du sud fait trembler. Va-t-on réussir à s’adapter à ce dernier qui s’attaque non pas à nos cultures, mais bien à notre souveraineté? Trump le ravageur est parmi nous et il est prêt à faire du dégât.

D’abord en sol américain

Notre grande proximité avec les États-Unis est un fait. Elle n’est pas seulement géographique, mais découle de manière évidente d’une interdépendance économique. Il est souvent question d’automobiles, d’acier et d’aluminium, mais notre dépendance en matière d’alimentation est très importante notamment en produits frais. Déjà ébranlé en raison des changements climatiques, notre approvisionnement est de plus en plus incertain. Et voilà que Trump le ravageur s’attaque aux travailleurs agricoles. Ses menaces d’expulsion d’immigrants sans papiers font trembler une main-d’œuvre principalement latine et souvent illégale (42 % des effectifs)1. Elle est évaluée à plus de deux millions au sein des exploitations agricoles américaines.

Ensuite en sol canadien

Malgré cette proximité, nos modèles de production et de mise en marché sont souvent aux antipodes. Le secteur le plus évocateur est sans conteste la production laitière. Nos fermes laitières sont principalement familiales et de petite taille (environ 100 vaches en moyenne). Aux États-Unis, une ferme de taille moyenne peut compter 300 vaches et les plus grosses vont au-delà de 10 000… de vraies usines!  Quant aux mécanismes de gestion, ce qui nous distingue et permet de nous démarquer est la gestion de l’offre. Contrairement aux producteurs américains, les producteurs canadiens ont choisi de contrôler leurs productions de manière à l’arrimer à la demande. Ce mécanisme voit à ne pas inonder le marché, poussant ainsi à la baisse le prix du lait. Bien que le prix d’un litre de lait canadien soit généralement un peu plus élevé, il est plus stable au même titre que le revenu du producteur. De plus, il permet de limiter l’entrée du lait états-unien qui viendrait briser cet équilibre nécessaire à la pérennité de nos exploitations. En bon français, c’est une situation gagnant-gagnant.  À l’autre opposé du spectre, c’est le libre marché. Celui de nos voisins est sans pitié. L’absence de mécanismes de contrôle fait que le marché souvent saturé maintient un bas prix qui n’aide en rien à offrir des revenus décents aux producteurs. Les plus petites fermes tombent comme des mouches et ce contexte favorise la concentration de la production dans des mégafermes. Au plus fort la poche! C’est à la gestion de l’offre que Trump le ravageur veut s’attaquer. Il veut inonder notre marché pour créer plus de chaos.

Se tenir debout

En voulant s’attaquer à la gestion de l’offre, Trump le ravageur ne sert la cause de personne. Penser qu’il se préoccupe des nombreux enjeux nuisant à la pérennité des fermes serait une grave erreur. Son intention est idéologique. Il veut briser tout symbole de mobilisation qui renforce notre position. C’est maintenant à nos politiciens de jouer. Sachez que ce n’est pas gagné. De récentes concessions dans le cadre du dernier accord de libre-échange ont repoussé la limite permise d’importation de produits du lait en provenance des États-Unis. Elle atteint maintenant 3,5 %. Des discussions à ce sujet ont forcément eu lieu entre Trump et Carney lors du dernier sommet du G7. Les menaces de tarifs dans le but d’ébranler notre souveraineté fusaient certainement de toutes parts. Rendons à Trump ce qui appartient à Trump. M. Carney, sachez que la mobilisation du monde agricole sera impressionnante s’il advenait un moment de faiblesse de votre part. Il faut se tenir debout!

1. Paula Ramon, « En Californie, les menaces d’expulsion de Trump font trembler les travailleurs agricoles », Le Devoir, 2 mars 2025,  https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/850318/californie-menaces-expulsions-trump-font-trembler-travailleurs-agricoles

2.  Morgan Lowrie, « La gestion de l’offre inquiète davantage l’industrie laitière », La Presse, 11 mars 2025, https://www.lapresse.ca/affaires/2025-03-11/guerre-tarifaire/la-gestion-de-l-offre-inquiete-davantage-l-industrie-laitiere.php

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  • Les cochonneries
    Changement de culture Un samedi ordinaire : après avoir observé les chardonnerets jaunissants chassés par le quiscale et sa bande de carouges pour picorer les graines de tournesol dans la cour, je pars explorer la plage et ce qu’elle recèle d’incongru, ou ce qui devrait l’être : panneaux de styromousse, plastiques à tous niveaux de fragmentation, mégots à profusion. Ma pince à déchets et mon sac à pain réutilisé ne suffiront pas à la tâche; mais c’est dans la visibilité du travail et de la ré
     

Les cochonneries

23 août 2025 à 11:44

Changement de culture

Un samedi ordinaire : après avoir observé les chardonnerets jaunissants chassés par le quiscale et sa bande de carouges pour picorer les graines de tournesol dans la cour, je pars explorer la plage et ce qu’elle recèle d’incongru, ou ce qui devrait l’être : panneaux de styromousse, plastiques à tous niveaux de fragmentation, mégots à profusion. Ma pince à déchets et mon sac à pain réutilisé ne suffiront pas à la tâche; mais c’est dans la visibilité du travail et de la récolte que l’acte de ramasser prend davantage sens. Les bras chargés, je m’arrête devant la poissonnerie pour jaser : mon interlocuteur tient un sac de crabes, et moi un sac de tout ce qui cohabite avec eux.

Ma présence semble troubler d’autres clients; est-ce parce que je normalise les déchets en les intégrant à ma conversation? Ce faisant, je rappelle que nous cohabitons aussi avec nos rejets, alors que nous avons plutôt envie de nous aménager une bulle qui serait hygiénique, laissant même à d’autres le soin de faire disparaître nos « corps morts » : bouteilles de vin, carapaces de crabes, verres de plastique qui n’auront été fabriqués que pour une soirée… Puis nous n’y repensons jamais.

Tout ce que nous achetons est déchet en devenir – combien de déchets en devenir dans notre chez-nous? Pensons aux gens qui doivent vider la maison de leurs parents décédés ou partis en CHSLD. Le coût écologique de ces objets, l’acheteur ne le paie pas immédiatement; plutôt, il l’impose à tout le monde.

Nous achetons sans penser à qui a fabriqué cet objet trop peu cher (car son prix n’inclut pas ce que d’aucuns nomment de façon barbare ses « externalités »), dans quel atelier de misère (le terme reconnu par l’OQLF pour sweatshop), si ses ouvrières y ont travaillé 60, 72 ou 80 heures cette semaine, si elles ont été obligées d’uriner dans un sac sous leur machine à coudre1, si elles sont mortes au travail de ce que les Japonais appellent karôshi, au bout du rouleau.

Je me rappelle l’expression atterrée de travailleuses chinoises lorsqu’on leur a montré, dans le documentaire Mardi Gras : Made in China2 (que j’ai ironiquement visionné dans un avion, à la fois accélérateur de la mondialisation délétère et symbole des inégalités flagrantes), que les colliers qu’elles fabriquaient étaient offerts, dans une orgie de boisson déguisée en festivités, à des femmes qui dénudaient leur poitrine… puis qu’ils se retrouvaient noyés dans le flot d’ordures couvrant les rues de La Nouvelle-Orléans.

On fait quoi?

On considère la trajectoire de chaque objet dans nos achats et ceux de nos organisations – et on refuse d’acheter. On travaille à changer la culture pour que de ne pas manufacturer quelque chose, même si on peut le faire, soit considéré comme le geste sensé. On rend désirables la sobriété matérielle et la « suffisance intensive », concept de Nathan Ben Kemoun3, tissant des liens intenses avec l’objet (et l’activité qu’il nous permet de faire et les gens qui la pratiquent avec nous) plutôt qu’avec la multiplication des objets; ainsi un instrument de musique, un jeu de cartes ou un livre (pas cinquante…) deviennent-ils sources de nos moments précieux.

On lit

Les choses, de Georges Perec, récit encore d’actualité d’une quête de bonheur inassouvie : « [D]e nos jours et sous nos climats, de plus en plus de gens ne sont ni riches ni pauvres : ils rêvent de richesse et pourraient s’enrichir : c’est ici que leurs malheurs commencent4. »

On regarde

Pourquoi on se bat, de Solal Moisan et Camille Étienne (2023), sur Tou.tv et TV5 unis, pour la suffisance intensive illustrée : amitié, danse devant la mer, observation de la vie des animaux – qui nous enseignent à nous perdre.

1.  Le pire dans cette situation n’est évidemment pas que notre produit manufacturé ait cohabité avec l’urine de quelqu’une d’autre. Cet exemple et le précédent proviennent de No logo : la tyrannie des marques de Naomi Klein (Leméac / Actes Sud, 2001 [2000], chapitre 9).

2. David Redmon, 2005.

3.  Alexandre Monnin explique le concept dans une entrevue du 23 février 2024 avec Laure Coromines sur le site de L’ADN : https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/futur-proche-comment-vivre-a-8-milliards-sur-terre/

4. Georges Perec, Les choses, Julliard, 1965, p. 71.

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  • La fuite : nouvelle sortie éponyme
    Bon j’avoue, j’avais hâte d’écouter ce premier opus du quatuor rimouskois : un microalbum de trois pièces soudées à l’acier mixolydable. Sortie indépendante en mars dernier, La fuite propose un voyage intimiste saupoudré de virtuosité dans un environnement introspectif. Ça sent définitivement la randonnée boréale à la mi-automne, avec vent de face. Si vous connaissez déjà le duo Plant Neige, vous pourrez facilement reconnaître le style mais surtout la voix du chanteur Gabriel Dufour Langlois
     

La fuite : nouvelle sortie éponyme

22 août 2025 à 08:08

Bon j’avoue, j’avais hâte d’écouter ce premier opus du quatuor rimouskois : un microalbum de trois pièces soudées à l’acier mixolydable. Sortie indépendante en mars dernier, La fuite propose un voyage intimiste saupoudré de virtuosité dans un environnement introspectif. Ça sent définitivement la randonnée boréale à la mi-automne, avec vent de face.

Si vous connaissez déjà le duo Plant Neige, vous pourrez facilement reconnaître le style mais surtout la voix du chanteur Gabriel Dufour Langlois qui signe les compositions. Cette fois, il s’entoure d’une instrumentation complète, humble et résolument contemporaine.

On comprend rapidement la ligne directrice des textes : une série de réflexion à voix haute, floutée, sensible, presque onirique. On aime écouter les tentatives de réponses aux questions qui chavirent entre les dérèglements saisonniers, nos écarts émotionnels et les conversations intérieures. Malgré la profondeur que peut parfois prendre le propos du texte, son interprétation nous laisse souvent avec un sentiment de légèreté. Dans l’ensemble, c’est évident que les textes dégagent une certaine inquiétude, mais ils semblent toujours trouver un chemin vers un réconfort, une résolution à travers les progressions harmoniques et les images inspirantes.  J’apprécie particulièrement les quelques expressions du quotidien pour tenter d’expliquer l’indicible. J’en prendrais plus personnellement, ce qui est bon signe, me semble.

Sans haute voltige de signature rythmique ni envolée de mélodie complexe et expéditive, l’ambiance musicale nous en dit tout de même beaucoup sur les influences jazz des musiciens. On discerne un heureux mélange entre le jazz fusion des années 70 et la méthode de la chanson populaire actuelle. Rien d’extrême. Tout est là pour accompagner les textes avec parcimonie. De courtes interventions sporadiques viennent marquer les passages importants en guise de ponctuation. On entend à quelques reprises des textures subtiles aux synthétiseurs (Olivier Gosselin), des rythmes complexes à la batterie (Jean-Étienne Joubert), des ornementations à la basse (Médéryc Turgeon Chamelot) pour amener la dynamique texte/musique vers une autre dimension. Ça peut surprendre, je dois l’avouer, lors d’une première écoute, mais le tout reste cohésif et bien construit. Ensemble, l’alternance entre les différentes sonorités de basse, les effets bien choisis à la guitare et les textures variées des claviers contribuent à révéler la complicité entre les musiciens. C’est intéressant à voir évoluer. Ajoutez à ça des harmonies vocales concises et empreintes d’humilité, et vous obtenez la recette.  

Il est recommandé d’écouter l’album seul, mi-fort, avec un bon casque d’écoute – idéalement un vent salin au visage.

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  • L’art de l’enfance: Entrevue avec Nicole Testa
    Il était une fois une Nicole Testa qui passait son temps à lire aux enfants. Après avoir joué du théâtre au Collège LaSalle et obtenu un bac en animation et recherche culturelle à l’UQAM, elle entre sur le marché du travail. Communication-Jeunesse cherche du monde pour former une escouade d’animation du livre dans les écoles. Les années passent. Elle arrive au Bas-Saint-Laurent. Son bénévolat à la bibliothèque de Sainte-Blandine se transforme en emploi. Le plaisir de lire l’obsède. Elle pousse s
     

L’art de l’enfance: Entrevue avec Nicole Testa

20 août 2025 à 10:29

Il était une fois une Nicole Testa qui passait son temps à lire aux enfants. Après avoir joué du théâtre au Collège LaSalle et obtenu un bac en animation et recherche culturelle à l’UQAM, elle entre sur le marché du travail. Communication-Jeunesse cherche du monde pour former une escouade d’animation du livre dans les écoles. Les années passent. Elle arrive au Bas-Saint-Laurent. Son bénévolat à la bibliothèque de Sainte-Blandine se transforme en emploi. Le plaisir de lire l’obsède. Elle pousse sa réflexion jusqu’à la maîtrise, puis monte un cours en littérature jeunesse à l’UQAR. Pour enfin se mettre à l’écriture. Le Gros Méchant Quelque Chose est son quinzième livre depuis 1998. Rencontre avec une éternelle petite fille de quatre ans.

Philippe Garon – Qu’est-ce qui t’a servi de poudre à pâte pour ce nouvel album?

Nicole Testa – C’est la même que pour Papi Noël. Il y a une dizaine d’années, une bourse du CALQ m’a permis de recueillir des histoires auprès de parents. Des papas en fait. Les mamans lisent. Les hommes, eux, inventent. J’avais beaucoup de matériel, mais ça dormait dans mon ordinateur. C’est la source d’inspiration pour ma série Les contes de l’oreiller. Là, on prépare le troisième volume, qui va s’intituler Le hoquet du petit poisson.

P. G. – La lecture à voix haute, c’est une vraie croisade pour toi. Pourquoi?

N. T. – Parce que c’est un partage. Ça rapproche. Quand j’arrive dans une école, je suis une étrangère, puis quinze minutes après, le lien est créé, et ça, juste parce que je lis à voix haute. Depuis 30 ans que je fais ça, à mon avis, c’est la meilleure façon de mettre en scène le plaisir de lire. De partager avec les enfants ce qu’est l’expérience d’un lecteur, peu importe qui on est, peu importe les difficultés. Avec son livre Comme un roman, Daniel Pennac a complètement changé ma vision de la lecture. Parce qu’il dit qu’une fois que t’as éprouvé le plaisir de lire, ça se perd pas. Puis quand le plaisir est là, la motivation pour le reste vient plus facilement.

P. G. – Dans un autre ordre d’idées, le festival littéraire Métropolis bleu t’a invitée…

N. T. – Depuis trois ans, ils veulent se rapprocher des régions. Il fallait que je choisisse un lieu que j’aime et que j’écrive un texte de cinq pages maximum. J’ai pris l’île Saint-Barnabé. Ç’a donné un dialogue entre un grand-père et son petit-fils. Le comédien Sylvain Massé a prêté sa voix à mon histoire. On trouve l’enregistrement sur leur site Internet. Après, je devais aller dans une classe de 3e cycle. N’importe laquelle. J’ai choisi l’école de mon quartier. Je leur ai proposé de vivre un peu la même expérience d’écriture que moi, à partir d’un lieu qu’ils aiment et d’une anecdote, mais en ajoutant un élément imaginaire.

Quand j’approche les enseignantes, je leur demande : « Me prêtes-tu ta classe pour une période? » Des fois, c’est pour trouver des réponses à des questions qui me viennent en écrivant. En général, plus les questions sont saugrenues, plus les discussions sont intéressantes. À quel âge on est grand? À quoi ça sert un papi? Comme ça, je reste connectée sur l’enfance.

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  • 30 ans de YOGA DU RIRE
    Je suis revenue dans ma belle région l’été dernier. Ceux qui me connaissent savent qu’il y a eu de la houle dans ma vie depuis mon retour! Par chance, j’ai su garder l’horizon et j’ai amarré un club de yoga du rire du Bas-Saint-Laurent en mars dernier à Pointe-au-Père. L’idée est de rassembler des participants, une heure par semaine, autour d’exercices de respiration profonde, de détente et d’exercices de rire! Oui ça existe! Ayant reçu la formation de leader en yoga du rire, je peux aussi an
     

30 ans de YOGA DU RIRE

19 août 2025 à 09:42

Je suis revenue dans ma belle région l’été dernier. Ceux qui me connaissent savent qu’il y a eu de la houle dans ma vie depuis mon retour! Par chance, j’ai su garder l’horizon et j’ai amarré un club de yoga du rire du Bas-Saint-Laurent en mars dernier à Pointe-au-Père. L’idée est de rassembler des participants, une heure par semaine, autour d’exercices de respiration profonde, de détente et d’exercices de rire!

Oui ça existe! Ayant reçu la formation de leader en yoga du rire, je peux aussi animer des rencontres pour des organismes et des entreprises désireuses de faire vivre un moment de vitalité, de joie et de libération du stress à leurs bénévoles ou employés.

Je ne suis pas la seule dans ce joyeux bateau : on décompte plus de 1 000 clubs de yoga du rire dans plus de 120 pays! Et comme cette année marque les 30 ans d’existence du yoga du rire, il est nécessaire de le souligner ici! C’est ma façon de contribuer à un monde meilleur et d’aider à la vitalité des gens.

Le rire augmente l’apport d’oxygène, il nettoie et libère les poumons. Rire avant de manger permet de sécréter des enzymes, ce qui aide à mieux assimiler les aliments. Le rire agit sur la constipation, la douleur et l’immunité. Il est bénéfique pour la santé du cœur et permet de sécréter les hormones du bonheur!

Vous voulez rire? « En 1939, les gens riaient en moyenne 19 minutes par jour, pour 6 minutes seulement en 1982! Et à peine plus de 4 minutes en 19901. »

Qu’en est-il en 2025? Quelques secondes de haha de temps à autre? Une ou deux minutes de hihi en regardant des scènes socialement comiques? En s’accordant un rire calculé lors des spectacles avec les blagues des humoristes?! Est-ce que le sérieux sérieux du quotidien sérieux a gagné sur notre époque sérieuse?!

Ne trouvez-vous pas que les mots angoisse, anxiété, déprime, détresse, insomnie, nervosité, tension, stress ont pris le dessus et sont devenus la norme de nos jours? Il y a certainement un équilibre à restaurer avec les mots bonheur, détente, enjouement, espoir, gaieté, joie, légèreté, sommeil? Le yoga du rire met ces mots en action dans notre corps, nous fait prendre du recul sur nos drames et nous fait ramer d’une manière rigolote!! Hourra!

Le yoga du rire a été créé en 1995 en Inde par le docteur Madan Kataria et sa conjointe Madhuri. À la suite de la rédaction d’un article portant sur le rire, il a eu l’inspiration de réunir chaque matin un groupe de gens dans un parc. Au fil des jours, de cinq personnes qui se racontaient des blagues, on est passé à 55. Sauf qu’au bout d’un certain temps, les comiques ne trouvaient plus de nouvelles histoires drôles. Même que tous ne s’entendaient pas sur ce qui était drôle ou non… Ça s’étiolait, il fallait agir!

En faisant des recherches, le médecin est tombé sur un article affirmant que le cerveau ne peut faire la distinction entre faire comme si on est content et être une personne contente : les réactions chimiques sont les mêmes. Le lendemain, Madan Kataria a présenté ce principe aux participants qui ont tenté ceci : ils ont fait semblant de rire pendant une minute. À force de rire, ce ne fut pas bien long qu’ils ont ri pour vrai. Le rire s’est propagé, il a même rejoint les plus sceptiques. C’était l’euphorie totale!

Dans les semaines qui suivirent, Madan Kataria et sa femme, enseignante de yoga, créèrent des exercices de rire et de respiration, entrelacés de temps de méditation.

En s’entraînant à rire sans raison 15 ou 20 minutes par jour et de façon soutenue, on peut constater les effets bénéfiques sur notre bien-être. Cette pratique provoque un effet tangible sur notre façon d’approcher notre vie et le monde. On peut rire bien plus que ça évidemment!

Vive la communauté du yoga du rire!! Ha ha!

1. Christian Tal Schaller, Rire pour gai-rire, Éditions Vivez Soleil, 1994, p. 147.

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  • Choisir l’humain
    Nicolas Falcimaigne-Wuattier, écrivain-brasseur Fondateur et dernier propriétaire de la microbrasserie Le Caveau des Trois-Pistoles Vous l’aurez peut-être entendu : une brasserie a fait faillite au Bas-Saint-Laurent. Une parmi tant d’autres. La mienne. Transparence totale : je n’y ai plus aucun rôle ni intérêt. La faillite est signée. Ma proposition personnelle aux créanciers est acceptée. Je vais bien, merci de demander. La page est tournée. Retour à l’écriture et à l’enseignement. Je
     

Choisir l’humain

17 août 2025 à 09:13

Nicolas Falcimaigne-Wuattier, écrivain-brasseur

Fondateur et dernier propriétaire de la microbrasserie Le Caveau des Trois-Pistoles

Vous l’aurez peut-être entendu : une brasserie a fait faillite au Bas-Saint-Laurent. Une parmi tant d’autres. La mienne. Transparence totale : je n’y ai plus aucun rôle ni intérêt. La faillite est signée. Ma proposition personnelle aux créanciers est acceptée. Je vais bien, merci de demander. La page est tournée. Retour à l’écriture et à l’enseignement. Je peux en parler à tête reposée, à l’occasion de cette brève analyse qui trace un lien du personnel à l’universel.

Tout au long de cette saga, j’ai voulu saisir l’occasion de marteler un message dans les médias, celui de l’achat local. Cliché? Non, moins que jamais. En 2025, ce n’est plus un vœu pieux. C’est une question de vie ou de mort pour ce que nous aimons dans notre quotidien, dans notre centre-ville, dans notre village. Acheter, c’est voter. Le titre de Laure Waridel est passé dans le langage courant, signe d’une prise de conscience. Mais il faut enclencher la vitesse supérieure. L’enjeu est maintenant devenu critique.

La pandémie a gonflé les voiles des multinationales tout en cassant les jambes des entreprises locales. Les années suivantes ont été un cauchemar pour les petites entreprises. Inflation, hausse des taux d’intérêt, perte de pouvoir d’achat de la population, rupture des chaînes d’approvisionnement, pénurie de main-d’œuvre. Pour les multinationales, qui ne sont pas au service de l’humain, toutes ces catastrophes sont plutôt de bonnes nouvelles.

Ce contexte ouvre la voie à l’automatisation à grande vitesse, largement financée par des programmes gouvernementaux hors de portée des petites entreprises, avec à la clé des économies d’échelle importantes qui permettent de casser les prix pour faire tomber les indépendants, les artisans, les entreprises familiales. Bientôt, ce phénomène sera amplifié par le développement de l’intelligence artificielle.

Le plus ancien algorithme, bien avant l’IA, c’est la « main invisible du marché ». Depuis plus d’un siècle, le fonctionnement des places boursières s’impose comme un véritable logiciel qui gère de façon presque autonome notre économie. Parfois, une intervention humaine, comme une hausse du taux directeur, tente d’infléchir la tendance d’un système qui par sa complexité et son automatisation échappe de plus en plus à l’humain.

Face à l’inhumain des multinationales et de l’économie de marché mondialisée, l’artisan est bien souvent seul. Seul devant la responsabilité d’offrir un produit local, de le promouvoir et de le rendre accessible, alors que la population le perçoit plutôt comme un riche, comme quelqu’un qui exploite des employés ou qui fait un coup d’argent.

Oubliez ça! Votre artisan local, c’est un prolétaire comme vous et moi. C’est un prolétaire qui n’a pas de patron. Aucun intermédiaire entre lui ou elle et les autorités bancaires, financières et gouvernementales. C’est un prolétaire au front qui se bat chaque jour pour que vous puissiez aller acheter du bon pain au coin de la rue, prendre une bière de qualité à la micro, un bon repas au resto, acheter un vrai fromage fait localement, une charcuterie saine, être conseillé avec passion sur un disque ou un livre, offrir un bouquet composé avec art, et lire un journal de qualité depuis trente ans.

Votre artisan local, il est au service de l’humain. C’est quelqu’un qui a accepté de mettre sa passion sur la table, d’y ajouter les tâches ingrates de la gestion, et de prendre des risques financiers qui peuvent à tout moment le mettre à la rue. C’est quelqu’un qui maintient à bout de bras plusieurs emplois signifiants qui font vivre des familles dans votre communauté, plutôt que des robots d’entrepôt à l’autre bout du monde.

Sur ce front, c’est vous qui fournissez les munitions. Chaque choix, chaque achat, chaque décision, peut sauver notre camp, celui des humains, …ou nourrir la bête multinationale. Un resto ou une boîte HelloFresh? Netflix ou un spectacle au bistro du coin? Une commande Amazon ou magasiner dans les environs? Un voyage dans le sud ou un spa en Gaspésie? Annoncer dans Le Mouton Noir ou sur Facebook?

C’est plus cher, dites-vous? Eh bien, consommez moins! Ou plutôt, consommez mieux. Échangez un sourire, obtenez un conseil, tissez votre tissu social. Oui, le choix de l’humain est souvent plus cher, moins facile. Mais le jour où il n’y aura plus rien, tout sera plus cher. Chérissons l’humain.

Photo : 231115entonnage.jpg

Bas de vignette : Une partie de l’équipe du Caveau

Crédit Photo : NFW

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  • Dérive sociale : un point de non-retour?
    Traverser le Rubicon, c’est une expression qu’on hérite de la chute de la Rome antique; c’est franchir le point de non-retour. En foulant la berge sud, César provoque une guerre civile qui sonne la mort de la République. Au Québec, ça fait un moment que la montée du nationalisme identitaire empeste l’air. Déjà avant l’élection de la CAQ, la Meute paradait avec protection policière, et une prière tournait à la tragédie dans la grande mosquée de Québec. On a déjà les pieds dans l’eau. Comme pour t
     

Dérive sociale : un point de non-retour?

12 août 2025 à 11:25

Traverser le Rubicon, c’est une expression qu’on hérite de la chute de la Rome antique; c’est franchir le point de non-retour. En foulant la berge sud, César provoque une guerre civile qui sonne la mort de la République. Au Québec, ça fait un moment que la montée du nationalisme identitaire empeste l’air. Déjà avant l’élection de la CAQ, la Meute paradait avec protection policière, et une prière tournait à la tragédie dans la grande mosquée de Québec. On a déjà les pieds dans l’eau. Comme pour tourner le fer dans la plaie, une maison d’édition (financée par la SODEC et le Gouvernement du Canada) publie un livre écrit par le père du tireur visant essentiellement à peindre son fils comme une victime poussée à l’acte par l’intimidation1. Heureusement, ça n’arrivera plus; la Meute s’est dissoute, satisfaite de la victoire caquiste. D’ailleurs, la Cour supérieure a tranché : le terroriste pourra sortir de prison plus tôt que prévu2.

Quand nous traversons la rivière, chaque pas nous rapproche de la berge sud. Pour un temps, on a l’eau aux chevilles, mais on peut reculer. Quand est-ce qu’il devient trop tard? À quel moment déclarons-nous que nos dirigeants sont autoritaires et que le fascisme n’est plus un risque à éviter, mais une réalité à combattre?

Intégrer la violence à petites doses

C’est peut-être la distance historique ou les films de guerre sensationnalistes, mais plusieurs semblent avoir une idée caricaturale de cette dérive sociale. Il n’y a pas de grand soir. C’est graduellement que les politiques racistes deviennent courantes et que la violence étatique se normalise. Est-ce que soutenir inconditionnellement des régimes génocidaires, dont les dirigeants sont recherchés par la Cour internationale, c’est traverser le Rubicon? Est-ce que la répression des personnes qui dénoncent la complicité de nos gouvernements, c’est le pas de trop? Qu’en est-il des centres de détention pour les personnes migrantes ou de l’impunité des employeurs qui confisquent les papiers de leurs employées? On a l’eau à la taille, mais d’où on est, la berge nord est encore bien visible, derrière nous.

Les dernières années ne sont pas celles qui nous rendent le plus fiers du Canada, ni du Québec de qui j’aurais espéré mieux. Il semble que le plus qu’on puisse espérer des élites politiques, c’est de valoriser les personnes selon leur rendement économique. Les Anges Gardiens d’hier sont devenus les boucs émissaires pour l’avarice des propriétaires. Il y a quelques années, on les félicitait d’assumer les emplois les plus dangereux, aujourd’hui on leur dit de se contenter des permis de travail fermés. Dans les deux cas, le message est clair : au Canada, les travailleuses et travailleurs migrants sont jetables. Une préposée aux bénéficiaires qui a des séquelles de la COVID, c’est du dommage collatéral; un agriculteur obligé par un permis de travail fermé à travailler pour un employeur abusif, c’est de la main-d’œuvre saisonnière. Lorsque Tomoya Obokata, rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, dit que le Programme des travailleurs étrangers normalise les abus de pouvoir et alimente l’esclavage contemporain3, nos gouvernements ne lèvent pas le petit doigt. N’est-ce pas cautionner une violence que de la laisser arriver quand on a le pouvoir de l’arrêter?  Quand est-ce que l’inaction devient complicité?

J’imagine que la ligne est poreuse. Selon nos affinités politiques et nos milieux, nous sommes plus ou moins sensibles aux politiques régressives qui cultivent la division entre travailleuses et travailleurs. Il doit quand même y avoir des limites, quelle est la vôtre? Quand on restreint le droit de grève?  Quand le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres sera aboli du jour au lendemain? Avant de continuer votre journée, prenez un temps pour y penser et l’écrire quelque part, un post-it devrait faire l’affaire. Mettez-le quelque part, à un endroit que vous verrez souvent, sur un miroir ou un frigo. Quand ce point arrivera, s’il n’est pas déjà passé, souvenez-vous qu’à un moment, il n’y a pas si longtemps, c’était ça, votre limite personnelle. Atteindre la rive sud devient la seule option, l’autre est trop loin. D’ici là, je vous invite à porter une attention particulière aux personnes les plus vulnérables autour de vous. J’espère surtout que le post-it ne se fondra pas dans le décor, à force de faire partie de votre quotidien.

1. Raymond Bissonnette, Quand il n’y a pas de mots, Éditions JCL, 2025, 216 p.

2. Cour suprême du Canada, « La cause en bref », 2022, https://www.scc-csc.ca/fr/judgments-jugements/cb/2022/39544/

3. Tomoya Obokata, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, Nations Unies, 2024, 26 p., https://documents.un.org/doc/undoc/gen/g24/120/98/pdf/g2412098.pdf

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  • Combattre l’austérité un village à la fois  
    Ces dernières semaines, nous avons été les témoins privilégiés des conséquences dramatiques des coupes actuelles sur les soins et services en santé et services sociaux. Après avoir passé des mois à nous faire répéter machinalement par nos élus de la CAQ que « les coupes n’auront aucun impact sur les services à la population », le chat sort du sac. Si nous savons que nous vivrons une nouvelle vague de compressions budgétaires, nous ne savons encore que bien peu de choses au sujet des coupes à
     

Combattre l’austérité un village à la fois  

11 août 2025 à 12:51

Ces dernières semaines, nous avons été les témoins privilégiés des conséquences dramatiques des coupes actuelles sur les soins et services en santé et services sociaux. Après avoir passé des mois à nous faire répéter machinalement par nos élus de la CAQ que « les coupes n’auront aucun impact sur les services à la population », le chat sort du sac.

Si nous savons que nous vivrons une nouvelle vague de compressions budgétaires, nous ne savons encore que bien peu de choses au sujet des coupes à venir dans notre région. Le plan de retour à l’équilibre budgétaire (PEB), présenté à Santé Québec par le CISSS du Bas-Saint-Laurent, a été élaboré en silo, loin des regards des partenaires de la région (comités des usagers, travailleuses et travailleurs, élus, municipalités, organismes communautaires). En février dernier, Radio-Canada nous informait d’ailleurs que les administrateurs du CISSSBSL ne savaient rien de ce plan alors qu’il était déjà déposé1. Qualifier ces travaux d’opaques serait un euphémisme.

Un déficit économique et démocratique

Le déficit budgétaire à combler pour l’année financière 2024-2025 serait de 34 millions de dollars. Selon les informations dont nous disposons, mais qui demeurent toutefois à confirmer, le PEB comprendrait toutefois plus de 45 millions de dollars de coupes. La démarche viserait à identifier les secteurs ou éléments qui pourraient être coupés au niveau régional, puis à laisser Santé Québec le loisir de prendre les décisions finales au sujet des compressions à effectuer.

Ce processus confirme les risques de centralisation extrême posés par Santé Québec. Comment justifier que ce soient des bureaucrates et des fonctionnaires de Québec ou de Montréal qui décident ce qui est le plus urgent à couper dans notre région?

La manière dont on s’y prend pour redresser le budget de notre réseau de santé et de services sociaux à l’échelle de la région révèle également un grave manque de transparence. Comment expliquer le manque de consultation des partenaires des milieux concernés? Comment se fait-il que nous n’ayons toujours pas plus d’information au sujet des mesures comprises dans ce plan alors que l’inquiétude grandit dans les villes et villages d’un bout à l’autre du Bas-Saint-Laurent? Il est grand temps de remettre les gens de notre région au cœur de l’élaboration des stratégies de développement de notre réseau public de santé et de services sociaux, pas l’inverse.

Pour l’instant, nous savons que 183 postes sont abolis chez des personnes salariées. Les informations entrent au compte-gouttes tandis que de nombreux services à la population sont en jeu. Nous avons par exemple récemment appris que certains services de l’unité mobile de dépistage du cancer du sein, la roulotte SARA (Service Ambulatoire Radiologique Accessible), seraient en péril. Mise sur pied en 2007 pour favoriser l’accès à des services de prévention de proximité dans les MRC rurales du territoire, l’unité mobile devrait voir ses services diminuer au Témiscouata et dans La Matapédia à compter de ce printemps. Une situation aussi absurde qu’inacceptable pour la santé des femmes de notre région.

Une riposte populaire en marche

À la suite de fuites informelles, nous avons appris cet hiver que les urgences de Trois-Pistoles et de Pohénégamook étaient identifiées comme potentiels « services à couper » dans le PEB présenté à Santé Québec. Pour l’instant, il demeure impossible de confirmer ces informations comme le CISSS du Bas Saint-Laurent refuse de se prononcer à ce sujet avant d’avoir eu le verdict final de Santé Québec.

En attendant que le couperet tombe, les communautés des Basques et du Témiscouata prennent les choses en main pour éviter le pire. Se sont ainsi enclenchées des mobilisations populaires massives, qui ont permis de réunir des centaines de citoyens et de citoyennes dans ces deux communautés autour d’un discours commun : « Sauvons nos soins et services de proximité ». En plein hiver, des mobilisations massives ont eu lieu à Trois-Pistoles comme à Pohénégamook. Des pétitions circulent, l’heure est à l’action.

Ces mobilisations témoignent de l’attachement de nos communautés pour un modèle local de dispensation de soins et de services et doivent en inspirer d’autres. Elles appellent à nous unir sur une base régionale pour refuser le dessein mortifère auquel Santé Québec cherche à nous condamner. Pour bien vivre, travailler, grandir et se faire soigner au Bas-Saint-Laurent, organisons-nous ensemble dès aujourd’hui.

1. Sophie Martin, « Le CA du CISSS ne sait rien du plan de retour à l’équilibre budgétaire », Radio-Canada, 25 février 2025, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2143413/sante-bas-saint-laurent-coupes-deficit

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  • EN CES TEMPS TROUBLES POUR l’ENVIRONNEMENT
    En ces temps troubles qui se profilent, les craintes citoyennes sont palpables. Lesimpacts environnementaux et les réchauffements climatiques sont toujours les mêmes. Malheureusement les dénis et les aveuglements le sont aussi, et le désengagement du ministère de l’Environnement n’annonce rien de bon, sinon plus de dégradations des écosystèmes et de la biodiversité, par plus d’autorisations ou de dérogations à des pollueurs, plus de permis de détruire des milieux humides et hydriques vitaux et d
     

EN CES TEMPS TROUBLES POUR l’ENVIRONNEMENT

9 août 2025 à 08:46

En ces temps troubles qui se profilent, les craintes citoyennes sont palpables. Lesimpacts environnementaux et les réchauffements climatiques sont toujours les mêmes. Malheureusement les dénis et les aveuglements le sont aussi, et le désengagement du ministère de l’Environnement n’annonce rien de bon, sinon plus de dégradations des écosystèmes et de la biodiversité, par plus d’autorisations ou de dérogations à des pollueurs, plus de permis de détruire des milieux humides et hydriques vitaux et de dénaturaliser les berges, les battures et les paysages.

On carbure encore au développement tous azimuts tout le long du fleuve Saint-Laurent, voire de rivières patrimoniales, de Montréal au lac Saint-Pierre, réserve mondiale de la biodiversité que l’on contamine et ensevelit définitivement. Pourtant on s’étonne de la disparition des perchaudes, des poulamons, des crevettes, et on accuse les cormorans, les sébastes, les bars, les phoques. On absout cependant  la folie des hommes et de leur course au développement désormais confondu avec le progrès, une course vers l’anéantissement de la nature, du Fleuve aux grandes eaux et des rivières, tout cela menant, par impacts cumulatifs, au déclin des ressources aquatiques, de la pêche fluviale jadis nourricière.

Ce qui s’établit maintenant conditionne ce qui pourrait advenir demain vers l’estuaire. Ces spoliations détruisent peu à peu les ressources et contaminent les eaux, et feront à terme la détresse des pêcheurs. De plus, des terres agricoles fertiles sont plantées d’éoliennes, de structures de béton armé. Il y a eu et y aura encore plus de quais industriels et de zones industrialo-portuaires en bordure du fleuve, voire d’usines au profil environnemental incertain qui n’annoncent rien de bon pour la santé environnementale et la santé des écosystèmes, ni pour une véritable économie écologique durable. Cependant, des élus de MRC ferment les yeux, se droguent d’illusions de développement économique, jouent le jeu des développeurs, prétendent que la surveillance des impacts environnementaux relève du ministère de l’Environnement, qu’ils peuvent taire, voire cacher l’ampleur des impacts cumulatifs d’un ensemble de projets entérinés à la pièce mais qui contribuent à terme à des désastres écologiques et écosystémiques et à une détérioration de la santé de l’environnement et éventuellement de la santé de la population. Pourtant, il n’y a pas d’économie prospère sans écologie en santé  ni population en santé!

Cela étant, la conscience citoyenne est indéniablement muselée, manipulée, voire évacuée. Cependant, un défi démocratique émerge et se déploie contre ce qui hypothèque la qualité de vie et la prospérité d’une société distincte… Si la course au développement est bien utile pour soigner l’ego de quelques-uns, elle évacue le devoir de mener des évaluations environnementales et mâte la conscience citoyenne. Ces évaluations environnementales seraient pourtant aussi indispensables que contributrices à la définition et à la réalisation de projets à succès bénéfiques pour la société.  Ainsi, on obvie les critères de la beauté de l’aménagement territorial, qui ne peut être sans harmonie et cohérence, pour plonger dans un brutalisme désolant.

On est mal barré, littéralement. Bien des malheurs sont à craindre à moins que la conscience citoyenne ne donne un coup de barre et oriente les projets industriels et les développements vers la voie d’une économie écologique, et que cessent la pollution de l’air, de l’eau, des sols, la destruction des écosystèmes et de la biodiversité, que cesse l’étalement tant urbain qu’industriel sans respect pour la cohérence de l’aménagement territorial. Prions pour que le sens de la beauté guide les citoyens d’une société qui se voudrait remarquable, et que le temps des dévastations soit révolu!

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  • Caribous montagnards« On aime ce qu’on connaît et on protège ce qu’on aime. »
    La trentaine de caribous montagnards de la Gaspésie est le vestige de l’immense harde qui peuplait tout le nord-est de l’Amérique avant l’arrivée des Blancs. Dernier troupeau au sud du Saint-Laurent, il a subi une baisse de 80 % de ses effectifs en 15 ans et porte le triste titre d’espèce en voie de disparition. Comme Nature Québec l’énonce sur son site Internet, les causes de ce problème sont bien connues : dégradation de l’habitat causée principalement par les coupes forestières et augmentatio
     

Caribous montagnards« On aime ce qu’on connaît et on protège ce qu’on aime. »

8 août 2025 à 11:29

La trentaine de caribous montagnards de la Gaspésie est le vestige de l’immense harde qui peuplait tout le nord-est de l’Amérique avant l’arrivée des Blancs. Dernier troupeau au sud du Saint-Laurent, il a subi une baisse de 80 % de ses effectifs en 15 ans et porte le triste titre d’espèce en voie de disparition. Comme Nature Québec l’énonce sur son site Internet, les causes de ce problème sont bien connues : dégradation de l’habitat causée principalement par les coupes forestières et augmentation de la prédation qui en découle1. Entrevue avec Alice-Anne Simard, directrice générale de l’organisme.

Philippe Garon – Ça fait longtemps qu’on est au courant de la situation. Comment expliquer qu’on a tant pelleté par en avant?

Alice-Anne Simard – Dans de telles situations, on oppose souvent économie et protection de l’environnement. Pour le caribou, cet équilibre-là n’a jamais été atteint ni même recherché. On reste vraiment dans une économie d’industrie primaire, donc d’exploitation des ressources, alors qu’il existe un potentiel de développement dans la région basé plus sur les secteurs secondaire et tertiaire. Comme pour la crise climatique, on connaît les causes de la perte de biodiversité depuis longtemps. C’est bien documenté, étudié, les scientifiques sont unanimes, mais ça prend de la volonté politique pour qu’on ne considère plus le territoire juste comme quelque chose à exploiter et à gruger.

P. G. – Si les solutions sont connues, pourquoi ne sont-elles pas mises en application?

A. A. S. – Il y a une grosse résistance de la part de certains élus et d’acteurs économiques dans la MRC. J’insiste sur le mot « certains » parce que ce n’est pas tout le monde. Sauf que ceux qui s’opposent à toute forme de protection veulent continuer à faire du développement basé uniquement sur l’extraction des ressources. Là, c’est le caribou qui en subit les conséquences, mais si on croit qu’on peut continuer comme ça à l’infini, non seulement la situation économique de la Haute-Gaspésie va empirer, mais d’autres espèces vont décliner. Les écosystèmes vont s’affaiblir, puis ils seront moins efficaces pour nous rendre des services comme la production de l’eau potable, de l’air qu’on respire, etc. Le gouvernement doit donc écouter l’autre point de vue. Il faut changer de vision et non juste s’opposer au changement.

P. G. – Avez-vous le sentiment que les élus et les représentants économiques sont prêts à faire des concessions?

A. A. S. – Quand tu négocies, tu pars avec un extrême pour essayer d’arriver à un terrain d’entente. C’est une technique que l’on comprend bien. Certains s’opposent à toute forme de protection, voulant même qu’on enlève les mesures intérimaires. Mais il faut qu’ils acceptent de mettre de l’eau dans leur vin. Le gouvernement ne peut pas dire : « On ne protège plus le caribou de la Gaspésie. » C’est une obligation légale. De toute façon, il doit aussi écouter les citoyens et les nombreuses organisations qui demandent qu’on protège le caribou2. Nous, on ne laissera pas le caribou disparaître. C’est au gouvernement de faire de l’arbitrage et d’arriver à un compromis. Tous les élus doivent reconnaître qu’il faut sortir de l’exploitation primaire, qui n’est pas une voie d’avenir. On ne peut plus refuser d’entrer dans le XXIe siècle. Oui, il va y avoir des impacts, mais des mesures de compensation peuvent être adoptées dans un esprit de justice sociale.

P. G. – Quelles sont les conséquences de l’extinction de cette espèce?

A. A. S. – Le caribou est un animal génétiquement distinct. Il fait partie de notre patrimoine naturel, tel que reconnu par le gouvernement. Dans l’identité québécoise, mais aussi dans celle des communautés autochtones, il revêt une grande importance. Il est aussi le canari dans la mine, c’est-à-dire qu’il agit comme un témoin de l’état de la forêt. Il a besoin d’une forêt en bonne santé, alors quand il ne va pas bien, ça nous démontre que la forêt aussi ne va pas bien. On observe d’ailleurs un appauvrissement généralisé de la forêt. Ça a des impacts fauniques, oui, mais aussi économiques. Le caribou est également une espèce parapluie. Si on en prend soin, d’autres espèces vont aller mieux. Dernier point, plus émotif : c’est impossible de mettre un prix sur le fait de sauver une espèce, de lui permettre de continuer à vivre dans son habitat naturel. Comme maman, j’aimerais que mes enfants puissent les observer. Je trouverais ça terrible comme biologiste qu’on n’arrive pas à assurer la survie du troupeau. Ce serait une perte inestimable, un immense échec de l’espèce humaine.

P. G. – Qu’est-ce que vous aimeriez dire aux personnes qui s’opposent à la protection du caribou?

A. A. S. – Je les invite à écouter ce que disent la science et toute la population qui se mobilise pour protéger les caribous. En continuant à tout miser sur le développement économique primaire, on va arriver aux mêmes résultats dans quelques années; non seulement on va avoir perdu le caribou, mais la région va continuer à se dévitaliser. Il faut miser sur une transition vers une économie d’avenir, innovante, durable.

1. Nature Québec, « Une population unique en train de disparaître », 2025 https://naturequebec.org/projets/caribou_gaspesie/?fbclid=IwY2xjawJjdedleHRuA2FlbQIxMAABHq9ET3hVnry6oLssw5UMCo2M459LENUv1TxsvG8mFiWJGuK5jXvmd1kHjJ5R_aem_cF2y_JiTOWNsvZkgiU-ILw

2. Lire la lettre ouverte du 11 avril 2025 : « Une mobilisation régionale à la défense du caribou et du territoire de la Gaspésie », https://www.hautrement.org/une-mobilisation-regionale-a-la-defense-du-caribou/?fbclid=IwY2xjawJqRfdleHRuA2FlbQIxMQABHtS7GPzX32xdwrp3FsOTAkk9KYR1KfYCJHsMe3SDw0HoQNoGtSWarrCLLd4a_aem_yFBBMTAEOPhELyejzJtf7A

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  • Dossier « Le tsunami numérique »
    Jean-François Vallée, enseignant, cégep de La Pocatière Qu’on le veuille ou non, le numérique a envahi presque toutes les sphères de nos vies. Le système d’éducation n’y fait pas exception. C’est pourquoi j’ai pensé que, dans le cadre du cours collégial Genres et pratiques journalistiques, il serait intéressant de tâter le pouls de nos étudiants sur la question, eux qui se trouvent au cœur de ce véritable tsunami technologique. Pour les aider à mieux cerner les enjeux de ce débat, j’ai d’abor
     

Dossier « Le tsunami numérique »

7 août 2025 à 08:52

Jean-François Vallée, enseignant, cégep de La Pocatière

Qu’on le veuille ou non, le numérique a envahi presque toutes les sphères de nos vies. Le système d’éducation n’y fait pas exception. C’est pourquoi j’ai pensé que, dans le cadre du cours collégial Genres et pratiques journalistiques, il serait intéressant de tâter le pouls de nos étudiants sur la question, eux qui se trouvent au cœur de ce véritable tsunami technologique. Pour les aider à mieux cerner les enjeux de ce débat, j’ai d’abord invité l’ancien journaliste et ex-directeur de Radio-Canada Alain Saulnier à nous présenter son dernier essai, Tenir tête aux géants du web. Puis, je leur ai demandé de réagir. Les textes qui en résultent étonnent : nos jeunes se révèlent plus nuancés et critiques qu’on pourrait le croire. Qu’on se le tienne pour dit : il reste de l’espoir, puisque notre jeunesse ne se laisse pas embrigader si aveuglément qu’on pourrait le craindre.

C’est donc avec fierté que je partage avec Le Mouton Noir, pour ses 30 ans bien sonnés, quatre textes des étudiants du programme Arts, lettres et communication, options Médias du cégep de La Pocatière.

Bonne lecture !

Merci à la Fondation du Cégep, à l’Association étudiante, à la coopérative scolaire (Coopsco), au Département de lettres et communication et à la Formation continue d’avoir rendu possible la publication de ce dossier.

Les réseaux sociaux : d’option à obligation

Nelly Leblanc

Instagram, Tiktok et Facebook sont des « plateformes de divertissement », selon la définition. Leur popularité auprès des jeunes a pris de l’ampleur au cours des dernières années et sont de plus en plus incontournables. Sur le marché du travail, elles deviennent nécessaires pour plusieurs entreprises qui n’ont aucun autre moyen de se faire connaître. Ce phénomène de nécessité numérique s’observe-t-il dans d’autres milieux? Absolument. La connexion aux réseaux sociaux est passée également d’optionnelle à primordiale pour… les étudiants que nous sommes.

Du point de vue des entreprises, la visibilité en ligne a commencé comme un simple atout, pour rapidement devenir une manière indispensable de faire des ventes, de générer des profits. Parlons simplement des entreprises qui existent uniquement sur le Web, comme la compagnie québécoise Hoaka Swimwear. La publicité de l’entreprise se fait uniquement par l’entremise des réseaux sociaux à partir de la page de la compagnie, et par les influenceurs avec qui elle fait affaire. Instagram et Facebook ne servent plus seulement à divertir, mais sont devenus le nouveau centre commercial du moment. C’est une bonne option, puisqu’elle ne nécessite pas la location de locaux de boutiques et évite bien évidemment les risques de vol à l’étalage. En revanche, dépendre d’Internet illustre parfaitement l’évolution de sa place dans nos vies de consommateurs. Dans le cas hypothétique où les plateformes populaires disparaissaient, Hoaka ne pourrait plus se faire connaître et les profits descendraient près de zéro.

Si vous avez étudié au cégep il y a vingt ans, vous seriez complètement dépaysés de voir l’importance qu’ont prise les médias sociaux et les changements que ces outils provoquent sur la vie étudiante. Vous croyez que seuls les étudiants utilisent ces nouvelles technologies? Détrompez-vous : les profs aussi, et abondamment. Ils présentent fréquemment des vidéos sur YouTube qui expliquent et illustrent différemment la matière. De plus, plusieurs programmes d’études recourent aux réseaux sociaux pour se faire de la publicité, se donner une visibilité… Quoi de mieux que d’utiliser les applications où tous les jeunes se trouvent? Quant aux responsables de la vie étudiante des cégeps, ils ont compris qu’il est impératif d’exploiter ces plateformes s’ils veulent garder les étudiants actifs dans la vie collégiale.

Au cégep de La Pocatière, s’impliquer dans la vie étudiante signifie être actif sur les réseaux sociaux. Colnet, la plateforme privée officielle du cégep, ne constitue pas une plateforme efficace pour diffuser l’information, les étudiants n’ont donc pas le choix de se tourner vers les réseaux sociaux. Quand on leur demande, la grande majorité avoue ne pas utiliser Colnet, puisqu’il est « difficile à naviguer, ne suit pas la modernité, n’a pas évolué avec la technologie » et n’est tout simplement « pas attrayant pour les jeunes1 ». Ces défauts limitent la transmission de l’information, vu le faible nombre d’étudiants qui aiment l’utiliser.

Pour ma part, ma source principale est le compte Instagram de l’association étudiante du cégep (AGEECLP). Ce compte sert à annoncer les événements à venir, à transmettre les informations importantes liées à l’environnement, à la vie sociale et culturelle de l’établissement comme aux affaires internes et externes du cégep. Sans ces publications, la seule technique efficace pour que je reste informée devient le bouche-à-oreille, une source d’information peu fiable. La page Instagram de l’AGEECLP devient alors nécessaire pour que les étudiants demeurent informés des événements prévus, et pour qu’ils restent branchés sur la vie collégiale. La facilité d’accès à l’information constitue un point très positif des médias numériques, ce qui explique le gain de popularité des médias sociaux, et met aussi en relief les lacunes du système collégial et les solutions trouvées pour y remédier.

Bref, on peut constater que le but premier des réseaux sociaux a évolué avec la demande, autant la demande de visibilité des entreprises que celle de la vie étudiante collégiale. Je ne veux pas dénigrer les plateformes sociales, seulement mettre en évidence que leur importance a complètement basculé… Elles sont carrément passées d’option à obligation aux yeux de leurs utilisateurs.

[1] Selon quatre élèves du cégep désirant garder l’anonymat.

Génération connectée ou isolée?

Antoine Renauld

L’écran est devenu notre miroir. Chaque jour, nous sommes en contact avec lui, parfois distraitement, mais toujours longtemps. Nous sommes la génération du « scroll », des notifications, du « dopamine hit » causé par l’exposition aux écrans. En 2025, parler de l’impact du numérique, c’est questionner un mode de vie devenu aussi naturel que le fait de respirer, mais dont on peine à mesurer les conséquences.

J’ai 18 ans. Je suis né dans le Wi-Fi. J’ai appris à lire sur un iPad. Mes premiers mots de français, Antidote les a corrigés. Aujourd’hui, mon apprentissage passe par des vidéos TikTok, des tutoriels YouTube et des forums Reddit. Le numérique m’offre un accès instantané à une encyclopédie mondiale. Mais à quel prix?

Nous vivons à une époque plus connectée que jamais, mais aussi plus seuls que jamais. Les réseaux sociaux devaient nous rapprocher. Malheureusement, ils ont surtout installé un monde numérique dans lequel chacun joue son propre rôle, scripté à coups de filtres et de montages. En 2023, une étude de Statistique Canada révélait que plus de 60 % des jeunes de 15 à 24 ans se sentent « souvent » ou « très souvent » isolés, malgré leur présence constante en ligne.

Ce n’est pas seulement une question de solitude, c’est aussi une question d’authenticité. Comment rester soi quand l’algorithme nous pousse à devenir quelqu’un d’autre? Quand le succès dépend du nombre de « likes », et non de la qualité des pensées?

Le numérique à l’école

On a cru que les écrans allaient révolutionner l’école. Et c’est vrai : ils ont rendu les ressources plus accessibles, ont permis des cours à distance et ont facilité l’apprentissage. Mais dans les faits, leur usage pose aussi de sérieux problèmes.

L’onglet de la classe en ligne côtoie celui de YouTube, Spotify, Discord. Peut-on réellement se concentrer quand tout un monde de distractions se trouve à un clic?

Des chercheurs de l’Université Laval ont démontré que la capacité d’attention moyenne chez les jeunes a chuté de 30 % entre 2012 et 2022, en grande partie à cause du multitâche numérique. Le cerveau humain n’est pas conçu pour gérer autant de sollicitations à la fois. Le résultat? Une génération informée, mais dissipée. Connectée, mais isolée.

L’information en miettes

Autre effet, la manière dont on consomme l’information. Les médias traditionnels peinent à rivaliser avec le sensationnalisme algorithmique. Pourquoi lire un article de fond quand un mème, une story ou un tweet de 280 caractères prétend tout résumer? Le numérique favorise la rapidité, mais pas la qualité.

La désinformation prospère dans cet environnement. Qui prend encore le temps de vérifier une source? De nuancer un propos? Trop souvent, ce sont les émotions qui guident le partage, et non la raison. On parle de « fake news », mais on est souvent confronté à des vérités déformées, rendues virales parce qu’elles confirment ce qu’on veut croire.

Vers une conscience numérique?

Heureusement, tout n’est pas sombre dans ce tableau. Le numérique peut aussi être un formidable levier de créativité ou d’expression. Des mouvements sociaux sont nés en ligne. Des voix y trouvent enfin un espace pour se faire entendre. Le défi ne se réduit pas à rejeter la technologie, mais est de mieux l’apprivoiser.

Il nous faut développer une éducation numérique, savoir non seulement utiliser les outils, mais comprendre leurs impacts, leurs biais, leurs logiques cachées. Il faut enseigner aux jeunes à ne pas se contenter du statut de simples consommateurs, et les inviter à devenir des citoyens critiques du numérique. Une sorte de cours d’éthique 2.0.

L’humain derrière l’écran

Le numérique a transformé nos vies, nos liens, notre manière de penser. C’est un couteau à double tranchant! Ce sont les usages que nous en faisons qui comptent. Bref, ces usages doivent être réfléchis, régulés et équilibrés.

Je ne veux pas vivre dans un monde où tout passe par un écran. Je veux encore voir des visages entendre des voix, sentir des silences. Je veux que l’humain reste au centre, même dans le pixel.

Alors, connectons-nous. Mais pas seulement à Internet. Connectons-nous vraiment. Entre nous.

Quand le numérique redéfinit nos vies

 Oriane Rocher

            Avant de commencer la lecture, demandez-vous ce qu’est un « nouveau média ». En quelques mots, il s’agit de toutes ces applications sociales qu’on retrouve sur tous les téléphones. Les plus connues sont Facebook, Instagram, Snapchat, X, TikTok, et YouTube. Ces géants sont pour la majorité préinstallés sur les appareils neufs, ce qui rend la reconnexion plus rapide lors d’un changement de téléphone.

            Selon le site officiel des Nations Unies, « les progrès du numérique peuvent favoriser et accélérer la réalisation de chacun des 17 objectifs de développement durable ». Très intéressant, n’est-ce pas? Ce passage constitue l’amorce de leur rapport sur l’impact des technologies numériques. Je pense que vous serez d’accord avec moi : il est vrai que la technologie d’aujourd’hui permet de réaliser très rapidement énormément de tâches autrefois complexes et facilite l’accès à une multitude d’informations. Malheureusement, les réseaux sociaux influencent la façon dont les utilisateurs communiquent et ont un impact désastreux sur la population, entraînant l’isolement plus fréquent des individus.

Les réseaux sociaux sont dangereux et une exposition excessive peut être extrêmement néfaste, surtout pour les jeunes. Le fait d’être « caché » derrière son écran permet à plusieurs internautes de s’exprimer plus librement, mais de manière négative. La haine sur les réseaux sociaux s’est banalisée, les commentaires méchants, voire violents, font de plus en plus partie intégrante de ce décor. Par exemple, l’application TikTok utilise un algorithme qui suggère sans cesse d’autres vidéos en fonction des « likes » octroyés aux vidéos sur lesquelles on reste le plus longtemps et en tenant compte de nos abonnements. Cette application, aussi intéressante que divertissante, regorge de « rage-baiting », une pratique qui consiste à ajouter des commentaires négatifs, blessants, et parfois violents sous la vidéo de quelqu’un, et ce, tout à fait gratuitement. X (anciennement Twitter) en constitue un très bon exemple. On y retrouve aussi énormément de désinformation. D’ailleurs, ce problème est encore plus présent depuis qu’Elon Musk a fait retirer le programme de vérification des faits de sa plateforme, qui permettait aux utilisateurs de savoir si la source de l’information était vérifiée ou non, ce qui engendre un chaos encore plus grand quand on navigue sur cette application.

Autre exemple : pensez à vos grands-parents. Il arrive très souvent qu’ils relaient de fausses publications agrémentées d’un petit message du type « Regarde ce qui se passe en ce moment » ou « C’est dangereux, fais attention ». On les prend comme exemple en excusant leur âge, et le fait qu’ils ne sont pas très familiers avec la technologie mais, étonnamment, le problème de désinformation frappe de plus en plus les nouvelles générations, malgré le fait que la technologie fasse partie de leur vie depuis des années. Une telle désinformation de plus en plus répandue représente un fléau pour notre société, laissant place à un manque de réflexion et à une manipulation facile des utilisateurs. Née avant le boom numérique, je ne fais pas partie de cette génération d’« iPad kids » qui, elle, est née un téléphone à la main. En grandissant, j’ai donc eu la chance de conserver un peu de recul par rapport aux réseaux sociaux.

Retenons que le numérique exerce un impact important sur nos vies. D’un point de vue positif, l’ère du numérique aura permis, pendant la crise de la Covid-19, de mettre en place le télétravail et les cours à distance. Certains ont pu continuer de travailler et les étudiants ont pu ne pas prendre trop de retard. De plus, le numérique accroît l’accessibilité à une vaste gamme de connaissances et a permis des avancées en médecine et en recherche. Qui, aujourd’hui, ne supplie pas Google de lui dire quelle maladie il a attrapée selon ses symptômes? Et pourtant, on sait tous qu’il ne faut pas se fier au résultat « cancer des poumons » lorsqu’on décrit un rhume. Qui ne demande pas non plus à Google des petites images sympathiques pour les publier sur les réseaux sociaux? Moi la première, pour partager des mèmes à mes amis.

Malgré tout, le numérique et les nouveaux médias entraînent une solitude de plus en plus importante, notamment chez les plus jeunes. Regardez autour de vous : il est de plus en plus fréquent de voir un groupe d’ados tous penchés sur leur téléphone alors qu’ils pourraient discuter ensemble. De plus, une exposition aux écrans trop tôt dans l’enfance et à une trop grande fréquence retarde, dans certains cas, le développement de la parole, diminue la créativité et affecte la sociabilité.

Le numérique permet énormément, il ne faut pas le réduire à ses conséquences négatives. Le plus important est de l’utiliser à bon escient, de manière responsable et respectueuse afin de limiter ses effets négatifs.

L’invasion numérique dans les écoles

Charlie Ai-Ma Morin

Fin 2023, une nouvelle loi québécoise entrait en vigueur dans les établissements publics d’enseignement de niveau primaire et secondaire. Son but : bannir les téléphones cellulaires des classes. Alors que le gouvernement s’apprête à faire un pas de plus pour interdire les cellulaires non plus seulement dans les classes, mais dans les écoles, on peut se demander si la première loi a réellement changé quelque chose?

Déjà, un premier paradoxe : les institutions privées étaient exemptées de cette réglementation. Un bon exemple est le Collège de Saint-Anne-de-la-Pocatière. L’endroit offre une éducation de qualité à ses élèves. Cependant, il y a une faille de taille : les iPad. J’y ai étudié, je sais de quoi je parle.

Guide pratique de l’utilisation d’un iPad

La veille de la rentrée, nous recevions tous ce nouveau joujou. Peu de temps après, nous étions tous devenus des as dans l’art de manier la tablette numérique. Outil électronique grandement apprécié par certains professeurs, ou tout le contraire chez d’autres, l’iPad est rarement bien loin. Dictionnaire, Antidote, moteur de recherche Google, tableau de statistiques dans le logiciel Excel ou bien encore l’horaire  : tout est là. On voit souvent des étudiants porter des écouteurs sans fil, utiliser un Apple Pencil et pitonner sur un iPhone nouvelle génération. Cependant, le collège doit régir strictement l’utilisation des écrans qu’il confie à ses adolescents. Accès guidés lors d’examens importants, restrictions à distance de toutes les applications jugées non pertinentes et note au dossier si jamais l’un d’eux tente de déjouer le système.

Bien qu’interdit d’usage en classe, le téléphone, quant à lui, reste toujours proche : une notification en trop, une alarme de réveille-matin qui sonne en pleine évaluation ou une vidéo qui repart dès qu’un élève essaye d’ouvrir discrètement ce qu’on pourrait affectueusement surnommer sa « deuxième moitié ». Voilà des situations courantes.

Bienvenue dans la cour des grands

Après cinq années de secondaire où l’on s’est vu interdit d’accès aux écrans sans permission, nous voilà au cégep. Ici, tout est autorisé sauf, officiellement, en classe. Cellulaire, ordinateur, montre intelligente et toutes les autres petites bébelles électroniques sont souvent tolérées. Plus aucune nécessité de se cacher! Entretenir son fameux score Snap1, ne pas manquer son BeReal ou voir le nouveau Reel de mon idole sur Instagram s’avèrent des pratiques possibles en classe. Plus besoin de se cacher sous notre bureau pour texter sa best. Désormais, c’est la cour des grands au collégial. Si vous ne comprenez rien à votre cours de philosophie parce que vous voudriez être ailleurs et que vous préférez chatter sur Discord, libre à vous. Cependant, assumez vos erreurs. Vous n’êtes plus tenus par la main comme avec les professeurs du secondaire. Plusieurs de mes confrères choisissent encore la voie de la lumière bleue. Pas grave, c’est leur faute s’ils ne passent pas le prochain examen.

Juste équilibre

J’ai ici décrit deux univers complètement différents dans lesquels nous devons évoluer et trouver un certain équilibre de vie. Les cégeps, comme les écoles secondaires, sont déjà envahis par les écrans et la technologie : les projecteurs BenQ, les laboratoires informatiques, les puces électroniques pour déverrouiller les portes et activer les photocopieurs, les télévisions, les tableaux tactiles, les haut-parleurs ou encore les interphones. Utile dans la vie de tous les jours, la technologie peut grandement aider l’enseignement. Les téléphones, quant à eux, se situent dans une zone grise. Je ne dis pas que la nouvelle loi de la CAQ constitue une mauvaise idée, mais peut-être qu’il aurait fallu l’étendre, ou tout simplement ne pas l’appliquer. Je l’affirme parce que tôt ou tard, les élèves se verront libérés de l’emprise de cette nouvelle règle. Au cégep, le jeune adulte retrouve avec joie tout ce qu’on lui a interdit pendant une grande période de ses études, et peut jouer autant qu’il veut avec ses bijoux technologiques. Trouver un compromis ne serait-il pas une bonne chose, Monsieur Legault ?

1. Le score Snap est ce qui indique depuis combien de jours consécutifs deux personnes échangent des photos.

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  • Des témoignages pour nos 30 ans!
    Plus vivant que le loup… Yvan Noé Girouard Directeur général de l’Association des médias écrits communautaires du Québec 1995, un nouveau journal fait une demande d’adhésion à l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ). Un journal bizarre qui sort de l’ordinaire avec un slogan intriguant, « … plus mordant que le loup », et son format à l’ancienne mode des journaux imprimés. Qui aurait dit que ce journal allait un jour fêter son 30e anniversaire d’existence. Un j
     

Des témoignages pour nos 30 ans!

6 août 2025 à 10:18

Plus vivant que le loup…

Yvan Noé Girouard

Directeur général de l’Association des médias écrits communautaires du Québec

1995, un nouveau journal fait une demande d’adhésion à l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ). Un journal bizarre qui sort de l’ordinaire avec un slogan intriguant, « … plus mordant que le loup », et son format à l’ancienne mode des journaux imprimés. Qui aurait dit que ce journal allait un jour fêter son 30e anniversaire d’existence.

Un journal d’opinion, un journal engagé qui défend des idées qui ne sont pas publiées dans les médias traditionnels. Un journal à contre-courant. Bien que ce journal émette des opinions qui transgressent les régions, ce que j’apprécie le plus des textes que l’on retrouve dans Le Mouton Noir, c’est lorsqu’on me parle des problématiques propres à la région du Bas-Saint-Laurent et des solutions présentées. J’aime aussi qu’on me fasse découvrir les arts et la culture de la région de Rimouski.

Pas facile pour un tel journal de faire sa niche. Pourtant Le Mouton a réussi. En 2025, plusieurs journaux sont à la croisée des chemins. Plusieurs embûches se dressent devant eux : le coût des envois postaux, la hausse du coût du papier et des tarifs d’impression, les coûts exagérés liés à la collecte sélective d’Éco Entreprises Québec (la taxe du bac bleu), la mission d’examen obligatoire pour les journaux recevant une subvention supérieure à 25 000 $, l’adaptation numérique, la publicité gouvernementale qui n’est pas au rendez-vous, etc.

Bientôt, les journaux n’auront peut-être plus le choix, il va leur falloir se réorganiser ou bien fermer. Je souhaite au Mouton Noir un minimum d’au moins 30 autres années de vie à mordre dans l’actualité!

Le Mouton Noir : tenir bon, encore et toujours

Marie-Pier Lacombe, Présidente, Le Mouton Noir

Depuis bientôt 30 ans, Le Mouton Noir traverse vents et marées. Et malgré tout, il est toujours là, fidèle au poste, distribué gratuitement dans l’Est-du-Québec, porté par une voix indépendante, curieuse, critique et humaine. Dans un monde médiatique en constant bouleversement, à une époque où les mots coûtent cher et où l’attention est une denrée rare. Le fait que notre petite équipe arrive encore à publier un journal n’est pas un mince exploit.

Comment y arrive-t-on?

Par miracle? Non. Par passion, par débrouillardise et par solidarité. Publier Le Mouton Noir aujourd’hui, c’est faire preuve d’une rigueur artisanale : trouver des sujets qui comptent, coordonner des bénévoles motivés, planifier la production, boucler des mises en page jusqu’à tard le soir. C’est aussi composer avec une précarité constante : un financement limité, des imprévus budgétaires, des frais d’impression qui augmentent, des revenus publicitaires qui stagnent ou chutent.

Et pourtant, l’équipe ne lâche pas. Mieux : elle innove, elle rallie, elle s’ancre toujours plus dans sa communauté. Parce que Le Mouton Noir, c’est bien plus qu’un journal — c’est un projet de société, un espace de parole, un laboratoire d’idées. Un média qui appartient à tout le monde et à personne à la fois, enraciné dans un territoire, porté par des convictions, habité par une certaine idée de la liberté.

Nos piliers invisibles

Derrière chaque numéro, il y a des dizaines de personnes qui donnent du temps, de l’énergie, du cœur. Les bénévoles sont la colonne vertébrale du journal. Sans elles et eux, il n’y aurait pas de distribution, pas de correction de textes, pas de comités, pas de soutien moral dans les moments plus durs. Le conseil d’administration, lui aussi bénévole, veille au grain, garde le cap, pose les bonnes questions, prend des décisions difficiles.

Être bénévole au Mouton Noir, c’est croire qu’un média indépendant a encore sa place. C’est faire preuve d’une foi immense dans la force des idées, dans l’intelligence collective et dans l’importance de penser autrement.

Une bonne tape dans le dos (et peut-être un coup de main)

Il faut le dire : tenir un journal comme Le Mouton Noir, aujourd’hui, c’est un exploit. Et cet exploit mérite d’être célébré. Alors à toutes celles et à tous ceux qui font vivre ce projet : bravo. À celles et ceux qui nous lisent, nous soutiennent, nous partagent : merci.

Mais pour continuer, il nous faut plus qu’un bravo. Il nous faut du soutien concret. Il nous faut des dons, des abonnements, des commanditaires, des idées, des bras, des voix. Il nous faut une communauté qui croit, encore et toujours, qu’un autre journalisme est possible.

Le Mouton Noir, c’est nous toutes et tous. C’est vous. Continuons de l’écrire ensemble.

La laine des moutons

c’est nous qui la tondaine

Pierre Landry, Rivière-du-Loup

En 2005, à la faveur du dixième anniversaire du Mouton Noir, je faisais paraître aux Éditions Trois-Pistoles un « essai anthologique » où je relatais les épisodes les plus marquants de l’histoire du journal à ce jour, de même que j’y reproduisais une sélection d’articles parus pendant cette période. Le Mouton avait dix ans, déjà un miracle! Et pendant cette première décennie, cet agneau, gringalet à ses tout débuts, avait constamment pris du poil de la bête. Sans compter tous ces scripteurs et autres correspondants plus ou moins connus, il est éloquent de lire du nombre des personnes qui ont fait paraître au moins un texte dans les pages du journal les noms de Richard Desjardins, Victor-Lévy Beaulieu, Claude Laroche, Jean-Claude Germain, Hugo Latulippe, Roméo Bouchard, Colombe St-Pierre, Maxime Catellier. Pas que le journal soit élitiste, mais disons que la présence de ces signatures a de quoi flatter l’ego de ceux et celles qui en sont à l’origine et démontre la pertinence et la notoriété de la publication.

Le journal avait déjà cinq ans quand le hasard de la vie m’a mené à m’approcher de la bergerie. C’était une période charnière. Après les premières années de défi et de fierté, le fondateur, Jacques Bérubé, en avait un peu ras le bol du stress engendré à la fois par la production du journal et à la fois par les contraintes financières. D’autre part, après tant d’années de travail et de succès, allait-il devoir sacrifier ce beau bébé prisé par tant de gens et qui remplissait un rôle de premier plan au cœur d’un désert journalistique où l’opinion était défavorisée? C’est déjà un fait d’armes que de mettre au monde une créature de cette nature, mais en assurer la pérennité, comme Jacques l’a fait, relève d’un véritable exploit.

Les commandes du journal sont passées des Éditions Dubout-Duquai aux Éditions du Berger blanc, délaissant ainsi le giron de ses fondateurs pour atterrir en de toutes nouvelles mains, pleines de bonne volonté mais un peu déroutées quant à la complexité de la tâche qui les attendait. Budget famélique, structures légale, administrative et financière à mettre sur pied, personnel à recruter, en l’occurrence avant tout un rédacteur en chef – mais combien et comment le payer? comment lui assurer un environnement de travail décent? qui s’occupera de la vente de la pub, entrée de fonds d’une importance capitale? Période transitoire, difficile, cahoteuse où deux rédacs chef, Marc Fraser puis Michel Vézina, se succéderont, votre serviteur assurant l’intérim au moment où plus personne ne tient la barre. C’est finalement Sandra Fillion qui prendra la relève et, à partir de sa prise en charge, la course au relais continuera, d’un mandat à l’autre. Le frêle esquif poursuivra sa route, traversant les tempêtes, affrontant les intempéries, mais avec toujours, au bout de la semaine, au bout du mois, au bout du trimestre, un autre petit ovin tout chaud sorti pour porter dans son lainage la parole, les interrogations ou l’indignation de quiconque se sera donné la peine de prendre la plume et d’étoffer sa pensée.

J’avoue que je m’ennuie parfois de cette époque où Le Mouton avait pignon sur rue sur la Saint-Germain, où on pouvait arrêter piquer une jase avec le rédac chef, discuter des enjeux du moment. Cette période où le journal était fleuri de caricatures, où certaines plumes « régulières » jouaient davantage de l’ironie et du sarcasme, où les « correspondants en région » s’affichaient à chaque numéro dans les pages centrales baptisées Le pré, où le journal attestait d’une présence éditoriale plus soutenue. Mais ne boudons pas notre plaisir. À une époque où publier un journal sur papier constitue déjà un exploit, où les médias communautaires et les autres joueurs de « l’industrie » pâtissent de l’omniprésence et de l’outrecuidance des GAFAM de ce monde qui squattent les revenus publicitaires et où les gouvernements brillent par une absence presque totale, considérons avant tout le trésor que nous avons entre les mains. À la manière de Jacques Bérubé et des fondateurs, faisons tout en notre possible pour nous assurer que Le Mouton demeure et prospère, et qu’il se montre toujours plus mordant que le loup, ses dents acérées étant impérieusement nécessaires en ces temps troubles où le fascisme est en train de prendre racine chez nos voisins du sud.

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  • Tranquille, la révolution?
                La société reste parfois figée dans l’interprétation qu’elle fait elle-même de sa propre histoire. On plaque une appellation sur une période donnée ou sur un phénomène social, un fait historique ou une série d’événements, et vogue la galère de l’analyse, une fois que tout le monde semble-t-il s’est satisfait de ce carcan interprétatif qu’on vient d’imposer à telle ou telle réalité. Ainsi en est-il de l’expression « révolution tranquille », une combinaison de deux termes antithétiques
     

Tranquille, la révolution?

5 août 2025 à 08:45

            La société reste parfois figée dans l’interprétation qu’elle fait elle-même de sa propre histoire. On plaque une appellation sur une période donnée ou sur un phénomène social, un fait historique ou une série d’événements, et vogue la galère de l’analyse, une fois que tout le monde semble-t-il s’est satisfait de ce carcan interprétatif qu’on vient d’imposer à telle ou telle réalité. Ainsi en est-il de l’expression « révolution tranquille », une combinaison de deux termes antithétiques qui devrait normalement faire frissonner le moindre convaincu des esprits cartésiens. Quelle est l’image qui vous vient à l’esprit lorsqu’on évoque tel amalgame? Une bande de pépères assis sur le balcon, lesquels, en agitant leurs drapeaux, en viennent à faire changer les choses?

            En fait, lorsqu’on parle de révolution tranquille au Québec, on cherche à qualifier cette période transitoire qui s’est opérée lorsque le Québec, passant d’une société obscurantiste, prise dans les affres de la Grande Noirceur et du catholicisme, s’est métamorphosé en une nation pluraliste, accédant enfin à la modernité. Mais cette transition se serait opérée sans heurts? Notre histoire, un long fleuve tranquille?

Le 24 juillet 1941, il fait une chaleur torride dans les salles des cuves où on produit l’aluminium à Arvida. Pour cette raison et pour des motifs d’ordre pécuniaire, ce sont 4 500 travailleurs qui désertent leur poste et déclarent la grève. Nous sommes en pleine guerre et on a un besoin impérieux du précieux métal : la réaction ne se fait pas attendre. En plus des agents de la police provinciale, ce sont deux compagnies de soldats qui sont dépêchées sur les lieux pour mater les grévistes. En 1949, les mineurs d’Asbestos et de Thetford Mines réagissent à leur tour soumis à des conditions de travail qui mettent notamment leur santé, voire leur vie, en danger. Maurice Duplessis prend parti pour les employeurs, on engage des scabs. Le tout dégénère en confrontations, 5 000 grévistes se mobilisent pour mater les briseurs de grève.

Le 17 mars 1955, on fait sauter une bombe au Forum à la suite de la décision de la LNH de suspendre Maurice Richard pour le reste de la saison. S’ensuit une émeute dans les rues de la ville où on causera pour cent mille dollars de dégâts. Les Montréalais devront bientôt s’habituer à ce type de détonations : entre 1963 et 1970, le FLQ a posé environ 95 bombes, lesquelles tueront sept personnes et en blesseront quantité d’autres. Cette période est particulièrement riche en affrontements de tout genre. Au cours des seules années 1968 et 1969, on a pu compter jusqu’à 109 manifestations d’envergure sur le territoire de Montréal et elles ne sont rien de moins que pacifiques : 27 février 1968, émeute à l’occasion d’une marche de solidarité en faveur des travailleurs de l’embouteilleur 7Up en grève depuis plus d’un an;  Lundi de la matraque le 24 juin 1968, à l’occasion de la parade de la Saint-Jean-Baptiste on procède à l’arrestation de 292 personnes et on dénombre plus de 135 blessés; le 10 septembre, dans la foulée de la crise linguistique de Saint-Léonard, un millier de fervents nationalistes répondent à l’appel du militant Raymond Lemieux, bilan : 100 blessés, 51 arrestations, 118 vitrines fracassées, 10 incendies. Et on pourrait continuer ainsi longtemps : McGill français, Murray Hill, le Bill 63, sans oublier les événements d’Octobre, le déploiement de 12 500 militaires dans les rues de la métropole, l’arrestation de 497 citoyens québécois dont seulement 18 seront condamnés.

Et ici même dans la région, que dire de la lutte des gens de Cabano, après l’incendie de la scierie de bois Fraser, des exactions et des évacuations du BAEQ d’où sont nées les Opérations Dignité, des expropriations de Forillon?

Non, ce texte n’est pas un plaidoyer en faveur de la violence. Ce que je veux illustrer ici, c’est que l’expression « révolution tranquille » s’avère en réalité un euphémisme. On a édulcoré l’histoire en la chapeautant d’un oxymoron dans le but de la rendre plus digestible, d’en oblitérer les irritants, d’en effacer les côtés abrupts. Et ce qu’on a voulu cacher, c’est le fait que nos acquis sociaux ont été gagnés de chaude lutte. On s’est battu par le passé. Pour des conditions de travail décentes, pour le respect de la santé et de la vie humaine, pour la dignité, pour la prépondérance du français, pour la justice sociale, pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Et ces acquis sont toujours fragiles, souventes fois menacés. Regardez ce qui se passe aux États-Unis. Demeurons vigilants. D’autant plus que c’est le tapis même de l’existence sur terre qu’on est en train de tirer sous nos pieds. Comment baptisera-t-on cette période? L’extinction tranquille?

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  • Le fleuve Saint-Laurent : trente ans plus tard
    En trente ans, le Saint-Laurent a changé. Pas toujours pour le pire, mais rarement pour le mieux sans y être poussé. Le fleuve que l’on disait grand, nourricier, indomptable est devenu fragile à force d’usure. Et pendant que ses eaux poursuivent leur course vers l’Atlantique, les enjeux qui l’assaillent, eux, s’accumulent. Au milieu des années 1990, le grand souci, c’était la pollution chimique. Des contaminants bien connus — BPC, mercure, plomb — s’invitaient dans les tissus des poissons, de
     

Le fleuve Saint-Laurent : trente ans plus tard

4 août 2025 à 15:25

En trente ans, le Saint-Laurent a changé. Pas toujours pour le pire, mais rarement pour le mieux sans y être poussé. Le fleuve que l’on disait grand, nourricier, indomptable est devenu fragile à force d’usure. Et pendant que ses eaux poursuivent leur course vers l’Atlantique, les enjeux qui l’assaillent, eux, s’accumulent.

Au milieu des années 1990, le grand souci, c’était la pollution chimique. Des contaminants bien connus — BPC, mercure, plomb — s’invitaient dans les tissus des poissons, des oiseaux, des mammifères marins. On surveillait les bélugas comme des indicateurs vivants d’un écosystème intoxiqué. On espérait que la réglementation finirait par inverser la tendance. Et, en partie, elle l’a fait. Les concentrations ont diminué. Mais pendant qu’on applaudissait ces reculs toxiques, d’autres polluants, plus discrets mais tout aussi persistants, prenaient leur place : microplastiques, perturbateurs endocriniens, résidus pharmaceutiques. Invisibles à l’œil nu, omniprésents au microscope.

Le Saint-Laurent, en 1995, était déjà fatigué. Mais il n’était pas encore essoufflé. C’est le climat qui allait accélérer les choses. Car depuis, les eaux se sont réchauffées. Lentement, mais sûrement. D’un à deux degrés Celsius selon les zones, ce qui suffit à bousculer tout un réseau trophique. Le krill comme la crevette nordique se font rares dans l’estuaire. Le homard migre. Le saumon décline. Et pendant que la faune cherche refuge, le niveau de la mer monte, les berges s’érodent, les glaces hivernales se font capricieuses. Les municipalités, elles, cherchent encore la bonne combinaison entre enrochements et prières.

Au fil des ans, j’ai eu le privilège de contribuer, à l’occasion, aux pages du Mouton, pour parler de ce Fleuve auquel nous devons tant. Trente ans après les premiers constats alarmants, l’essentiel demeure : comprendre le Saint-Laurent exige de voir au-delà de la surface, d’embrasser toute sa complexité vivante.

Car la biodiversité du Fleuve n’est plus la même qu’il y a trente ans. L’effondrement de la morue dans les années 1990 a laissé un vide que la crevette nordique avait comblé un temps, jusqu’à ce qu’à son tour elle décline sous la pression du réchauffement et de la surpêche. Aujourd’hui, c’est le sébaste — ce survivant d’une autre époque — qui revient occuper l’espace. Chaque espèce qui recule ou réapparaît raconte, à sa façon, une histoire d’adaptation forcée, de rupture des équilibres.

Bien sûr, tout n’est pas sombre. Des gains ont été réalisés. La mise en place d’aires marines protégées a permis de stabiliser certains habitats sensibles. Des efforts de restauration, notamment dans les zones humides et les herbiers, ont porté fruit. L’idée même de coexistence entre usages humains et écosystèmes n’est plus marginale. Elle s’impose. Lentement, mais elle s’impose.

La science a aussi changé. Elle est plus accessible, plus interdisciplinaire, plus enracinée dans les territoires. Les savoirs autochtones commencent enfin à être pris au sérieux — pas comme anecdotes folkloriques, mais comme corpus de connaissances complémentaires. Et les jeunes scientifiques, aujourd’hui, arrivent armés de drones, de capteurs et d’une conscience écologique qui dépasse les silos.

Malgré cela, le Saint-Laurent reste une promesse incertaine. Un système immense, complexe, vulnérable. Sa biodiversité n’est pas stable. Ses écosystèmes ne sont pas résilients par magie. Et sa santé ne se mesure pas à coups de photos Instagram de baleines à bosse.

Depuis plusieurs années, je parle beaucoup de « léguer un fleuve en santé » quand on me demande mon avis sur le Fleuve. C’est noble, bien sûr. Mais cela suppose qu’on en hérite, qu’on en prend soin, et qu’on le transmet. Or, on agit encore trop souvent comme s’il s’agissait d’un bien jetable, renouvelable à volonté. L’exploitation industrielle, la navigation, l’urbanisation : tout s’accumule. Et le Fleuve, lui, absorbe. Jusqu’à quel point?

Trente ans après, les grandes menaces ne sont plus seulement chimiques ou visibles. Elles sont systémiques. Le Saint-Laurent ne meurt pas d’un coup. Il s’érode, se transforme, se dérègle. Et l’enjeu n’est plus seulement de le « sauver », mais de réapprendre à vivre avec lui. En fonction de lui. Pas contre.

Il reste des raisons d’espérer. Elles ne tiennent pas à des miracles technologiques, mais à la volonté collective. Des communautés riveraines qui refusent le statu quo. Des pêcheurs qui adaptent leurs engins. Des scientifiques qui traduisent leur savoir. Des enfants qui ramassent des déchets sans que personne ne les y oblige.

C’est peut-être là, le vrai basculement des trente dernières années : dans la lente, mais réelle montée d’une écologie de responsabilité. Pas parfaite. Pas suffisante. Mais tenace.

Et si l’on doit, un jour, dresser le bilan de notre passage collectif, peut-être que la seule vraie question sera celle-ci : avons-nous été dignes du Fleuve?

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  • La lente capitulation des régions
    La bataille des régions périphériques, en réponse à l’infâme Plan d’aménagement du Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec (BAEQ-1968) qui voulait ni plus ni moins les réduire au rôle de sous-traitantes des grands centres urbains (régions-ressources), a laissé sa marque abondamment dans les chroniques du Mouton Noir. On en parle moins depuis quelque temps. Sans doute parce que les populations des régions en décroissance se sont un peu stabilisées, grâce entre autres à une migration importante
     

La lente capitulation des régions

1 août 2025 à 09:29

La bataille des régions périphériques, en réponse à l’infâme Plan d’aménagement du Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec (BAEQ-1968) qui voulait ni plus ni moins les réduire au rôle de sous-traitantes des grands centres urbains (régions-ressources), a laissé sa marque abondamment dans les chroniques du Mouton Noir.

On en parle moins depuis quelque temps. Sans doute parce que les populations des régions en décroissance se sont un peu stabilisées, grâce entre autres à une migration importante de jeunes urbains en région; mais surtout, je le soupçonne, parce qu’on est las de se buter au mur d’un gouvernement central jaloux de son pouvoir. Nous assistons, en réalité, depuis quelques années, à une lente capitulation des régions, ce qui est un drame national.

Lente capitulation

Au cours des 50 dernières années, on a vu défiler en région,

– du côté citoyen, les Opérations Dignité (manifeste des 19 curés en colère-1970), le JAL (1972), la Coalition urgence rurale (1989), le Rassemblementgaspésien et madelinot (1991), les États généraux du monde rural (1991), des opérations similaires en Abitibi et au Saguenay–Lac-Saint-Jean, des tentatives multiples de développement local dans les villages en décroissance, Solidarité rurale (1992), les rendez-vous Rebâtir les campagnes (1996) et Sauver les campagnes (1998), l’Union paysanne (2001), la Coalition pour un Québec des régions (2006), etc.

– et du côté gouvernemental, la création de 12, puis de 17 régions administratives (1966), l’Office de planification et de développement du Québec (OPDQ-1967), les conseils régionaux de développement (CRD-1974) et les conférences administratives régionales (CAR-1974) , la création de la Commission de protection du territoire agricole (PTAQ-1978) et des MRC (1979), un Secrétariat des régions (1992), un ministère des Régions (1997), des dizaines de politiques de développement régional, la Politique de la ruralité (2001), un sommet des régions (2003), les Conférences régionales des Élus (CRÉ, créées en 2003 et abolies en 2017), la commission Coulombe sur la forêt (2004) et la commission Pronovost sur l’agriculture (2008) : des politiques et structures à peu près toutes disparues ou oubliées.

Au terme de ce dialogue de sourds qui dure depuis plus de 50 ans entre les régions périphériques et le gouvernement du Québec, rien n’a été gagné. Les initiatives gouvernementales n’ont jamais dépassé une certaine déconcentration administrative. Les régions ne sont toujours pas des entités politiques, dotées d’un président ou même d’un gouvernement élu. Même les organismes de concertation régionale, comme les CRÉ, qui permettaient une certaine planification des infrastructures régionales de développement des ressources et des services régionaux, ont été abolis. Le sort réservé aux municipalités, de plus en plus sollicitées, est navrant. La centralisation et la bureaucratisation des décisions et de la gestion des ressources et des services à Québec sont plus que jamais scandaleuses.

L’idée même de développement régional n’existe plus : celui-ci se réduit, d’une part, à des grands projets privés parachutés en région avec plus ou moins de succès et de dégâts (les parcs éoliens, la cimenterie de Port-Daniel, les mines d’or en Abitibi et d’acier sur la Côte-Nord, les projets heureusement bloqués d’oléoducs et de ports méthaniers, les alumineries au Saguenay, les projets hydroélectriques sur la Côte-Nord) et, d’autre part, à des petits programmes à la semaine et sans lendemains structurants dans les MRC pour aider les organismes communautaires et certaines PME. Certains villages ici et là tirent leur épingle du jeu, grâce souvent à quelques néo-ruraux visionnaires. Le réseau des cégeps et des filiales de l’Université du Québec demeure peut-être la seule colonne vertébrale d’une certaine vitalité et identité régionale.

La plupart des défenseurs des régions, notamment les universitaires du réseau de l’Université du Québec, ont disparu ou se sont tus : Bernard Vachon à Montréal, Mario Carrier et les frères Guy à Rouyn-Noranda; Bruno Jean, Clermont Dugas, Hugo Dionne, Gilles Roy, Victor-Lévy Beaulieu au Bas-Saint-Laurent; Louis Favreau en Outaouais; Marc-Urbain Proulx, Charles Côté, Denis Trottier au Saguenay–Lac-Saint-Jean; Paul-Louis Martin en Mauricie; Jacques Proulx en Estrie. Et où est la relève?

Culture de dépendance

Quant aux élus locaux et intervenants régionaux, ils ont capitulé et se sont installés dans une sorte de culture de dépendance. Ils se consolent avec le succès touristique de leur coin de pays, la créativité de leurs organismes communautaires, leur réseau de PME et l’éclosion de jeunes agriculteurs de proximité, appréciés mais marginalisés par les politiques agricoles défendues par l’UPA et le ministère de l’Agriculture.

À part leur succès touristique et migratoire, nos régions périphériques sont bel et bien redevenues des régions-ressources, fournisseuses de richesses naturelles (forêt, minerais, énergie, agriculture, érable, pêche, sites naturels) et de main-d’œuvre, des sous-traitantes des métropoles et de la grande entreprise.

Démocratie territoriale

On attend toujours des politiques d’aménagement du territoire, de gestion de la forêt, de l’énergie, de l’agriculture, des municipalités qui fassent place à une véritable décentralisation et à une démocratie territoriale, voire à ce que certains appellent le concept des biorégions, c’est-à-dire de régions-territoires comme milieu naturel de vie et d’organisation sociale, économique et politique, comme base d’une démocratie citoyenne.

L’autonomie régionale et locale devrait en effet faire partie d’un plan pour réinventer notre démocratie, minée par les partis politiques et l’échec de notre État-providence, et permettre une prise en charge collective de notre écosystème en péril.

Pour faire des régions ce lieu de prise en charge collective, incluant les communautés autochtones présentes sur le territoire, il va de soi qu’il faudrait revoir le découpage des territoires régionaux en fonction du concept de biorégion et d’une démocratie de type communautaire et consensuelle, à l’exemple de celle du gouvernement du Nunavik (Makivvik), plutôt que déléguée à des partis qui usurpent la représentation et la délibération des citoyens.

Mais c’est une autre histoire…                     

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  • OUROBOROS SE MORT LA QUEUE
    J’ai toujours trouvé bien étrange l’adage selon lequel il faut voter avec sa tête et non avec son cœur, surtout quand on vote surtout avec ses pieds. Ce n’est pas le temps, vous diront les gens de bien, de placer ses principes avant la « stratégie électorale », jolie formule édulcorée pour décrire cette véritable injonction à nous conformer au système représentatif de scrutin uninominal à un tour, une autre contorsion pour nommer un chien un chat. Nommons plutôt ce chat un chat : « oligarc
     

OUROBOROS SE MORT LA QUEUE

31 juillet 2025 à 11:22

J’ai toujours trouvé bien étrange l’adage selon lequel il faut voter avec sa tête et non avec son cœur, surtout quand on vote surtout avec ses pieds.

Ce n’est pas le temps, vous diront les gens de bien, de placer ses principes avant la « stratégie électorale », jolie formule édulcorée pour décrire cette véritable injonction à nous conformer au système représentatif de scrutin uninominal à un tour, une autre contorsion pour nommer un chien un chat.

Nommons plutôt ce chat un chat : « oligarchie parlementaire », un système dans lequel la voix citoyenne, cantonnée dans l’urne, ne fait pas le poids contre les intérêts « supérieurs » communiqués aux gouvernants et aux gouvernantes via les réseaux de lobbies, les jasettes entre deux ballons de Rémy Martin Louis XIII dans les chaises capitonnées des clubs privés, les parties de chasse au faisan insulaires qui « relèvent de la vie privée » et les airs de panique quand on apprend que Wall Street abaisse la cote de crédit du Québec.

Un système dans lequel aucun parti décrit comme sérieux par les gens de bien et leurs médias n’ose réellement remettre en question l’ordre établi par la haute finance, les boss de l’agro-alimentaire – les « rois de la pizza congelée » comme les appelait Falardeau –, les barons de l’énergie, le complexe militaro-industriel, les grands médias qui leur servent de relais et la force constabulaire qui jouit et abuse de son monopole sur la violence « acceptable ».

Au moment d’écrire cette chronique, on ne sait pas encore que le conservateur Bernard Généreux a été réélu avec une confortable avance dans Côte-du-Sud–Rivière-du-Loup–Kataskomiq–Témiscouata.

Tout comme on ne sait pas encore que la course n’était pas encore tout à fait décidée dans Rimouski–La Matapédia parce qu’un banquier de haute voltige est descendu de sa tour d’argent pour venir sauver le Parti libéral et qu’on aime donc ça, les riches, en politique. 

Tout comme on ne sait pas encore que Noémi Bureau-Civil, Raphaël Arseneault et Tommy Lefebvre, trois candidats indépendants qui se sont ralliés et qui militent pour le salut de notre région, ont été vulgairement ignorés par les médias des gens de bien qui leur préfèrent les candidats « sérieux ». Une chance que les médias indépendants et communautaires sont là! Par ailleurs, quand Jonathan Pedneault, co-chef d’un parti « sérieux » décide de dériver du script capitaliste, il se fait replacer par une « grande » journaliste bourgeoise qui trouve qu’augmenter l’impôt des riches n’est pas, justement, « sérieux » et il est désinvité du débat par la même commission électorale qui a laissé entrer les propagandistes d’extrême droite de « Rebel News » en tant que « journalistes ».

En revanche, on sait déjà que ni Généreux ni Blanchette-Joncas ne seront en mesure de défendre réellement les intérêts de ceux et celles qui sont le sel de la terre de notre région. Ils ne remettront pas en question les modèles économiques qui brisent le dos de nos pêcheurs et de nos cultivateurs, qui contribuent à détruire l’environnement et qui mettent des bâtons dans les roues de ceux et celles qui cherchent à remodeler de façon radicale notre rapport au politique, à la société et au territoire.

Je l’écris depuis quelques années déjà – notre immobilisme et notre entêtement à nier que le système qui nous apporte tant de conforts nous tue aussi à petit feu et à partir de maintenant, même les actions les plus radicales seront légitimes!

Mais il est plus facile d’envisager la fin du monde que celle du capitalisme, pour paraphraser Fredric Jameson ou Slavoj Zizek, les deux sont crédités pour avoir formulé cette idée.

C’est l’éternel retour décrit par les philosophes stoïciens de la Grèce antique, puis repopularisé par Nietzsche au 19e siècle qui postule, ici de manière un peu simpliste, que l’espace-temps est une boucle, l’Histoire serait donc également une sorte de boucle, ce qui entraînerait sa répétition.

C’est Ouroboros, le serpent qui a sa queue dans sa bouche, qui se mord justement la queue.

Mais ce sont là des idées bien commodes pour les cyniques et les pessimistes qui préfèrent se vautrer dans l’Absurde camusien plutôt que de le dépasser.

Car la seule voie de dépassement, c’est la révolte.

Nous n’avons malheureusement plus le choix de prendre la voie de la révolte.

Et le ton qu’elle prendra ne dépendra que de ce que feront et diront les gouvernants.

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  • Le premier rédacteur se raconte
    Cinq ans après le lancement du premier Mouton NOIR — je n’abandonne pas les majuscules de sa couleur — j’étais appelé à raconter l’histoire de sa naissance. On me l’a probablement aussi demandé à ses 10 ans et à ses 20 ans. Peut-être. Sans doute. Bref, la revoici. Profitez-en pendant que je m’en rappelle… On est en 1993 ou 1994. Comme d’habitude, le dossier de la salle de spectacle anime les débats aux assemblées publiques du conseil municipal de Rimouski. Après une soirée où les esprits se s
     

Le premier rédacteur se raconte

30 juillet 2025 à 09:38

Cinq ans après le lancement du premier Mouton NOIR — je n’abandonne pas les majuscules de sa couleur — j’étais appelé à raconter l’histoire de sa naissance. On me l’a probablement aussi demandé à ses 10 ans et à ses 20 ans. Peut-être. Sans doute. Bref, la revoici. Profitez-en pendant que je m’en rappelle…

On est en 1993 ou 1994. Comme d’habitude, le dossier de la salle de spectacle anime les débats aux assemblées publiques du conseil municipal de Rimouski. Après une soirée où les esprits se sont particulièrement échauffés, j’écris une fable où des membres du conseil municipal et certaines personnes présentes dans la salle sont transformés en animaux; le maire est le loup, le conseiller municipal le plus grognon devient le blaireau, le conseiller-piéton Joël Simonnet, qui serait bientôt la mascotte de ma chronique Le Stylo sauvage, est la belette à cigare. Et ainsi de suite. Je propose cette fable, « Dans la grande forêt de Rimouski », au journal hebdomadaire Le Rimouskois, alors indépendant, qui la publie en « Libre opinion ». Les réactions, nombreuses et toutes positives, s’enchaînent. L’animateur de l’émission matinale de Radio-Canada, Daniel Mathieu, la lit même en ondes.

Plusieurs mois plus tard, probablement dans les mêmes circonstances, j’écris la suite de cette fable, qui avait animé l’espace public, et je la propose à nouveau au Rimouskois, convaincu qu’ils seraient contents de la publier. Mais entre-temps, le journal était passé aux mains du groupe de presse Bellavance et, autre temps, autres mœurs, la politique éditoriale avait changé de façon drastique. L’éditeur, Jean-Claude Leclerc, regarde le texte sans vraiment le lire. « C’est bien trop long — une page et demie! —, je demande des textes de deux à trois paragraphes à mes journalistes », me dit-il. « Méchants dossiers de fond », me dis-je alors à moi-même…

En sortant du journal, déçu, amer, je me dis, en boutade : « Je vais en partir un journal, il ne pourra pas refuser mes textes. » Arrivé chez moi, je lance ça à ma blonde. « Quelle bonne idée », s’exclame-t-elle. Oh! ça, c’est un signal! Une telle réaction de la part de celle qui est habituée à mes réactions et idées spontanées, qui souvent ne vont nulle part, ça veut peut-être dire que cette fois, il y a un vrai projet.

Le soir même, on a des amis invités à souper. « Mon chum veut partir un journal », lance alors la blonde, Fernande Forest, qui, incidemment, trouverait quelques jours plus tard le nom dudit journal. « Quoi? J’embarque, je vais vendre la publicité et faire les relations publiques », dit alors la belle Pascale. Ben là, voyons… qu’est-ce que vous me dites là, êtes-vous sérieux, on part-tu vraiment un journal? Le lendemain, appels téléphoniques à Denis Leblond, à Eudore Belzile — qui dit : « Je n’ai pas le temps, mais j’embarque! » Et voilà, la mèche était allumée.

Six mois plus tard, à la fin mars 1995, Le Mouton NOIR Plus mordant que le loup était lancé au bar Le Cactus devant 300 personnes, dont le maire de Rimouski, Michel Tremblay, qui avait été élu quelques mois plus tôt — il n’était pas le loup de la fable. Et l’idéateur que je fus se retrouva dès lors catapulté « directeur de la rédaction et camelot », puisque je m’occupais, avec un plaisir manifeste, je précise, de la distribution du journal dans les cafés, bars, commerces, bibliothèques et autres lieux susceptibles de recevoir les lecteurs et lectrices de ce singulier nouveau journal.

Le reste de l’histoire, la suite, ce sont les lecteurs qui l’ont construite. Trois ou quatre jours après le lancement— annoncé de façon un peu mystérieuse, avec de petites affiches placées un peu partout en ville, montrant un mouton noir au sourire narquois, dessiné par Alain Huot, qui disait J’arrive! — voilà que Le Devoir y consacre la une de son cahier « Régions ». Il n’en fallait pas plus pour que les demandes d’abonnement et les offres de collaboration fusent de partout au Québec.

Après cinq ans, les artisans du Mouton étaient surpris qu’il soit toujours là. Et ça fait maintenant 30 ans! Et on me demande si le journal a encore sa raison d’être, avec tous les changements survenus dans les domaines de l’information — concentration de la presse et consanguinité télévision-journaux, réseaux sociaux, influenceurs — pouah ahahaha! Sans hésiter, je réponds OUI.

Cela dit, j’affirme que Le Mouton NOIR pourrait — et devrait — être bien plus présent dans son milieu et jouer un rôle plus actif dans des dossiers de proximité comme la préservation du patrimoine bâti, la protection d’espaces naturels comme la forêt de Pointe-au-Père, les coupures de services en santé dans la région, pour ne nommer que ceux-là. Refaire du journal un outil que la population s’approprie pour véhiculer ses idées et ses positions dans des dossiers locaux et régionaux qui nous touchent au quotidien.

Les vieux moutons noirs que nous étions ont activement contribué à faire débloquer le projet de salle de spectacle à Rimouski, qui taponnait depuis 20 ans. Nous avons aussi contrecarré un inconcevable projet de développement immobilier sur la crête de la Pointe-aux-Anglais, au Bic. Oui, Le Mouton NOIR a encore et toujours sa raison d’être. Je lance un bêlement défiant à la relève : étonnez-nous! indignez-vous! dénoncez! construisez! Et comme je l’écrivais à la une du tout premier numéro, en mars 1995 : Amenez au pré de quoi nourrir un Mouton NOIR plus mordant que le loup!

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  • Des pipelines, des pipelines, toujours des pipelines
    Alors que le Canada prétend vouloir se redéfinir comme superpuissance énergétique, un examen lucide s’impose sur les véritables bénéficiaires de cette stratégie. Pendant ce temps, au Québec, le paysage énergétique est profondément secoué par l’adoption sous bâillon du projet de loi 69, ouvrant la porte à une dénationalisation progressive d’Hydro-Québec en permettant la vente d’électricité d’une compagnie privée à une autre. Une fois de plus, dans la logique implacable des décisions actuelles, c’
     

Des pipelines, des pipelines, toujours des pipelines

25 juillet 2025 à 10:53

Alors que le Canada prétend vouloir se redéfinir comme superpuissance énergétique, un examen lucide s’impose sur les véritables bénéficiaires de cette stratégie. Pendant ce temps, au Québec, le paysage énergétique est profondément secoué par l’adoption sous bâillon du projet de loi 69, ouvrant la porte à une dénationalisation progressive d’Hydro-Québec en permettant la vente d’électricité d’une compagnie privée à une autre. Une fois de plus, dans la logique implacable des décisions actuelles, c’est notre souveraineté, notre démocratie, et, au bout du compte, notre avenir collectif qui risquent d’être sacrifiés.

Le Québec importe la totalité de ses besoins en hydrocarbures du Canada et des États-Unis, dans une proportion d’environ 55 % et 45 %. Inutile de rappeler que l’essentiel des hydrocarbures produits en sol nord-américain est de type non conventionnel, donc plus coûteux, tant sur le plan économique qu’environnemental. Cet or noir est entre les mains, en grande majorité, d’actionnaires préoccupés avant tout par leurs intérêts privés, bien avant toute autre considération sociale ou liée au bien commun.

S’il est un point sur lequel tous ceux qui croient encore à l’importance d’un État souverain peuvent s’entendre, c’est que les ressources naturelles et l’énergie sont des leviers stratégiques fondamentaux pour assurer la souveraineté politique d’un pays.

Globalement, nous en sommes à extraire les dernières réserves de pétrole et de gaz de la planète, à l’image d’un fumeur grattant les mégots dans le cendrier pour une dernière bouffée. Pourtant, nulle remise en question réelle ne semble poindre à l’horizon quant à l’économie capitaliste fondée sur les hydrocarbures.

Technologie « zombie »

En observant la tendance depuis 250 ans, il est permis de croire que la révolution thermo-industrielle pourrait bien se terminer comme elle a commencé : par l’exploitation du charbon. Le système mondialisé, tel qu’on le connaît, se serait probablement déjà effondré en grande partie avant même d’en arriver là. Bref, tout semble aujourd’hui converger vers une accélération effrénée de la croissance ou, du moins, vers le maintien coûte que coûte d’un système reposant sur des technologies et des matériaux que le physicien José Halloy qualifie de « zombies » : des technologies déjà mortes, car dépendantes de ressources non renouvelables, comme le pétrole.

Et ce, malgré la réalité physique, malgré l’urgence climatique, malgré l’érosion de la biodiversité, malgré l’accroissement des inégalités sociales, et malgré la déplétion inexorable des ressources naturelles. Le Canada, sous l’impulsion de son nouveau premier ministre Mark Carney, semble néanmoins vouloir profiter de la tempête australe Trump pour faire du pays une superpuissance énergétique. Think Big!

Projet de loi C-5

Dans sa volonté de « recentraliser » le Canada, en gardant l’esprit extractiviste qui donna naissance à la fédération canadienne, le gouvernement fédéral a adopté sous le bâillon son projet de loi C‑5 contournant ainsi les règles démocratiques habituelles. Ce projet de loi, visant à accélérer l’approbation de grands projets dits nationaux, va donner au gouvernement les outils nécessaires pour rassurer les investisseurs de projets « zombifiés », comme de nouveaux pipelines, par exemple.

Les premiers ministres provinciaux, pour leur part, semblent séduits par ce leadership incarné par Mark Carney. Même François Legault, soudainement, évoque l’existence d’une acceptabilité sociale favorable à l’approbation d’un projet d’oléoduc au Québec. Serait-ce que notre premier ministre caquiste aurait négocié un « deal » en coulisses? Un tuyau en échange d’une ligne de transport électrique dans le cadre du nouvel accord sur Churchill Falls? On peut se poser la question.

Il ne faut pas oublier la forte opposition citoyenne aux projets GNL Québec et Énergie Est, tous deux avortés en territoire québécois. Peu importe les projets de loi adoptés à la hâte ou sous bâillon, la population doit et devra conserver le dernier mot. Car ces projets visent essentiellement à désenclaver la production pétrolière et gazière canadienne pour mieux l’exporter vers les marchés internationaux.

Des pipelines comme projet d’avenir politique et économique pour le Canada… vraiment?

Comme je l’écrivais dans un précédent article : « Alors que l’on tente d’accélérer l’approbation de nouveaux pipelines vers l’Europe et l’Asie, il est légitime de douter de la volonté réelle de favoriser la prospérité des Canadiens. Ces projets semblent surtout servir les intérêts des grandes entreprises et ne s’inscrivent pas dans une volonté de bâtir une économie viable, fondée sur une durabilité forte. »

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  • Le problème de la tolérance
    Une définition philosophique sommaire de la tolérance pourrait être la suivante : il s’agit de l’acceptation, au sein d’une société ou d’une communauté, de ce qui est en soi intolérable. Le germe du paradoxe est là (le ver est déjà dans le fruit, dirait-on!). Toutefois, il est des intolérables qui ne sont pas acceptables dans toutes les cultures, ni sous toutes les latitudes. Cela implique que la conception philosophique de la tolérance contient, de manière implicite, un ensemble de critères per
     

Le problème de la tolérance

9 juillet 2025 à 12:53

Une définition philosophique sommaire de la tolérance pourrait être la suivante : il s’agit de l’acceptation, au sein d’une société ou d’une communauté, de ce qui est en soi intolérable. Le germe du paradoxe est là (le ver est déjà dans le fruit, dirait-on!). Toutefois, il est des intolérables qui ne sont pas acceptables dans toutes les cultures, ni sous toutes les latitudes. Cela implique que la conception philosophique de la tolérance contient, de manière implicite, un ensemble de critères permettant de déterminer ce qui est tolérable ou non.

Dans un article intitulé « La tolérance en contexte pluraliste : apport anthropologique à une réflexion philosophique », Claude Gélinas (2020) reprend cette conception philosophique de manière synthétique, non seulement pour en dégager les caractéristiques et les limites, mais aussi pour montrer en quoi l’anthropologie peut contribuer à rendre cette perspective plus intelligible. Sans reprendre ici tout son développement, je souhaite souligner comment sa démarche réflexive lève le voile sur le « petit secret », pour reprendre l’expression de Georges Bataille, de toute dynamique de tolérance dans une société ou une communauté. Je le formulerais ainsi : ce qui est tolérable ou non l’est selon les schèmes culturels, conscients ou inconscients, des membres de ladite société ou communauté.

Or, si l’on suit l’approche à la fois anthropologique et philosophique de Gélinas, la tolérance est culturellement située : elle constitue une sorte de somatisation des rapports culturels. Il faut alors reconnaître qu’elle est, aussi paradoxal que cela puisse paraître, à la fois particulariste et universaliste. Particulariste, parce que le tolérable et l’intolérable relèvent d’un univers culturel spécifique, façonné par des schèmes propres à une culture donnée. Universaliste, parce que chaque univers culturel tend, d’une manière ou d’une autre, à projeter ses propres seuils de tolérance sur l’Autre : ce que l’on tolère chez soi, on le tolère,  consciemment ou non, chez l’autre, et réciproquement. Ainsi, du point de vue anthropologique et philosophique, les deux traits caractéristiques de la tolérance résident précisément dans cette tension entre particularisme et universalisme.

Ces deux caractéristiques peuvent toutefois engendrer ce que j’appellerais les deux principales limites de la tolérance. La première, que je nomme particulariste, réside dans l’incapacité des membres d’une société à tolérer ce qui ne relève pas de leur propre univers culturel. La tolérance devient alors une affaire d’« intimité culturelle propre ». La seconde, que je qualifierais d’universaliste, s’apparente à une forme de « subterfuge culturel » par lequel la limite particulariste se transforme en norme imposée à d’autres cultures. Il s’agit de ce moment où des membres d’une culture, dominante ou non,  projettent leur propre seuil de tolérance sur d’autres, en prétendant à une forme d’universalité. La tolérance devient alors le masque d’un « intimisme universel ».

Pour ne pas conclure, l’emboîtement des limites et des caractéristiques de la tolérance révèle selon moi une chose essentielle : la possibilité de faire émerger ce que François Jullien (2012) appelle une pensée de l’entre. En se fondant sur la tension paradoxale entre particularisme et universalisme, une telle pensée, philosophique et anthropologique,  pourrait fournir un cadre conceptuel fécond pour comprendre les cultures et les peuples, et encourager leur cohabitation à partir de leurs propres paradoxes.

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  • Gaza : un appel à la paix par un Gaspésien
    Comment rester les bras croisés devant une telle boucherie à Gaza, ce que de plus en plus de voix et d’organisations nomment, avec raison, un génocide ou encore un nettoyage ethnique? Je joins donc ma voix aux 300 écrivains qui, dans Libération le 26 mai dernier, signaient un texte intitulé, on ne peut plus clair : « Nous ne pouvons plus nous contenter du mot ¨horreur¨, il faut aujourd’hui nommer le ¨génocide ¨ à Gaza ». Pour s’en convaincre, s’agit-il seulement de voir les images de centa
     

Gaza : un appel à la paix par un Gaspésien

20 juin 2025 à 10:47

Comment rester les bras croisés devant une telle boucherie à Gaza, ce que de plus en plus de voix et d’organisations nomment, avec raison, un génocide ou encore un nettoyage ethnique?

Je joins donc ma voix aux 300 écrivains qui, dans Libération le 26 mai dernier, signaient un texte intitulé, on ne peut plus clair : « Nous ne pouvons plus nous contenter du mot ¨horreur¨, il faut aujourd’hui nommer le ¨génocide ¨ à Gaza ».

Pour s’en convaincre, s’agit-il seulement de voir les images de centaines d’enfants affamés tendre le bras au bout duquel une casserole rouillée supplie une portion de riz. S’agit-il seulement de voir des hommes et des femmes, assoiffés, aux visages émaciés, qui en sont à la peau et les os, ne sachant où se cacher par trop de bombes israéliennes qui leur tombent dessus. Les mots me manquent depuis des mois devant tant d’horreur et de sang qui coule par la faute d’Israël qui justifie ce massacre au prétexte que se cache un terroriste du Hamas derrière chaque enfant, derrière chaque porte d’hôpital, dans chaque ambulance.

Qu’il faille certes condamner avec force l’attaque ignoble d’octobre 2023 du Hamas tuant plus de 1200 Israéliens. J’appuie. Qu’il faille combattre ce terrorisme et tout autre forme de terrorisme quel qu’il soit. J’appuie. Personne ne reproche à Israël le droit de se défendre. Mais a-t-il le droit d’attaquer, d’affamer, d’encercler, de bombarder, de bloquer l’aide humanitaire, de viser des enfants, des innocents, et ce, en contravention au Droit international, à la Convention de Genève?

Ce monstre à deux têtes, non pas le peuple d’Israël, mais bien son gouvernement, un gouvernement de va-t-en guerre dirigé par le va-t-en-guerre en chef, Benjamin Nétanyahou, qui a pour devise, disons-le franchement : « Tu veux la paix, tu auras la guerre! ». Et qui, depuis trop longtemps, nous offre en guise de main tendue des bruits de bottes. « Aujourd’hui, c’est l’enfer absolue » a tout récemment déclaré à la RTS le directeur du Comité international de la Croix-Rouge, Pierre Krähenbühl.

N’ai-je pas dit que je cherchais des mots devant ce génocide qui se fait en direct? Je les trouverai peut-être dans ceux de Simone Weil cités dans le livre La refondation du monde, du philosophe Jean-Claude Guillebaud (Seuil 1999) « C’est un devoir de nous déraciner, mais c’est toujours un crime de déraciner l’autre »

Quand je pense à la paix, il me vient à l’esprit le mot d’Hérodote cité dans les Mémoires de Raymond Aron : « Nul homme sensé ne peut préférer la guerre à la paix puisque, à la guerre, ce sont les pères qui enterrent leur fils alors que, en temps de paix, ce sont les fils qui enterrent leur père ». Ou encore ceux de Bono, le chanteur de U2 : « Hamas, libérez les otages, arrêtez la guerre. Israël, libérez-vous de Benyamin Nétanyahou et des fondamentalistes d’extrême droite qui déforment vos textes sacrés. »

Je pense aussi à ceux de Fabienne Presentey, membre des Voix juives indépendantes Canada qui, en préface du livre La conquête de la Palestine de Rachad Antonius (Écosociété 2024): « Les voix juives qui s’élèvent pour dénoncer cette guerre génocidaire contre les Palestinien.nes comprennent que le sionisme a instrumentalisé le judaïsme et hypothéqué l’avenir des deux peuples. La sacro-sainte sécurité que le projet d’Israël devait garantir au peuple juif n’est rien d’autre qu’un écran de fumée. »

Au final, cet appel à la paix que je lance depuis Percé s’appuie aussi sur ceux de John Lennon « Give peace a chance ». Que peut-on faire comme Gaspésiens pour apporter notre pierre à la construction d’une paix éventuelle et durable ?

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